Gilbert Hernandez : 2013 National Book Festival
Ils ont jamais retrouvé le moindre corps dans ces sables mouvants. Et c'est pas demain la veille. Même pas les os. On a estimé à 47 le nombre de personnes disparues dans ces sables depuis qu'on les a découverts, il y a 62 ans. Certains en ont réchappé, non sans avoir conservé une odeur bien particulière. Une odeur dont on ne se débarrasse pas. Comme la mienne. Celle que je dois masquer avec de l'après-rasage. Toi aussi tu dois cacher quelque chose !
Plus Miguel montre ses sentiments pour moi, plus je rêve de Romeo. Plus Romeo est con et coincé avec moi, plus il m'attire. Miguel est l'amant parfait qui m'ennuie parfaitement. Romeo est maladroit, peu sûr de lui et je l'aime.
On veut me persuader de sortir de mon coma. Moi ça me plaît. C'est trop cool ici. Je vais peut-être y rester pour toujours...
- Tu l'as eu où, ce casque?
- Mon père.
- Ton père l'a ramené de la guerre?
- Non, du magasin.
Au souper, Papy a descendu les libéraux comme d'hab, et Mamy les conservateurs. C'est réconfortant de voir deux personnes mariées depuis plus de 50 ans, avec des vues opposées et toujours amoureuses.
Le monde réel est bâti sur des foutaises. Beaucoup refusent déjà rien que de reconnaître la souffrance humaine. Et y a assez d'argent et de ressources pour y mettre fin. J'en suis convaincu.
Les jeunes peuvent se sentir vite seuls et déprimés dans un bled comme le mien. Le coma est le moyen le moins autodestructeur de gérer. Je suis en vie et en forme, non ?
T'es la fille du coma ? Tu marches avec grâce... Les gens pressés me crispent. On dirait qu'ils fuient quelque chose. Les vies autour d'eux. Leur propre vie.
On dit qu'on fait attention à une chose nouvelle au bout de sept fois.