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3.45/5 (sur 172 notes)

Nationalité : Roumanie
Né(e) à : Bucarest , 1979
Biographie :

Irina Teodorescu est une romancière d'origine roumaine, d'expression française.

Elle a 10 ans lors de la révolution roumaine et la chute du régime communiste de Nicolae Ceaușescu.

Elle quitte la Roumanie pour venir à Paris en 1998 où elle exerce le métier de graphiste et crée une petite agence de communication avec deux collaborateurs.

Son premier roman, "La Malédiction du bandit moustachu", est remarqué par le Le Figaro littéraire, qui a fait d'Irina Teodorescu l'un de ses dix nouveaux visages de la rentrée littéraire 2014.

Son roman, "Ni poète ni animal", fait partie des 6 coups de cœur de la rentrée littéraire 2019 de l'édition parisienne du magazine "Vogue".


Source : emue.fr
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Bibliographie de Irina Teodorescu   (6)Voir plus


Entretien avec Irina Teodorescu, à propos de son ouvrage Ni poète ni animal


19/08/2019

Après plusieurs ouvrages parus aux éditions Gaïa, votre dernier roman est l’un des 10 livres présentés pour la rentrée littéraire de septembre 2019 chez Flammarion. Or pour un premier roman chez un éditeur plus connu, la forme du livre est pour le moins aventureuse et composite : vous amalgamez des comptes-rendus d’enregistrements, d’entretiens, avec une narration plus classique fondée sur le récit de souvenirs. Quelle forme est apparue la première, et comment avez-vous travaillé ce « mélange » ?

J’ai l’impression que tous mes romans adoptent une forme changeante et je n’en ai pas encore écrit un qui ne contiendrait qu’une seule voix, mais c’est vrai que Ni poète ni animal pousse un peu plus loin la composition. Pour mieux vous répondre j’ai donc consulté mon cahier d’écriture : les premières pages sont celles qui appartiennent aujourd’hui au récit de la mère du personnage principal. Une femme y décrit ces cigognes frigorifiées qu’elle voit depuis la fenêtre d’un bus… C’était alors un simple monologue, je n’avais pas d’idée très claire de qui s’exprimait, ni de la personne à qui elle s’adressait. Et puis un souvenir d’enfance, un anniversaire de 10 ans, est apparu et il était évident qu’il ne s’agissait pas de la même personne. J’ai continué à dérouler ces deux paroles en parallèle pendant un certain moment, et un jour la voix de la grand-mère a surgi ! Folle et déstructurée, elle ne semblait pouvoir exister que sous la forme d’un dialogue avec une autorité.


Voilà que j’avais trois personnages, chacune racontant son histoire à sa manière, et selon celle qui souhaitait s’exprimer au moment où je m’installais pour écrire, l’un ou l’autre style était en jeu.


Ce n’est qu’à la fin de l’écriture, alors que j’étais en résidence à la Villa Marguerite Yourcenar, que ce qui n’était encore qu’un mélange confus de trois voix de femmes liées par le sang a pris cette forme finale : le récit d’une femme d’aujourd’hui qui se souvient, la voix surgie du passé de sa mère racontant son présent, et la mise en forme institutionnelle de la parole chaotique de sa grand-mère, pour qui la réalité de l’espace-temps a bien peu d’importance.


En plus d’être une histoire familiale, Ni poète ni animal peut être lu comme un exercice de remémoration, une exploration par le souvenir d’un tournant dans l’histoire de la Roumanie et de l’Europe : la chute du régime des époux Ceausescu en 1989. Quelle est la part de fiction propre au roman dans celui-ci, et que vous a-t-elle permis ?

La part de fiction se loge dans les détails. Tout ce qui est détail dans ce roman est fictif. C’est ce qui m’a permis de transformer les articles que j’ai lus sur l’année 1989, les témoignages que j’ai recueillis et mes souvenirs personnels, en un roman qui soit à la fois la somme de tout cela et quelque chose d’autre, de plus universel peut-être. L’histoire d’un événement, qu’elle soit officielle ou intime, est une accumulation de faits identifiés, mais qui laisse beaucoup de place, beaucoup de détails à inventer – c’est là ce qui confère cette liberté d’écriture qui m’est indispensable. Dans les détails se révèle, je crois, l’acuité sensible de qui écrit.


Il est finalement peu question directement de la révolution roumaine dans votre livre, mais plutôt du contexte de son avènement. Pourquoi avoir mis l’accent sur l’histoire familiale à travers les personnages de la grand-mère (Dani), de la mère (Ema) et de la narratrice (Carmen) ?

La grande Histoire est constituée de tous ces destins personnels et familiaux qui la vivent au présent, et je n’arrive pas à concevoir un évènement de l’envergure d’une révolution autrement qu’en l’épiant par le trou de serrure du quotidien.


Je voulais raconter l’effritement d’un régime, et parler des miettes de sa chute, en considérant ses signes avant-coureurs. Je trouve qu’on ne fait jamais assez attention aux signes avant-coureurs d’un grand changement, que ces signes sont souvent très clairs mais que nombreux sont ceux qui se voilent le regard.


Je ne suis ni journaliste, ni historienne, alors pour explorer cette hypothèse, j’ai utilisé la fiction. C’est d’ailleurs, je crois, la principale fonction de la fiction : être un outil d’exploration.


Un personnage masculin hante le texte de bout en bout : celui du Grand Poète, dont la mort pousse Carmen à réexplorer son passé en Roumanie, et surtout l’année 1989. Un personnage assez ambigu (il se fait passer pour un dissident alors qu’il était probablement un espion du KGB), mais qui aide la narratrice à faire ses premiers pas littéraires. Pourquoi l’avoir désigné exclusivement par sa fonction ?

Il a en réalité deux fonctions, par lesquelles il est désigné : celle – publique – de Grand Poète, et celle par laquelle Carmen le désigne : Ma Terre.


Alors pourquoi ? Eh bien déjà les dénominations de personnages et moi, ça remonte. Dans le précédent roman les noms et prénoms ne sont composés que de deux lettres, comme des symboles élémentaires ; dans le premier c’est de vrais noms à rallonge qui donnent des airs de conte à mon récit… Dans Ni poète ni animal, j’ai été plutôt sage finalement ! Mais s’agissant du Grand Poète, c’est un personnage central et invisible, à l’origine du récit et probablement du regard si particulier de Carmen. Je voulais que ce soit un personnage d’amour courtois, et dissimuler son nom derrière des surnoms permettait à cet amour de garder de sa courtoisie. Et puis il y a chez cet homme quelque chose de mythologique peut-être, de fondateur en tous cas pour Carmen. Un ami me disait à ce sujet qu’il était comme un dieu qui ne serait nommé que par ses épiclèses.


Pour décrire le destin des Roumains suite à cette révolution, vous utilisez une métaphore particulièrement marquante, celle de la volière du parc du Thabor de Rennes. Pouvez-vous nous en dire quelques mots ?

J’ai habité à Rennes et j’ai toujours aimé cette volière, voilà pourquoi elle et pas une autre. Je m’amuse souvent à pratiquer l’anthropomorphisme le plus éhonté : je prête des pensées et des intentions aux animaux, je trouve que leur comportement d’animal superposé à celui des êtres humains a le pouvoir de révéler la simplicité de notre nature. Nous percevons nos sociétés comme complexes parce que nous en faisons partie ; alors le petit jeu de l’anthropomorphisme permet de faire un léger pas de côté, de faire comme si on pouvait observer les comportements humains avec le même détachement que le regard qu’on porte sur ceux des animaux. J’étais en visite à Rennes, j’avais un peu de temps, alors je suis allée m’assoir devant cette belle volière. J’étais alors en pleine écriture de Ni poète ni animal, et j’ai vu soudain se dérouler devant mes yeux des destins humains ! Rien de plus.


On vous a sans doute déjà posé cette question de nombreuses fois, mais vous écrivez en français alors que vous ne pratiquiez pas cette langue avant d’arriver en France à l’âge de 19 ans. Quel enjeu y a-t-il pour vous à s’exprimer dans une langue qui n’est pas votre premier idiome ?

Ce n’est pas le premier, mais cela commence à devenir le principal ! Pendant mon enfance, le français a longtemps été une langue fantasmée : j’écoutais des chanteurs français et, c’est un cliché mais c’est ainsi, cela me semblait être la langue de l’amour. Et puis je l’ai apprise, cette langue, et après 10 ans de séparation, elle a été la langue de mon retour à l’écriture. J’ai aussi découvert une liberté particulière dans l’usage d’une langue qui n’a pas été dressée par l’apprentissage scolaire : je peux choisir des mots pour leur musique, pour leur graphie, je peux tordre les codes avec sincérité, et non par volonté de déconstruction.



Irina Teodorescu à propos de ses lectures



Quel est le livre qui vous a donné envie d’écrire ?

Les Jalna, de Mazo De la Roche. Un roman fleuve en 8 tomes.



Quel est le livre que vous auriez rêvé écrire ?

L’Amant, de Marguerite Duras. "Le Léopard des neiges, de Peter Matthiessen.



Quelle est votre première grande découverte littéraire ?

Gone with the wind, de Margaret Mitchell. Le titre en français est Autant en emporte le vent, mais je ne l’aime pas, il ne veut pas du tout dire la même chose : il parle de désillusions et de vanités alors que l’original n’a pas de jugement moral, il n’évoque que la disparition.



Quel est le livre que vous avez relu le plus souvent ?

Lettres à Nelson Algren de Simone de Beauvoir. De A à X de John Berger.



Quel est le livre que vous avez honte de ne pas avoir lu ?

Beloved de Toni Morrison (et tous les autres livres de Toni Morrison).



Quelle est la perle méconnue que vous souhaiteriez faire découvrir à nos lecteurs ?

Rupi Kaur, Le Soleil et ses fleurs.



Quel est le classique de la littérature dont vous trouvez la réputation surfaite ?

Nadja d’André Breton.



Avez-vous une citation fétiche issue de la littérature ?

« La vérité est dans l`imaginaire. » Eugène Ionesco.



Et en ce moment que lisez-vous ?

La Promenade, de Robert Walser. Le Cœur mendiant, de Mérédith Le Dez. King Kong Théorie, de Virginie Despentes. Traité des gestes, de Charles Dantzig.



Découvrez Ni poète ni animal d’Irina Teodorescu aux éditions Flammarion :




Entretien réalisé par Nicolas Hecht.






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Une lecture du premier chapitre de "Celui qui comptait être heureux longtemps" Pour une lecture qui donne envie d'aller plus loin, d'en savoir plus


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L'homme affiche une longue moustache, si longue qu'il la trempe souvent dans la sauce de son plat préféré - une bouillie d'haricots blancs - traditionnel chez les paysans dans cette contrée lointaine. A son appétit, on voit que l'homme est bon : il raffole tellement de son mets qu'il porte constamment, accrochées à sa longue moustache, des croutes de haricots blancs séchées. Son haleine fétide mélangée a l'effluve de la sauce avariée n'inspire guère l'amitié, alors l'homme est seul et agit seul ; mais sa tâche est honnête : il prend aux riches pour donner aux pauvres.
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Tu verras, la vie n'est que çà, des problèmes, des maladies, des échecs à répétition, jusqu'à la mort.
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Jamais auteur ne s’est plus acharnée sur ses personnages et jamais lecteur n’y a pris plus de plaisir.
Ernestine et Compagnie
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A sa mort, la mère n'était pas là. Sinon la mort ne serait pas venue, m'a-t-elle toujours dit, la mort ne traverse pas l'amour d'une mère. (p.150)
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Tous ces pourquoi resteront à jamais inexpliqués, car dans cette vie, il n'y a pas de sens. Dans cette vie, on dirait qu'il n'y a que des objets qu'on garde et des objets qu'on jette, puisqu'il y a la fin et qu'à la fin plus rien n'a d'importance.
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"Mon dieu , ô grand Dieu, enlève je te prie de notre famille la malédiction du bandit moustachu que notre aïeul a tué lâchement en le laissant crever de soif dans la cave de la cuisine! Ô grand Dieu, sois bon et généreux, enlève s'il te plaît la malédiction qui doit tomber sur la tête de mon aîné, et de son aîné à lui, et encore de l'aîné de son aîné, et ainsi de suite jusqu'en l'an deux mille ......"
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Pourtant il parlait lentement, comme s’il attrapait ses mots avec des pincettes et qu’il les posait un par un sur une table métallique pour les étudier.
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A son retour, son aîné, Ion Marinescu, est grand et beau, fin et cultivé, il a quatorze ans et la barbe bien fleurie. Maria la Cochonne caresse d’un doigt la moustache délicatement soignée du jeune homme, et du dos des phalanges la peau lisse de la joue. Elle regrette un instant d’être sa mère, se ravise soudain elle se rappelle la malédiction. A-t-elle réussi à tout racheter par son voyage ? Dieu lui a-t-Il rendu grâce ?… Certainement, sinon pourquoi aurait-Il mis sur son chemin ce moine entouré de pétunias et de richesses ? D’un geste las de la main, elle efface le souvenir du bandit moustachu aux haricots et décide de reprendre sa vie là où elle l’avait laissée sans plus se soucier du passé lointain de son grand-père.
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Des milliers de petites gouttes froides viennent se suicider contre les fenêtres. (p.183)
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Bien entendu, tout ceci se fera en finesse, le fils doit comprendre la vie sans que le père la lui explique, le père doit discrètement lui montrer les manettes à actionner, les boutons sur lesquels appuyer, les règles de base et les lois en vigueur, mais il ne doit jamais apparaître en donneur de leçons, ainsi le fils peut penser qu’il avance seul sur un chemin jusqu’ici inexploré, jamais parcouru par quiconque avant lui, et il faut à tout prix lui laisser ce rêve-ci. C’est uniquement comme ça que ça marche quand c’est de père en fils. Le fils ne doit pas savoir grand-cho se sur le père et, tant qu’il le peut, le père laisse planer le mystère, il ne doit pas dévoiler sa sensibilité ou ses faiblesses. Puis un jour le fils découvre que le père est un homme comme tous les autres, un incurable coureur de jupons, et là ce n’est pas grave car le fils est déjà trop grand pour reculer, il est déjà mordu par le virus de la passion, l’envie d’être un homme plus fort que celui d’avant lui. C’est comme ça de père en fils et pas autrement. Et le fils est très bon, meilleur ingénieur, meilleur chercheur, meilleur inventeur, meilleur que son père ; il est excellent dans le domaine, il est un prodige.
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