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3.35/5 (sur 20 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Saint-Germain-en-Laye , 1974
Biographie :

Géraldine Jaujou est professeur d'histoire-géographie dans un collège et habite à Reims depuis plus de 10 ans
Son premier roman La guérisseuse (éd. Les Nouveaux Auteurs et, nouveau, en poche chez J'Ai Lu), a remporté le coup de coeur du jury du Grand Prix Femme actuelle 2011.

Source : Decitre
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Citations et extraits (9) Ajouter une citation
la Vieille maudit Dorothée. Cette langue pendue était capable de révéler vos secrets les plus intimes au premier venu. Si encore elle faisait une distinction entre les inoffensifs et les hargneux.
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Le Claude avait bien été obligé d'accepter les nouvelles règles du jeu. Être relégué au quatrième rang lors des AG, subir les coups d’œil sévères ou amusés des collègues, lever la main pour prendre la parole. C'était de bonne guerre, même si c'était usant de ne plus pouvoir agir ni sur le destin ni sur les hommes.
Ça l'aurait été encore plus de rester chez soi. Il s'était aperçu, sursaut d'humilité, qu'il préférait être un sous-fifre de la grève plutôt qu'un planqué. Valait mieux être sur les barricades que faire du gras à la maison. C'est ce que lui aurait dit sa mère qui était polonaise et avait vécu la déportation. Après 1945, elle avait subi le régime communiste totalitaire des sous-fifres de l'URSS jusqu'à ses quarante-deux ans, où elle avait réussi à fuir, son fils sous le bras. Le Claude avait à peine cinq ans à l'époque.
Elle disait que la maternité l'avait rendue craintive. C'était pour cela qu'elle l'avait eu si tard, son Claude, elle savait que ce fils lui ferait renoncer à la lutte. Elle avait redouté de devoir abandonner les siens, mais ce départ au début des années 60 avait été une bonne chose. Car Jariska, la mère de Claude, perdit de nombreux membres de sa famille dans les purges de mai 1968. Elle aurait fini par être elle aussi arrêtée. Le Claude aurait vécu dans un orphelinat.
En France, les temps avaient été durs. Elle avait trouvé un boulot de femme de ménage, et le Claude avait appris le français à l'école primaire. Jariska était une femme hors du commun. Elle avait transmis autant qu'elle pouvait son expérience de femme engagée et de force d'esprit à son fils. Elle qui avait un diplôme de philosophie, elle lui avait lu les grands penseurs du XXe siècle, de Marx qu'elle n'avait jamais haï malgré les dérives de la Pologne communiste, à Heidegger, qu'elle ne pouvait s'empêcher d'admirer en dépit de ce qu'elle avait vécu sous le nazisme.
Mais au moment où il avait eu besoin d'elle, elle était tombée malade. A l'âge où les hommes attendent de leur mère qu'elles leurs disent que le destin les attend, elle avait eu une tumeur au cerveau et le Claude s'était retrouvé au foyer. Il n'avait pas eu son bac, et avait fini par se faire embaucher par les services de la mairie. A trente ans, il s'était engagé dans le syndicat. La même année, il s'était marié. Il avait eu un fils. [...]
Depuis, le Claude perdait ses illusions. Son fils le détestait, et lui avait envie de lui taper dessus pour le remettre dans le droit chemin. Il croyait ne plus pouvoir aimer une femme comme il avait aimé la sienne. Et la sienne était bel et bien partie. Elle s'était même remariée.
Il aurait voulu parler à sa mère. Mais elle ne pouvait plus rien pour lui, là où elle était désormais. [...]
Maintenant qu'il perdait aussi son statut de grand manitou des syndicats, il se sentait comme un désespéré qui attend les dernières heures avant l'apocalypse.
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Malgré lui il ne pouvait s'empêcher de ressentir un petit frisson au contact de ces vieilles lettres. Il serra la liasse des lettres d'amour entre ses mains, et il rentra chez lui, le précieux trésor pressé contre sa poitrine. Si l'amour n'existait plus, le souvenir, lui, en était chérissable et recyclable à l'infini.
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Philibert avait établi plan avec sa bande pour voler les poubelles. Ils œuvraient quartier par quartier, et en changeaient comme on tire une carte d'un jeu, au hasard, ce qui déstabilisait complètement les autorités. Car les gendarmes avaient fini par être prévenus. Ce n'était pas exactement les poubelles qui étaient volées. La plupart du temps la ferraille était retrouvée à quelques mètres de là, un peu cabossée. Non, c'était les immondices qui étaient la proie de cette bande. Tu te rends compte, Sophie ? Philibert et ses hommes volaient des déchets. Et je t'avouerais qu'au départ, on aurait pu croire qu'il n'y avait rien à espérer de ces escamotages, si ce n'est d'ajouter un peu plus de désordre et de désarroi dans le cœur des Rémois. Mais dans la réalité, ce fut un coup de génie, une idée flamboyante de notre Philibert. Car dès les premières prises, il y eut des découvertes intéressantes. Une paire de chandeliers, une bourse de pièces en cuivre, des vieux costumes, des tas de choses qui auraient pu être données aux plus pauvres ou récupérées par les chiffonniers.
Qu'est-ce qui avait changé ? Pourquoi les populations ne se contentaient-elles plus de jeter la poussière de leur salon et les débris de leur ménage dans ces poubelles ? Pourquoi ces biens, qui jusqu'à présent se transmettaient de famille en famille ou d'une classe sociale à une autre, mourant avec le temps paisiblement en passant de main en main ?
Au lieu de cela, certains devenaient jetables, au même titre que les épluchures de pommes de terre ou les morceaux de vieux papiers. C'était le début de l'ère de la consommation, qui coïncida avec un individualisme de plus en plus marqué et un anonymat des actes. Avoir en plus grande quantité ne signifiant pas donner abondamment. Les poubelles avaient ouvert la voie au comportement moderne de nos citoyens. L'individu préférait désormais le rejet matériel au don, l'élimination incognito à la générosité sociale.
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Il composa le numéro de son père. Cela prit quelques minutes pour l'avoir au bout du fil. Vincent Desboueux était un homme très occupé. Il dirigeait la déchetterie et une partie du réseau de ramassage des poubelles urbaines. Avec la maison de champagne, cela lui faisait un empire à construire chaque matin. Sa voix se fit sèche dans le combiné. Andy reconnut bien là son géniteur.
- Qu'est-ce que tu veux André ? Je n'ai que quelques minutes. C'est le bazar ce matin, avec la reprise des tournées. Ces feignasses ont bien du mal à reprendre le rythme avec ces vacances improvisées. On n'a jamais été aussi en retard sur nos installations.
Andy laissa parler son père. Par habitude, par soumission. Parce qu'il ne savait pas comment s'y prendre pour demander un service. Il aurait dû se mettre à pleurer, ou hurler. Mais c'était à peine s'il osait interrompre le flot d'informations paternelles.
- Qu'est-ce que tu veux ? André... Je n'ai pas de temps... Comment va Martine ?
- Elle rentre aujourd'hui... Père, notre fille a disparu. Elle a été enlevée :
Le silence se fit à l'autre bout de la ligne. Andy eut envie de répéter l'information, mais il ne savait pas si son père avait entendu, ou s'il avait été happé par sa secrétaire ou un visiteur inopiné.
Le combiné grésilla de nouveau.
- Allô, qu'est-ce que tu dis ? Désolé mais Anita vient d'apporter un télex sur mon bureau, c'est important. Tu me laisses une seconde pour le lire.
Andy eut envie de raccrocher. Taper à la porte du paternel, c'était pire que recevoir des gifles. C'était se faire rappeler sa propre insignifiance.
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Il s'était aperçu que depuis qu'il travaillait avec les ripeurs il touchait plus de poubelles que d'être humains. Qu'il respirait plus d'odeurs de putréfaction que de parfums, natures ou artificiels. Il lui semblait que son environnement était devenu plus matériel, moins abstrait. Plus brut, avec moins de nuances.
Lafumasse lui avait expliqué qu'il était en pleine phase d'adaptation. Celle qui sépare le commun des mortels du ripeur accompli. Durant cette phase où ses sens étaient tourneboulés, il devait se méfier des rayons de supermarché. Il pouvait avoir des hallucinations olfactives, des réminiscences peu fortuites qui pourraient le dégoûter à jamais de faire ses courses. Il appelait ça "l'illusion du mort et du vivant". Le vivant mourait déjà dans les supermarchés. La mort des poubelles n'avait pas bien expiré encore. D'où des odeurs et des couleurs communes qui pouvaient prêter à confusion. Or l'esprit humain de l'apprenti ripeur mettait du temps à se défaire de ce sentiment d'abject qu'évoquaient pour lui les ordures. Et si ce sentiment venait à toucher ce qui lui permettait de se tenir debout, il pouvait en perdre l'appétit de vivre.
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Au milieu d'une série, Lafumasse se libéra de l'entrave de deux de cinquante litres en les passant au grand échalas. Puis il se saisit de sa perche télescopique glissée dans la poche de son blouson. Un sac vert, ventru et prometteur, fut le gros poisson qu'il harponna habilement.
Mais une fois l'objet de son désir intercepté, lorsqu'il voulut se raccrocher à la rampe, sa main glissa. Il avait ôté ses gants pour manier sa perche et, ses réflexes étant ceux d'un homme de plus de cinquante ans qui appréciait le pastis, il ne réussit pas à se rattraper. Il tomba les deux bras en avant dans la benne. Le grand échalas poussa un cri strident qui fit se dresser les cheveux sur la tête du Claude. Le camion freina brutalement et les mâchoires de la benne se refermèrent comme les mandibules d'une plante carnivore.
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La Ghislaine était une exploitante agricole. Vingt-cinq ans qu'elle cultivait la betterave. Veuve depuis bientôt sept ans, elle menait son exploitation comme un chef d'entreprise, sans état d'âme ni hésitation. Elle avait même sa vigne. [...]
Ce n'était pas par hasard si les trois ripeurs connaissaient bien la Ghislaine. Dans le milieu, il était établi que pour les menues coupures de monnaie elle n'avait pas son pareil. Elle les refourguait et en récupérait la substantifique moelle. Depuis les nouveaux francs et l'euro, elle était la seule dans la Marne à savoir mener sa barque. Et elle en tirait des revenus plutôt importants. C'est de là que lui venaient plus probablement ses vignes. L'oseille était plus forte que la betterave.
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Qu'il ait voulu lui parler alors qu'il avait à peine la force de se maintenir en vie, faisait d'eux des amis. Des amis sans paroles. (p. 330)
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