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3.67/5 (sur 6 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Toulon , le 10/03/1876
Mort(e) à : Toulon , le 03/1939
Biographie :

Henry Daguerches, pseudonyme de Charles Valat est un militaire, écrivain et poète colonial français.

Après des études secondaires menées à Toulon puis à Avignon, il prépare l'École Polytechnique (1895) puis décide de s'engager dans l'artillerie de marine. Il devient capitaine avant l'âge de 26 ans et est envoyé en Chine au sein du corps expéditionnaire chargé de briser la révolte des Boxers.

En 1908-1909, il séjourne en Cochinchine où il est en charge de la direction de l'Artillerie. Il rentre en France où il est affecté à l'arsenal de Toulon. En 1912, il effectue un second séjour au Tonkin, est mobilisé lors de la Première Guerre mondiale puis retourne en 1918 au Tonkin où il prend sa retraite en 1919. Il ne quitte plus l'Indochine jusqu'à sa mort vers 1930.

Il publie de nombreux contes, chroniques, nouvelles et poèmes dans la presse parisienne, ainsi que dans les revues "Pages indochinoises" et "Revue indochinoise".

Il est l'auteur de "Consolata, fille du soleil" (1906), son premier roman, et "Le Kilomètre 83" (1913), roman couronné par le Prix Montyon 1914 de l’Académie française et la société littéraire Les Français d'Asie en 1930.
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Source : Wikipédia
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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Ce matin. justement, j'ai assisté à un départ. Sur la rivière couleur de rouille, une coque vert sale, où apparaît, en cicatrices, le bois... Et là-dessus une pyramide de ballots et de boîtes, sur les gradins de quoi sont accroupis quelque cent cinquante coolies presque propres, ma foi, dans leurs cotonnades blanches et grises. En fond à l'affreux décor de paillotes et de palétuviers, de lourdes nuées de zinc et de plomb, d'où s'échappe de l'ouate éblouissante...
Peu de cris, nulle bousculade. C'étaient là des catholiques du Hou-Pé, embrigadés par les missions ; et plusieurs arboraient sur la poitrine, pendus au col, des crucifix d'émail dont le luxe étonnait sur leurs hardes.Un Père se tenait à la poupe, maigre, sec, en robe noire, la tête sous un casque plat et rond. Je lui ai serré la main et souhaité bonne chance. Il m'a remercié et souri, d'un sourire qui n'était pas tout à fait d'un Européen, un sourire d'Asiatique où l’œil n'accompagne pas les lèvres, et où l'on est tenté, malgré tous les avertissements, de voir l'ironie...
J'ai regardé l'hélice brasser cette rouge pâte tourbeuse, et la chaloupe dériver dans le courant... Et c'est vrai que je n'avais pas de pitié. Il était possible que je vinsse d'avoir sous les yeux une conduite de moutons à l'abattoir. L'idée ne m'en troublait pas. Il faut bien que le kilomètre 83 se fasse... Et je sais que quiconque a vu un morceau suffisant de la terre pour se rendre compte de l’œuvre qui reste à faire, et du grouillement des millions de bipèdes à appliquer à la besogne, je sais bien que celui-là ne peut accepter, plus que moi, que soit faussé au taux des balances mystiques, l'infime prix de la vie humaine.
Mais peut-être ai-je tort ? Peut-être cette a "impitoyabilité" à laquelle j'assigne de si laborieuses déterminantes, n'est-elle qu'inertie de ma sensibilité dépaysée ? Je me souviens du dire de certain passager du Vaïco, vieil habitué de l'Extrême-Orient et qui retournait y mourir, après une décevante tentative de retraite en France : « Une des principales causes de l'exaltation joyeuse qui vous soulève d'abord aux colonies, c'est que vous y êtes délivré de la compassion. Vous n'êtes pas synchrone à la douleur ambiante; elle ne fait rien vibrer en vous, elle n'envoie pas de rayon noirs... Alors vous dites : pays heureux, pays de plénitude, pays sans ombre ! Mais vienne le temps, et les ombres aussi ! Vous parlez la langue de ces pauvres diables; et vous vous initiez à leurs souffrances, et vous retrouvez la misère universelle ; et c'en est fini de cette orgueilleuse fête d'empereur assyrien...
Et il vient autre chose tout de même !...Et moi, monsieur, moi je viens de quitter le village de mes pères, où je pensais rendre mon âme, parce qu'en revenant je m'y suis compris étranger ; je n'avais plus de pitié pour les paysans de chez nous ! »
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Le crépuscule entre sournoisement dans la chambre de la Fille du Soleil, et barbouille d'ombre les roses du papier. Consolata attend avec une impatience inquiète la rentrée de Namurgues.
Le matin même, en arrachant la feuille de son calendrier, un calendrier utile, cadeau de sa propriétaire, renfermant trois-cent soixante-cinq recettes pour accommoder les pommes d'amour, elle fait le compte des heures qu'il leur reste à passer ensemble. Et ce compte l'épouvante, et l'idée de leur séparation prochaine alourdit terriblement son coeur d'oiseau. Mais elle veut être courageuse jusqu'au bout, et montrer à son ami un visage clair et joyeux.
Le pas familier du capitaine, qui retentit enfin dans l'escalier, la fait vibrer toute entière, et elle songe à se jeter furieusement dans ses bras, sans paroles.
Mais, à l'air de sa figure, quand il passe la porte, elle comprend que ce n'est point le moment, et elle se pelotonne dans son fauteuil, fermant à demi les yeux pour échapper à une peur soudaine, qui la serre, d'éclater en sanglots.
Mais lui, s'asseyant sur la natte à ses pieds et jetant au creux de sa robe des fleurs qu'il apporte, lui parle avec sa douceur accoutumée :
- J'ai cueilli pour vous, Consolata, dans un petit jardin du Pont-du-Las, ces tendres capucines. Bien que des grilles les aient tenues, comme des princesses captives, isolées de la foule, leur coeur est tout barbouillé par la poussière de la route... Pauvres petites fleurs ! Pauvres petits coeurs ! En soufflant doucement sur elles, vous guérirez peut-être leur mal d'être fanées.
Consolata sourit timidement; mais elle n'ose trop répondre, à cause de cette boule qu'elle a dans la gorge et qui a un goût de larmes.
- Où avez-vous été, capitaine ? questionne-t-elle d'une voix presque indistincte.
Il la regarde fixement. Il lit dans le fond des beaux yeux clairs et humides, tandis que ses mains, à travers l'étoffe légère, caressent d'un mouvement automatique, la rondeur d'ivoire des genoux. Quand il répond, le ton de sa voix, malgré lui, s'est fait presque amer.
- J'ai fait une belle promenade, Consolata, À l'heure où la paix des soirs blancs trouble l'âme des petits garçons amoureux, j'ai erré dans les rues où ils cessent de jouer, et qu'emplit tout à coup une étrange pâleur.
Un silence. Le tic-tac de la pendule fait un bruit terrible.
- J'ai passé aussi près du Jardin de la Ville, près de votre beau Jardin, Consolata, et j'ai admiré comme il était désert, bien qu'il offrit des voûtes muettes et grandioses, des enfoncements pleins d'un mystère poétique. Mais c'est de cela, je crois, décidément, que tous les hommes, et même les mocos, ont peur; de cela et de la tombée de l'ombre sur leurs âmes faibles et leurs épaules maigres. C'est à peine si deux ou trois couples et quelques militaires osaient en braver l'approche... Encore les amoureux se serraient-ils lâchement l'un contre l'autre... Et moi aussi, Consolata, j'ai peur de l'ombre et je viens me serrer contre vous; et je vous apporte avec ces fleurs une âme mélancolique et pâlie par le soir blanc, et toute barbouillée par la poussière de la route.
Maintenant, pour rien au monde, la jeune femme ne voudrait pleurer. De sentir ce pauvre homme du Nord malheureux devant la nuit, cela lui redonne la conscience ferme de sa mission de fille de la lumière.
- Ce n'est pas sur ces fleurs, Nam, que je vais souffler ! réplique-t-elle avec un sourire d'or, c'est sur vos yeux et sur vos lèvres. Et c'est votre âme qu'il faut guérir du mal d'être fanée.
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L'installation de la chambre d'opium, de ce sanctuaire que Than balaye les pieds nus et que le marchand d'arachides de Marseille ne souille jamais de son obèse présence, atteste, par son luxe sobre et discret, le bon goût de Rose Grenade et les nombreuses campagnes de ses amants aux pays soumis à l'écriture chinoise.
Sur le large lit bas, enrichi de sentences morales taillées dans l'ivoire ou la nacre, quatre personnes peuvent s'étendre à l'aise. Elles y reposent sur une double épaisseur de ces matelas cambodgiens aussi frais que des nattes, dont l'élasticité est si admirable qu'on peut fumer dessus du soir à l'aube, pendant des années, sans que l'empreinte du corps les déforme. Pas d'autres meubles dans la pièce qu'une demi-douzaine de fauteuils carrés, une sorte de bahut-étagère et la table. Mais le tout est de ce beau bois du Sud où les ébénistes de Canton aiment à sculpter un motif plaisant de poissons et de fruits d'eau. Au dossier des fauteuils, dont le siège de marbre jaune luit à nu, s'accrochent des coussins plats où se cabrent des dragons d'or à cinq griffes.
La table porte la théière dans son panier et, rangées autour d'elle, de fines tasses Kien-Loung, posées sur leurs soucoupes de bronze comme des nénuphars sur leurs feuilles.
Enfin, sur les tablettes du bahut, s'étale la riche collection des ustensiles de la fumerie.
D'abord les pipes : rotins aux noires vertèbres, bambous rougeoyants et lisses comme de la porcelaine vivante, tuyaux d'ivoire et d'écaille, où la fumée coule aussi douce que le son dans une flûte. Les fourneaux : énigmatiques champignons bruns, timbrés d'antiques caractères, plantés sur leurs supports aux miroitantes incrustations. Les lampes : légères pièces ciselées, chefs d'oeuvre des orfèvres de Hong-Kong, où le verre se pose comme un nid tiède dans les bambous d'argent, fragiles fleurs cantonaises aux translucides émaux incarnadins, lourds blocs tonkinois où, dans des cuivres de nuances choisies, se tordent ou volètent des bêtes obscures. Enfin, la délicate variété des menus outils, des frêles et jolies choses, si précieuses qu'à les toucher avec amour, les mains gardent on ne sait quelle douceur élégante : anneaux de jade pour rouler les pilules, scarabées bleus et minuscules chauves-souris pour préserver les yeux de la flamme, longues aiguilles souples, étuis de cornes de buffle ou de rhinocéros à tenir la pâte, boîtes à "dross", coupes à éponges, racloirs aux manches polis comme des laques.
Si l'on ajoute à cela que la pâte elle-même, cette bonne confiture que le Dieu-de-Tout-Repos donna comme récompense aux vieux peuples sages après dix mille ans de culture de riz, est toujours chez Rose de première marque et de provenance sûre, on comprendra sans peine l'empressement des amateurs à venir prendre part à sa distribution.
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Consolata est un peu grise du vin doré de France, de cette mousse lumineuse où les petits dragons violets trempaient leurs pattes. Consolata se tourne vers la pagode des Cent Mille Veuves, dont la masse, vierge de souillure, obstrue le ciel occidental.
- Regardez, dit-elle en la pointant du doigt, la pagode retrousse vers la lumière le fouillis de ses toits, comme une danseuse ses jupes... C'est une illusion, Nam, et la pagode ne danse pas. Mais moi, dont le torse est souple et les pieds agiles, j'ai envie de danser pour de bon... Voulez-vous que je danse en votre honneur et en l'honneur de Fo-ta-jenn, le pas de la Victoire ?
- Êtes-vous capable de mener cette danse savante, Consolata ?
- Toutes les filles de Toulon savent danser, répond-elle fièrement. Elles dansent de naissance, comme les bateaux sur les vagues, les cabris sur les collines, les feuilles dans le mistral et les idées dans la tête des poètes.
Et Consolata, fille de Toulon, nue et bravant la horde des moustiques, danse dans le palais de jade de la nuit chinoise.
Elle danse, et les mouvements compliqués des armées se dessinent aux marches savantes de ses jambes infatigables.
Elle offre tantôt son flanc droit, tantôt son flanc gauche, et tantôt, par des pointes rapides, semble préluder aux opérations de la cavalerie. Fo-ta-jenn l'excite par des cris guerriers.
Maintenant, son pas devient incertain. Elle s'arrête : tout son corps oscille, aiguille blanche d'une balance mystérieuse. Pèse-t-elle dans ses petites mains le sort des combattants ? Brusquement, elle se décide, penche fortement du côté du capitaine et célèbre ensuite par des pirouettes et des jetés-battus la déroute des vaincus. Alors, elle renonce à la poursuite qui la fatiguerait, mais, debout et palpitante sous d'aériennes draperies nacrées, elle tend la double palme merveilleuse de ses bras aux vainqueurs de San-ta-yuen.
Adossés à l'arc-de-triomphe de la porte, ceux-ci la contemplent.
Et Nam sent quelque chose qui est comme un monstre obscur accroupi dans son âme, se lever et s'étirer, et traîner son mufle sur les pieds de la jeune danseuse. Et Fo-ta-jenn croit voir les seize Esprits Célestes, les seize jeunes filles qui exécutaient devant l'empereur Chun-ti des danses admirables, que le peuple ignorant croyait inspirées par le Génie de la Lubricité; et il songe encore aux vierges guerrières qui s'élevaient et évoluaient en l'air, comme des poissons rouges dans l'eau d'un bassin, devant les héros de la Révolte des Poings.
- M'aimez-vous ainsi, vieux Volder ? demanda tout à coup la guerrière toulonaise, en cambrant avec un orgueil ingénu son corps blême et poli
- Si j'étais mandarin de première, j'écrirais tout de suite à votre papa pour lui demander votre main, mais je suis obligé d'affirmer que vous êtes une femme sans pudeur.
- Non, répliqua-t-elle d'une voix mystérieuse, je ne suis pas une femme, je suis la Victoire !
- Vous êtes la Victoire, répète Nam. Qui résiste à l'arsenal de votre beauté, aux flèches de vos regards, à la lance vermeille de votre langue, aux dix poignards magiques de vos ongles ? Vos amants font en votre honneur d'inimaginables folies. Ils marchent pendant des jours et des jours sur des routes qui s'enfoncent comme des glaives au coeur vide des horizons. Ils écrasent des moissons naissantes pour que vous posiez vos pieds sur ce tapis monstrueux. Ils embrasent des villes pour que vos yeux sourient à des fêtes nocturnes...
La lune pleut sa cendre de marbre. Des coups de feu éclatent au loin, du côté des tentes; et les hurlements des chiens leur répondent longuement. Des formes noires de soldats sortent des grands trous d'ombre des jardins secrets et s'approchent, comme des loups charmés, de la frêle apparition grelottante de clarté. Et des torches éclaboussent les murailles fantômes de larges tâches d'un vin de sang doré.
La Victoire danse !
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- Les militaires sont des jardiniers, Nam. Partout où ils passent, ils plantent des drapeaux et les arrosent de leur sang. Moi, je trouve que les enseignes de régiments devraient être des fleurs géantes, le vent les balancerait sur leurs hampes; on les parfumerait les jours de bataille; et au retour, les femmes porteraient à la ceinture, à la gorge, à la bouche, la corolle du vainqueur...
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