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Citation de Radigan


Je demeurai affalé sur l’un des bancs de rameurs du petit canot pendant je ne sais combien de temps, songeant que, si j’en avais seulement la force, je boirais de l’eau de mer pour devenir fou et mourir plus vite. Tandis que j’étais ainsi étendu, je vis, sans y attacher plus d’intérêt qu’à une image quelconque, une voile venir vers moi du bord de la ligne d’horizon. Mon esprit devait, sans doute, battre la campagne, et cependant je me rappelle fort distinctement tout ce qui arriva. Je me souviens du balancement infernal des flots, qui me donnait le vertige, et de la danse continuelle de la voile à l’horizon ; j’avais aussi la conviction absolue d’être déjà mort, et je pensais, avec une amère ironie, à l’inutilité de ce secours qui arrivait trop tard – et de si peu – pour 5 me trouver encore vivant. Pendant un espace de temps qui me parut interminable, je restais sur ce banc, la tête contre le bordage, à regarder s’approcher la goélette secouée et balancée. C’était un petit bâtiment, gréé de voiles latines, qui courait de larges bordées, car il allait en plein contre le vent. Il ne me vint pas un instant l’idée d’essayer d’attirer son attention, et, depuis le moment où j’aperçus distinctement son flanc et celui où je me retrouvai dans une cabine d’arrière, je n’ai que des souvenirs confus. Je garde encore une vague impression d’avoir été soulevé jusqu’au passavant, d’avoir vu une grosse figure rubiconde, pleine de taches de rousseur et entourée d’une chevelure et d’une barbe rouges, qui me regardait du haut de la passerelle …
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