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4.34/5 (sur 16 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Aix-en-Provence , 1952
Biographie :

Irène Théry est une sociologue française.

Après le lycée Thiers de Marseille, elle entre à l'École normale supérieure de Fontenay-aux-Roses (lettres)). Agrégée de lettres en 1975. Docteur en sociologie en 1983 (Université Paris V, sous la direction de Louis Roussel) : "La référence à l'intérêt de l'enfant dans la justice du divorce".
Enseignante, puis chercheur au CNRS, Irène Théry est élue en 1997 directrice d’études à l’EHESS. Elle y est tout d'abord membre associé du Centre de recherches politiques Raymond Aron. En 2001, elle a rejoint le centre Sociologie, histoire et anthropologie des dynamiques culturelles (SHADYC Marseille), devenu au 1er janvier 2010 Centre Norbert Elias. Elle a également été jusqu'en 2009 responsable de la formation doctorale en sciences sociales du pôle régional de Marseille de l’EHESS (Centre de la vieille charité)
Spécialisée dans la sociologie du droit, de la famille et de la vie privée, elle travaille sur les transformations contemporaines des liens entre les sexes et les générations. Elle a publié plusieurs ouvrages sur les mutations du droit et de la justice de la famille, sur les Familles recomposées et sur le masculin et le féminin.
Ayant introduit le terme de "famille recomposée" en français, elle a dirigé de 1991 à 1997, un réseau international de recherche pluridisciplinaire sur les recompositions familiales (fondé en collaboration avec Marie-Thérèse Meulders-Klein, directrice du Centre de droit de la famille de l'Université catholique de Louvain).
Irène Théry a occupé au cours de sa carrière de nombreuses fonctions : * Membre du comité scientifique de l'Institut National des Études Démographiques (INED)
* Membre du conseil scientifique de l'EHESS (1999-2004)
* Membre du Haut Conseil à la population et à la famille (fin de mandat en 2003)
* Responsable du plan pluriformations de l'EHESS "Genre et sciences sociales" (2005-2009)
* Membre du Jury du prix Jean Carbonnier
Elle est membre du comité de rédaction de la revue Esprit
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Irène Théry vous présente son ouvrage "Moi aussi : la nouvelle civilité sexuelle" aux éditions Seuil. Rentrée Sciences Humaines automne 2022. Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2648370/irene-thery-moi-aussi-la-nouvelle-civilite-sexuelle Note de musique : © mollat Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube. Visitez le site : http://www.mollat.com/ Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux : Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/ Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/ Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/ Vimeo : https://vimeo.com/mollat
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Citations et extraits (28) Voir plus Ajouter une citation
LA SÉDUCTION AGGRAVÉE

On ne peut rien comprendre aux normes sexuelles du XIXe siècle et du début du XXe siècle si, faisant preuve d’anachronisme, on sépare a priori la sexualité de la procréation dans les relations entre hommes et femmes. En effet, la grossesse possible après un rapport sexuel est alors « la » grande question, au cœur du système divisant le permis et l’interdit sexuels. Jamais l’inégalité entre les sexes n’est aussi forte que lorsqu’une naissance non voulue se profile hors du mariage. Dans ce cas, deux situations radicalement opposées se font face selon que l’on est homme ou femme.
L’homme géniteur de l’enfant ne sera en aucun cas amené à admettre sa part dans la procréation et à se reconnaître « père » s’il ne le souhaite pas, il peut donc s’éclipser tranquillement en faisant comme si sa relation sexuelle et procréative à la femme qui a donné naissance à l’enfant n’avait jamais existé. C’est la situation extraordinaire créée par l’article 340 du Code civil qui interdit la recherche en paternité, au motif que de dignes pères et fils de famille pourraient être accusés faussement d’être le géniteur de l’enfant par des dévergondées cherchant à se faire épouser ou à tout le moins à bénéficier de leur argent. Au nom du « mystère à jamais impénétrable de la paternité », et au motif que des femmes peuvent mentir, on institue un principe général d’irresponsabilité masculine dans les relations hétérosexuelles hors mariage.

C’est un immense recul par rapport à la situation dans l’ancienne France où non seulement la procédure en déclaration de paternité était possible, mais où une confiance en la parole féminine s’appuyait sur l’adage voulant qu’une jeune fille ou une jeune femme se découvrant enceinte ne mente pas sur l’auteur de sa grossesse à la veille de risquer sa vie dans les douleurs de l’enfantement et d’affronter peut-être le Jugement dernier. L’article 340 renvoie cette logique au passé, fonde la paternité sur la seule volonté de l’homme, et va ouvrir dès lors de magnifiques carrières de séducteurs, d’agresseurs et parfois de violeurs, à des coqs de village, des maîtres de maison, des patrons d’usine, des employeurs, des boutiquiers, des soldats, des fermiers, des chefs de clinique, des curés, bref à tous les hommes en situation de pouvoir sur une ou plusieurs femmes et qui sont prêts à en profiter.

[suite en commentaire]
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- Tout d’abord, nous rappelons que la notion d’accès aux origines s’est développée justement pour indiquer que la quête des origines n’a rien à voir avec une recherche en
maternité ou en paternité. Il ne s’agit ici en aucun cas d’établir une filiation, mais simplement de pouvoir connaître l’identité d’une personne dont on est né. La Cour
européenne des droits de l’homme a peu a peu consacré le droit d’accès aux origines comme un droit fondamental de la personne.
Nous distinguons l’accès aux origines des personnes nées d’une assistance médicale à la procréation, et l’accès aux origines des personnes nées sous X, adoptées et pupilles. Les questions posées ne sont pas les mêmes, et font l’objet de deux chapitres différents. Mais dans l’un et l’autre cas nous proposons que soit institué un véritable droit d’accès aux origines à partir de l’âge de la majorité, étant bien précisé qu’un droit à la communication de l’identité n’est pas un droit à la rencontre. Protégés par leur droit à la vie privée, les parents de naissance (pour les adoptés et pupilles) et les donneurs de gamètes et d’embryons (pour les personnes nées d’AMP) doivent donner leur accord préalablement à toute rencontre.
Ces démarches supposent un véritable accompagnement, c’est pourquoi nous proposons d’élargir les compétences du Conseil national pour l’accès aux origines personnelles
(CNAOP), de le réorganiser en deux collèges et de renforcer ses moyens, en particulier en matière de médiation.
Enfin, nous proposons de reconnaître une place familiale aux beaux-parents dans les familles recomposées. Nous avons été surpris de lire dans la presse que nous nous
apprêterions à proposer un « statut » du beau-parent, alors que nous n’avons jamais été favorables à cette idée, qui serait un corset bien trop rigide pour la diversité des situations vécues. Nous pensons en outre que ce qui fait la valeur du lien beaux-parents/beaux-enfants est la liberté élective propre à ce lien : ne pas la respecter serait prendre le risque de transformer les beaux-parents en « sous-parents », alors qu’il s’agit au contraire de leur accorder la reconnaissance sociale qui leur a toujours été refusée.
C’est dans cet esprit de respect de la place familiale singulière des beaux-parents d’aujourd’hui, qui ne se veulent ni des substituts ni des rivaux des parents, que nous proposons un ensemble de mesures permettant de soutenir cette place par des possibilités offertes, jamais imposées, mais dont il leur sera possible de se saisir si cela peut favoriser l’intérêt de l’enfant : ainsi du « mandat d’éducation quotidienne », du « certificat de recomposition familiale », ou encore de la possibilité de léguer des biens à son bel enfant avec la même fiscalité que pour un enfant. Par delà, tout un éventail d’autres propositions
permettent de faire face à des situations difficiles, telles la séparation, la maladie grave ou encore le décès du conjoint, dans le souci en particulier que les fratries recomposées ne soient pas séparées si l’intérêt de l’enfant le commande.
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12. « À la théorie traditionnelle de la personne comme hypostase correspond une définition substantielle et quintessentielle de l'identité : elle tente d'articuler un ressenti originel du moi intérieur et l'identification à un rôle social compris comme un modèle à imiter. En revanche, si l'on conçoit la personne comme interlocuteur possible, on refuse à la fois le dualisme du moi et du corps, le solipsisme de l'intériorité et la conception du rôle comme simple modèle d'identification. On défend alors une tout autre idée de l'identité personnelle, à distance de la philosophie sociale individualiste de nos deux mythes d'origine : toute vie humaine commence 'in medias res', comme disent les dramaturges, au milieu de l'action qui a déjà commencé et dont le nouveau venu va apprendre à être partie prenante. Dans le contexte d'un monde humain signifiant, "répondre à la question qui, c'est raconter une histoire". [Paul Ricoeur, _Soi-Même comme un autre_, 1990] » (p. 601)
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11. « La pratique qui fait entrer l'enfant dans la modalité conditionnelle révèle en effet que devenir garçon ou fille, c'est justement apprendre à la fois que l'on n'est que d'un sexe, que nul n'est enfermé dans son identité de sexe, que le monde humain commun est celui de la distinction sexuée des statuts relationnels – justement parce que la différence sexuelle des corps ne produit par elle-même aucune sorte de socialité humaine –, et que les formes que prend cette distinction de sexe ne sont pas immuables mais varient avec les sociétés qui modifient en permanence leurs institutions. C'est ce qu'indique la troisième personne grammaticale qui appartient à la médiation du discours. Parce qu'elle n'est pas un troisième personnage de l'interlocution, son sens n'est pas univoque. Ses 'différents usages' permettent d'identifier celui ou celle dont on parle selon des logiques différentes donnant au pronom 'il' ou 'elle' plusieurs significations. Il peut en effet désigner quelqu'un :
- comme partenaire d'une vie sociale identifié par l'un de ses statuts relatifs et relationnels, en particulier de parenté, modalisé par la distinction masculin/féminin ;
- comme personne supposée capable de s'approprier ses propres actes et discours et de les revendiquer comme de sa responsabilité. Cet interlocuteur possible transcende totalement les sexes, mais parmi ses capacités il y a celle d'agir "en tant que" et donc de participer d'un monde humain modalisé par la distinction de sexe ;
- comme exemplaire d'une espèce naturelle, doté(e) d'attributs ou de propriétés qui permettent de le ou la classer dans tel ou tel ensemble d'individus, par exemple l'ensemble des mâles ou celui des femelles, posant la question de ce que propose la société aux enfants nés de sexe incertain.
Cette liste n'a pas la prétention d'être exhaustive. […] En rabattant ces différentes façons de désigner un même individu, qui sont très exactement la traduction de notre condition d'humains parlants, sur le plan unique de l'identité de garçon ou de fille conquise par 'incorporation d'une image', ou 'identification' à un modèle paternel ou maternel, la théorie du trio oedipien a pour longtemps rendu très difficile une pensée de la dimension normative, donc signifiante, de la distinction de sexe. La méconnaissance obstinée de la forme dramaturgique de la vie sociale, en particulier de celle de l'interlocution où se distinguent le personnel et le statutaire, et la disqualification du mot "rôle" au sens de "participant à une action commune", est ainsi partagée par les courants parfois les plus opposés dans leurs jugements et leurs valeurs. Le cadre commun de leurs débats témoigne de la prégnance de la matrice judéo-chrétienne dans notre société déchristianisée. » (pp. 567-569)
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La "civilité sexuelle" est une modalité instituée de la vie sociale qui, à travers des mœurs ordinaires référées aux grandes distinctions/relations de sexe, d'âge et de génération, inscrit la vie sexuelle - bien au-delà de sa dimension potentiellement procréative - dans les priorités d'une société et les valeurs fondamentales d'une culture, tout en la distinguant par des normes spécifiques de décence et d'intimité, dont la contenu varie d'une société à l'autre. En distinguant la gamme du permis, du désirable et du valorisé et celle de l'interdit, du critiqué et du condamné, elle les rapporte à d'autres distinctions en valeur : le beau et le laid, le pur et l'impur, l'honorable et le honteux, le fécond et l'infécond, le sacré et le profane, le moral et le pathologique, etc. Sa plurivocité en fait l'enjeu de tensions et de conflits entre différentes instances normatives qui peuvent se conjuguer mais aussi entrer en conflit.
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5. « Dès lors, ce qui domine tous les débats de société est l'affrontement éternellement recommencé entre une idéologie progressiste attachée aux droits des individus (désormais sous la forme de la défense de telle ou telle classe identitaire d'individus auparavant discriminés), mais qui disqualifie l'enjeu des institutions communes, et une idéologie traditionaliste attachée très souvent à l'idée d'institution mais assimilant celle-ci au seul modèle napoléonien ou victorien (éventuellement modernisé) et déplorant à hauts cris ce qui se passe comme une choquante destruction des institutions sur les coups de "l'individualisation" et du triomphe du sujet-roi. D'où un écart permanent entre ce qui se passe, en particulier en droit, et qui engage la métamorphose des institutions du monde commun et les affrontements idéologiques qui se développent à la faveur de ces changements, où cet enjeu n'est pas repéré. Pour proposer une analyse synthétique de cette troisième révolution, trois étapes seront nécessaires.
La première, autour des redéfinitions du couple comme manière privilégiée de lier amour et sexualité, montre le lien direct entre métamorphoses du couple hétérosexuel, démariage et reconnaissance du couple homosexuel au sein d'un nouveau pluralisme de la parenté (encore inachevé). […]
La deuxième, sur la notion de "civilité sexuelle", la fin de l'ordre sexuel matrimonial, les nouvelles formes de distinction permis/interdit et le sens de #MeToo, situe la question des violences sexuelles dans le contexte plus large de la remise en cause du principe pluriséculaire de dissymétrie entre une sexualité masculine de conquête et une sexualité féminine de citadelle et de l'élaboration d'une nouvelle civilité sexuelle de consentement.
La troisième, sur la reformulation des rapports entre les âges et les générations par l'institution d'une barrière sacrée des âges devenant la nouvelle pièce maîtresse de l'ordre sexuel, permet de replacer les enjeux de la lutte contre la pédophilie, la pédocriminalité et l'inceste en rapport avec la façon dont la société se doit d'accompagner le mouvement ordinaire d'autonomisation progressive des jeunes sur le plan sexuel. » (pp. 150-152)
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5. « Le marxisme, le fonctionnalisme, le behaviorisme ont été avec le structuralisme les principales formes qu'a prises l'adhésion d'une grande partie des intellectuels aux thèses des lois causales gouvernant nos comportements et faisant de l'histoire un "procès sans sujet". Ainsi, pendant une longue période, une sorte d'alternative s'est imposée : soit on considérait avec la philosophie du sujet, les théories de l'acteur rationnel et la sociologie du moi, que seuls les individus sont réels, et c'est à partir des caractères internes de l'individu qu'on cherchait à composer du social ; soit on considérait cette autonomie du sujet rationnel comme illusoire, et le dévoilement des grands mécanismes qui nous déterminent à notre insu devenait la tâche des sciences sociales et de la philosophie. Si je puis risquer cette image, il était alors difficile de refuser le choix entre être mangé bouilli par le subjectivisme ou rôti par le déterminisme, et de revendiquer le droit de sortir de la question.
[…]
La grandeur de Cornelius Castoriadis n'est pas seulement d'avoir fondé le groupe Socialisme ou Barbarie ; elle est aussi d'avoir su, dans une période qui l'acceptait si peu, montrer que, dans nos sociétés modernes, le projet d'autonomie de l'individu ne va pas sans l'autonomie de la société elle-même. Celle-ci exige de renouveler en permanence, par ce qu'il nommait la 'paideia démocratique', l'éducation d'individus capables de vouloir et de faire vivre une vie commune libre et solidaire qui ne s'impose jamais de soi. Elle ne peut aller sans la conscience de la responsabilité de chacun dans le triple mouvement de savoir recevoir, savoir transformer et savoir transmettre ce qu'il nommait 'l'institution imaginaire de la société'. » (p. 216)
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6. « Pour certains, le cœur de l'identité personnelle est 'l'identité de genre' : le sentiment intérieur d'être homme ou femme, masculin ou féminin. Pour d'autres, le cœur de l'identité personnelle est 'l'identité sexuelle' : le sentiment intérieur d'être hétérosexuel, homosexuel, bisexuel, etc. Dans l'un et l'autre cas, l'identité personnelle est conçue comme l'identité psychique que chacun peut découvrir à l'intérieur de lui-même, dans l'intériorité de son moi le plus intime, et elle apparaît comme la preuve la moins discutable d'une 'authenticité' de la personne. Il est intéressant de remarquer que, sous une tout autre forme qu'autrefois, un point de référence originel et naturel est toujours recherché. La grande différence avec le passé est que cette nature originelle de l'individu, loin d'être "la prise naturelle des liens de convention" (Rousseau), est considérée comme un lieu intérieur dont la valeur est d'échapper à toute prise de la convention sociale. Il revient à l'individu de découvrir ce lieu authentique en lui-même, de le préserver dans sa singularité, et de le protéger de toute atteinte de la société, redoutée comme une menace inquisitoriale. Les conventions sociales sont alors disqualifiées comme une sorte de théâtre aux personnages surfaits et factices. Il est important de souligner que dans cette perspective, l'identité personnelle intime – qu'elle soit de genre ou d'orientation sexuelle – n'est pas conçue comme ce qui permet une sorte de grand geste arbitraire d'autodéfinition de soi, contrairement à ce que prétendent les partisans d'un ordre symbolique psychanalytique qui ne cessent de critiquer l'ivresse de la toute-puissance du Sujet souverain. » (pp. 258-259)
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10. « Les deux tentations symétriques de la tyrannie et de l'abdication dans les abus sexuels sur mineurs éclairent une dimension complexe de la troisième révolution du consentement : la façon dont, au moment même où la civilité sexuelle entre adultes se réorganisait autour d'une 'normativité procédurale', attentive à construire le consentement mutuel se la séduction (au sens positif de ce qui est séduisant, désormais bien distingué de ce qui est séducteur) dans l'ici et maintenant d'une conversation érotique entre égaux, s'est affirmé au contraire le besoin impérieux d'une 'normativité statutaire' édifiant la barrière sacrée d'un interdit sexuel entre les âges et les générations.
L'impact exceptionnel des livres de Vanessa Springora et de Camille Kouchner ne s'explique pas autrement. L'un et l'autre ont poussé au plus loin, au fil du récit, la réflexion sur le consentement d'une très jeune personne qui non seulement n'avait pas psychologiquement de "liberté de consentir" du fait de sa jeunesse, mais découvre progressivement, en devenant adulte, autre chose : que le consentement d'un mineur ne peut logiquement pas en être un quand ce qui est requis de lui par l'adulte est de contrevenir à la règle sociale la plus élémentaire, celle qui définit le délit et le crime, et cela par la seule force d'un maître des significations qui décide, arbitrairement, que cette règle n'en est pas une. Ils ont en quelque sorte donné à voir à un large public pourquoi l'emprise pédocriminelle fait plus que porter atteinte à l'intégrité de la victime, et porte atteinte à l'institution du sens et au langage lui-même. » (pp. 342-343)
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2. « En 1556, le conflit entre la puissance séculière et la puissance religieuse éclate finalement. Le roi Henri II publie un édit "sur les mariages clandestins" qui exige pour tous les enfants de la famille, de moins de 30 ans pour les garçons et de 25 ans pour les filles, l'autorisation des parents. Sans aller jusqu'à prononcer la nullité de leur union, ce qui aurait violé le monopole de l'Église, il punit d'exhérédation ceux qui se seraient conjoints par mariage "illicitement".
[…]
[Par l'ordonnance de Blois proclamée par Henri III en 1597] On affirme alors qu'à côté du rapt de violence, un autre rapt est possible, le rapt de séduction : la fille séduite "par blandices et allèchement" n'a pas plus de consentement libre que la fille ravie par force. Si elle s'est mariée à la suite de déclarations fallacieuses et des manœuvres dont elle a été victime, son mariage peut donc être déclaré nul pour rapt, c'est-à-dire pour défaut de consentement. L'article 40 de l'ordonnance de Blois interdit aux curés de célébrer des mariages sans le consentement des parents "à peine d'être punis comme fauteurs de crime de rapt" et l'article 41 déclare ces mariages nuls. L'article 42 institue le nouveau crime :
"Voulons que ceux qui auront suborné fils ou filles mineurs de vingt-cinq ans, sous prétexte de mariage ou autrement, soient punis de mort sans espérance de grâce ou de pardon, nonobstant tous consentements que lesdits mineurs pourraient avoir donné au rapt, lors d'icelui ou auparavant." » (pp. 60-62)
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