Gustave Lanson : L'
art de la
proseDepuis une salle de lecture de la Bibliothèque nationale de France (
François MITTERRAND),
Olivier BARROT présente le livre de
Gustave LANSON, "l'
art de la
prose", publié pour la 1ère fois en 1908.
Voilà bien l'homme qui saura peindre la somnolente inertie comme la grasse abondance de la vie provinciale : ne lui demandez pas de paysage à la George Sand. Sa description des Jardies représente dans la Correspondance le maximum de puissance pittoresque où il puisse atteindre.
Lanson, fixant les règles de l’explication de texte, donne le ton : distinguant divers types de lecteurs, il ajoute que si « on ne songe même pas à condamner la rêverie », on doit réclamer des « lectures attentives et fidèles », visant le « sens permanent et commun d’une œuvre », grâce à un subtil mélange d’« impression personnelle » et « la connaissance érudite qui sert à préciser, interpréter, contrôler, élargir, rectifier l’impression personnelle ». Et il conclut : « Enfin, on sait lire. » (Cité dans Chartier et Hébrard, 2000, p. 262.)
Il y a du romantisme dans Balzac; et il y a du réalisme. On pourrait dire que le romantisme se loge dans les sentiments qui ne sont pas susceptibles de mesure ou de constatation directes : au lieu que tout ce qui peut tomber sous la prise des sens est observé d'abord pour être décrit avec un minutieux réalisme.
La gloire venait rapidement. Il allait lire, en 1831, la Peau de chagrin chez madame Récamier. Il troublait les coeurs des femmes et des jeunes hommes; des lettres d'inconnus et d'inconnues lui venaient, conseils, épanchements, promesses et demandes d'idéale tendresse, offres de purs commerces d'esprit et de coeur. C'est ainsi que Balzac entra en relations avec une Polonaise, madame Hanska, et vécut avec elle, pendant seize ans, avant de pouvoir l'épouser, un beau roman d'amour infiniment tendre, passionné, fougueux.
Ce qu'il y avait de terrible en cet homme-là, c'est qu'il avait légitimé sa rage de collectionneur : il ne faisait que de bonnes affaires ; tout ce qu'il achetait, il était « sûr » de le revendre au double. Et ainsi il ne résistait pas aux tentations : c'étaient de bons placements.
Pour son malheur, Balzac eut la manie des affaires. S'il se fût contenté d'écrire, il se serait tiré d'embarras ; mais sa prodigieuse imagination inventait toujours des combinaisons qui devaient le sauver, et l'enfonçaient davantage.
Il aimait le luxe, et la forme la plus coûteuse du luxe : le luxe artistique. La canne de M. de Balzac était une célébrité européenne. Il ne pouvait se tenir d'acheter de belle argenterie, des bijoux, de vieux meubles, des tapisseries, des tableaux de maîtres anciens. Il raffolait de tous ces « bric-à-brac », comme il disait : son « tête-à-tête de vieux sèvres «, son a beau service de porcelaine de Chine », si authentiquement ancien qu'on ne trouverait plus le pareil à Nankin ni à Canton.
La révolution de 1830 lui ouvrit, comme à la plupart de nos écrivains, des horizons éblouissants: ils ont tous cru que le sens des glorieuses journées était que le pouvoir allait être porté par le peuple au mérite. On venait de fonder la liberté : n'était-ce pas le règne de l'esprit qui commençait ? Tout fervent légitimiste qu'il était, Balzac partagea l'illusion commune des poètes et des écrivains supérieurs.
Car Mérimée est “cruel”, il conte avec sérénité toutes sortes de crimes, de lâchetés et de vices, les histoires les plus […] sanglantes.
Voilà le point de départ des embarras financiers dont, jusqu'à la mort, Balzac n'arrivera pas à sortir. Mais il se met résolument à l'oeuvre et, dès 1827, nous le voyons énergiquement appliqué à résoudre le double problème de gagner sa subsistance et de payer ses créanciers.
Peu à peu la fièvre politique de Balzac tomba, et son ambition, avec l'accroissement de la renommée littéraire, ne se proposa plus d'autre objet que le paiement des dettes.