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Critiques de Isabelle Monnin (379)
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Les gens dans l'enveloppe

Il n'en faut pas beaucoup à Isabelle Monnin pour nous raconter une aventure humaine faîte de petits riens et de renoncements, de secrets éventés et de quotidiens tyranniques, de grandes histoires d'amour et de défaites retentissantes… Avec au bout du chemin la solitude qui rétrécit et ratatine… Il lui suffit de quelques photographies mal cadrées d'une famille dont elle ne sait absolument rien pour que son imagination s'emballe et qu'elle nous invente les aventures extraordinaires d'une famille ordinaire… Isabelle Monnin a entendu les voix lointaines des gens sur les photos… La mamie qui cache ses lourds secrets derrière des lunettes noires ; la petite fille espiègle qui part « chercher le vent avec un filet à papillons » ; le père esseulé qui fixe du regard un point dans l'horizon ; ce bel étranger qui dit les mots bleus à cette jeune maman, si fière et entêtée.

Son histoire achevée, en bonne journaliste qu'elle est, Isabelle Monnin décide de partir à la recherche des gens qui se trouvent sur les photos… Grâce à internet et à beaucoup de ténacité, elle finit par les trouver. Elle leur parle, leur dit que toute vie est extraordinaire et mérite d'être racontée. Ils finissent par lui faire confiance et se laissent aller aux confidences.

« Par quels sentiers ruissellent les souvenirs ? »

La comparaison entre leurs vies imaginées et leurs vies réelles est parfois cocasse. Il y a moins de fractures, de tumultes, mais les lourds secrets chuchotés du bout des lèvres sont bien présents dans ces deux vies, cette obstination à concrétiser ses rêves aussi, tout comme les renoncements qui vous font baisser le regard.

Et puis il y a le style Monnin. Tout en simplicité, en finesse, en pudeur ! Une voix chuchotée qui respecte ces gens, imaginés ou pas, portant sur leurs épaules le poids des ans.

Merci pour tout Isabelle Monnin !





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Mistral perdu ou les événements

Anecdote : je cherche ce livre dans les rayons de la FNAC et ne le trouve pas. Je demande à la vendeuse qui au final ne le trouve pas non plus mais me dit : « Une collègue l'a lu et vraiment, elle a été déçu par rapport au précédent."



Du coup, j'ai encore plus envie de le lire.



Et.



Paf. Je le prends en pleine gueule.



Touché en plein coeur.



Générationnel et pourtant tellement personnel. Isabelle Monnin se raconte et nous raconte. Ce temps où on ne mettait pas de ceinture à l'arrière des voitures aux enfants, où on fumait n'importe où, où les téléphones n'étaient pas mobiles … Michel Drucker. Les trente-trois tours. le 11 septembre.



Tous ces petits témoignages universels nous plongent encore plus dans l'histoire personnelle de l'auteur et de sa petite soeur. Tant aimée. Partie.



« Je suis le 11 septembre autant que la seconde où elle est morte.



Je suis tous mes événements. »



Ce livre, c'est de l'émotion. de la pudeur. Des sourires. C'est un livre d'amour, un roman d'apprentissage, un documentaire … Je ne sais pas le qualifier. Pourtant qu'est ce que j'ai aimé cette écriture pleine de poésie. C'est un hommage à sa soeur. C'est un livre politique. C'est un livre écrit par chacun des lecteurs qui l'aura entre les mains.



Ce livre est un poème. Ce livre est une chanson.



« Te raconter enfin qu'il faut aimer la vie et l'aimer même si le temps est assassin et emporte avec lui le rire des enfants … »



Et toujours, oui, toujours, se méfier des vendeuses à la FNAC …


Lien : https://labibliothequedejuju..
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Mistral perdu ou les événements

C'est vrai que je ne suis pas française mais pour se plonger dans ce très beau roman, toutes les nationalités peuvent s'y retrouver puisque c'est un roman qui parle du monde depuis les années 1970. Je suis née un peu après, je n'ai pas connu les pattes d'eph ni la coupe au bol ni le Minitel français mais j'avais six ans quand Renaud chantait sur son banc le mistral gagnant, vingt ans quand les tours jumelles à NY ont été saccagées. J'en avais trente-six lors des attentants au Bataclan. Tout est encore dans ma tête, dans mon coeur comme autant de souvenirs qui soulèvent ou réconfortent. La vie est universelle. Ni couleur, ni drapeau, ni race pour ici comprendre le message d'Isabelle Monnin : la vie passe et passe avec elle le mistral et les événements. Seuls ceux que tu vois tomber, se relever, assassinés au nom d'une religion, c'est ceux-là qui comptent, ceux dont on rêve, ceux avec qui on rêve, ceux qui nous font rêver, ceux qu'on n'oubliera jamais.



C'est un roman où Isabelle Monnin raconte la vie, d'abord main dans la main avec sa soeur adorée. du bac à sable, à l'adolescence, on entendra Renaud chanter Mistral gagnant ou encore le Pen brandir sa haine au nom de la France.

C'est un livre de gauche, un livre de coeur, un livre coup de coeur.



C'est un livre à souvenirs, à la lueur d'une bougie ou avec une lampe torche sous sa couverture à sourire de se rappeler la vie il y a vingt ou trente ans.



L'écriture est un écrin de poésie et de justesse, les mots chantent la vie, l'abandon, les désillusions, l'espoir, c'est doux, c'est de l'or en barre pour se rappeler qu'on existe à travers des événements qu'on survole, qu'on se prend de plein fouet, qu'on gardera à jamais en soi. Splendide.
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Odette Froyard en trois façons

Avec Odette Froyard en trois façons, Isabelle Monnin part sur les traces de sa grand-mère pour en reconstituer la vie. Comme pour réaliser un puzzle, elle va ramasser des pièces, d’abord dans ses souvenirs puis dans les archives. Ensuite la fiction viendra étoffer la vie de cette aïeule décédée en 1993.

Leur relation a duré vingt-deux ans, de la naissance de l’écrivaine à la mort d’Odette.

C’est presque trente ans après sa disparition que la narratrice, quinquagénaire, en plein confinement, et en phase dépressive, a eu alors comme une illumination. Ayant la conviction que toutes les vies méritaient d’être non seulement vécues mais distinguées, elle pense qu’à l’heure de son propre effacement, elle se doit de mettre en lumière cette femme invisible, cette femme ordinaire qu’a été Odette Froyard sa grand-mère.

Au fil des pages, elle fait ressurgir des souvenirs. Des souvenirs d’enfance qu’elle convoque d’ailleurs avec maestria.

Mais ce sont surtout des silences, une symphonie de silences dont elle se souvient et elle dresse même une liste de tout ce qu’Odette ne dit pas et cette phrase récurrente dans sa bouche « Oh ben y a rien à dire, motus et bouche cousue, allez allez on n’en parle pas ». Ces mots lui posent question, de quoi ne faut-il pas parler ?

Ainsi, n’arrivant pas à trouver de réponse, elle décide d’élargir le champ de ses recherches et celles-ci la conduiront de Gray, village de Haute-Saône où elle est née pendant la Première Guerre mondiale, au 19, rue de Crimée à Paris dans ce mystérieux orphelinat maçonnique dans les années 1930, jusqu’aux camps de la mort.

Pour pallier aux trous restés sans réponse, Isabelle Monnin va jongler enfin, avec tous les éléments en sa possession et inventer ce que ne lui avait pas confié sa grand-mère et arrive à faire revivre sous nos yeux ébahis l’histoire romanesque superbe de vérité, d’une femme en apparence sans histoire.

Odette Froyard en trois façons est un magnifique roman dans lequel Isabelle Monnin parvient avec talent mettre en lumière des vies effacées, s’attachant à montrer qu’il n’existe pas de vies qui ne valent rien.

À l’heure où il n’est question que de femmes puissantes, ce roman est une belle manière d’attirer l’attention sur des vies simples, ordinaires.

Au travers de cette vie minuscule, ce récit nous offre une traversée du siècle tout aussi bouleversante.

Isabelle Monnin réussit avec habileté et avec brio à faire de ce personnage de l’ombre une véritable héroïne, un des pouvoirs de la littérature.

Dans une langue imagée, où elle met en avant de nombreuses coïncidences troublantes qui ajoutent du piment à l’histoire, Isabelle Monnin nous livre un roman original et vibrant d’humanité.

L’incursion dans le fantastique avec ce court chapitre Au lac des Oubliés m’a par contre, laissée un peu sur le rivage…

Je souhaite bonne route à ce superbe roman en lice pour le Prix Orange du Livre 2024 et le Prix de la Closerie des Lilas 2024.


Lien : https://notre-jardin-des-liv..
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Les gens dans l'enveloppe

Marquée du sceau de la gentillesse et de la bienveillance l'oeuvre hybride d'Isabelle Monnin et d'Alex Beaupain, intitulée “Les gens dans l'enveloppe”, serait peut-être le remède à prescrire à ces millions de français gagnés par la lassitude et la désillusion.



A partir de l'idée un peu folle d'aller à la rencontre de parfaits inconnus figurant sur une série de photos achetées trois ans auparavant sur la toile, Isabelle a concrétisé à l'automne dernier un projet débordant d'humanité.

Son talent conjugué à celui d'Alex, la chance d'avoir repéré le lieu d'un des clichés à partir d'un clocher situé en arrière-plan, la disponibilité des habitants de Clerval et la coopération enthousiaste d'une famille s'intéressant à la généalogie, donnent au final un résultat surprenant.



Mais avant ses pérégrinations dans le Doubs, Isabelle Monnin va laisser libre cours à son imagination galopante et coucher sur le papier le parcours de vie supposé de trois femmes souvent présentes sur les photos et qu'elle pense être en ligne directe : une jeune fille, sa maman et sa mamie.

Ce roman se déroule en partie en Franche-Comté et en partie en Argentine du temps de la dictature et couvre la première moitié du livre.

La seconde est consacrée à l'enquête proprement-dite où surprises et petits bonheurs attisent tour à tour l'intérêt du lecteur pour une famille de français moyens sur plusieurs générations.

La comparaison entre la fiction et la réalité s'avère passionnante, parfois même cocasse. L'auteure, endossant sa casquette de journaliste, prend un soin infini à ne heurter personne et réussit au fil des mois à tisser des liens amicaux avec Laurence, la petite fille omniprésente sur les photos et devenue aujourd'hui jeune maman.



La cerise sur le gâteau est bien sûr le CD dont Alex Beaupain a composé les arrangements avec la participation vocale de Camélia Jordana, Clotilde Hesme et Françoise Fabian.

Mais l'émotion est palpable lorsque Laurence et ses deux enfants interprètent ‘'Émilie jolie'' ou lorsque Suzanne, la maman de Laurence, chante en duo avec Alex Beaupain ‘'Les Mots Bleus''.



Celles et ceux d'entre-vous qu'une tendre nostalgie des sixties-seventies habite de temps à autre, éprouveraient un vrai bonheur à lire et à écouter l'oeuvre commune de deux artistes particulièrement prévenants et attachés au sens profond des choses de la vie.







P.-S. : “Des mots, des photos, de la musique. L'idée de ce livre m'a touchée. Je n'en sais pas davantage, j'espère qu'il te plaira” m'a-t-elle écrit en exergue de son présent.

Merci Malaura pour ce cadeau ô combien précieux, merci infiniment :-)





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Les gens dans l'enveloppe

En juin 2012, Isabelle Monnin achète sur internet un lot de 250 photos. Des photos d'une même famille qui lui est inconnue. A partir de là, elle décide d'en faire un roman. Fascinée par ces visages et ces scènes du quotidien, à la fois bouleversants et banals, elle s'invente une histoire, créé ses personnages, les font vivre. Sous sa plume, ils deviennent des personnes, certes romanesques mais étrangement vraies. De la petite fille, qu'elle prénommera Laurence, à la grand-mère aux lunettes noires qu'elle surnommera "Mamie Poulet", elle nous raconte leurs histoires.

Son ami, Alex Beaupain, lui propose alors d'accompagner son récit en chansons.

Une fois le roman terminé, elle décide de partir à la recherche de ces personnes. Débute alors une longue enquête au bout de laquelle les personnages de son roman prendront réellement vie...



Isabelle Monnin, romancière et journaliste, nous offre à la fois un roman, une enquête et un CD écrit et composé par Alex Beaupain (sauf Les mots bleus et La chanson d'Emilie et du grand oiseau), chantonné par Camelia Jordana, Clotilde Hesme, Françoise Fabian, Alex Beaupain et les vraies personnes du roman. Une idée très originale et captivante de bout en bout. L'auteur écrit un roman, invente des destinées. Pour elle, toute vie mérite d'être racontée. Dès lors que l'enquête commence, qu'Isabelle Monnin mêle la fiction à la réalité, l'on découvre avec force et émotion la vie de ces gens. L'auteur, elle-même, se rend compte de la "violence" de son geste, des bousculements inhérents. Aussi bien pour eux que pour elle. Elle remue des souvenirs et remet à la lumière du jour ces photos du passé et donne vie et forme à ces instant figés sur papier glacé. Un roman touchant, émouvant et profondément humain, qui plus est porté par une écriture douce et poétique...



Quand Les gens dans l'enveloppe prennent vie...
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Mistral perdu ou les événements

Nouveau coup de cœur 2021, un roman que j’ai d’autant plus vécu que l’autrice, dans cette autobiographie, commence par raconter les années 80, me donnant l’impression de mêler ma jeunesse à la sienne dans de magnifiques pages à l’écriture parfaite.



Elle raconte, sa relation fusionnelle avec sa sœur omniprésente, elle raconte la succession des gouvernements, les événements marquant entre ces années 80 et nos jours, événements donnant des indication de temps dans un récit ou les années ne sont pas précisées, jalons qui permettent de se repérer et grâce auxquels on retrouve ses jeunes années.



Elle raconte la relation avec sa sœur en usant de leitmotivs parlants et évocateurs de sa souffrance au début de chacun des chapitres : nous sommes deux, je suis seule, je suis deux... Elle s’exprime en hurlant sa souffrance, en racontant son travail de deuil, elle communique sa tristesse dans un texte qui invite au recueillement, à l’intériorisation, comme un trésor cachée au plus profond de soi.



Je ne connaissais pas cette écrivaine, et je suis heureuse d’avoir trouvé ce roman sur mon chemin. Une belle découverte.



A lire absolument simplement pour savourer ce texte magnifique.
Lien : http://1001ptitgateau.blogsp..
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Mistral perdu ou les événements

Isabelle est née au début des années 70 dans une famille intellectuelle, ouverte et de gauche. Sa soeur arrive trois ans après. Une relation si fusionnelle qu'elles sont devenues Les filles. Inséparables. Volontaires. Curieuses. C'est ensemble, main dans la main, qu'elles vont grandir, s'ouvrir, s'épanouir, partager leurs joies et leurs peines. De l'enfance qui fleure bon les sous-pulls marron ou la coupe au bol à l'adulte qui trébuche ou qui se cogne en passant par l'adolescence rebelle, baignée d'illusion et bercée par Renaud, Isabelle traverse ces années cahin-caha dans un contexte social, politique et économique en plein mouvement...





Isabelle Monnin nous offre un roman profondément intime et poignant. Où il est question de deux sœurs inséparables et complémentaires. Où il est question de R5, de minitel, de bandana de Touche pas à mon pote, d'internet. Où il est question de gauche, de droite, de l'Ogre et sa fille. Où il est question de "Devaquet au piquet", de l'affaire Malik, du Mur de Berlin, de la Coupe du Monde, du 11-septembre, du Bataclan. Où il est question de Gainsbourg, de Barbara, de Daho et, évidemment, de Renaud. Où il est question de rêves inachevés, de désillusions mais aussi d'espoirs, de chagrins inconsolables, de déceptions, de souvenirs doux-amers, de morts tragiques et de vies qui s'apprennent, qui subsistent et résistent. À travers Mistral perdu, l'auteure nous fait (re)vivre tous les événements marquants des années 70 à nos jours auxquels s'imbriquent sa propre histoire. Un récit fort et empoignant servi par une plume éloquente et vibrante...
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Les gens dans l'enveloppe

Ca alors! Pourquoi n'ai-je pas aimé?



On est parfois confronté à une grande solitude quand on se mesure à l'échelle des satisfactions de lecteurs et la question du décalage est toujours troublante. On cherche à comprendre, habité par un léger sentiment de culpabilité et de sidération: est-ce le sujet, la méthode, l'écriture, le mauvais moment?...



Je n'y suis pas arrivée, tout simplement.

Emballée par l'idée de départ de ce dépouillage photographique qui permet à l'imagination de vagabonder, j'ai été d'autant plus surprise d'être si vite agacée par la forme littéraire utilisée. Débutant par le journal intime d'une enfant solitaire et inconsolable, les phrases hachées et descriptives m'ont été pénibles à suivre, là où d'autres trouveront cela touchant et poétique. Manque de crédibilité, posture d'écriture? le vernis poétique n'a pas aidé à la fluidité de la narration.



J'ai très vite survolé la partie romanesque pour tenter de m'accrocher à l'enquête journalistique et généalogique proposée. La réalité des êtres a retenu plus facilement mon intérêt. L'écriture en est plus prenante et le diaporama d'une époque assez gentiment nostalgique. Mais le mal était fait: je n'ai jamais pu rentrer dans le livre.



Ma cordiale sympathie va donc à toutes les critiques proposées par certains Babeliotes dont je suis fidèlement les avis, et qui à défaut de me faire regretter cette lecture ratée (pour moi, s'entend), m'ont au moins permis de me faire une idée un peu plus précise de ce roman hybride. J'en retiens simplement l'originalité.

Quant aux chansons, rien ne m'a donné envie de les écouter.
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Odette Froyard en trois façons

L'énigme poignante d'une si proche inconnue.

2020, comment évacuer l'angoisse d'une vie en suspens si ce n'est en se plongeant dans la vie d'Odette Froyard, une grand-mère qui a fait de l'effacement une forme de bonheur paisible ? Une femme qui semblait se satisfaire de sa vie domestique entre les quatre murs de sa cuisine et n'a jamais débordé l'image de discrétion qu'on a voulu lui assigner.

La pudeur est une vertu, et on est tenté de lui en prêter mille face à l'hypertrophie de soi actuelle. Mais n'est-elle pas abdication ? le silence gardé sur son passé, sa jeunesse et l'histoire de sa famille ne dissimule-t-il pas un secret derrière la blouse de ménagère ?

Isabelle Monnin s'est lancée dans un travail d'exhumation mû par des fils invisibles, « il y avait des fils, je ne pouvais faire autrement que les suivre, et qu'importe si je m'y emmêlais ».

Avec une écriture pénétrante, magnétique, l'auteure mène un véritable travail documentaire, fouillant ses souvenirs, les archives. Elle se met à l'écoute de ce qui est muet, fait son miel des détails dévoilés pour imaginer une histoire qui s'écrit entre les lignes lorsqu'elle découvre que sa grand-mère n'a pas été préservée des grandes tragédies du XXe siècle. le silence se cristallise alors en secret que l'écriture interroge sans cesse.



Ce livre ne se contente donc pas de donner un ordre biographique, il dramatise avec force le silence obstiné pour en révéler des significations non visibles. Les impasses, les trous dans l'histoire, ce sont autant de chances de réinventer une grand-mère que sa petite-fille raconte d'un oeil ému.

Après tout, la fonction du roman n'est-elle pas de retrouver l'éblouissement au coeur de la banalité ?



En quelques pages, Isabelle Monnin vous emporte dans une fiction d'une belle intensité, qui puise cependant sa force dans la quête qui devient enquête, et dans l'observation singulière faite par l'auteure de ce qui est machinal. Sa démarche littéraire que je trouverais bouffie chez d'autres, et même beaucoup d'autres, est passionnante sous sa plume. L'écriture est lumineuse, on a le sentiment chez l'auteure que le geste d'écrire ne fait qu'un avec l'enquête.

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Les vies extraordinaires d'Eugène



Lorsqu’on referme « Les vies extraordinaires d’Eugène », c’est la gorge sèche, un nœud à l’estomac, le regard brillant. Car le roman d’Isabelle est tout simplement bouleversant. Le petit Eugène est né grand prématuré et va être emporté en quelques heures d’un choc toxique imparable après six jours de couveuse. Son père, ravagé par le drame, décide de mettre sur papier la vie éphémère de ce fils de l’amour tandis que sa femme elle, se mure dans le silence.

Hou la!la! vous allez vous dire, la vie est bien trop dure pour se plonger dans un tel récit, mais détrompez-vous, Isabelle Monnin ne sombre jamais dans le pathos, bien au contraire, elle arrive même à nous faire sourire au coin d’une phrase, d’un paragraphe.

On tombe sous le charme de ce petit Eugène, qui dans son terrible malheur à bien de la chance d’avoir de tels parents. Comment faire son deuil quand une telle injustice vous frappe ? Lisez « Les vies extraordinaires d’Eugène », Isabelle Monnin en apporte une poignante réponse. Et pour nous détendre je finirai par un "Ou il y a Eugène, il y a du plaisir".

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Les vies extraordinaires d'Eugène

Eugène est né le 17 novembre 2007. Grand prématuré. Intubé. Extubé. Ré-intubé. C'est dans le service de réanimation de Montreuil qu'il a attrapé un staphylocoque doré. Il est mort d'un choc toxique le matin de son septième jour. Il y a une case portant une plaque à son nom au cimetière du Père-Lachaise. Sept petits jours et puis s'en vont...

Depuis, sa maman ne parle plus. Elle ne correspond qu'avec un petit carnet sur lequel elle écrit le strict minimum. Elle a acheté des mètres et des mètres de tissu velours rouge, s'est installée devant sa machine à coudre et a commencé à fabriquer des pantalons pour chaque âge de la vie d'Eugène.

Son père a commencé à écrire les quelques souvenirs qui lui restaient en mémoire. Mais sept jours, c'est trop court, c'est trop peu pour ce petit bonhomme. Alors, il va tenter de recouper les témoignages de ceux qui l'ont connu, va retracer les portraits de ses ascendants et lui inventer une vie...



Isabelle Monnin nous plonge dans l'intimité de ce couple qui doit faire face au tragique, à l'impensable. Comment supporter la mort de son enfant au bout de sept jours alors qu'ils ne l'ont même pas pris dans leurs bras, même pas vu son dos ni la couleur de ses yeux, tout juste effleuré ses jambes si minuscules? Les parents réagiront de manière totalement différente: elle, se réfugiera dans le silence, lui, écrira la vie de son petit homme. Lui (re)donnera vie. Sans misérabilisme, ce roman dépeint avec justesse, délicatesse et une profonde sensibilité la vie de ce couple et du petit Eugène. L'auteur conjugue habilement gravité et légèreté pour nous offrir un roman à la fois sombre et lumineux, triste et drôle, porté par une écriture sensible.
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Mistral perdu ou les événements

Je viens de terminer Mistral perdu en larmes. Un petit livre qui ne paie pas de mine, pas très épais, que j'ai acheté après avoir lu une critique de Ptitgateau que je remercie au passage, mais une véritable claque littéraire. Une écriture forte et poétique, bouleversante aussi pour raconter deux soeurs fusionnelles qui ont tout partagé jusqu'à ce que la mort les sépare…

Je n'ai pas perdu ma soeur, je n'ai jamais eu de soeur d'ailleurs mais ce livre parle de moi quand même. J'ai vu défiler mon enfance dans un village de l'Est de la France, dans les années 70. Je me suis souvenue des départs en vacances vers la Costa Brava, dans la R5 familiale, ma mère au volant, moi sur la banquette arrière devenue lit improvisé. Pas de ceinture de sécurité et sous mes couvertures les bouteilles d'alcool et les cartouches de cigarettes achetées illégalement au Perthus. J'ai revu mes copains d'école, les cabanes dans les champs, les pattes d'eph, les boums, les 45 tours, l'insouciance de l'enfance. Comme dans le livre, je suis née dans une famille de gauche où l'on a fêté le 10 mai 81 comme si la victoire de François Mitterrand était la nôtre et comme les deux soeurs j'ai aimé passionnément le chanteur aux cheveux jaunes qui chantaient la banlieue en même temps que sa haine des bourgeois et de la société. Sur une page, quelques mots évoquent Slimane, le héros d'une de ses chansons. Encore une claque ! J'avais oublié Deuxième génération que je chantais à tue-tête adolescente ! Un petit tour sur Youtube et les paroles me sont revenues naturellement aux lèvres. Comment ai-je pu oublier mon hymne de l'époque ? C'est le temps qui passe et qui fait des trous dans notre mémoire. Et pourtant que d'évènements inoubliables je viens de revivre : les manifs contre la loi Devaquet, la mort de Malik Oussékine, la mode des jeans neige et des sweats chauve-souris, la main de Touche pas à mon pote, les baladeurs, etc.

Après nos grands-parents qui avaient combattu les Allemands, nos parents qui ont trouvé la plage sous les pavés, ma génération a été en mal de causes à défendre, on nous a appelés la bof génération. Et pourtant…Les années 80 n'étaient pas que les années fric, il y avait des convictions, des rêves, des espoirs.

Au rythme des élections, des victoires, de la cohabitation, de la dissolution, du terrible 21 avril, Isabelle Monnin m'a fait revivre ce temps où la politique me passionnait, où j'étais de gauche et j'aimais les hommes et les femmes de gauche. J'ai pris un vrai coup de jeune en lisant ces lignes. J'ai appelé Soraya, ma copine de toujours, la soeur que je n'ai pas eue. Celle qui a partagé mes rires, mes chagrins, les boums, les bals de village, les secrets, les délires, qui a chanté Renaud, Cabrel, Goldman avec moi.

J'ai grandi, j'ai eu des amours, une fille. le monde a changé. Les politiques aussi. Sarkozy et son karcher, et sa victoire fêtée au Fouquet's. L'espoir incarné par Hollande. La désillusion. Et en vrac, les attentats du 11 septembre, Charlie Hebdo, le Bataclan. La victoire du néo-monarque.

J'ai pris un coup de vieux aussi. Parce que j'ai plus de 50 piges, parce qu'être de gauche ça ne veut plus rien dire, que l'antiracisme de ma jeunesse est désormais qualifié d'angélisme, que les le Pen se reproduisent comme du chiendent, que Renaud embrasse des flics et soutient Macron, que je ne me reconnais pas dans les combats d'aujourd'hui, que je ne sais pas quel bulletin mettre dans l'urne dans quelques semaines, parce que la nostalgie c'est pour les vieux cons et que je suis, de fait, une vieille conne, parce que tout fout le camp ma p'tite dame…

Alors j'ai pleuré sur les mistrals perdus, sur les évènements qui traversent ou bouleversent une vie, sur cette soeur disparue qui n'est pas la mienne mais qu'Isabelle Monnin a su me faire aimer.

Encore merci à Ptitgateau qui m'a fait connaître ce livre. Merci à Soraya d'avoir été là et d'être là encore, depuis les bancs de la maternelle. Merci à Isabelle Monnin d'être elles, elle et nous.

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Mistral perdu ou les événements

C'est un livre que j'aurai aimé lire, le soir, la tête sous les couvertures à la lumière d'une lampe de poche, comme quand j'étais môme et que je bravais le couvre-feu parental en m'étourdissant la tête et me brûlant les yeux aux mots chéris et adorés des auteurs des bibliothèques rose ou verte.



"Tout est écrit, partout sous les choses, ne reste qu'à fouiller, gratter le sol, écorcher les roches pour mettre les phrases au jour."



C'est un livre que j'aurai aimé lire ta main dans la mienne, vautrées sur le vieux canap' du salon des parents, en boulottant des réglisses et des boules coco, te faisant la lecture, soeurette, comme quand nous étions mômes.



"Être à ses côtés c'est se chauffer à une force mystérieuse, peut-être tellurique. On dirait qu'elle a trouvé le secret de la vie, ça irradie d'elle entière, je voudrais m'y frotter comme à une lampe magique, qu'elle me prête un peu de son fluide, qu'elle me maquille les yeux et la bouche".



C'est un livre que j'aurai aimé lire à mes mômes à moi, au coin du feu dans la pénombre, tous blottis dans de vieux plaids en tricot, pour leur dire notre enfance. Pour leur dire qu'on n'y est pour rien, qu'on n'a rien vu venir, qu'on y croyait tellement à ce pour quoi on s'est battu, ce pour quoi on n'en finissait pas de chanter, de gueuler, d'user nos clarks et nos kickers bi-color sur ces pavés bien recouverts de béton, au cas où il nous serait venu des idées...



"Ce serait lire, à l'encre sympathique d'un stylo vendu avec Pif gadget, le récit de la dégringolade d'une génération qui s'était crue effrontée et se découvre désarmée."



J'aurai aimé lire ce livre avec dans les oreilles la voix rocailleuse du chanteur énervant, le poing levé en chantant avec lui "J'ai chanté dix fois, cent fois, J'ai hurlé pendant des mois, J'ai crié sur tous les toits, Ce que je pensais de toi ; Société, société, Tu m'auras pas."



J'ai lu ce livre, les larmes aux yeux, le coeur ouvert au bonheur et à la nostalgie. Et la tête haute. J'ai lu ce livre sans arrêter de penser à elles - Isabelle et sa soeur adorée qui te ressemble tellement - à son petit son doux son roi du monde, aux événements passés et présents du monde, à notre sidération berceau de notre passivité.



"J'avance, mais mes poches sont pleines de cailloux".



Est-ce qu'il faut être né dans les années 70 ? Est-ce qu'il faut avoir été "une moitié des filles" ? Est-ce qu'il faut avoir défilé et cru à toutes ces conneries, ces chimères de droits, d'égalité et de liberté ?

Non, je ne pense pas.

Il faut le lire c'est tout.

Tout le reste n'est pas que Littérature !



"J'ai ri, tu as entendu ? Un vrai rire de bon coeur, on disait ça, ils étaient nos préférés. Tu l'as entendu ce rire ? Beau, puissant, musclé par tout le chagrin porté. Tu as vu comme il a inondé mes joues et mon coeur et mes bras ? Il a des notes de toi, je les ai reconnues, si c'est là que tu te caches je veux l'entendre toujours."
Lien : https://page39web.wordpress...
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Mistral perdu ou les événements

Ce livre est une madeleine, chaque mot m’a transportée dans mon enfance, mon adolescence, mon chez-moi. J’ai revécu à chaque phrase ce que j’ai ressenti à l’école, au lycée, dans mes études supérieures. La rencontre avec Pierre Bourdieu et ses idées a pour moi aussi concrétisé ce que je vivais et pensais au plus profond de moi . Je me suis reconnue dans presque chaque phrase jusqu’au moment où le drame arrive. Drame que je ne connais heureusement pas mais que j’ai lu avec beaucoup d’empathie . J’ai porté avec moi la douleur de la narratrice qui montre combien l’absence de sa sœur lui sera à jamais une souffrance, c’est une partie d’elle qui est partie.

Ce livre est beau, tendre et reste très pudique malgré le drame qui vient s’abattre sur la narratrice. Comment continuer à vivre lorsque le nous doit devenir je ?

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Les gens dans l'enveloppe

Ouvrage vraiment original, Isabelle Monnin, journaliste et romancière, achète un jour, sur internet , un lot de 250 photos provenant toutes de la même famille et originaire du Doubs, comme elle.

Lorsqu'elle reçut cette grosse enveloppe blanche, les individus sur les images l'envahirent et l'obsédèrent .

Pourquoi ne pas partir à leur recherche ?

A la manière d'un roman, à la faveur des mystères d'une enquête...

Elle écrit d'abord "la fiction de gens " dans l'enveloppe avant de retourner inventorier et fouiller leur histoire.

Ainsi prirent forme des personnages comme Serge et Suzanne, la jeune Laurence et mamie Poulet , entre 1977 et 1994 , d'après le contenu des photos.

Ensuite cette journaliste écrivain reprend les photos, en repère les détails, remonte le fil grâce à internet , retrouve le nom du village puis ceux des gens dans l'enveloppe .

Elle revient sur sa propre histoire....la troisième partie nous fait partager des émotions intenses, la fiction devient peu à peu réalité.....

Enfin le tout sera mis en chanson.

Même si j'ai apprécié cette intiative émouvante et originale, je n'ai pas éprouvé le besoin d'écouter les chansons ....

Pourquoi? Je ne saurais le dire.

Peut - être, attendais- je trop de ce projet et de cet ouvrage que j'ai beaucoup hésité à lire.

J'avais aperçu l'auteur à la grande librairie.

Cela ressemble à un atelier d'écriture , quelque chose de vivant , c'est sûr.









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Mistral perdu ou les événements

J'adore mon cousin, lui qui ne sait jamais quoi m'offrir pour Noël, en raison des nombreux libres que j'ai lu, il me donne régulièrement des ouvrages qu'il a acheté et des idées qu'il a pioché sur Babelio d'ailleurs. Lorsqu'il m'a donné cet ouvrage, il m'a dit qu'il n'avait pas beaucoup accroché. Aussi, ne savais-je pas trop à quoi m'attendre en commençant les premières lignes, m'attendant forcément à être déçue à mon tour mais ô surprise, me voilà quant à me enthousiasmée par cet ouvrage.



C'est l'histoire de deux sœurs, inséparables malgré leur différence d'âge de quelques années seulement. Notre narratrice ne connaît pas le pronom "je". Lorsqu'elle parle d'elle, elle emploie le pronom "nous" se rattachant à sa sœur et à elle puisque pour elle, sa cadette et elle ne font qu'une. Ayant été élevés dans une famille foncièrement de gauche, elles le seront à leur tour et découvriront ensemble les parcours vers les bancs de l'école, puis du collège, lycée et université avec une tolérance envers les autres extraordinaire. Sa sœur rêve de faire du théâtre mais elle, c'est la carrière de journaliste qu'elle va embrasser. Sa vie s'éteint le jour où sa sœur meurt et il va donc lui falloir renaître, non pas sans mal et enfin apprendre à employer ce fameux pronom personnel qu'elle ne connaissait pas jusqu'alors, à savoir celui du "je". Atroce souffrance mais pourtant, il faut se rendre à l'évidence : avec ou sana elle, la vie doit continuer, elle se le doit à elle, mais aussi à celui qui deviendra son mari et qu'elle appellera affectueusement sa "Montagne" et ceux qui deviendront ses enfants.



Un roman autobiographique dur mais avec des passages parfois attendrissants et une écriture fluide et légère malgré tout. J'ai également beaucoup aimé le fait que sans donner de dates mais en parlant des grands événements qui ont marqué notre Histoire, le lecteur puisse se situer dans le temps. A découvrir !
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Mistral perdu ou les événements

Ce titre empreint de nostalgie est avant tout un hommage au chanteur Renaud. Sans être le personnage principal du texte, il en est le fil/bandana rouge, car ses chansons, sa carrière, ses engagements et l'homme qu'il a été et est devenu ont marqué la vie d'Isabelle Monnin.



A la manière d'Annie Ernaux dans 'Les Années' et de JP Dubois dans 'Une vie française', l'auteur relate ici son parcours d'enfant née au début des 70's dans une famille de 'classe moyenne'.

Inscrits dans les contextes socio-économiques, politiques et culturels de ces quarante dernières années (et des poussières), les souvenirs d'Isabelle Monnin ressemblent à ceux d'une partie de sa génération, ce qui donne une portée documentaire à cet ouvrage si intime. D'autant que l'auteur, sociologue, livre succinctement ses analyses de ces 'événements' qui ont marqué 'notre' époque, et des métamorphoses de la société.



L'exercice est réussi. Mais j'ai été aussi agacée qu'admirative.

Agacée, parce que j'ai déjà lu 'ce' livre plein de fois, sous les plumes d'Annie Ernaux, Jean-Philippe Blondel, Delphine de Vigan - thématiques, style et certains tics d'écriture (notamment sur le deuil).

Admirative parce que l'auteur est douée pour nous replonger dans nos souvenirs grâce à l'évocation du quotidien : jeux, musique, variété française, télé, ciné, radio, politique et ses temps forts, espoirs & ambitions. Elle pose en outre un regard intéressant sur les désillusions personnelles et collectives de ceux de sa génération, sur « les événements qu' [on] ne comprend que trop tard, en décalé » à la lumière de ce qui a suivi et de la maturité acquise…



Lecture réservée aux plus de 35, voire 40 ans ?
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Odette Froyard en trois façons

Cachée dans sa tanière de modestie, qui est Odette Froyard ?

Une grand-mère universelle ? Une sorte de couteau Suisse de l’intendance : cuisine, lavage, biberonnage, ménage, élevage, repassage comme l’époque l’inflige aux femmes comme elle née en 17. Sur les ruines d’un champ de bataille, aurait-elle été pire ou meilleure que ces gens ?



Pour la narratrice, sa petite fille : « Toutes les vies méritaient d’être non seulement vécues mais distinguées. Il y avait de l’extraordinaire dans chaque destin, fût-il éphémère ou apparemment sans relief. Odette Froyard n’avait aucune raison d’échapper à la règle, elle qui les respectait tant. Que se passe-t-il lorsque qu’il ne se passe rien d’autre que la vie qui passe ? Existe-t-il des vies qui ne valent rien ? »



Ce roman est une quête de vie, un refus de l’effacement de la moindre parcelle du passé.

La narratrice s’érige en rempart pour enrayer l’oubli à tout prix, parce qu’il est dit que personne ne meurt jamais vraiment tant que l’on pense toujours à lui.

« J’étais devenue la gardienne des petits riens, l’obsessionnelle chasseuse de traces. »



Malgré les lourds silences et les mystères impénétrables d’Odette Froyard, l’auteur, par la finesse et la délicatesse des mots agencés tresse à sa manière les trois façons de cette femme sensible, soumise, amoureuse, toujours attachante et très émouvante.



« A sa façon, discrète et efficace, Odette Froyard était ainsi une redoutable gardienne de l’ordre, dont elle était à la fois la matonne et la prisonnière. »



Par les souvenirs révélés, les petits riens, les dessins, les photos jaunies, les bouts de papier, avec l’aide de sa fratrie et de ses fréquentations rencontrées dans le tumulte de la France de l’occupation, de la guerre, des orphelinats, des déportations et des loges maçonniques ainsi qu’avec l’appui de ses aïeux appréciés pour leur conduite émérite et détestés pour leur attitude lâche que son histoire, celle de n’importe qui, fût en partie reconstituée et a donc de cette façon esquivé le puits sans fond de l’oubli.



« On est les histoires qu’on se raconte, elles sont des tremplins ou des pansements. »



Merci infiniment à Babelio pour la découverte de ce roman, de cette auteure à la très belle écriture et à Gallimard pour l’envoi de cet ouvrage.















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Les gens dans l'enveloppe

Souvent, au hasard de mes promenades chez les bouquinistes, j'ai été surprise par la mise en vente de photos de gens « ordinaires ». Je me suis demandé qui pouvait acquérir ce type de choses et pourquoi. Puis en observant de plus près plusieurs d'entre elles, les vêtements, les coiffures, les voitures ou les bâtiments, certaines m'ont rappelé mon enfance, d'autres mon adolescence. Ces photos intimes avaient donc un intérêt plus général, le témoignage d'une époque en résonance avec mon histoire et probablement celle de beaucoup d'autres.



Après cette remémoration de mon expérience, la démarche de la journaliste Isabelle Monnin, achetant un lot de photos d'inconnus pour leur inventer une histoire et finalement enquêter sur leur véritable trajectoire, m'a parue plus cohérente qu'elle n'y paraissait au premier abord. Et ces deux histoires de français moyens, la vraie et l'imaginaire, dont la comparaison entre les deux est l'occasion de la découverte de coïncidences troublantes, m'ont séduite.



Un roman original et respectueux de l'autre qui montre à quel point nous sommes connectés à une époque, une expérience commune avec d'autres humains qui, même très différents, nous les rend plus proches.

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