Les recherches sur Henry Caro-Delvaille avaient donc pour but de redécouvrir un peintre oublié et méconnu, mais aussi de mettre au jour un milieu intellectuel, qui était celui des parents de Claude Lévi-Strauss. Devenu l’ethnologue que l’on sait, ce dernier se forma dans une famille d’artistes : son père Raymond Lévi-Strauss, né en 1881, vécut de sa peinture jusque dans les années 1930 tandis que deux de ses oncles maniaient eux aussi le pinceau, avec plus ou moins de bonheur. Le premier, Gabriel Roby, acquit quelque renom avant de mourir pendant la guerre, en 1917, à l’âge de trente-neuf ans. Il demeure connu dans quelques cercles, notamment dans sa ville natale de Bayonne pour avoir représenté des sujets basques. Mais son œuvre, beaucoup plus varié et dont on ne peut voir actuellement que quelques bribes au Musée basque de Bayonne, demeure à reconstituer. Le deuxième est Caro-Delvaille.
Après la guerre de 1914-1918 et surtout, après la profonde crise financière et politique des années 1930, Caro-Delvaille pâtit d’avoir été l’élégant amuseur du Paris de la Belle Époque et le peintre préféré de critiques férus de sujets « classiques », tels Louis Vauxcelles, Jean Valmy-Baysse ou Léandre Vaillat. Ses représentations de jeunes bourgeoises désœuvrées, qui n’étaient même pas des personnalités connues de 1900, semblèrent des parangons de frivolité et d’inconsistance : on avait oublié leur ascendance impressionniste. Ne restait que la représentation d’une société disparue, rendue parfois responsable de la guerre par son insouciance.