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Critiques de Horace McCoy (130)
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On achève bien les chevaux

Cette critique vient en réaction à une critique récente qui, je pense, donne une idée assez piètre de ce livre. Loin de moi l'idée de dénigrer cette critique qui est légitime et parfaitement entendable. Seulement une volonté d'apporter un éclairage autre sur ce livre, que, personnellement, je tiens en TRÈS, TRÈS haute estime. (Je tiens également à apporter quelques précisions eu égard au film de 1967 réalisé par Sydney Pollack et qui se présente comme issu du livre.)



Ce film fut pour moi une cruelle déception ! Moi qui apprécie pourtant les talents de réalisateur de Pollack (notamment dans l'adaptation fameuse de la Ferme Africaine de Karen Blixen), je ne puis que vous inciter à 563000% à vous fier au livre de Mc Coy pour vous faire une idée véritable de l'oeuvre.



Le film me semble aussi lent et ennuyeux que le livre m'apparaît tonique et captivant. Sans être un navet, c'est tellement moins subtil, tellement modifié que ça ne ressemble plus beaucoup à l'original. Je pense notamment au rôle de Gloria interprété par Jane Fonda qui n'a pas grand-chose à voir avec la Gloria du livre. Personnellement, je trouve Jane Fonda imbuvable et caricaturale dans ce rôle.



Qu'en est-il du livre alors ? me direz-vous. Là, c'est une autre paire de manches et je pense qu'il serait très réducteur de s'arrêter au seul scénario. Voici mes raisons :

Au travers de ce petit roman, Horace McCoy a, à la fois le talent de choisir un élément anecdotique du fonctionnement d'une société (l'organisation des marathons de danse sur plusieurs semaines dans les années 1930 sur la côte ouest des USA) qui en illustre le principal dysfonctionnement (voyeurisme, cupidité, mercantilisme sur la vie des gens, etc.) et qui a donc une valeur de généralisation, mais également un talent de narration d'une redoutable efficacité.



Deux personnages, deux paumés, un homme et une femme, deux oubliés du rêve américain, qui cherchent désespérément une place de figurant à Hollywood se rencontrent par hasard.



Gloria décide Robert à participer à un marathon de danse dont la prime semble bien dérisoire, à savoir 1000 dollars, mais 1000 dollars, au milieu des années 30, en Californie, quand on vient d'un trou perdu, c'est presque la fortune !



La grande force de cet exemple réside dans le principe même de l'épreuve, vu qu'au moment où tous sont épuisés et auraient envie de jeter l'éponge, ils ont déjà tellement souffert qu'ils trouvent dommage d'arrêter si prêt du but, et du coup, tous re-signent pour un tour de plus de ce manège abject et sans fin. (En psychologie sociale, ce phénomène est connu sous le nom de " d'erreur de jugement des coûts irrécupérables " — sunk cost fallacy en anglais.) Dans les faits, c'est une attraction sur la fêlure des gens, télé-réalité avant l'heure ou gladiateurs modernes, où l'on attend que l'un des concurrents s'écroule, issue que les commanditaires attendent en refourguant au passage tout un monceau de pacotilles publicitaires.



C'est donc bien une vision qui de nos jours est et demeure pénétrante d'acuité, une réflexion qui n'a pas pris une ride sur notre système actuel (j'écris en cette première moitié de la décennie 2010) alors que le livre date de 1935, sur l'enfer du quotidien, sur la déprime que crée le système dont Gloria est le symbole. (Robert est pris d'extase à un moment, simplement à pouvoir contempler un coucher de soleil pendant quelques minutes.)



Pour continuer le parallèle avec le cinéma entamé plus haut, c'est une dénonciation au moins aussi forte que celle de Chaplin dans Les Temps Modernes. Gloria dit à un moment qu'elle se sent trop fatiguée pour vivre et pas assez courageuse pour mourir. Elle implore alors le coup de grâce à l'infortuné Robert, pauvre bougre et compagnon de descente aux enfers...



Robert et Gloria, d'une certaine manière vont sortir de la route toute tracée, et cela, l'Amérique ne peut le supporter, et elle les broiera pour en faire des exemples. Les organisateurs du concours, tout cyniques qu'ils sont, représentent la force et la faiblesse de l'Amérique, à la fois douée d'une énergie folle pour s'en sortir et mais parallèlement peu regardante sur les moyens à utiliser pour atteindre cet objectif.



Bref, selon moi, un chef-d'oeuvre absolu, fort, tonique et qui imprime l'inconscient, bien plus qu'un simple roman noir, une analyse et une critique sociale pertinentes, il y a, je le répète, toujours d'après moi, de la philosophie là-dessous, il y a de l'analyse sociale fine, il y a un tas de qualités. Je comprends toutefois que nous ayons chacun nos sensibilités différentes et que l'ouvrage puisse laisser certains lecteurs totalement de marbre. Comme je le précise à chaque fois, ceci n'est que mon avis, qu'on ferait peut-être mieux d'achever, c'est-à-dire, pas grand-chose.
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On achève bien les chevaux

C'est sur les conseils avisés de mon ami Morganex ( un grande merci !) que j'ai plongé dans ce roman . Déjà très court en nombre de page et portant l'étiquette de polars : ça ne pouvait déjà que me plaire.



Mais une fois rentrée dans le livre , j'ai été très intriguée par la construction du roman , qui est assez atypique. Mais aussi par la trame qui laisse envisager tellement de choses.



J'ai beaucoup aimé la plume de l'auteur , mais je crois que sa grande force est la noirceur. Et puis il captive son lecteur a tel point qu'on ne lache plus le roman avant de l'avoir fini. Cette façon de raconter est incroyable.

et ce qui m'a vraiment frappé c'est la réciprocité entre ce marathon de la danse et ce qui arrive au personnage principal. Cette idée que l'on n'a plus rien a perdre et que l'on doit aller au bout de son désespoir et de ses idées.



Franchement une très belle lecture. Je sais que l'auteur est un classique de la littérature US, mais c'est une découverte pour moi. Je pense que je vais poursuivre en lisant d'autres oeuvres de Horace MacCoy.
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On achève bien les chevaux



J'ai d'abord vu le film de Sidney Pollack de 1969, basé sur l'ouvrage de Horace McCoy de 1935, l'année de sa sortie dans nos salles et l'histoire m'a tellement impressionné que je suis retourné voir le film le lendemain. Et pas parce que j'étais un fan inconditionnel de Jane Fonda, ce que je n'étais pas, quoiqu'elle y est convaincante. L'idée qu'il y ait eu aux États-Unis des marathons de danse pour des sous, ou tout simplement pour se remplir l'estomac, m'avait laissé interdit. C'était avant de lire "Les raisins de la colère" du Prix Nobel John Steinbeck, LE livre sur la Grande Dépression américaine après le Krach de Wall Street de 1929.



D'après les statistiques de Babelio, dont la qualité scientifique n'est contestée par personne de sensé, ce roman a été lu par presque 1000 Babéliautes, 937 pour être aussi précis que notre site préféré ! Chiffre saisissant, auquel il convient naturellement d'ajouter toutes celles et tous ceux qui ont vu le film et dont le total doit être carrément hallucinant et se situer dans les dizaines de milliers de spectateurs, rien que dans les pays francophones de notre vieille Europe, que ce serait un exercice hautement futile que de vouloir résumer le récit de ce pauvre McCoy.



Au moment de la lecture en 1971, j'avais noté au crayon pour moi-même en bas d'une page à propos des marathons yankees de danse les qualificatifs suivants : inhumains, décadents et hypocrites.

Deux dames de la Ligue des mères pour le relèvement de la morale publique essaient de faire arrêter le marathon par le Conseil municipal de l'endroit parce qu'elles estiment que le spectacle est "vil et dégradant". Objectivement elles ont, bien entendu, raison. Mais si le Conseil municipal est réticent c'est que, comme souvent aux États-Unis, c'est tout d'abord une histoire de sous. Il y a en effet les entrées, la vente de boissons et victuailles et cela sur une période de marathon qui dépasse facilement le mois.



L'auteur fait référence à un marathon de danse qui s'est tenu, en cette période dans l'Oklahoma, et qui a duré 1.253 heures, soit plus de 52 jours d'affilé. Les participants étaient obligés de constamment se mouvoir, sauf lors d'une petite pause de 10 minutes tous les 2 heures. De très courtes pauses durant lesquelles il fallait se nourrir, se laver et changer de vêtements, se faire masser les muscles endoloris, se faire ausculter et à la rigueur soigner par le toubib et les infirmières et cela évidemment à toute vitesse et... dormir un petit bout, quitte à être obligé de se faire réveiller à l'ammoniaque pour pouvoir reprendre la "danse".



Certains organisateurs de telles festivités inventaient par ailleurs n'importe quoi pour augmenter la "qualité" des show en prévoyant des petits sprints et bien pires des derbys éliminatoires autour de la piste avec le couple qui faisait le moins de tours disqualifié.



Si participer à de tels événements était rentable, à vous de juger. Les participants recevaient 7 fois par 24 heures de la nourriture : 3 repas complets et 4 casse-croûte. Ils recevaient aussi vêtements et godasses, ce qui n'est pas un luxe car l'usure des vêtements et chaussures est importante. Puis, il y avait les sponsors, comme par exemple "La Bière Jonathan, qui ne fait pas engraisser" et offre au couple sortant gagnant d'un petit sprint 20 dollars.



Et finalement pour le couple victorieux, qui a tenu le plus longtemps, la prime. Dans l'exemple donné d'Oklahoma 1500 dollars pour 1253 heures. Faites vos calculs, mais n'oubliez pas qu'un dollar de 1935 vaut un peu plus qu'un dollar 2019 et que ce n'est qu'un seul couple qui touche le prix.

Compte tenu des dommages que de telles épreuves physiques causent au corps humain, la bonne question est de savoir si ces 1500 dollars permettront de financer l'aide médicale et pharmaceutique indispensables à moyen et à long terme pour soigner ces dommages ?



J'ai lu d'autres ouvrages de Horace McCoy, tels "Un linceul n'a pas de poches" de 1937 et "Pertes et fracas" de 1953, mais je crois que ce roman-ci constitue incontestablement son chef-d'oeuvre.



Il y a aussi son approfondissement des héros de l'histoire et lorsque Gloria, qui en a totalement marre de la vie, tout en ayant peur de mourir - comme dans le célèbre negro-spiritual "Old Man River" : "I'm tired of living and 'fraid of dying." - demande à la fin à son partenaire, en lui tendant un revolver : "prends-le et poinçonne mon ticket pour là-haut". Et Robert tire ......

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On achève bien les chevaux

Il n'y aura jamais assez d'étoiles pour On achève bien les chevaux!

Horace Mac Coy remuait le bâton dans la plaie du mal américain...

Un cirque hallucinant, sur la piste duquel tournent les exclus du rêve américain, à bout de nuit, de jours et de forces. Un livre où le lecteur tourne avec les pages et chavire dans un moite effroi.

Chez Mac Coy, le dégout se ressent à chaque phrase comme dans Un linceul n'a pas de poche, paru sous le numéro 4 de la Série Noire.

Mais, On achève bien les chevaux n'a rien de vraiment...policier. Raison pour la quelle Gallimard le publia dans sa collection Du monde entier.

Horace Mac Coy est un grand de cette littérature américaine de l'urgence, du désespoir et de la dénonciation: Des livres brefs, souvent, efficaces et qui tapent dans l'estomac là où cela fait mal.

Il fait partie, Horace Mac Coy, de cette génération disparue dont Marcel Duhamel publia quelques pépites dans la Série Noire (les premiers, ceux en jaune et noir avec jaquette luisante...)

Mais les héritiers de Mac Coy, Tracy, Cain, Goodis ont pris la relève, et le cauchemar américain continue de tourner comme un grand manège de l'infamie et de son âpre poésie.

Le Noir est une couleur, hélas, d'avenir.
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Un linceul n'a pas de poches

Si ce linceul n'a pas de poche, Horace McCoy , lui, a rempli les siennes avec des fioles de vitriol. Faute d'éditeur aux Etats-Unis, il est publié en Angleterre en 1937 puis en France après la guerre, portant le dossard n°4 dans la mythique Série Noire.

Violente critique de la presse américaine hypocritement célébrée comme libre et indépendante, ce très bon roman noir met en scène Mike Dolan, un journaliste qualifié par son rédacteur en chef de « Don Quichotte », qui, las de voir ses articles passer à la trappe, claque la porte de la salle de rédaction pour fonder un hebdomadaire, le Cosmopolite, qui ne sera pas soumis aux diktats des annonceurs. Enfin libre, il décide de rendre publique son enquête sur des sportifs professionnels corrompus, qui avait été censurée par son précédent employeur. le succès aidant, Dolan s'attaque à un médecin qui pratique des avortements clandestins et cause la mort de ses patientes, puis aux « Croisés », un groupuscule d'extrême-droite mené par des notables qui appliquent à la ville de Colton les méthodes du KKK. Mais le journal dérange et les milieux corrompus où s'exerce le pouvoir vont le lui faire savoir.



Portrait sans concession d'une société américaine des années 30 où la liberté de penser et de dire est illusoire, Un linceul n'a pas de poches est un roman lucide dans lequel McCoy dit toute son amertume. le très entier Mike Dolan a la révolte chevillée au corps. Il nous rappelle Johnny Hill, le personnage secondaire marquant de son roman J'aurais dû rester chez nous, scénariste à Hollywood, viré de son emploi sous la pression d'un consul allemand pour avoir montré dans l'un de ses scénarios les visées d'Hitler. Décidément, McCoy, comme Hammett, aimait dénoncer les ratés du rêve américain.



Extrait:  

« Il y avait un Carlisle dans chaque ville, mais que des millions et des millions de de gens étaient trop crétins pour s'en soucier, et que c'était pareil dans le monde entier: des millions et des millions de gens prenaient Hitler pour un grand bonhomme, sans savoir (ou sans s'en inquiéter) que c'était un fou qui battait de la grosse caisse, pauvre malade délirant, conduisant un immense troupeau (ces mêmes millions de crétins) à l'abattoir, et qu'il finirait sûrement par nous y conduire tous (Hemingway avait raison de dire que dans la prochaine guerre, la T.S.F. servirait à propager une hystérie collective); songeant qu'il serait grand temps de les liquider, tous ces Carlisle et ces Hitler; oui, bien sûr, tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes, dans ce superbe, ce merveilleux paradis que sont les Etats-Unis d'Amérique, seul pays où la radio est libre et ne connait pas la censure, où la parole, la presse, sont libres et ne connaissent pas de censure - parfaitement, un homme a le droit de dire tout ce qui lui passe par la tête, quand ça lui chante- tu parles- essaie seulement et on te rafle ton journal.

L'espèce

de saloperie

d'enfant de putain

se dit-il, en songeant à Carlisle (mais songeant en même temps à Hitler). »
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On achève bien les chevaux

« Accusé, levez-vous… » (incipit)



L'accusé c'est Robert. Il est accusé d'avoir tué Gloria, sa partenaire d'infortune. Il n'a pourtant pas l'air d'un méchant garçon ce Robert. Qu'est ce qui a bien pu l'amener à tuer son amie ?



Le récit dure le temps de l'énoncé du verdict, le temps d'une sentence qu'il voudrait ne pas entendre (nous non plus!), une sentence qui est énumérée par à-coups, comme une ruade, à mesure qu'il se souvient de sa rencontre avec Gloria et de ce marathon de danse auquel ils ont participé, ou autrement dit, à ce qui l'a conduit dans ce tribunal.



Quelle ignominie ces marathons de danse ! La misère mise en scène… Marathon de la dernière chance ? Marathon de l'enfer ? Marathon de la honte ? Ils finiront par être interdits sur l'ensemble du territoire américain le 13 mars 1967. Mais dans cette Amérique désenchantée des années trente, ils fleurissent un peu partout et attirent nombre de candidats … et de supporters !



Avec nos marathoniens, le rêve américain en prend sacrément pour son grade. C'est une critique sombre et amère de la société américaine. D'un côté il y a l'exploitation de la misère sans aucun respect de la dignité humaine, de l'autre des hordes de personnes prêtes à tout, même à mourir, pour un repas et quelques miettes d'espoir, et au centre une foule avide du spectacle, à l'affut des débordements et de ceux qui s'écrouleront ! Voyeurisme, cupidité, magouille, corruption, compétition, sponsoring, humiliation… il y a tout ça et plus encore. C'est un microcosme d'un réalisme édifiant. le plus affligeant, c'est que bien que publié en 1935, ce livre reste par de nombreux aspects, contemporain à en pleurer !



Robert et Gloria vont devoir apprendre très vite les ficelles et les codes de ce petit monde organisé pour avoir une chance d'aller au bout. Au bout de quoi ? Ces deux-là forment un tandem plutôt discordant, deux manières de subir la misère, faites d'espoir et de désespoir : lui, le rêveur un peu naïf, qui prend la vie comme elle vient, croit en ses chances de devenir metteur en scène ; elle, la désillusionnée, qui traine son mal de vivre. Nous savons très peu de choses du passé des protagonistes et de leurs pensées, comme s'ils étaient enracinés dans le présent, sans passé, ni futur. Finalement, c'est à chacun de se faire sa propre opinion.



« On achève bien les chevaux » fait partie de ces courts romans d'une concision implacable qui en ont sacrément sous le capot. Il dérange, dégage une normalité qui fait froid dans le dos, et continue à vous hanter bien après l'avoir refermé. Je l'ai lu il y a plusieurs mois mais son souvenir est toujours aussi vivace, et sa fin est marquée au fer dans ma chair !

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On achève bien les chevaux

"J'ai même vu, de mes yeux vu, la Sibylle de Cumes suspendue dans une fiole, et quand les enfants lui disaient : Sibylle, que veux tu ? Elle répondait : Je veux mourir."

( Pétrone, "Satiricon")



Amour, envie, joie, tristesse... il y a les sentiments et les états d'esprit qui restent toujours les mêmes, même si le monde continue à tourner et l'humanité continue son chemin. Et aussi le désespoir et la lassitude...

T.S. Eliot a choisi cette citation en 1922 comme ouverture de son "The Waste Land", un poème - lamentation... vivre en "terre vaine" est la même chose que d'être juste l'ombre d'un véritable être vivant.

La Sibylle de Pétrone, condamnée à l'immortalité et moquée de tous dans sa cage à Cumes dit "apothanein thelo" en grec; Gloria Beattie, sur le parquet d'un marathon de danse et sous les yeux des spectateurs avides dit "I wish I was dead" en anglais - mais ce sont les mêmes mots - "dans ce monde et dans ces conditions la vie n'a plus de sens".



"On achève bien les chevaux" est un roman court qui s'inscrit dans une époque bien précise - celle de la crise américaine après le "vendredi noir" au début des années 30.

McCoy connaissait bien (en tant qu'organisateur) les coulisses de ces "marathons" où les couples dansaient pendant des semaines entières (logés, nourris, avec une récompense de mille dollars qui se profile fugitivement à la fin). Sur le parquet on dansait, on mangeait, on se faisait soigner (de temps en temps on se mariait), on se soutenait mutuellement pour ne pas s'évanouir. Parfois aussi, on mourait.

Tout ça dans l'espoir de devenir le couple préféré du public, et dans le meilleur des cas, de se faire remarquer par quelque producteur hollywoodien.



Tel est le cas de Robert, qui entretient encore un semblant de rêve de devenir un jour metteur en scène. Il rencontre Gloria, une starlette rejetée, par hasard. Pour Gloria la vie ne vaut plus rien, c'est juste une image dans un miroir qui déforme le sourire en horrible grimace. Mais elle accepte d'accompagner Robert dans cette parodie d'amusement... alors, ils dansent - l'imbattable "couple 22"- en discutant de la vie d'une façon qui vous donne l'impression que la température autour de vous est en chute libre.

Il n'y a plus d'issue pour Gloria. Et Robert, dans sa brutalité, a quelque chose de terriblement noble - il ne veut pas mentir, il n'essaie plus de remonter le moral de sa partenaire en la persuadant qu'elle est différente de celle qu'elle pense être... Il l'aide seulement à "descendre de ce manège". Car on achève bien les chevaux par miséricorde...



Un contemporain (beaucoup plus célèbre) de McCoy a dit qu'une histoire, même toute simple (qui parle, par exemple, d'un vieil homme, de la mer et d'un gros poisson) et qui vient de la réalité, peut signifier des choses bien plus importantes que cette histoire elle-même. A condition qu'elle soit bien écrite.

Et dans ce sens, je pense que McCoy, avec son "petit" roman, a bien réussi.

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On achève bien les chevaux

C'est un roman noir, très noir.

États-Unis, Hollywood. On est dans les années 30 et la crise économique est encore bien là. Pour essayer de gagner un peu d'argent, des couples participent à des marathons de danse, épreuves se déroulant sur plusieurs semaines, avec 10 minutes de pause toutes les deux heures; le reste du temps les participants ne doivent pas rester immobiles. Et quand l'assistance est trop clairsemée, pour renforcer l'attractivité du spectacle, on ajoute tous les soirs un derby, où les couples doivent rivaliser de vitesse sur la piste pour ne pas finir à la dernière place, synonyme d'élimination directe.

Certains sont des professionnels, qui vont de marathon en marathon, certains des paumés qui y voient la possibilité de manger à leur faim pendant toute leur participation, et éventuellement de toucher le gros lot.

Robert et Gloria sont de ceux-là. Ils essayaient de percer dans le cinéma, sans succès. Robert veut y croire, Gloria n'y croit plus, pas plus au marathon qu'à la vie.

Roman noir et désenchanté qui fustige cette exploitation de la misère, qui montre bien avant l'heure de la télé réalité comment le malheur des uns pouvait servir les autres et faire leur richesse.

On sait dès le début qu'ils ne s'en sortiront pas et malgré tout on voudrait y croire. Pas De miracle !

Merci à Sylvie (Sylviedoc) dont la critique m'avait donné envie de découvrir le livre, bien qu'ayant vu le film, ce que je fais très rarement. Les images m'en sont d'ailleurs restées en tête tout au long de ma lecture.
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Adieu la vie, adieu l'amour...

Le rêve américain, Horace McCoy, il lui rentre dans le lard, il le pulvérise, il le piétine. Il le foule si bien au pied qu’il a moins de succès avec ses personnages de romans noirs qu’un auteur qui mettrait en scène un privé ou un flic dur à cuire navigant en eaux troubles mais en bonne compagnie (féminine).

Prenons pour exemple Adieu la vie, adieu l'amour... (Kiss Tomorrow Goodbye) . Un héros viril, intelligent, qui a étudié à l’université, souffre d’un complexe de supériorité: Il vaut mieux que ses compagnons d’infortune qui purgent leur peine dans une sinistre ferme prison. Cotter se fait la malle, grâce à sa maitresse et à quelques complices, puis prend l’argent où il se trouve, en braquant.

Cotter est violent. Tout ce qu’il convoite, il s’en empare et s’acoquine avec des acolytes aussi dénués de moralité que lui. Il peut le faire, il est malin, ambitieux, et ne se fait pas pincer, c’est vrai, quoi, il vit en Amérique. C’est son droit.

Mais Cotter a des failles, de violentes crises de panique et d’angoisse qui le poussent à tuer. Rien ne semble pouvoir mettre un terme à sa violence, pas même une femme.



Au cinéma c’est James Cagney qui l’incarne dans Le Fauve en liberté, Cagney, la teigne la plus méchante de Hollywood, l’acteur qui écrase un demi pamplemousse sur le visage de la pauvre Mae Clarke  dans L’Ennemi public ou qui a l’air bon pour l’asile tant il est excellent en psychopathe dans L’Enfer est à lui.



Horace McCoy, archétype du héros américain, récipiendaire de la Croix de Guerre en août 1918, octroyée par le gouvernement français, ne nous sert pas des figures héroïques. Adieu la vie, adieu l’amour… est le récit d’une chute infernale, narrée avec beaucoup de maitrise et de réalisme. Il introduit une dimension psychiatrique dans la description de son personnage principal, et poursuit son exploration sans concession d’un pays rongé par une soif inextinguible de richesse, malgré les ravages de la Grande Dépression, une nation qui ne laisse ni place, ni espoir aux plus pauvres de ses citoyens.
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On achève bien les chevaux

Le rêve hollywoodien...c'est ce qui a amené Gloria depuis le Texas et Robert qui débarque de l'Arkansas à se rencontrer un beau matin aux abords des studios de cinéma où ils espèrent décrocher le graal : un rôle dans une des productions du moment. Nous sommes au début des années 30, l'Amérique peine à se relever de la crise, et nombre de jeunes gens sont prêts à tout pour ramasser un peu d'argent, ou être repéré par un recruteur. Ce qui va amener nos deux héros à s'inscrire à un marathon de danse, où ils seront assurés de la nourriture, de quelques vêtements (et chaussures, indispensables !), et d'un abri pour le temps qu'ils tiendront le rythme. Par contre, pour ce qui est du sommeil, il sera très rationné, à peine 10 minutes par tranches de deux heures. Et encore, pendant ce laps de temps il faut également se nourrir, se laver, se faire soigner quand nécessaire et satisfaire ses besoins essentiels, autant dire qu'on est loin du baloche à Lucien ! Mais il y a mille dollars à la clé pour les vainqueurs, une somme suffisamment conséquente pour attirer de nombreux couples de crève-la-faim. Et des professionnels, aussi, qui enchaînent ces compétitions et laissent peu de chances aux amateurs. Ici ils sont représentés par James et Ruby, qui vont devenir assez proches de Robert et Gloria. Ruby est enceinte de cinq mois...



Pour corser un peu la chose, et attirer des sponsors et du public payant, les organisateurs ont pensé à tout : coin buvette, évènements spéciaux célébrés à grand renfort de pub, ou encore les derbies, des courses éreintantes à l'issue desquelles le couple arrivant dernier est éliminé. Bien sûr, certaines associations ou ligues de vertu s'émeuvent de cette exploitation de la misère humaine, mais difficile d'avoir gain de cause quand ce genre de spectacle rapporte tant. (D'ailleurs, les choses n'ont pas beaucoup changé sur le fond, de nos jours nombre d'émissions de téléréalité ou de "jeux" fonctionnent encore sur le principe de l'élimination par vote ou abandon ou de l'humiliation des candidats pour faire du buzz. Et ça ne choque pas grand monde. C'était mon petit coup de gueule, fin de l'aparté)



Nous suivons donc parallèlement le couple dans l'épreuve du marathon, sur plusieurs semaines, leurs interactions avec d'autres concurrents, les organisateurs, les sponsors et les dames de "la Ligue des Mères pour le relèvement de la moralité publique", ouf ! Et le jugement rendu dans le procès pour le meurtre de Gloria, retranscrit sous formes de fragments de phrases en guise de tête de chapitres. Pas de suspense, nous savons dès le début qu'elle est morte, et d'ailleurs tout le long du récit elle aspire à cette issue, communiquant au lecteur son spleen et son "anti-joie de vivre".

Si vous avez envie d'une lecture joyeuse, allez voir ailleurs, vous êtes prévenus. Et ne regardez pas non plus le film inspiré du roman et réalisé par Sidney Pollack en 1969, avec Jane Fonda et Michael Sarrazin, même s'il n'est pas exactement fidèle au roman, il risque de vous flanquer par terre, et vous seriez éliminé du marathon !



Je recherchais ce livre depuis longtemps, ayant justement été très impressionnée par le film (vu dans les années 70), et j'ai enfin réussi à me le procurer via une des bibliothèques que je fréquente. J'avais donc très peur d'être déçue, comme parfois lorsqu'on fonde trop d'espérances sur quelque chose de très attendu. Mais l'alchimie s'est produite, ce roman a été à la hauteur de ce que j'en espérais, et malgré sa brièveté (moins de 200 pages) il ne m'a rien manqué. Le style est assez sec, pas d'étalage inutile, et du coup c'est très efficace, percutant. On se le prend en pleine tronche, et on reste pantois. J'ai d'ailleurs mis trois semaines à en rédiger la critique, il me fallait un certain recul pour ordonner mes idées, comme chaque fois qu'un livre me marque émotionnellement. D'autant plus que je savais que ces marathons ont réellement existé, et qu'il ne s'agit pas totalement d'une fiction. Je n'ai pas ressenti d'empathie pour Gloria, mais j'ai compati avec Robert. Et je me suis demandée quand un producteur aura l'idée de ressusciter l'idée d'un marathon de danse, histoire d'émoustiller le public d'une chaîne payante...
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On achève bien les chevaux

Que le meilleur gagne !

Robert et Gloria participent à un marathon de danse

un peu comme dans les arènes romaines

Le genre tu tombes, tu meurs..

Le Travolta du samedi soir, il peut aller se recoiffer à la gomina,

Robert, il lui faut cet argent

pour réaliser son rêve :

devenir réalisateur de cinéma,

quant à sa partenaire de piste, elle est à bout...

Mais pour l'instant faut tenir le coup

Danser, tourner, danser mais jusqu'à quand ?

On achève bien les chevaux est un roman noir des années 30

qui dénonçait déjà la société américaine basée sur la compétition.

Pas de compromission possible,

soit tu as une bonne tête de vainqueur

alors à toi Hollywood

soit tu a une bouille de looser

à toi le grand blues...

On achève bien les chevaux, terrible !

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On achève bien les chevaux

« Rien de nouveau sous le soleil », c’est à cette expression de l’Ecclésiaste que m’a fait songer le roman d’Horace McCoy paru en 1935 et porté à l’écran en 1969 par Sidney Pollack. « On achève bien les chevaux » frappe en effet par une forme de modernité étonnante, tant les thèmes abordés sont encore et toujours d’actualité : dénonciation de l’avidité sans limites d’un capitalisme dénué de scrupules, mise à nu de l’hypocrisie d’une société protestante qui défend des valeurs morales qu’elle n’a de cesse de bafouer.



Si les thèmes abordés n’ont pas pris une ride, la structure romanesque est également résolument moderne. Le roman commence en effet par la fin, c’est-à-dire le jugement pour homicide volontaire de Robert Syberten, accusé d’avoir assassiné Gloria Bettie. Le narrateur, qui est également l’accusé, nous conte dans un récit en forme de long « flash-back » les événements qui ont conduit au dénouement tragique dévoilé dès la première page. Horace McCoy insère habilement entre chaque chapitre quelques phrases révélant progressivement le verdict que la cour est en train de prononcer à l’encontre du narrateur.



Hollywood avant la seconde guerre mondiale. Robert Syberten rencontre Gloria Bettie. Tous deux sont figurants au cinéma et ont vu leurs rêves de grandeur se fracasser contre le réel. Désoeuvrés et à court de billets verts, ils s’inscrivent à un « marathon de danse » qui promet mille dollars de récompense au duo vainqueur et offre l’occasion de se faire remarquer par un producteur présent dans le public des soirées orchestrées pour l’occasion.



Cent quarante-quatre couples sont inscrits au marathon de danse qui consiste à danser pendant une heure cinquante avant de profiter d’une pause de dix minutes puis de recommencer, sous la supervision d’un maître de cérémonie, de plusieurs arbitres et d’un médecin. Pour pimenter l’affaire, les organisateurs ont choisi d’ajouter les fameux « derbys », où les couples doivent courir de concert sur une piste, tels des chevaux réincarnés dans des corps humains. L’objet de cette épreuve à la cruauté indicible est d’éliminer, soir après soir, le dernier couple arrivé.



Écrit après la grande dépression de 1929, « On achève bien les chevaux » est une fable cruelle qui met à nu l’envers du rêve américain. Noir comme l’ébène, ce classique de la littérature américaine suinte le désespoir de ses protagonistes prêts à vendre leur âme dans l’espoir de remporter les mille dollars promis au couple vainqueur. Les pauvres bougres signent ainsi un pacte faustien d’un nouveau genre, qui les conduit à échanger leur dignité contre le mince espoir d’une improbable victoire.



« - Le deuxième couple à être patronné, dit Rocky, c’est le n° 34, Pedro Ortega et Lilian Bacon. Ils sont patronnés par le Garage Speedway. Et maintenant, un petit bravo pour le garage Speedway, qui est situé au n° 1134 du boulevard Santa Monica. »



Les organisateurs ont pensé à tout et ont notamment organisé un système de sponsoring à la modernité étonnante, qui permet à un garage ou à un institut de beauté local de « patronner » un couple en lice, s’offrant ainsi, à moindre coût, une publicité percutante.



« - C’est en général ce qui se passe avec les filles des gens qui veulent réformer les autres, poursuivit Gloria. Tôt ou tard elles y passent toutes et elles ne sont pas assez dessalées pour éviter de se faire coller un gosse. Vous les chassez de chez vous avec vos maudits sermons sur la vertu et la pureté, et vous êtes trop occupées à fouiner dans les affaires des autres pour leur apprendre les choses qu’elles devraient connaître. »



C’est ainsi que Gloria, qui n’a pas sa langue dans sa poche, tance les représentantes de La Ligue des mères pour le relèvement de la moralité publique, qui se font fort de tenter d’interdire la poursuite du marathon de danse. À travers cette saillie haute en couleur, c’est toute l’hypocrisie d’une société qui prêche sans relâche une vertu sans cesse dévoyée, que dénonce Horace McCoy avec une vigueur étonnante.



« On achève bien les chevaux » est un petit bijou intemporel, qui prend la forme d’une fable aussi noire que désespérée. Horace McCoy ne se contente pas de dénoncer la soif inextinguible de profit et l’hypocrisie effrontée d’un « rêve » américain aux allures de cauchemar. Le caractère inexplicable du meurtre absurde de Gloria Bettie préfigure en effet le désespoir qui hante « L’Étranger », le chef-d’oeuvre existentialiste d’Albert Camus, qui paraîtra sept ans plus tard.



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On achève bien les chevaux

Hollywood, avant la seconde guerre mondiale.

Au tribunal, un jeune homme est accusé d'avoir tué Gloria Bettie. Sa seule défense est qu'il l'a fait à sa demande, pour lui rendre service.

Avec un parcours semé d'embûches et d'échecs, il faut croire que ces deux-là étaient faits pour se rencontrer. Tous les deux la tête dans les étoiles à rêver de devenir actrice pour elle ou réalisateur pour lui, Robert et Gloria sont finalement restés de simples figurants en attendant le rôle de leur vie qui les propulsera au sommet. Mais, voilà, en attendant, il faut bien gagner sa croûte et l'occasion qui s'offre à eux est alléchante. Il leur suffit, en effet, de danser le plus longtemps possible avec seulement dix minutes de pause toutes les deux heures pour pouvoir gagner 1000 dollars et pourquoi pas, par la même occasion, se faire remarquer par un producteur parmi le public. le pari ne semble pas les effrayer. Et pourtant, bien au delà du marathon de danse, c'est à des désillusions et des déconvenues que nos danseurs amateurs seront confrontés...



Horace Mc Coy nous livre un roman noir, désenchanté sur la société américaine de l'avant-guerre. Plus qu'un marathon de danse, c'est un véritable combat contre le temps, une lutte envers les autres et soi-même. Devant un public avide de sensations fortes et de spectaculaire, devant des juges relançant à tout va la machine infernale, devant des organisateurs peu scrupuleux cherchant le sensationnel, tous ces couples vont bon gré mal gré se donner en spectacle, quel que soit le prix à payer et la cruauté du jeu. Ce marathon de danse s'apparente bien plus à une véritable descente aux enfers, une sorte de télé-réalité. L'auteur nous livre une image bien triste et sinistre de cette société, un véritable drame social et humain dénonçant ainsi le fameux rêve américain. D'une écriture incisive, alternant habilement les passages au tribunal et le marathon, ce roman au scénario de prime abord classique révèle toute l'absurdité et le désoeuvrement humains.



On achève bien les chevaux... une petite danse ?
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J'aurais dû rester chez nous

« La Californie est un endroit merveilleux si vous êtes une orange. »  Pas de chance pour Ralph Carston il n'est qu'un comédien amateur venu de sa Georgie natale pour devenir une star à Hollywood. Il a pour colocataire une aspirante actrice originaire de l'Oklahoma ,Mona Matthews, qui rêve elle aussi d'une grande carrière. Autant Mona est lucide, courageuse, et entière, autant Ralph, naïf, prisonnier de son éducation puritaine, et qui ne connait rien au cinéma, est obsédé par ses désirs de gloire.

Plus les jours de déveine passent et plus Mona, devenue doublure, voit ses certitudes fondre comme neige au soleil californien. Ralph quant à lui suscite la convoitise d'une riche angeline mature attirée par sa candeur.



I Should Have Stayed Home (1937) et On achève bien les chevaux (1935) sont les deux faces d'une même médaille. le grand Horace McCoy y foule au pied le rêve américain, symbolisé par l'usine à bonheur, le Hollywood de l'âge d'or. Avec McCoy, le mythe a du plomb dans l'aile.

Et c'est un milieu qu'il connait bien. Il a gagné l'Ouest suite à la Grande Dépression, s'est installé à Los Angeles en 1931 où il est devenu scénariste.

Dans J'aurais dû rester chez nous, c'est le personnage secondaire de Johnny Hill qui retient finalement l'attention du lecteur. Lucide, sans complaisance aucune pour l'Amérique puritaine, pour l'hypocrisie d'un système qui abomine les grèves et toute tentative aussi minime soit-elle de revendication, il est viré de son emploi de scénariste sous la pression d'un consul allemand pour avoir montré dans un de ses scénarios les visées d'Hitler. Hollywood, il rêve d'en faire un vrai roman: « Toute la tragédie, toute la désillusion qui s'entasse dans cette ville infernale, toute la méchanceté, la cruauté… »





J'aurais dû rester chez nous, pensera l'un des protagonistes, comme ont souvent dû le penser nombre de petites mains de cette brillante industrie à la réalité sordide, pour laquelle des milliers de crève-la-faim ont payé un lourd tribu.



"-Vous y allez fort! Est-ce que nous n'avons pas envoyé des pansements et des secours médicaux aux Loyalistes d'Espagne? Est-ce que nous ne soutenons pas la ligue antinazie?

- Des nèfles, dit le petit. Vous soutenez la ligue antinazie, parce que dans ce maudit patelin, tous les producteurs sont juifs et que vous vous dites qu'ils vous prendront pour un héros, en tant que chrétien ayant épousé leur cause. Il ne faut pas m'en compter. Si tous les producteurs étaient nazis, vous seriez les premiers à commencer le pogrom."



Hill se fait renvoyer, comme Horace McCoy tombe dans l'oubli, l'un, Cassandre marquée par la guerre d'Espagne, et la guerre mondiale qui s'annonce, et l'autre, grand nom du noir boudé par le public qui n'aime pas contempler le miroir aux alouettes.
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On achève bien les chevaux

« On achève bien les chevaux » de Horace McCoy est un roman court mais percutant.

Son histoire se déroule dans l'Amérique des années 30, c'est-à-dire en pleine dépression et l'on est à des milliers d'années lumières de ce que certains qualifiant du grand rêve américain.

Ce livre raconte la rencontre dun'homme, Robert et d'une femme, Gloria.

Tous deux cherchent à faire carrière dans le cinéma dans le contexte social difficile de l'époque. Si Robert s'accroche encore à l'espoir de se faire un nom dans la réalisation, Gloria, elle, après avoir voulu être actrice, traine son mal de vivre avec elle. Désabusée, elle n'attend plus rien de la vie et traine ce désespoir qui lui colle à la peau partout avec elle.

Un peu par hasard, sans trop y croire, ils s'inscrivent à un concours de danse. A leur propre surprise ils passent plusieurs séries d'éliminatoires et s'accrochent, plus pour ne pas perdre que pour gagner…

Ce concours est suivi par les médias et une foule de personnes avides des derniers scoops et du spectacle qui s'offre à eux.. On pourrait vraiment faire le lien, quelques décennies plus tard avec tout ce qui a trait à la télé réalité car les comportements humains n'ont finalement pas changé du tout …

Un roman sombre, je dirais même noir, avec une jeune femme qui est vraiment à l'image de toutes ces personnes désespérées et au fond du gouffre à cette époque.

Le style de l'auteur est accrocheur, fluide et terriblement efficace. Un livre qui laisse une impression durable, même après avoir tourné la dernière page…

Encore merci à mon amie Siabelle, sans elle, j'aurais surement encore attendu fort longtemps avant d'entamer la lecture de ce très beau livre.





Challenge ABC 2019/2020

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On achève bien les chevaux

Robert et Gloria se sont inscrits à un des nombreux marathons de danse qui fleurissent durant les années post crise de 1929 aux Etats-Unis. Ils ne se connaissaient pas avant mais font équipe pour toucher les mille dollars promis aux vainqueurs de ce marathon; les règles du jeu, très simples : rester les derniers sur la piste, n'ayant droit qu'à quelques coupures pour le sommeil ou la toilette et se faire soigner : douleurs aux pieds, au dos dans tous les muscles sont la rançon de cet évènement qui s'apparente plus à un combat de gladiateur qu'à une spectacle glamour.

Avec On achève bien les chevaux, Horace Mc Coy dresse un portrait sauvage et cruel de la société américaine sortant de la crise économique, prétexte à exploiter les instincts les plus animaux d'un public en perpétuelle quête de sensation, l'animateur organise de vrais mariages publics, des challenges de vitesse sont organisés, après plus de centaines d'heures sur la piste, exacerbant les tensions entre les concurrents, excitant les plus sadiques, certains craquent...

L'histoire se déroule par flashbacks, par la voix de Robert qui revoit les épisodes qui ont conduit au drame, au rythme du rendu du jugement du président du tribunal.

Un roman court et puissant.
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Un linceul n'a pas de poches

Puisque j'affectionne régulièrement plonger dans le roman noir, je me suis dit que ce ne serait pas une mauvaise idée de me taper le numéro 4 de la mythique collection "Série Noire".



Non, ne cherchez pas vainement un crime et en enquêteur habituel, ici, rien n'est habituel. Les crimes, se sont les notables de la ville qui les commettent avec leurs magouilles. Leurs complices ? Les journaux complaisants qui détournent la vérité ou la maquille.



L'enquêteur ? Mike Dolan, un jeune journaliste assoiffé de vérité qui a déniché une magouille et, puisque son patron ne veut pas publier son article sur le match de base-ball truqué, il plaque tout afin de créer sa propre revue, se disant qu'il pourra exercer son métier comme il l'entend ainsi que dénoncer tout ce qui lui semble contraire à la morale..



Mike sait que si les journaux n'osent plus appeler les enfants de salaud par leur nom, c'est à cause des pressions qu’exercent sur eux les notables de la ville et les annonceurs publicitaires. Tout le système est gangrené.



Mais ce n'est pas évident de créer sa propre revue lorsqu'on est sans le sous et criblé de dettes ! La rigueur de Mike fait peur et après quelques publications, son imprimeur se défile et sa revue est retirée des kiosques suite à un article qui a dérangé la personne visée.



Malgré plusieurs menaces, Mike est bien décidé de continuer à faire tomber les gros bonnets.



Son combat n'est-il pas perdu d'avance, lui qui voudrait nettoyer les écuries d'Augias d'un seul coup de torchon ? (non, pas au kärcher).



Plume trempée dans le vitriol, cynisme à tous les étages, personnages haut en couleur dont le "héros", rempli de défauts est un joli cœur, véritable bête noire des pères possédant une jolie fille, assoiffé de reconnaissance, voulant côtoyer les plus grands... Homme épris de justice, il me fait penser à un Don Quichotte des temps modernes.



Vous l'aurez compris, ce roman "noir de noir" est un violent réquisitoire contre la corruption et l'hypocrisie de la société américaine et de la société en général.



Écrit avant la Seconde Guerre Mondiale, McCoy nous dresse donc un portrait horriblement sinistre des États-Unis : censure de la presse, extrémisme, Ku Klux Klan.... Pays de la liberté ? Mon c**, oui !



Tout comme son personnage principal qui lui ressemblait beaucoup, Mc Coy paiera très cher cette peinture peu reluisante : son roman ne sera pas publié en Amérique, mais en Angleterre et ensuite en France, dans la mythique série noire de Marcel Duhamel.



"No pockets in a shroud" devra patienter jusque 1948 pour être édité : et encore, ce sera une version remaniée de l’édition anglaise, qui, elle-même, avait subi des coupes par rapport au manuscrit original.



La fin est brutale, mais il ne pouvait en être autrement...



Un roman qui se lit vite, les dialogues pulsent, l'action aussi, on ne s'ennuie pas et ça valait la peine d'être lu !
Lien : http://the-cannibal-lecteur...
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Pertes et fracas

Vous venez de prendre rendez-vous chez votre généraliste préféré qui lui vous prendra , comme d'habitude , à la bourre car :

a - son agenda est calqué sur le fuseau horaire GMT+2 et ça lui convient très bien .

b - il s'en fout royalement .

c – il aime , entre deux clients , traquer les bons plans sur la toile .

d - ( a+b+c ) - 2ab

C'est heureux , vous possédez Pertes et Fracas à portée de lorgnon et désormais le temps de vous y atteler .



Un récit dense qui possède les défauts de ses qualités .

Corruption vs moralisation .

Nemo Crespi qui , sous couvert de diriger le consortium légumineux , s'adonnerait beaucoup plus facilement au racket en tout genre vs John Conroy , tout jeune professeur de droit nouvellement promu procureur spécial , désormais chargé de laver plus blanc que blanc . Faites vos jeux , rien ne va plus .

Un récit ramassé qui n'est pas sans rappeler la croisade anti-Capone menée à Chicago dans les années 20 par Eliot Ness , alors charismatique leader des incorruptibles .

Conroy , itou , s'entourera de fidèles histoire de mener la vie dure à Némo qui , contrairement à son homonyme cartoonesque , s'épanouit lui en eaux troubles .

Le propos est passionnant mais y aurait peut-être gagné en épaisseur si l'auteur n'avait pas plié les gaules en un peu plus de 180 pages .

John Conroy , personnage rigide et intègre passant le plus clair de son temps à gazouiller " On m'appelle le chevalier blaaaaanc " ne suscite bizarrement ni admiration ni sympathie contrairement au parrain et sa clique qui eux ne font pas dans la dentelle . N'est pas du Puy-en Velay qui veut .

McCoy dénonce ici une justice gangrénée à tous les niveaux tout en permettant au final de passer un moment bien plus sympathique que mythique .



Pertes et Fracas : le crime ne paie pas...mais un p'tit peu quand même...

http://www.youtube.com/watch?v=V0E_bfujISc
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On achève bien les chevaux

Un p’tit peu plombant. Un marathon de danse, ici, ce n’est pas que de la joyeuseté en fait. Dans une ambiance post-crack boursier de 1929, la raison qui pousse nos protagonistes à s’y inscrire, ce n’est nettement pas la passion de la danse, c’est plus prosaïquement qu’ils sont fauchés. Rien de flamboyant, il faut tenir, malgré la fatigue, les crampes, les malaises, dans un truc plutôt genre poisseux et mercantile, sans trace d’éclat style beauté libératrice de la danse. Et surtout, la partenaire du narrateur, Gloria, broie sévèrement du noir, obsédée par l’idée qu’elle préfèrerait être morte, et que d’ailleurs ce serait mieux pour tout le monde. Elle a bien tenté de se suicider, mais sans succès, et n’a pas le courage de recommencer - pas faute pourtant de penser que la mort serait le seul moyen de la soulager de sa misère.

🎵I’m tired of living, and afraid of dying 🎵

Et pour rendre les choses encore plus réjouissantes, dès le début on voit notre narrateur jugé pour le meurtre de Gloria, ce qu’on ne risque pas d’oublier vu que les chapitres sont lugubrement ponctués par des bouts de la sentence prononcée contre lui.

N’empêche, on se laisse prendre par cette atmosphère certes un brin désespérante, mais qui sonne si juste et qui nous laisse tout songeur même une fois refermé le livre.
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On achève bien les chevaux

En attendant godot...



Ecrit en 1935 par l'auteur américain Horace McCoy, « On achève bien les chevaux » est resté très longtemps méconnu, comme l'étaient également les romans de l’illustre Jim Thompson. Voulant lire au départ « Un linceul n’a pas de poche » de Mc Coy, je me suis lancé dans son autre roman phare puisqu'il figurait déjà dans notre bibliothèque. Allons-y pour un tour de piste alors !



Lors des années 30 en Californie, Robert Syberten et Gloria Bettie se rencontrent un peu par hasard et ne sont alors que de simples figurants au cinéma, sans illusion sur leur véritable talent. Tous les deux dans la panade, ils décident de participer à un marathon de la danse pour tenter de décrocher la timbale : 1 000 dollars de récompense. Et en prime, pourquoi pas se faire remarquer d’un spectateur d’un soir du show business et rêver d'une vie meilleure ?

Robert et Gloria, embarqués dans cette galère sous le numéro 22, vont devoir déjouer les mauvais tours (sans jeu de mot) dictés par le spectacle de danse pendant des semaines et des semaines. Les organisateurs Rocky et Socks Donald imaginent toutes sortes de stratagèmes pour attirer les foules et les stars de l’époque : sprints dévastateurs pour les organismes, derbys consistant à éliminer les couples qui réalisent le moins de tours de piste, un mariage en public lucratif pour un des couples participant, etc… La comparaison avec la courses cycliste sur piste à élimination (omnium) ayant eu lieu aux derniers jeux olympiques est saisissante, la différence de taille étant que les cyclistes luttent pendant deux jours seulement sur leurs montures modernes.

Et puis, j’allais oublier l’essentiel. Dès la première page du roman, l’auteur nous apprend que Gloria souhaite en finir avec la vie et qu’elle réclame le coup de grâce. Si vous faites le rapprochement avec le titre, vous aurez vite compris où veut en venir Mc Coy. En cette période où on confond trop facilement le bœuf et le cheval, Mc Coy avait déjà fait le rapprochement entre danseurs et chevaux. Bref, le lecteur en sait beaucoup en quelques pages, peut-être trop à mon gout.



J’ai donc lu ce roman quasiment d’une traite à la vitesse d’un cheval au galop, passant d’une épreuve à une autre sans avoir le temps de me retourner. Je termine la dernière page et je cherche la suite. Mais plus rien. Je reviens donc au début pour relire les dix premières pages qui constituent la véritable fin au tribunal. Vous suivez toujours, j’espère.



J’avoue que la lecture est agréable, fluide avec des phrases courtes et des dialogues percutants. Mais je suis resté largement sur ma faim. Toute cette attente durant des semaines pour cette fin en queue de poisson. J’ai bien compris que l’auteur voulait dresser un tableau sévère du rêve américain mais la construction du roman reste beaucoup trop simpliste à mon goût pour en faire un très bon roman. Pour continuer la comparaison avec le bœuf, c’est un peu comme si on s’attend à manger une fondue bourguignonne, tendre et savoureuse à souhait, et que l’on vous apporte un bon steak que vous dévorez d'une traite !



Je pense que j’avais mis la barre trop haute et que le roman a trébuché sur l’obstacle. Comme la pièce de théâtre de Samuel Becket, j'ai attendu, attendu, attendu et je n'ai rien vu venir. Si je compare ce roman noir à celui de Jim Thompson « Le démon dans ma peau » par exemple, il n’y a véritablement pas photo à l’arrivée. Néanmoins, j’invite tout le monde à se faire sa propre opinion, à découvrir cet ouvrage de référence qui se lit à la vitesse de l'éclair. Comme j’ai donné une deuxième chance à Thompson, j’en donnerai évidemment une autre à Horace Mc Coy en lisant prochainement « Un linceul n’a pas de poche ».



PS : Je me permets d'être relativement dur avec ce roman car j'ai eu la chance de gouter à d'excellents romans noirs dernièrement d’un calibre bien supérieur et d’une cruauté au moins égale. Sinon, bonne fête à toutes les femmes, différentes heureusement de la chère Gloria, en cette journée de haute lutte face à la gente masculine !

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