Enfin ma mère arrive en bas de l'escalier, c'est pas trop tôt ! Elle fait tourner son trousseau de clés autour de son doigt et elle nous sourit, comme si on revenait de colo. Puis elle enlace Luna, l'embrasse au passage et s'avance vers moi, en frottant sa joue contre la mienne :
-Alors, Bianca, qu'est-ce que tu fais là, échouée comme une vieille baleine...
Je la trouve pas drôle sa blague. C'est trop décevant les blagues pas drôles, je préfère encore quand elle en fait pas. Même si je suis très contente de la voir.
Elle attrape ma valise par le fond, la soulève, et on la monte péniblement à deux. En fait, c'est elle qui porte tout le poids. Elle soupire fort, s'arrête à chaque pallier jusqu'au troisième étage où là, elle souffle un grand coup pour me montrer qu'elle n'est pas mécontente d'être arrivée, puis m'ouvre en grand.
Voilà comment les choses se passent un dimanche sur deux. C'est ce qu'on appelle "la garde alternée".
Ça se passe de cette façon chez notre mère, et la semaine d'après, tout autrement chez notre père. Parce que, juste pour donner un exemple, notre père, il habite au rez-de-chaussée.
La garde alternée, c'est comme si on était dans un bateau qui penche complètement d'un côté pendant une semaine, puis complètement de l'autre la semaine d'après, et que nous, on doit tenir droit debout au milieu.
Il est huit heures et demie du matin, et je suis encore à me trimballer ma petite sœur dans le métro. [...]
Je la vois me suivre tout le temps partout, et me parler de choses qui l'intéressent alors que moi, j'ai tout juste assez de place pour laisser entrer toutes les idées qui viennent au même moment.
Avant, c'était pas beaucoup, nos trois ans d'écart, mais depuis que je suis en cinquième, depuis que je grandis à vue d’œil, c'est comme si on en avait six.
Quand il me parle, c'est comme s'il m'envoyait des courants d'air chaud, rien à voir avec les fjords que me balance le prof de physique.