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Critiques de Honoré de Balzac (3255)
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Eugénie Grandet

J'ai lu Eugénie Grandet pour la première fois au collège, et je n'ai pas du tout aimé. Mais plus tard, les années passant, j'ai retenté la lecture : ce fut un vrai plaisir. Il faut , je crois, de la maturité pour apprécier Balzac, sa façon de décrire personnages et situations, non sans ironie, et la société de l'époque.

C'est pour moi un très bon roman, émouvant et cruel, que je relis avec plaisir régulièrement. Il faut toujours laisser une deuxième chance à un livre.
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L'Auberge rouge

Cela commence presque comme un polar, on se dit que la clef de l'énigme va résider dans la découverte de l'identité du coupable et...

… en fait non. Le coupable, on le devine assez vite et Balzac ne fait rien pour faire augmenter trop le suspense.



L'intérêt de l'intrigue est que, sachant le coupable parmi nous, quels rapports allons-nous entretenir avec lui ? Ce n'est pas si fréquent comme questionnement et c'est donc tout à fait pertinent que son auteur ait placé ce texte dans la catégories des " études philosophiques" de sa Comédie Humaine.



En effet, ça change tout si vous apprenez que la belle héritière que vous convoitez est la fille d'un homme qui a perpétré une vilenie. Vous savez que sa position, sa fortune viennent de là ; mais pourtant, elle ne l'a pas faite pour autant, elle, cette vilenie : alors que faire ? Vous voyez le genre d'interrogations que cela peut soulever…



En deux mots, l'histoire prend place dans le contexte de la fin de la Révolution et de la toute jeune accession au pouvoir de Bonaparte, lors des mouvements de troupes française sur les bords du Rhin en Rhénanie. Deux jeunes chirurgiens s'en viennent rejoindre leur bataillon et, en cours de route, s'arrêtent à l'auberge rouge.



La demeure est pleine à craquer et c'est à grand peine qu'on trouve encore de la place pour loger les deux Français. Soudain, arrive un négociant allemand d'Aix-la-Chapelle escorté de deux bateliers. Vraiment, il n'y a pas moyen de loger les deux bateliers qui vont s'en retourner finir la nuit sur leur embarcation, mais en se tassant un petit peu, les deux Français arriveront peut-être à faire une petite place au négociant, sachant qu'en plus il se promène avec une mallette pleine de cent mille francs en or et en diamants...



En somme, une nouvelle que je qualifierais de bonne, mais sans plus. Retenez cependant que ce que j'exprime ici n'est qu'un avis rougeâtre, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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La fille aux yeux d'or

La Fille Aux Yeux D'Or est une longue nouvelle écrite dans ce style toujours aussi plaisant pour ceux qui affectionnent la prose de Balzac. En revanche, sa construction n'est peut-être pas un modèle du genre à montrer dans les écoles d'architecture littéraire...



Je la qualifierais de " romantique ", au sens le moins attrayant du terme, à savoir, une histoire d'amour — d'amour impossible, cela va sans dire —, où l'auteur semblait tellement pressé de faire en sorte que ça finisse mal que j'avoue ne pas avoir pleinement compris d'où venait l'impossibilité.



Les protagonistes — autre poncif —, sont beaux comme des statues grecques, intelligents comme pas deux, riches, etc. Bref du gros romantique qui tache, comme j'ai peine à le lire, et une nouvelle qui n'aurait en soi pas grand intérêt si elle n'était ourdie par la toujours précieuse analyse sociale de Balzac.



En particulier, le tout début de la nouvelle (qui n'a pas grand-chose à voir avec la suite) où notre sacré Honoré nous peint un portrait aux petits oignons de la société parisienne et qui — chose quasi incroyable —, pourrait presque être encore d'actualité de nos jours (bien sûr c'est une provinciale qui s'est fait rabrouer plusieurs fois par la légendaire amabilité parisienne qui vous parle). Évidemment qu'il y a un peu de caricature là-dessous, mais peut-être pas autant qu'on voudrait bien nous le faire croire dans les guides touristiques... Demandez aux touristes, pour voir...



Les personnages : un homme, Henri De Marsay, une vieille connaissance des adeptes de la Comédie Humaine, fils illégitime d'un lord anglais, beau, fort, riche, intelligent ; la femme, Paquita Valdès, géorgio-cubano-hispano-je-ne-sais-trop-quoi (même Balzac semble ignorer au juste le pedigree de son héroïne), belle au point que Monica Bellucci, dans ses grandes heures, c'était pas grand chose à côté ; évidemment ils s'adorent, ils sont prêts à mourir l'un pour l'autre (Henri un peu moins peut-être, c'est du Balzac quand même, il y a bien la petite gousse de cynisme attendue).



Vous dire pourquoi leur amour n'est pas réalisable, je ne sais trop, j'ai dû rater un passage bien que je n'en ai pas l'impression. En somme, fallait que ça capote à la fin, par tous les moyens possibles (et d'ailleurs, si aucun moyen n'est possible, Balzac n'est jamais à court de moyens impossibles).



Vous l'aurez compris, cette nouvelle n'est pas, et de loin, ma préférée de l'auteur, mais ce n'est là que mon avis, autant dire, bien peu de chose, face à l'immense Balzac.
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Petites Misères de la Vie conjugale

Quel étrange bouquin ! On sait que Balzac nous a habitués à toucher à tous les genres, mais là, c'est vraiment un registre où l'on ne l'attend pas. Il s'agit d'une sorte de catalogue comique à la façon des livres de Pierre Desproges tels que Le Manuel De Savoir-Vivre À L'Usage Des Rustres Et Des Malpolis ou encore du Dictionnaire Superflu À L'Usage De L'Élite Et Des Bien Nantis. Et le plus fort, c'est qu'Honoré de Balzac est très bon aussi dans ce registre et sait nous fait rire.



L'ouvrage est organisé de façon symétrique, deux préfaces de l'auteur, 36 chapitres décrivant des mesquineries diverses : 18 misères pour l'homme, dépeint sous les traits d'un Adolphe quelconque, archétype du gros bourgeois inintéressant et sans finesse de vue, le tout directement mis en parallèle de 18 vexations pour sa femme Caroline, symbolisant la bougresse machiavélique intéressée par tout ce qui brille.



La première partie (concernant l'homme) est à mon avis plus comique, plus caustique que la seconde, plus " analytique ", même si ce terme fait assez scientifique de nos jours, ce qui n'est pas du tout le cas ici. Ainsi donc, par cette pseudo symétrie de construction, Balzac n'en fait pas moins clairement passer son petit message bien misogyne : pour vivre heureux, vivons sans femme.



Néanmoins, on ne peut s'empêcher de reconnaître qu'il y a une certaine justesse dans les situations décrites et qu'on peut reprocher beaucoup de choses à Balzac, mais certainement pas d'être un médiocre observateur des mœurs de son époque, et même — soyons fou — un véritable éthologiste humain.



Le fardeau de la femme étant, selon lui, plutôt la lourdeur de son mari que d'autres travers moins glorieux pourtant bien réels (les femmes en savent quelque chose !) mais non développés ici. L'auteur se contente, comme le nom du livre l'indique, de mettre l'accent sur la suite de désillusions, sur la successive descente des marches qui conduisent du piédestal au troisième sous-sol dans le ressenti du protagoniste étudié vis-à-vis de son conjoint à mesure que le temps passe dans le couple.



Un livre donc bien plaisant, caustique, léger et drôle, fait de petits chapitres courts, relatant les mille désillusions qui attendent le marié ou la mariée après la signature devant le maire.

En revanche, je suis très, très réservée sur l'intérêt des dessins de Cabu (que j'aime pourtant par ailleurs) car ils sont très datés (façon années 1980) et n'apportent, selon moi, absolument rien, mais ceci n'est qu'une des petites misères de l'avis conjugal, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Le Père Goriot

C’est sur une couleur sépia que débute le roman du Père Goriot. En fait ce n’est pas très gentil pour le sépia, car c’est plutôt la crasse qui séjourne partout dans la triste pension de Mme Vauquer. C’est sale, ça sent mauvais : le choix d’y résider est pour la plupart des occupants une question de budget. Il en est ainsi de deux étudiants dont le fameux Eugène de Rastignac, provincial bien décidé à conquérir Paris, dut-il mettre sur la paille sa famille par sa quête incessante de fonds destinés à se faire accepter par la haute société.

Un autre personnage intriguant se fait remarquer par sa désinvolture et sa grossièreté; s’il se fait nommer Vautrin, il est clair dès le départ qu’il cache quelque chose.

Enfin le père Goriot,, ex-fabriquant de pâtes dont la fortune fond entre les mains avides de ses deux péronnelles de filles, celles-là même que Rastignac utilise pour réaliser ses ambitions.



Tout ce petit monde évolue sous la houlette de la tenancière, et les liens se mettent en place pour une intrigue mouvementée, et riche en rebondissements.

L’accès de Rastignac à la société huppée qu’il envie permet aussi à Balzac de dénoncer sans ménagement la futilité et médiocrité de ceux qui font et défont les réputations au gré de leurs humeurs.



Le père Goriot, c’est une histoire d’amour paternel aveuglant, poussé jusqu’à la folie, et sans limite, dans une totale abnégation :



« Je n’ai point froid si elles ont chaud, je ne m’ennuie jamais si elles rient. Je n’ai de chagrins que les leurs »



C’est aussi un état des lieux de la capitale sous la Restauration :



« Paris est un véritable océan. Jetez-y la sonde, vous n’en connaitrez jamais la profondeur. Parcourez-le, décrivez-le? Quelque soin que vous mettiez à le parcourir, à le décrire, quelque nombreux et intéressés que soient les explorateurs de cette mer , il s’y rencontrera toujours un lieu vierge, un antre inconnu, des fleurs, des perles, des montres, quelque chose d’inouï, oublié par les plongeurs littéraires. »



Dans cet océan se côtoient le meilleur et le pire, et l’auteur ne prend pas parti : les travers de toutes les strates de la société sont mis à jour.



Si le plumage et le ramage ont évolué, si le décor n’est plus enseveli sous les saletés, non seulement l’air est toujours irrespirable, même si ce n’est pas pour les mêmes raisons il semble quand même par bien des aspects que peu de choses ont changé dans le coeur des hommes : il est toujours difficile de se faire une place quand on n’a pas la chance d’avoir les relations nécessaires, le fossé entre plus riches et plus pauvres s’est creusé, et il y aura toujours des Vautrin pour entrainer les plusdésespérés sur le chemin du crime.



Cette lecture crée une irrésistible envie de parcourir La comédie humaine, ne serait que pour retrouver les personnages croisés, Rastignac, Vautrin, à travers les passerelles et renvois qui tissent la trame de la Comédie humaine


Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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La Cousine Bette

« Depuis le sommet de l'aristocratie jusqu'aux bas-fonds de la plèbe, tous les acteurs de sa Comédie sont plus âpres à la vie, plus actifs et rusés dans la lutte, plus patients dans le malheur, plus goulus dans la jouissance, plus angéliques dans le dévouement, que la comédie du vrai monde ne nous les montre. Toutes les âmes sont des armes chargées de volonté jusqu'à la gueule. C'est bien Balzac lui-même. »



Charles Baudelaire



Dotées d’une vitalité hors du commun, ces âmes comme des armes chargées de volonté jusqu’à la gueule poursuivent avec hargne, avec candeur, avec abnégation, avec détermination leur objectif. Objectif, le mot est faible, il ne rend pas justice à la sorte de folie qui anime et habite les hommes et les femmes chez Balzac. Attachés de façon absolue à l’une des grandes illusions de l’existence — l’amour, l’art, l’argent, la politique, la beauté, la jeunesse, la religion… — voués à une unique passion qui le plus souvent vire à l’obsession, ils se hissent à des sommets d’où les excès, une monomanie les poussant à aller trop loin, à en demander toujours plus, à tout sacrifier à leur cause, les précipitent dans le vide avec pertes et fracas. Leur passion, feu dévorant qui les stimule, les aiguillonne et les amène à se surpasser, est aussi ce qui les consume et les détruit. C’est ça, Balzac. Et c’est grandiose et pathétique, c’est hideux, c’est repoussant et c’est d’une beauté stupéfiante. Ça vous souffle dans les bronches, ça vous requinque un moribond, ça vous réveillerait un mort tant c’est plein de vie. Comme le dit Stephan Zweig avec un sens admirable de la litote, « Les hommes tièdes n’intéressent pas Balzac ». Ah ça non!



Je n’avais jamais relu Balzac depuis mes années de lycée. Le hasard du calendrier, un engagement pris avec mon amie Hélène (@4bis) que je tiens à remercier pour sa compréhension et sa patience, ont voulu que je me plonge dans la lecture de La cousine Bette au moment où j’étais clouée au lit par une vilaine grippe. C’est peu dire que cet auteur incroyable, traversant allègrement les deux siècles qui nous séparent, est parvenu à m’insuffler son énergie vitale. Il m’a littéralement portée pendant cette semaine éreintante. J’en aurais pleuré de reconnaissance. Certes, il y a des choses qui ont vieilli chez Balzac, un style parfois un poil grandiloquent, des situations un peu trop rocambolesques pour paraître réalistes, des retournements de situations un peu trop théâtraux pour paraître crédibles… mais quelle énergie! Et quel sens de la psychologie! À force d’étudier ses personnages sous toutes les coutures, d’en décortiquer tous les rouages, il les rend plus réels à nos yeux que ceux qu’on côtoie tous les jours, pâles ectoplasmes traversant furtivement notre existence.



Mais de quoi parle La cousine Bette, roman tardif, paru en feuilleton en 1846? Eh bien, je dirais des passions humaines déclinées sous toutes leurs formes, et c’est à peu près tout. Le contexte socio-historique est à peine ébauché, on y trouve très peu de digressions d’ordre artistique, sociologique, philosophique, on reste collés aux personnages et à l’intrigue pendant 540 pages, ce qui, personnellement, m’allait très bien.

Lisbeth, la cousine qui donne son titre au roman, vieille fille laide et désargentée, est tout entière habitée par une passion dévorante, une de ces passions tristes susceptibles d’engendrer malheur et désolation : le ressentiment. Mue par une jalousie féroce à l’endroit de sa belle cousine Adélaïde Hulot, une jalousie recuite qui plonge ses racines loin dans l’enfance, la Bette voue sa vie à l’accomplissement de son unique obsession : la vengeance. Mais si la vengeance est un thème récurrent en littérature depuis l’Antiquité jusqu’au dix-neuvième siècle, j’ai trouvé particulièrement originale la façon dont le traite Balzac. Bette se venge non pas de personnes qui lui ont fait du tort, au contraire, puisque la famille Hulot l’a extraite de sa campagne pour l’accueillir en son sein. Non, elle se venge à des décennies de distance des humiliations reçues dans l’enfance, quand on réservait à sa cousine Adélaïde, en raison de sa beauté, les tâches délicates quand elle, Bette, devait s’adonner aux rudes travaux des champs. De même, j’ai trouvé très intéressant que Lisbeth ne soit pas réduite au rôle de fruit sec desséché racorni par l’amertume, incapable de sentiments auquel l’intrigue semblait devoir la cantonner. C’est une femme de passion capable de tomber éperdument amoureuse d’un jeune réfugié polonais sans le sou qu’elle va littéralement faire renaître à la vie, puis bichonner et soutenir, enfin entretenir financièrement jusqu’à ce que l’ingrat, lassé de ses soins constants et tyranniques, ne lui échappe et épouse Hortense Hulot, la fille de la cousine honnie. Le coup est terrible pour Bette qui, dès lors, poursuit le cours de sa vengeance avec une vigueur renouvelée, mais cela ne l’empêche pas de retomber en amour, d’une femme cette fois, l’irrésistible Valérie Marneffe.

« Lisbeth, étrangement émue de cette vie de courtisane, conseillait Valérie en tout, et poursuivait le cours de ses vengeances avec une impitoyable logique. Elle adorait d'ailleurs Valérie, elle en avait fait sa fille, son amie, son amour ; elle trouvait en elle l'obéissance des créoles, la mollesse de la voluptueuse ; elle babillait avec elle tous les matins avec bien plus de plaisir qu'avec Wenceslas, elles pouvaient rire de leurs communes malices, de la sottise des hommes, et recompter ensemble les intérêts grossissants de leurs trésors respectifs. »



Quant à Valérie Marneffe, véritable coeur du roman, vortex dans lequel tous les personnages du livre semblent destinés à sombrer, elle incarne à elle seule l’objet de la passion. Devenu le bras armé et consentant de Bette dans l’accomplissement de sa vengeance, elle s’y adonne avec une rouerie, une bonne humeur, un naturel déconcertants. Mais là encore, si Valérie ne représentait qu’une Idée, la figure de la courtisane dénuée de tout scrupule qui ruine les hommes et leurs familles, ce serait certes édifiant, mais pas très intéressant. Ce qui est passionnant, c’est la façon dont Balzac s’attache à son personnage, nous décrivant sa coquetterie, son esprit, son élégance, sa beauté avec une telle minutie, avec une telle attention, une telle affection qu’il nous la ferait presque aimer en retour.

Comme Choderlos de Laclos avec sa marquise de Merteuil, Balzac campe un personnage particulièrement malfaisant mais grandement excusable. Ainsi que le résume le critique Hippolyte Taine, « Balzac aime sa Valérie ; c'est pourquoi il l'explique et la grandit. Il ne travaille pas à la rendre odieuse, mais intelligible. »

Et c’est pourquoi il me semble que ce livre, au-delà de l’indéniable plaisir qu’il procure, a encore beaucoup à nous dire.



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Une double Famille

Une Double Famille est un joli petit roman, très plaisant, très émouvant, qui sonde les mystères de la réussite ou de l'échec de la vie conjugale. Vous vous imaginez bien que qui dit « double » dit deux moments dans le déroulement du récit.



Honoré de Balzac se charge de nous faire naître une petite histoire de séduction entre une petite brodeuse, jeune, pauvre et courageuse et un inconnu, un passant habitué à passer deux fois par jour sous la croisée de la charmante brodeuse et de sa vieille mère.



De fil en aiguille (je ne pouvais pas m'empêcher de la caser celle-là), la brodeuse va peu à peu sentir monter, en son petit cœur de rabouilleuse, un sentiment qu'elle ne connaissait point et que l'on nomme ici-bas, l'amour.



Quelle douleur, quelle tristesse sans nom l'inconnu traîne-t-il après lui ? Les conjectures vont bon train sur l'identité et le statut de ce bel inconnu, qui semble réticent à faire aller les choses plus loin, bien que la jeune femme sente poindre en lui un sentiment analogue au sien.



Mais, les humains étant ce qu'ils sont et l'amour étant ce qu'il est, fatalement, il y eut un premier pas, puis un autre, puis quelques autres encore jusqu'à ce que Caroline puisse s'adonner pleinement à l'amour de Roger.



Balzac sait nous dépeindre, par touches, par nuances successives, l'éveil puis l'épanouissement de cet amour simple entre deux êtres qui ne recherchent rien de mieux qu'un petit bonheur simple, naturel, évident. Les années passent et rien de vient troubler la félicité du couple.



C'est le moment précis que choisit l'auteur pour nous éclairer de son fameux discours rétrospectif, cette deuxième vie, cette deuxième famille et c'est l'occasion pour lui de nous montrer son vrai visage d'auteur parfois cru, parfois atroce, mais toujours d'une incroyable honnêteté littéraire dans son vaste projet de La Comédie Humaine.



Balzac trouve au passage le moyen de sonner une charge de toute beauté contre la religion, dans ce qu'elle a de plus nul et dévastateur, à savoir, l'étroitesse de vue et d'esprit. Il lamine les excès de la dévotion — la dévotion devenue carcan — et contraire à l'idée même de vie que promeut pourtant cette même religion.



Selon lui (et je partage cet avis) la bigoterie n'a rien à voir avec la piété véritable et ne sert qu'à pourrir la vie de ceux qui fréquentent, de gré ou de force (lorsqu'il s'agit d'un membre de sa famille, par exemple), ces bigots-là, esclaves de leur aveuglement et de leur petit jugement.



Ce qui est intéressant aussi dans ce roman c'est le choix des individualités opéré par l'auteur. Tous les personnages sont, à leur façon, honnêtes et désireux d'arriver à une forme de bonheur conjugal. Aucun n'est particulièrement mauvais, ni retors, ni frivole, ni quoi que ce soit que l'on peut généralement accuser de faire capoter une histoire d'amour, et pourtant...



Je vous laisse le plaisir de découvrir la chute de cette odyssée dans les arcanes de la vie de couple sans toutefois vous faire accroire à un quelconque espoir ou une once d'illusion de la part de l'écrivain des mœurs sociales.



Vous avez affaire à du bon Balzac, du très bon même, peut-être pas le meilleur, mais du Balzac mature, désillusionné, du Balzac juste, d'une justesse admirable dans ses descriptions et observations millimétriques du comportement et du caractère humain.



C'est aussi du Balzac qui vous prend un peu aux tripes et qui peut, au coin d'une ou deux pages, vous arracher une petite larme, pudique, sans exagération de pathos, tout simplement parce qu'il nous touche droit au cœur, du moins c'est mon avis, mon ressenti fortement partial, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Pierrette

Balzac est inégal, c'est vrai ; mais qui ne l'est pas ? Il s'englue parfois dans des sujets et des intrigues avortés ou grands prématurés, publiés à la va-vite faute de temps et d'argent. C'est vrai tout ça. Mais quand il est en forme le bonhomme, ouh ! nom de Dieu ! ça dépote les amis !



Et c'est ce Balzac-là qui justifie que, sitôt qu'on l'a croisé une première fois dans ses moments de grâce, l'on s'évertue sans cesse, à vie durant, à vouloir le croiser à nouveau vers de tels sommets.



J'ai eu récemment à dire du mal de mon petit chéri de Balzac et ça m'a fait de la peine. C'est peut-être pour cette raison que j'ai encore plus de plaisir aujourd'hui à vous parler de Pierrette, qui est, à n'en pas douter, un excellent Balzac.



C'est un court roman, qui se prêterait admirablement à une découverte de l'auteur pour un public lycéen, c'est du Balzac typique, du condensé de Comédie Humaine et à sa lecture seule, on comprend aisément que son auteur ait choisi ce titre pour chapeauter l'ensemble de son œuvre.



Tout y est : l'entrée en matière avec la peinture du lieu où va se nouer l'action principale, l'éclairage rétrospectif sur les personnages centraux qui nous permet de mieux comprendre pourquoi ils en sont arrivés à vivre et réagir ainsi, Pierrette, le personnage prétexte qui n'est pas le personnage véritablement principal, un peu à la manière d'Eugénie Grandet ou du Père Goriot qui ne sont que des épiphénomènes de la mécanique humaine que l'auteur souhaite illustrer, le sens de l'intrigue sociale si propre à Balzac, la modification progressive du rythme vers la grosse accélération finale, etc., etc. ; tout y est ou presque des clefs d'écriture qu'on retrouve régulièrement à différents endroits de la Comédie Humaine.



Pierrette est indubitablement annonciatrice des Rougon-Macquart de Zola. On peut, au bas mot citer au moins quatre opus qui s'en inspirent directement : La Fortune Des Rougon, La Conquête De Plassans, Au Bonheur Des Dames, La Joie De Vivre. D'ailleurs, le nom même des Rougon résonnent de façon troublante avec celui des Rogron de Pierrette et Balzac écrit même textuellement à un moment la formule " la fortune des Rogron " à laquelle Zola donnera une descendance.



Mais c'est loin d'être tout, on peut y lire sans peine une amorce des Misérables d'Hugo où Cosette rime avec Pierrette, où les Thénardier sont des émanations postérieures des Rogron et où les personnages de Marius et de Jean Valjean apparaissent comme un dédoublement du personnage de Jacques Brigaut qu'on rencontre ici.



Nous sommes donc téléportés au sud-est de la région parisienne, dans le Provins des années 1825-1830 et l'on voit s'y épanouir la petite mesquinerie commerçante et provinciale d'un couple borné et absolument irrespirable, les Rogron frère et sœur, tous deux célibataires endurcis après une minable quoique rentable vie de merciers à Paris.



Parmi les rejetons éparpillés du rameau familial, exactement à l'instar des Rougon-Macquart, on trouve la petite Pierrette Lorrain, cousine des deux affreux, d'au moins vingt-cinq ans leur cadette, et aussi innocente, simple et admirable que les autres sont retors, prétentieux et détestables.



Par un hasard de mauvaises fortunes et d'héritages détournés, Pierrette va donc se retrouver pupille de ses cousins à Provins, elle qui a grandit près des embruns en Bretagne.



Tour à tour faire-valoir social, outil stratégique et enjeu matrimonial, on assiste impuissants à la mise au pilori de Pierrette (Pierrette et le poteau laid, en somme) par son cousin et surtout sa cousine Sylvie Rogron. Mais c'est sans compter sur l'intervention de Jacques Brigaut, un brave parmi les justes, qui voudrait bien arriver à inverser la tendance et à rendre à Pierrette un peu de sa dignité d'être humain et d'amour tout simplement. Y parviendra-t-il ? Ça c'est ce que je m'interdis de vous révéler.



En tout cas, c'est du très grand art Monsieur de Balzac, ça ne donne pas spécialement le moral, ça ne nous fait pas particulièrement aimer davantage l'humanité, mais c'est admirable dans son style, un patrimoine romanesque à inscrire sur la liste de l'Unesco, car malheureusement, ça a existé et ça existe encore de nos jours, peut-être avec une ou deux modalités différentes, mais si peu.



Bref, selon moi un opus majeur de la Comédie Humaine et de la littérature française en général, mais ce n'est que mon avis, c'est-à-dire une toute petite pierrette à l'édifice.
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Le Père Goriot

Par ce superbe livre, Balzac nous donne une belle leçon. L''amour ne s'achète pas.

Le père Goriot a une bonne situation, et veut établir ses deux filles. Mais celles-ci, plus que coquettes, ont toujours besoin d'argent. Elles mènent grand train pour leurs toilettes, leur équipage et leurs sorties. Sans cesse, elles viennent imposer plus de dépenses à leur père. Pour quelques minutes de bonheur passé avec elles de temps en temps, celui-ci accepte, encore et encore, jusqu'au jour où....

.

J'ai lu le père Goriot quand j'étais jeune, et puis, il se trouve que j'ai vécu la même chose que lui. Heureusement, j'ai pris conscience de la situation plus tôt que le père Goriot, car je me suis rappelé ce roman. Merci Honoré.

"Je ne vais pas devenir un père Goriot !" Je vais arrêter de me faire avaler.

J'ai stoppé la pompe à fric. Qu'est ce qui s'est passé ? Ils ont boudé, et ne me voient plus. J'ai rampé dix ans. Heureusement, je me suis durci. Ils se débrouillent. Ils ne sont plus que dans un coin de ma tête.

Je suis heureux sans eux. Tant pis pour eux !



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Peines de coeur d'une chatte anglaise

Il existe de nombreuses éditions de cette nouvelle, seule ou en association avec d'autres (le plus souvent en association, mais pas toujours avec les mêmes nouvelles ou petits romans).



Il s'agit d'une nouvelle ne faisant pas partie de l'ensemble de La Comédie Humaine (bien qu'elle s'en rapproche à mille égards) mais d'un étrange recueil collectif, Scènes De La Vie Privée Et Publique Des Animaux, où George Sand et Charles Nodier, notamment, avaient aussi participé.



Dans cette brève nouvelle, Balzac anthropomorphise des animaux à la manière d'un La Fontaine, en l’occurrence, des chats (et dans une moindre mesure des souris et des rats).



Il utilise ce procédé pour dépeindre la pruderie, l'hypocrisie et la fausseté de la haute société anglaise d'alors. Il nous parle de toutes ces " bonnes manières " qui s'étalent en public et qui n'en dissimulent pas moins un caractère aussi bas qu'ailleurs derrière les jolies tentures et les formules de politesse.



Il nous évoque aussi le carcan que l'éducation puritaine et anglicane fait peser sur les femmes anglaises. Cette malheureuse Beauty, qui s'ennuie à mourir avec Puff, un gros matou bien élevé de l'aristocratie autrichienne et qui tout à coup s'émoustille lorsqu'elle découvre un audacieux chat de gouttière français, Brisquet, vif et pétillant, qui ne met aucune affectation ni dans ses manières ni dans son apparence physique, qui, si je puis me permettre, appelle un chat, un chat.



Bien évidemment, Brisquet n'est autre que Balzac lui-même et il règle ses comptes avec ces (ou ses, au choix) chers Anglais, qui lui ont pourri son amourette adultère.



C'est un Balzac dans un autre registre que celui dans lequel on le connaît habituellement, qui évoque peut-être plus des Voltaire, des La Fontaine, des Swift, des Diderot, mais cela reste extrêmement plaisant à lire et tellement court qu'on ne risque vraiment pas grand-chose à s'y essayer, à tout le moins, c'est mon avis, un tout petit avis, seulement destiné à ne pas que vous achetiez cette nouvelle chat en poche.
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Illusions perdues

Ce roman est d’une richesse incroyable, il nous brosse un tableau des plus précis de la vie aussi bien parisienne que provinciale au tout début du XIX ème siècle.

Balzac tire à boulets rouges sur la presse, le monde du spectacle, la banque, la justice et les tout débuts du système capitaliste. Et encore une fois, à travers des personnages magnifiquement bien campés, il expose aux yeux du lecteur toute l’étendue des bassesses dont l’homme est capable.

A travers le personnage de Lucien et ceux de sa famille, il illustre la question de l’ascension sociale à cette époque et nous en montre les redoutables obstacles.



Le roman se compose de 3 parties (selon mon découpage personnel). La première présente la famille de Lucien, son environnement provincial et relate son introduction dans la haute société angoumoisine. Dans la deuxième partie, Lucien vise plus haut encore et débarque dans ce Paris qui le fait tant rêver et lui semble si prometteur mais qui ne sera pour lui que désillusions. Dans la troisième partie, c’est le retour à Angoulême avec une plongée dans les affaires de la petite imprimerie familiale aux prises avec ses concurrents et l’espionnage industriel.



Ce qui rend ce roman extrêmement réaliste et vivant, c’est que Balzac s’est inspiré de sa propre expérience et qu’il y parle de ses propres désillusions. Comment ne pas faire le rapprochement entre l’auteur et Lucien qui souhaite à tout prix devenir un écrivain reconnu et qui se heurte à un milieu difficile, fermé et surtout soumis au bon-vouloir de la presse ? Même chose lorsque Lucien embrasse la profession de journaliste.

Bref on sent que Balzac maîtrise à fond son sujet nous offrant des pages incroyablement détaillées sur le monde de l’imprimerie, de la banque et de la justice ( il y est même allé un peu fort là, je n’ai rien compris du tout …)

Plus que ça encore, Balzac était quand même plutôt visionnaire. C’est incroyable de constater qu’au tout début du XIXème siècle, il a pu sentir la dimension que prendrait le pouvoir de la presse et ses propos sonnent de façon très actuelle :



« Le Journal au lieu d’être un sacerdoce est devenu un moyen pour les partis ; de moyen, il s’est fait commerce ; et comme tous les commerces, il est sans foi ni loi. Tout journal est, comme le dit Blondet, une boutique où l’on vend au public des paroles de la couleur dont il les veut. S’il existait un journal des bossus, il prouverait soir et matin la beauté, la bonté, la nécessité des bossus. Un journal n’est plus fait pour éclairer, mais pour flatter les opinions. Ainsi, tous les journaux seront dans un temps donné lâches, hypocrites, infâmes, menteurs, assassins ; ils tueront les idées, les systèmes, les hommes, et fleuriront par cela même. »



L’intrigue est magistralement menée du début à la fin, on va de rebondissements en rebondissements, on s’apitoie sur le pauvre Lucien pour mieux pester contre lui quelques pages plus loin.

Les personnages de Balzac sont véritablement représentatifs de la nature humaine, aucun n’est tout blanc ou tout noir, on les voit changer, évoluer, se comporter différemment en fonction de leur situation.

On retrouve aussi de vieilles connaissances rencontrées dans Le Père Goriot ou La Duchesse de Langeais et on réalise qu’on s’est probablement mépris sur certains d’entre eux ( n’est-ce pas Eugène ?). Une surprise attend le lecteur à la fin ( d’où l’intérêt de lire Le Père Goriot avant) et qui me rend impatiente de savoir ce qu’il adviendra dans Splendeur et misère des courtisanes.



Beaucoup de thèmes sont donc abordés à travers ce roman qui constitue apparemment une sorte de concentré de ce que Balzac a pu écrire dans ses autres textes. Autant dire qu’on y trouve de tout et qu’on ne peut absolument pas s’ennuyer : amours déçus, trahisons, célébrité, déchéance, misère, jalousies en tout genre, égoïsme, amour familial, amitié, pardon, chantage, passion, fièvre et acharnement du chercheur et j’en oublie !

J’ai aussi adoré les descriptions de Paris ( celle de la Galerie des Bois ) où vraiment Balzac retranscrit l’atmosphère, l’ambiance du lieu à un point qu’on s’y croirait.



Voilà, je ne vois pas ce que je pourrais ajouter de plus sans trop en dévoiler. J’avais très peur de me lancer dans cette lecture, je m’imaginais un sujet plutôt austère et le nombre de pages m’intimidait aussi. Mais je suis ô combien heureuse d’avoir tenté l’aventure tout de même car Illusions perdues est, pour l’instant, le meilleur classique qu’il m’ait été donné de lire.



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Le Lys dans la vallée

Mais que s'est-il passé dans la tête d'Honoré de Balzac lorsqu'il écrivit le Lys dans la vallée ? Qu'a-t-il donc voulu nous dire ? Je n'ai pas encore lu beaucoup de livres de Balzac, mais ce roman, me semble-t-il, détonne dans son oeuvre à bien des égards.

Je vais raconter trois expériences personnelles dans ma rencontre progressive avec ce livre…

Adolescent, poussé par une sorte de romantisme à la fois échevelé et totalement pataud, j'ai cru bon un jour de me lancer dans la lecture de ce roman. Il m'est tombé des mains au bout de quelques pages… J'ai préféré alors me diriger vers Boris Vian, Jack Kerouac, Arthur Rimbaud...

Plus tard, c'est-à-dire, il y a quelques années, j'ai tenté de nouveau l'expérience. Et là, j'ai tenu bon jusqu'au bout. Est-ce dû au bénéfice de l'âge, à la sagesse et la patience qui en découlent ? Non, je dois avouer qu'avec quelques amis abonnés de la bibliothèque communale que je fréquente, nous avons eu un jour l'idée de lire un classique de la littérature française pour en parler ensuite autour d'un bon verre. Le choix se porta sur le Lys dans la vallée. Quand je dis que j'ai tenu bon, sans cet enjeu collectif, il y aurait eu là encore mille prétextes pour lâcher le livre et passer à d'autres lectures. Bien sûr j'ai été séduit par l'histoire, les personnages, la beauté de l'écriture dans la peinture des paysages de Touraine, tout le monde connaît cela, tout a été dit ici ou ailleurs, je ne vais pas y revenir. Mais quelque chose pourtant m'agaçait fortement. Dans la beauté de l'écriture, j'avais tendance à trouver que l'auteur forçait un peu le trait dans ce lyrisme exacerbé. Bref, pour dire crument les choses, je trouvais qu'il en faisait des tonnes ! Et puis d'emblée le personnage principal du livre, celui par lequel commence le roman, ce fameux Félix de Vandenesse, enfin tout de même, il fallait vraiment s'accrocher ou être un saint pour le trouver sympathique. Pour être franc, je l'ai tout d'abord trouvé insupportable, immature, ampoulé dans son orgueil et son lyrisme d'opérettes. Une vraie tête à claques ! Et maladroit de surcroît dans l'expression de ses désirs amoureux… Bon ça encore, il est possible de le lui pardonner… Je vous livre d'ailleurs un élément probant de cette maladresse. Le roman n'est rien moins qu'une longue lettre écrite par Félix à une certaine Natalie de Manerville, dont il cherche à conquérir le cœur. Et le roman s'achève par la réponse de celle-ci. Notre jeune Félix prétend même céder à son désir. Pour cela il décide de lui écrire une lettre pour lui raconter son passé afin qu'elle apprenne ainsi à mieux le connaître dans ses sentiments, une lettre qui fait pas moins de 250 pages, c'est-à-dire l'épaisseur du livre ! On ne pourra pas ici lui reprocher d'être dur à la tâche, ni le geste empli de sincérité. Mais voilà qu'en guise de propos introductif, il ne trouve rien de mieux que d'écrire « Enfin, tu l'as deviné Natalie. Peut-être vaut-il mieux que tu saches tout : ma vie est dominée par un fantôme ». On le saura très vite, ce fantôme est féminin et porte un nom : la comtesse Blanche de Mortsauf, que tout au long de sa longue confession, Félix va appeler Henriette, autre personnage clef du roman, Imaginez la pauvre Natalie qui attend avec impatience la lettre de Félix pour donner sa réponse et découvre que la place est déjà prise par une autre rivale : il n'y a rien de plus encombrant dans le coeur d'un homme que le fantôme d'une femme jadis aimée… Plus loin dans le récit, nous voyons ainsi Félix s'éprendre tout d'abord de la comtesse de Mortsauf, lors d'une réception dans une scène presque grotesque qui peut prêter à sourire : saisi d'un coup de foudre, il enroule son visage dans le dos et les épaules dénudées de la comtesse. Puis, le roman va s'étirer avec langueur et longueur dans un lyrisme certes fait de phrases très poétiques mais presqu'à l'excès, autour de cette relation amoureuse platonique et chaste entre l'impatient Félix et la vertueuse comtesse, qui se courent l'un après l'autre sans se rattraper, jusqu'à l'agonie et la fin tragique de celle-ci… Au milieu du récit surgit une femme anglaise, romantique, volcanique, extravagante, qui elle, ne passera pas par quatre chemins pour s'enflammer avec le jeune éphèbe... Et voilà !

Je serais resté sur cette impression passable si je n'avais pas, il y a quelques semaines, écouté une rediffusion d'une émission de France Culture où s'exprimait un certain Éric Bordas, - tiens ce nom nous rappelle vaguement le souvenir de nos chers ouvrages scolaires -, un enseignant spécialiste de l'oeuvre de Balzac. Et là brusquement, tout m'est apparu sous un jour nouveau. Alors je me suis de nouveau engouffré dans la lecture du Lys dans la Vallée, énervé d'être passé à côté de l'essentiel et là j'ai dû admettre que le cher Honoré de Balzac s'était bien amusé de nous, chers lecteurs…

Ainsi, je comprenais mieux sa fameuse citation un peu paradoxale : « Les femmes les plus vertueuses ont en elles quelque chose qui n'est jamais chaste ». Parlait-il de la chaste et vertueuse comtesse de Mortsauf ? Non seulement, je pense que oui, mais je suis désormais convaincu que derrière le ton lyrique et platonique du récit se cache une oeuvre ambiguë, ironique, subversive, gourmande et brûlante d'érotisme dont je vais vous livrer quelques indices que j'ai pu glaner ici et là grâce à ma relecture guidée.

Tout d'abord, n'oublions pas que tout au long du roman, ce n'est pas Balzac qui s'exprime dans ce ton ampoulé et parfois grotesque, mais le narrateur qui n'est autre que Félix. C'est une manière pour l'auteur de dépeindre de manière satirique tout ce qu'incarne le personnage de Félix dans son immaturité, son arrivisme et son ascension sociale. Et la réponse cinglante de la lettre de Natalie, qui vient sceller le roman, crédibilise totalement cette version.

Puis, Félix débaptise Blanche de Mortsauf, prénom incarnant clairement la vertu pour la rebaptiser Henriette tout au long de leur relation. Pourquoi Henriette ? Au tout du début, Félix évoque son enfance difficile, son séjour en pension, le dénuement et la convoitise. « Les célèbres rillettes et rillons de Tours formaient l'élément principal du repas que nous faisions au milieu de la journée, entre le déjeuner du matin et le dîner de la maison dont l'heure coïncidait avec notre rentrée. Cette préparation, si prisée par quelques gourmands, paraît rarement à Tours sur les tables aristocratiques ; si j'en entendis parler avant d'être mis en pension, je n'avais jamais eu le bonheur de voir étendre pour moi cette brune confiture sur une tartine de pain ; mais elle n'aurait pas été de mode à la pension, mon envie n'en eût pas été moins vive, car elle était devenue comme une idée fixe, semblable au désir qu'inspiraient à l'une des plus élégantes duchesses de Paris les ragoûts cuisinés par les portières, et qu'en sa qualité de femme, elle satisfit ». Non, me direz-vous, il a osé ?! Attendez, cette allusion prend tout son sens dans l'une des premières scènes fondatrices du roman où Félix enroule et déroule son visage le long des épaules de la Comtesse de Mortsauf, c'est-à-dire, lui rappelant cette façon gourmande d'étaler les rillettes sur une tartine de pain. La scène devient dès lors sensuelle, et rebaptisant Blanche du prénom d'Henriette, il va ainsi l'ancrer dans un des désirs primitifs de son enfance.

Puis, plusieurs scènes vont se déployer où Félix cueille des fleurs tous les matins pour les offrir à Henriette. On pourrait trouver tout ceci un tantinet suranné... Lisons plutôt ceci : « du sein de ce prolixe torrent d'amour qui déborde, s'élance un magnifique double pavot rouge accompagné de ses glands prêts à s'ouvrir, déployant les flammèches de son incendie au-dessus des jasmins étoilés et dominant la pluie incessante du pollen, beau nuage qui papillote dans l'air en reflétant le jour dans ses mille parcelles luisantes ! ». Henriette accueille ce bouquet avec ravissement, elle exprime même un petit cri de contentement et ne sera pas en reste pour lui composer à son tour des bouquets rivalisant d'expression. Dites-le avec les fleurs !

Au fur et à mesure que nous voyons l'histoire se dérouler, nous découvrons un personnage fort antipathique, bourreau d'Henriette son épouse, c'est-à-dire le Comte de Mortsauf, lui-même. Il est malade, il a des colères soudaines, tels des accès de folie brusque et violents à l'égard de son entourage. Il devient quasiment impotent, ne pouvant plus s'occuper lui-même de la gouvernance de la riche propriété, c'est son épouse Blanche qui va prendre le relais, se révélant ainsi un personnage féminin d'une grande stature sociale. Là encore, il y a quelque chose d'avant-gardiste de la part de Balzac, faisant de cet ouvrage une oeuvre féministe et sociale à sa manière, engagement précurseur pour l'époque. Mais revenons au Comte de Mortsauf. Diverses allusions évoquent sa vie libertine. A tel point qu'il n'y a qu'un pas pour tenter d'expliquer les symptômes et le nom de sa maladie : la syphilis. D'ailleurs, de quoi meurt Blanche de Mortsauf, sans doute contaminée par l'indigne époux ? Il est possible de croire qu'elle meurt d'un grand chagrin d'amour, mais tout de même, quelques détails ne laissent point planer le doute... Et d'ailleurs, les deux enfants du couple ne sont-ils pas eux aussi chétifs, maladifs... ? Alors, tout d'un coup cette histoire à première vue lyrique et chaste prend une allure douloureusement sulfureuse.

Enfin, l'agonie et la fin tragique de Blanche m'a fait penser à celle d'Emma Bovary ou bien à celle de Renée Saccard dans la Curée, autres personnages féminins dévastés par la passion amoureuse. Mais qu'ont-ils tous ces grands auteurs romanciers du XIXème siècle, Flaubert, Balzac, Zola, à faire mourir leurs héroïnes féminines, dans d'atroces souffrances où leurs brûlures portent aussi le signe de l'amour ?

J'espère que ce billet vous aidera à revisiter ce classique de la littérature française avec un regard nouveau.
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La Maison de Nucingen - Pierre Grassou

Sont regroupés ici deux portraits-nouvelles auxquels Honoré de Balzac nous a si souvent habitués. Tout d'abord La Maison Nucingen où l'auteur invite son lecteur à être une oreille indiscrète, qui écoute aux portes des confidences de quatre larrons — journalistes ou apparentés journalistes — bien connus de la comédie humaine : Bixiou, Blondet, Couture et Finot.



Lesquels amis commentent la réussite financière aussi subite qu'étonnante d'Eugène de Rastignac (héros du père Goriot) sous l'impulsion du Baron de Nucingen. Balzac y dresse un bref portrait du financier en général, dont Nucingen est selon lui l'archétype et qui s'appuie sur le personnage réel de James de Rothschild.



Ce faisant, Balzac décrit aussi la mécanique d'auto dévaluation ou réévaluation de ses propres valeurs. Le tout visant à faire exploser ou imploser temporairement la masse d'un portefeuille d'actions en vue soit de sa cession au-dessus de sa valeur réelle ou réciproquement de son rachat bien en-dessous.



Évidemment, beaucoup sont les dupes de ces transactions, et d'autant plus que l'on est un proche de Nucingen — que l'auteur compare à un loup-cervier. Si Nucingen est effectivement l'artisan de la fortune de Rastignac, il ne lui procure pas cet avantage par sympathie ou amitié, mais juste parce qu'il a besoin d'un porte-parole crédible pour ébruiter des " fuites " volontaires, le tout, bien sûr, dans le dessein d'affoler les places financières à son profit.



Cette mécanique boursière, évoquée un peu rapidement, presque en dilettante, est reprise, complétée et développée dans l'excellent roman de Zola, L'Argent. On peut en effet reprocher à Balzac, une fois n'est pas coutume, le côté succinct de la façon dont il traite un sujet aussi vaste, et aussi important de sa Comédie humaine, car, peu ou prou, l'argent est cause de tous les maux de son oeuvre, ou du moins d'un très grand nombre.



Pierre Grassou est un portrait, quant à lui, qui, même s'il s'appuie vraisemblablement sur une personne concrète, est bien plus la peinture d'un type que de quelqu'un en particulier. Il est d'ailleurs grandement question de peinture ici.



Qu'a cherché à nous dire Balzac au travers de Pierre Grassou ? Encore une fois, une parcelle du fonctionnement social ou sociétal dans lequel nous nous inscrivons encore de nos jours et qui concerne certes la peinture, mais encore bien davantage : littérature, musique et, je pense, à peu près tout le monde des arts au sens large.



Qu'en est-il ? Pierre Grassou est un provincial d'origine modeste et qui est venu tenter sa chance à Paris. Il s'échine et ne ménage pas sa peine auprès de très grands maîtres qui, tous, lui signifient poliment mais fermement qu'il n'a aucun talent et qu'il ferait mieux de quitter ce milieu. Ils le trouvent tous bon camarade mais en qualité d'artiste, zéro.



Alors Pierre Grassou gratte, gratte, gratte, s'efforce, s'efforce, s'efforce. Il rampe centimètre par centimètre pour tâcher d'atteindre les sommets. Mais il reste, au mieux, un copiste honnête, qui refait en très ordinaire de compositions qui ont révolutionné l'art en leur temps.



Toutefois, parmi les gens du gratin mondain qui n'y connaissent pas grand-chose en art, il arrive que certaines oeuvres de Grassou puissent, sur un malentendu, satisfaire l'oeil de l'une ou l'autre grosse légume, au rang desquels on comptera le roi Charles X.



La cour des lèche-savates fait donc grand éloge du tableau de Grassou et, dans la minute, on lui en commande à la pelle, de la même veine. Grassou exploite honnêtement le filon et devient vite un artiste dans le vent, une sommité de pacotille, multi-décoré, qui siège aux académies compétentes...



Je vous laisse évidemment découvrir le sel narratif de cette nouvelle et le rôle d'entremetteur que jouera le roublard marchand d'art juif Élias Magus. Ce qu'il est intéressant de noter, c'est que rien, absolument rien n'a changé à l'heure actuelle. Toutes les assemblées dites " d'experts " ou " d'artistes " sont pour la plupart un ramassis d'auteurs ou d'interprètes de deuxième voire troisième zone qui, par les vicissitudes de la vie, se sont fait un nom à un moment donné et qui capitalisent dessus jusqu'au restant de leurs jours.



Il suffit de regarder les jolies têtes de veaux d'Éric-Emmanuel Schmitt, Didier Decoin et consort pour se faire une opinion de l'académie Goncourt, et je n'ose même pas vous parler de la réception récente du grand, de l'illustre, du génialissime Marc Lambron à l'abracadémie française. Comme Lambron y est, Grassou y est. (Excusez une nouvelle fois ma fâcheuse tendance matinale au calembour de bas aloi ; on ne se refait pas.)



Là, là vraiment, on se dit qu'il avait tout de même un sacré oeil d'observateur notre petit Honoré chéri. On pourrait évidemment élargir ceci aux victoires de la musique et autres singeries du même genre dans d'autres domaines spécifiques des arts. En somme, le fossé qui existe entre le génie des artistes et leur reconnaissance publique et/ou académique.



Vaste sujet qui nous emmènerait loin et sur lequel je ne souhaite pas m'élancer plus avant. Deux nouvelles donc, très clairvoyantes, de loin pas celles que je préfère De Balzac qui a su faire beaucoup, beaucoup mieux, mais du Balzac — même de second choix — reste plus intéressant que ceux écris par la ribambelle de tiers couteaux sus-mentionnée. Au demeurant, souvenez-vous que ce que j'exprime ici est sujet à fluctuations sur les marchés de la critique car ce n'est que mon avis, qui, à tout moment peut se dévaluer et ne plus valoir grand-chose.
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Une passion dans le désert

La belle EST la bête !



Voici une petite nouvelle gentillette, pas la meilleure, assurément, de la Comédie Humaine, mais qui se laisse lire sans déplaisir. Du quasi Maupassant, avec pour scène de fond le désert d'Égypte pendant la campagne de Napoléon, qui s'appelait encore Bonaparte.



Un soldat français — fait prisonnier par les indigènes — arrive à prendre la poudre d'escampette mais se fait vite arraisonner par le plus grand, par l'unique en son genre, par le magistral désert du Sahara.



Notre infortuné soldat, vagabondant de dune en dune, trouvera donc un refuge inespéré dans une éminence de roches, creusée d'une accueillante grotte et environnée de palmiers dattiers. Mais à qui appartient ce repaire ? C'est ce que je vous veux laisser découvrir...



Il ne me reste plus qu'à vous conseiller de savourer un ou deux passages de cette nouvelle que je crois très beaux ou bien sentis, mais bien sûr, tout cela est affaire de goût et ceci n'est que l'avis d'une passionnée, un grain de sable dans le Sahara, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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Étude de femme

Encore une maladresse de facteur !

Force m'est de constater que cela ne date pas d'hier et que la privatisation de La Poste n'est donc pas seule en cause.

Étude De Femme est une nouvelle (du format de celles qu'aurait pu écrire Guy de Maupassant) faisant intervenir l'incontournable Eugène de Rastignac (voir, entre autre, Le Père Goriot) aux moments de sa jeunesse alors qu'il s'épanche dans une lettre à sa maîtresse, Delphine de Nucingen, la fille de Goriot.

Le problème, c'est que l'épître en question, va atterrir non pas chez Madame de Nucingen mais chez la très pieuse, trop droite, tellement prude et si fidèle Madame de Listomère (voir par exemple Le Curé de Tours).

Laquelle dame, comme on pouvait s'y attendre, prend tous les traits d'une femme offensée par cette déclaration impertinente.

Mais, de vous à moi, l'est-elle tant que cela, offensée ?...

Voici donc une petite nouvelle fort sympathique, sans prétention aucune, mais agréable à lire, du moins c'est mon avis, fort peu étudié, un parmi tant d'autres, c'est-à-dire bien peu de chose.
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La Peau de chagrin

Traitement du thème, qualité de l'intrigue, profondeur de la réflexion philosophique, merveille du style : Je suis littéralement à genoux devant la richesse de ce roman!



Le premier chapitre dans lequel Raphaël, prêt à mourir, acquiert le talisman et commence à en éprouver le pouvoir, est fantastique dans tous les sens du terme : que ce soit sa longue pérégrination introductive dans un Paris nocturne appelant au suicide, la description, magique, de la boutique de l'antiquaire, la rencontre et le pacte avec le diable, puis la luxuriante débauche appelée par son premier voeu, tout m'a ébloui dans cette première partie.

J'ai été tenue en haleine avec la même intensité par la dernière partie qui déroule la lente agonie de Raphaël, comblé de richesses mais lentement assassiné par sa terreur et déjà condamné à l'enfer de la solitude et de la souffrance éternelle. Il est vrai que le mythe de Faust me fascine depuis toujours, et que la transcription que Balzac en a faite est pour moi l'illustration parfaite que javais envie de lire.

Il n'y a guère que la partie centrale dans laquelle Raphaël s'épuise à courtiser la froide Foedora qui m'ait moins entraînée, je l'ai trouvée un peu longue et pas indispensable au propos; il me semble que Balzac a mieux rendu dans d'autres oeuvres les illusions perdues, les tourments du coeur et les affres de la misère confrontée à la richesse.



En attendant j'ai l'impression que l'auteur a jeté toute son âme et toute sa singularité dans ce roman, s'en donnant à coeur joie contre les perversions du pouvoir, la médiocrité bourgeoise, les pisse-froid de l'épargne (lui qui a tant fait de dettes!), la science imbue d'elle-même et inutile à l'homme, tout en livrant avec panache et conviction une pensée charpentée sur l'absurdité de la vie, la sagesse à opposer au vouloir ou encore les impasses de la passion.



On a chacun "son" Balzac préféré, un ensemble de prédilection fait d'une oeuvre, d'un aspect de l'homme et d'un talent de l'artiste ; pour ma part c'est dans cette veine-là que je l'adore.
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Un drame au bord de la mer

On a probablement tort de considérer Maupassant comme le maître absolu de la nouvelle au XIXème et comme l'héritier de Flaubert. Quand on y regarde de près, c'est Balzac qui est source de tout.



On oublie souvent — et combien trop — qu'Honoré de Balzac a lui aussi écrit des nouvelles, des belles, des fortes, notamment régionalistes comme celle qui nous occupe aujourd'hui, spécialité à laquelle Maupassant s'attèlera bien plus tard. (À ce titre, j'en profite pour signaler que dans les journaux dans lesquels paraissaient ses nouvelles, Guy de Maupassant avouait clairement de quel maître il se réclamait en signant souvent du pseudonyme Maufrigneuse, le nom d'un des personnages de la Comédie Humaine.)



Balzac nous concocte donc avec son Drame Au Bord De La Mer une nouvelle " à la Maupassant ", avant même que celui-ci n'ait vu le jour. Il nous fait débarquer au Croisic, qui, loin encore de jouir des bénéfices du tourisme balnéaire ou côtier, n'est encore à ce moment-là qu'une bourgade peu engageante, les pieds englués dans les marais salants de Guérande.



Un petit couple d'amoureux (parisiens ?), venus mouiller à l'occasion leurs beaux souliers vernis auprès des bas peuples des rivages, histoire de humer l'air du large pendant quelques heures avant de s'en retourner dans les tourbillons de la vie citadine, tombent sur un pêcheur à pied d'allure misérable.



Lui achetant grassement son homard et son araignée de mer, ils se concilient ses services en qualité de guide pour l'exploration de cette petite tranche de littoral. Celui-ci leur explique les meilleurs chemins, tant à marée haute qu'à marée basse, ainsi que...

... que cette espèce de grotte où l'on aperçoit un triste hère.



S'ils veulent rejoindre Le Croisic, le plus court sentier passe devant la grotte, mais, s'ils n'y voient pas d'inconvénient, lui fera un détour pour éviter la grotte de l'ermite. Pourquoi diable cet homme inspire-t-il tant de crainte au pêcheur ? Est-il un voyou, un malfrat, un gredin, un bagnard oublié ?



Cela ne semble pas être le cas. Le couple réclame des explications et le pêcheur en donne, plus que je ne saurais le faire moi-même car je considère comme un grand danger pour votre santé littéraire de vous en avouer beaucoup plus sur le passé houleux de l'ermite.



Sachez seulement qu'il peut y être question d'éducation et dont le thème me rappelle un peu celui de la nouvelle L'Orphelin de Maupassant dans le recueil Le Père Milon Et Autres Nouvelles.



Bref une petite nouvelle sympa, sans trop d'ambition, qui pourrait aussi, à la rigueur, exhaler des parfums de Simenon. Mais ceci n'est qu'un avis, une simple trame... au bord de la mer, secouée par les embruns de vos esprits affûtés, c'est-à-dire bien peu de chose.
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Eugénie Grandet

C'est le premier Balzac que j'ai lu. C'était il y a .... un certains temps à dire vrai ! Mais ce livre m'a quand même marquée.



Il m'a fallu du temps pour comprendre qu'avec cet écrivain il faut prendre sur soi car on a vite fait de bouillir d'impatience lorsque nous, pauvres lecteurs du 21ème siècle, nous retrouvons au milieu de digressions qui s'étalent sur des pages et des pages .... et encore d'autres pages !!

D'accord, en ce temps les écrivains étaient payés à la quantité, et tout flambeur qu'était le grand Honoré de Balzac, on imagine très aisément qu'il est ressenti le besoin d'étaler ses récits sur le plus de pages possibles.

C'est vrai aussi que ces descriptions nous laissent une peintures des moeurs de l'époque - dans son milieu social s'entend - des plus riches. Mais, difficile de ne pas se laisser tenter par l'abandon dans des moments pareils !



Enfin, une fois tout cela mis de côté, j'ai été touchée par Eugénie Grandet. Une jeune fille pleine de candeur, généreuse... et bien trop crédule !

Alors pourquoi ne pas m'être agacée ? Sans doute parce que je me suis un peu identifiée à cette époque (j'avais 13 ou 14ans), et découvrais que "donner" n'est pas gage de recevoir encore moins de gratitude.



C'est donc comme cela que Balzac est resté dans ma mémoire : comme un peintre des tempéraments humains. En montrant aussi que tous ne sont pas blancs ou noirs, et que les préceptes enseignées à la messe ... restent à la messe ! car la vie a d'autres obligations : celles du "soi".

Une révélation pour moi à l'époque !
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La grande Bretèche - Un Épisode sous la Terreur

On l'oublie souvent, mais Honoré de Balzac était un grand nouvelliste, parmi les tout grands. le problème, c'est qu'il a fait tellement de choses, et de grandes choses, que ses nouvelles passent, aux yeux des commentateurs, pour une portion congrue de son oeuvre, presque pour les miettes d'un ensemble extraordinairement vaste et complexe.



Il est vrai que quand vous venez de lire un morceau tel que les Illusions Perdues, vous vous demandez qu'est-ce qui dans son oeuvre peut rivaliser avec un monument pareil. Mais, je le répète, c'est un tort. Balzac est indéniablement le modèle De Maupassant, bien plus que Flaubert ou que Zola auprès desquels on le rapproche parfois.



En fait, l'ennui avec ce genre de personnes, c'est qu'il savait tout faire, du vers, de la prose, du théâtre, du conte, de la nouvelle, du roman (naturaliste, fantastique, policier, historique, etc.), de la philosophie, des essais de sorte que notre cerveau étroit, qui aime bien coller des étiquettes sur les gens pour savoir où les ranger, peine à lui en coller une. Et, en plus, le scolaire s'est invité dans le débat si bien qu'on a tous, plus ou moins des souvenirs d'oeuvres imposées par les programmes, oeuvres que je trouve, pour la plupart inadaptées à l'âge et à l'intérêt des élèves de l'âge considéré.



Et si, pour faire découvrir Balzac aux plus jeunes on commençait par des nouvelles ? Ça ce serait drôlement rusé ; voilà une mayonnaise qui risquerait de prendre et des truites mordre à l'hameçon (loin de moi cependant de prendre les lycéens pour des truites, gardez-m'en bien).



En voici deux qui feraient, me semble-t-il, parfaitement l'affaire. Tout d'abord LA GRANDE BRETÈCHE, et cette interrogation, en guise de teasing : Qu'y a-t-il derrière un mur abandonné ? Ne vous êtes-vous jamais demandé ce qu'il pouvait bien y avoir derrière ce que l'on prend du soin à dissimuler ?



Combien de fantasmes, d'histoires rocambolesques ne nous sommes-nous pas déjà construits, échafaudé sur rien de tangible, juste une impression qu'on nous cachait quelque chose.



Balzac titille cette fibre en nous grâce à cette nouvelle, une très belle nouvelle ayant à nouveau pour narrateur le médecin Horace Bianchon, tout comme la non moins réussie Messe de l'Athée que je recommande bien volontiers aux lycéens.



Notre Honoré national nous emmène cette fois dans le Vendômois, où Bianchon s'est pris d'une passion pour un lieu insolite : La Grande Bretèche. Il s'agit d'un magnifique domaine en bordure du Loir, parc à la française et manoir de caractère, le tout complètement laissé à l'abandon depuis au bas mot une dizaine d'années. le médecin y goûte quelques temps le bonheur d'un lieu de recueillement propice à la création poétique.



Jusqu'au jour où un vieux notaire de sinistre physionomie, maître Regnault, vient lui signifier qu'il n'est pas permis à qui que ce soit de pénétrer sur ce domaine et ce, par volonté testamentaire. Quel mystère baigne cette incompréhensible décision d'un mourant ?



C'est ce que vous découvrirez en même temps que Bianchon qui, émoustillé par le piment de l'intrigue décide d'en connaître le fin mot, quitte à tirer les vers du nez de Madame Lepas, l'aubergiste ou à faire les yeux doux à Rosalie, l'ancienne femme de chambre du domaine.



Par ce bref récit, Honoré de Balzac nous livre une fois encore toute l'étendue de son talent de conteur ; si doué à susciter les merveilleux parfums de l'évocation et si prompt à faire palpiter les ressorts du suspense.



Basculons ensuite sur un tout autre type de nouvelle avec UN ÉPISODE SOUS LA TERREUR. Ici, Honoré de Balzac nous offre une nouvelle assez particulière, sans le caustique habituel ni le luxe de description. Ici, tout est épuré et, une fois n'est pas coutume, il fait l'éloge de ses personnages.



Un mystérieux homme (je cache volontairement son identité afin de ne pas ruiner l'effet recherché par l'auteur) vient réclamer une messe clandestine à un abbé, terré dans une mansarde miteuse aidé de deux soeurs dévotes. (Vous avez compris que la Terreur est bien entendu cette période de la Révolution française durant laquelle les têtes volaient un peu plus que de coutume sous le grand couperet de la guillotine, surtout si l'on était, de près ou de loin, ami du clergé ou de la noblesse.)



Le plus étonnant est que l'étranger en question vient, très solennellement, demander une messe pour... le feu roi Louis XVI ! Balzac sait y être poignant et célébrer le dénuement et la dévotion. Bref, un beau petit bijou de nouvelle, mais de ceci comme de la précédente, ce sera à vous de vous en faire une meilleure idée par vous-même car ceci n'est que mon avis, un tout petit avis sous la terreur d'une erreur, autant dire, pas grand-chose.
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Philosophie de la vie conjugale

Philosophie de la vie conjugale ou que se passe-t-il après le happy ending ?



« Le mieux en ménage est d’avoir pour l’autre une indulgence plénière ». Dans cette courte nouvelle, les descriptions balzaciennes passent à la trappe, l’auteur nous fait la grâce d’un condensé de sa créativité littéraire sans bornes. Certes la phrase est pressée et les jeux avec la langue et les participes passés d’un Flaubert, chers à Proust, ne s’y retrouvent pas, mais quel plaisir de lire un auteur qui a un tel bonheur d’écrire !



« La vie ne se recommence pas, il faut la bourrer de plaisir. » Provocante, drôlissime, sociologique cette coupe transversale d’un ménage bourgeois, divisée en plusieurs axiomes comme si Honoré de Balzac cherchait à énoncer les propriétés qui composent le couple, est un délice de lecture !



« La maison de campagne est une maladie particulière à l’habitant de Paris. » Paris n’est jamais loin et c’est aussi prétexte à Balzac pour titiller les mœurs bourgeoises de sa ville. Adolphe et Caroline, les deux époux du livre, sont en effet soumis au regard d’autrui, comme eux-mêmes peuvent épier leurs voisins, Balzac notant que « l’observation ne s’endort jamais, tandis que la prudence a ses moments d’oubli. Les rideaux ne sont pas toujours détachés à temps. » Les parisiens du milieu du XIXème siècle connaissent déjà les joies des vis-à-vis (plutôt vies-à-vies), ces « droit de visite commun, auxquels nul ne peut se soustraire » à moins bien sûr d’en avoir les moyens : « pour qu’une existence y ait de la pudeur, elle doit posséder cent mille francs de rente. »



La guerre permanente que l’on se joue, guerre ou théâtre, « les scènes » de ménage relèvent surement des deux, le docteur Balzac y trouve un remède tout à point « la morale de tout cela c’est qu’il n’y a d’heureux que les ménages à quatre ! »



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