Est-ce qu'il se laissait imprégner, noyer ? Est-ce qu'il perdait pied pour être transformé par ce qu'il voyait, par ce qu'il lisait, pour devenir autre ? Moi je n'arrive jamais à perdre pied, j'ai trop peur. D'ailleurs, qui sait ce que la -Composition à la guitare- (Georges Braque) aurait pu ouvrir en moi. Il faut se méfier des natures mortes. (p. 51)
Bernstein préférait se tenir éloigné le plus possible de ce qu'il appelait la "faune de Drouot". Moi, tel un naturaliste avide d'observer les espèces endémiques d'une île inconnue, j'avais décidé de m'y plonger et même de m'y faire admettre. (p. 89)
(...) vous aimez la drouille, les petits lots sans importance, la brocante. Et au milieu de tout ça, l'objet insolite. Vous aimez fouiller, vous êtes une chineuse. (p. 22)
Ainsi c'était cela la couleur pure, celle qu'August Macke cherchait avec ardeur. "J'ai mis maintenant tout mon salut dans la recherche de la couleur pure", avait-il déclaré. "Tout mon salut", pour un homme qui est mort au fond d'une tranchée boueuse dégoulinant de gris. (p. 47)
Il faut shooter, viser quelque chose ! Quel est l'intérêt s'il n'y a pas d'enjeu ? Quel est l'intérêt s'il ne s'agit que de marcher d'un pas égal ?
Si je devais la raconter, le rapport d'expertise n'est-il pas aussi une forme de littérature, à partir d'une image originelle, l'expert remonte le temps, la gestation de l'oeuvre, il décrypte le faire, cherche les indices, les empreintes de l'artiste, sa marque de fabrique, traque ses habitudes, ses rituels, ses névroses. (p. 124)
il n'empêche que je conduis bien j'aurais pu être taxi ou routier je conduis comme un chef je peux conduire des heures j'aime ça la route j'aime être en mouvement je suis un être de fuite le mouvement est mon refuge j'ai besoin de bouger je ne veux pas m'arrêter je ne veux pas dormir je ne veux pas devoir rentrer à la maison tous les soirs (p. 61)
"J'aimerais pouvoir peindre l'amour comme les gens de la Renaissance ont peint la souffrance", explique August Macke à son ami le peintre Franz Marc. Un peu plus loin, enthousiaste, il lui écrit: " J'étais très heureux de ta théorie de la couleur. Elle ressemble à la mienne: mélancolie, brutalité, joie; l'homme, la matière, la femme." (p. 123)
Je l'ai aimé sans désir, chastement, j'avais eu pour Bernstein une attirance, un amour platonique, un sentiment en zone floue entre l'amitié et l'amour, une connivence particulière. (p. 156)
Pourtant ce bleu suffit à plonger le tableau dans un univers onirique, une teinte seule réussit à tout bouleverser. (p. 163)