Quitter le réel, c'est ce que je cherche justement ! Je parle toute seule, et alors ? J'assaisonne ma vie à ma façon. Je ne suis pas démente, j'ai de l'imagination. C'est tout. Ce n'est pas la même chose. p.83
Je me ramollis de partout. Je me répands, je me liquéfie. "Tu redeviendras poussière." Mon cul, oui ! Tu te ramolliras, tu te liquéfieras et tu te répandras. Rien de grave, rassure-toi !
Quelqu'un viendra et passera un coup de serpillière.
Et puis, comme tous ceux qui sont passés avant toi, et tous ceux qui viendront après toi, on t'oubliera. C'est aussi simple que ça !
Tu te répands. Hop ! Un coup de serpillière, et voilà. Ni vu, ni connu ! p.37
J'entends déjà tour à tour l'accordéon et le synthétiseur Bontempi - bon, tant pis - de l'homme orchestre, spécialisé dans l'animation pour le vieux, dont aura loué les services. Il entamera et reprendra les éternelles ritournelles de Tino Rossi et Maurice Chevalier, tandis que les plus alertes oseront quelques pas de danse. Les femmes danseront ensemble, flirtant dangereusement avec l'ostéoporose.
Dans tous les cas, vieillir c'est perdre. Perdre et se résigner à perdre. Se dépouiller de toutes ces choses parfois si chèrement acquises. C'est ça.
On passe la fin de sa vie à se défaire de ce qu'on a mis tant de temps à acquérir. p.81
Merveilleuse utopie : je rêve d'une maison de retraite où le personnel prendrait le temps de gestes dérisoires pour maquiller les femmes en fin de vie, les vieilles peaux, les poches sous les yeux et les cous de chien.
Les femmes en fin de vie n'en demeurent pas moins des femmes.
Et la prochaine fois que quelqu'un me maquillera, je serai sûrement complètement refroidie. p.58