Interview de Gilles Farcet, écrivain, collaborateur d'Arnaud Desjardins, par le CICNS
Pour moi, tout est là : pratiquer régulièrement la méditation constitue une aide précieuse, mais elle n'est pas suffisante pour apprendre à méditer dans le courant de l'existence. Aujourd'hui, ma pratique évolue. Je distingue la méditation en tant que telle en l'appelant le "recueillement". Ce que j'appelle le "recueillement" a pour objet explicite l'entrée en relation avec "le plus grand", le "Tout autre", ce que d'aucuns appellent "Dieu".
(Question de n°1)
Bien partir du mauvais pied.
Mal commencé étant à moitié raté, il importe que vous pratiquiez la non-maîtrise des pensées dès l'instant du réveil.
Lorsque, le matin, vous reprenez conscience, ne vous levez surtout pas tout de suite. Demeurez dans un entre-deux particulièrement propice aux cogitations. Vous partirez ainsi du mauvais pied avant même de l'avoir posé par terre. Enfoui sous la couette, représentez-vous vos problèmes et difficultés, film catastrophe de préférence. Ce processus à l'avantage d'être très rapidement efficace. Chaque seconde ainsi passée à secréter de la négativité vous verra de plus en plus déprimé, abattu, découragé. Surtout, faites feu de tout bois. Si vous vous réveillez avec la sensation d'une certaine fatigue physique, refusez immédiatement cette sensation. A grand renfort de pensées, évoquez tout ce que la fatigue peut avoir de pénible. Soyez fatigué d'être fatigué, sentez-vous victime de la fatigue ressentie. Plutôt que d'accueillir la sensation du moment comme une donnée participant du flux de la vie, qualifiez-là, étiquetez-là, laissez remonter toutes les associations désagréables liées à l'impression de fatigue. Comparez en gémissant intérieurement la fatigue d'aujourd'hui au bien être d'hier ou d'avant-hier. Dites-vous que cette fatigue ne finira jamais, puis embrayez sur toutes les causes réelles ou imaginaires, de cette fatigue, jusqu'à ce que s'installe une impression d'écrasement. Retardez le plus possible le moment du lever qui aura pour malencontreux effet de vous mettre dans l'action, laquelle est l'ennemie de la cogitation.
L'idéal serait que vous demeuriez terré sous la couette et sombriez dans le cercle vicieux de la dépression constitué d'un amas de pensées négatives solidifiées en émotions paralysantes. Sans doute est-ce plus facile que vous ne l'imaginiez, comme vous le vérifierez par vous-même si vous suivez à la la lettre les instructions précédentes.
Il savait que tout est possible, que la réalité est un concept à géométrie variable, la variable étant celle de l’ouverture intime ; il savait que la fortune sourit aux audacieux et que l’essence de l’audace s’appelle innocence.
Ce qui se vit dans nos sociétés fragmentées, la fréquente absence d'un sens humain véritable, nous entraine depuis l'enfance à cacher nos vulnérabilités, entre autre à nos pairs. Ce manque déguisé en prétention nous pousse à surjouer nos stratégies de survie et de compétition, nous oblige à paraître, à renier notre honte par des comportements de rehaussement ou de rabaissement rejoués ad nauseum, à dissimuler nos vies, à nous-mêmes. Cette solitude de nos cœurs dont le ressenti peut être si déchirant, est elle-même très souvent anesthésiée en nous, car trop douloureuse à éprouver.
Invariablement, telle une ombre projetée, elle envahit nos comportements les plus intimes: manque de ressenti, faible communication de soi, difficulté à se dire autrement que par l'artifice, la colère ou l'inhibition, les malentendus relationnels, la violence verbale et physique, les violences et viols faites aux femmes de manière quasi-épidémiques, les violences éducatives faites aux enfants, les violences faites aux hommes par un système indifférent et absurde.
Distanciés de nos ressentis et de la parole sur nous-même, par l'armure protectrice que nous avons due acquérir pour survivre dans l'enfance, nous nous sommes coupés de nos racines. Nous avons ainsi remplacé la communion, le rire et l'aisance, par la distraction, l'évitement, l'agitation et la crainte de l'autre. Nous avons substitué la sagesse du corps et sa bienveillance naturelle par la compréhension mentale et la petitesse du cœur.
Dès lors il est évident que les lieux où l'on se parle et où l'on s'écoute en profondeur et en groupe de pairs soient rares.
Toutes les recommandations dispensées dans ce chapitre se résument en une seule : Ne voyez pas, pensez. Veillez à entretenir une activité mentale incessante et sans relâche. Que jamais au grand jamais votre cerveau ne soit en repos. N'ayez crainte : le contexte contemporain s'avère extrêmement favorable à la constante production de pensées inutiles et parasites. Vous n'aurez donc aucun mal à suivre les instructions de votre ennemi spirituel. De fait, vous les suivez déjà. Tout au plus pouvez-vous pousser plus loin le mode de fonctionnement qui voue est devenu naturel.
L’être heureux ne fait pas bon ménage avec le faire à tout crin. Il s’accommode bien d’un faire tranquille, d’une action mesurée, délibérée, consciente ; mais il supporte mal le faire frénétique, le faire pour faire érigé en mode de survie.
Je ne suis pas donc je pense
..., le vrai moteur de l'apprentissage en tant que vecteur de vie, c'est le moteur de la vie même, rien moins que l'amour... Pour bien apprendre, il faut se sentir aimé. Et pour bien enseigner, il faut aimer : aimer ce que l'on enseigne et ceux à qui on l'enseigne. Alors il ne reste que la transmission de l'amour, autant dire de la vie.
Faire quelque chose avec nos mains nous remet dans notre assiette.
Dans le magazine "Kaizen" n° 56
La voie est transmise par un maître. On ne peut (sauf exception apparente) cheminer sûrement sur la voie sans y être précisément guidé, et il ne s'agit pas de confondre des expériences momentanées (ouvertures, extases temporaires et autres illuminations) avec l'intégration dont témoigne le maître authentique et à laquelle il se consacre à conduire ses élèves. Si, ultimement, le maître est "intérieur", accéder durablement à cet intérieur supposerait un degré de maturation bien éloigné de la condition commune