Autour d'un verre avec d'Israël Horovitz .
Interview d'Israël Horovitz "Autour d'un verre" à Grignan lors du Festival de la Correspondance à propos de l'essai paru chez Grasset, Un New-Yorkais à Paris.
Elsa : Lâche-moi.
Earl : Quand je veux !
Elsa : Tu vas me lâcher, oui !
Earl : C'est moi qui décide !
Elsa : Lâche-moi !!!
(Il l'embrasse à nouveau, un peu violemment, la forçant à devenir plus docile. C'est évident qu'Elsa est très secouée, elle a peur. La différence de taille est nette. Earl arrête le baiser.)
Earl : C'est mieux comme ça ?
Elsa : Ouais. (Doucement.) Exactement ce que j'attendais depuis longtemps. C'est vraiment courageux de taper sur une femme, t'es un vrai mec.
Earl : Je suis prêt à t'entendre parler de ton mari en soutane et col dur... (Pause) Est-ce que vous prenez du plaisir, tous les deux ? (Pas de réponse) J'attends une réponse ici, s'il te plaît...
Elsa : Oui.
Earl : Comment ? J'aimerais vraiment savoir comment. Parle-moi. Raconte-moi... les trucs que vous faites ensemble.
Elsa : Tu me fais mal !
Earl : Tant mieux.
Elsa : Fils de pute !
Earl : Allons, Lora-la-menteuse ! Raconte-nous ce que toi et le bon pasteur faites pour vous éclater ! (Il se penche sur elle, plus près.) Je suis vraiment curieux. (Il relâche ses bras.) T'es libre. (Il se penche en arrière et la regarde pleurer.) Tu vas nous raconter, oui !?
Elsa (en larmes) : T'as pas le droit...
[A lire au regard des multiples accusations de harcèlement, d'agressions sexuelles et de viol portées à l'encontre du dramaturge depuis 1993 et qui refont actuellement surface avec de nouvelles affaires dans la presse américaine. La version originale de "La Marelle" a été publiée dans les années 1970, et sa version française en avril 1993.]
Jeune femme : Est-ce que...
Jeune homme : Quoi ?
Jeune femme : Tu me hais ?
Jeune homme : Bien sûr.
Jeune femme : Alors qu'est-ce que je fais ici ? Pourquoi est-ce que j'attends, ici, en plein hiver, avec toi ? Pourquoi est-ce que je t'ai donné tout mon argent.. Tout notre argent... Deux francs par deux francs ? Tout ces hot-dogs et ces jus d'orange Tropicana ? Pourquoi ? Tu dois m'aimer. Sinon pourquoi est-ce que tu continues comme ça ? [...] Tu dois m'aimer sinon je n'aurais pas fait ça, pas vrai ? (Elle sourit tendrement.) Oh je t'aime. Je t'aime vraiment. En partie parce que tu m'aimes tellement. C'est ce qui me fait rester ici ? Ce qui fait que je continue à faire des allées et venues avec tes hot-dogs et tes oranges Tropicana. Et ce n'est pas facile pour moi. Pas du tout. Le vendeur de hot-dogs est parti il y a trois mois et le stand de jus d'orange Tropicana a fermé pendant l'automne. Je dois marcher quinze kilomètres à chaque fois. L'homme du jus d'orange Tropicana... Oh, je le hais... je le hais vraiment.
Jeune homme : Qu'est-ce qu'il a ?
Jeune femme : Qui ?
Jeune homme : L'homme du jus d'orange Tropicana.
Jeune femme : Ah ! Lui. Il est tellement... Cruel. C'est ça, cruel. Il peut pas garder ses mains dans ses poches, non plus. Un jour j'écrirai une lettre à la société des jus d'oranges Tropicana pour le dénoncer. Je le jure devant Dieu. Si on ne peut plus faire confiance à un homme du jus d'orange Tropicana à qui peut-on faire confiance ? Il est horrible. Mais il ne l'est pas autant que le nouvel employé du stand de hot-dogs.
(Silence.)
Jeune homme (après une longue retenue) : C'est ça ton idée d'une bonne blague ???
Jeune femme : Oh, je ne blaguerai pas comme ça. Je n'aime pas du tout ce genre de blague ! Enfin, tu me connais...
Jeune homme (presque inquiet, doucement) : Qu'est-ce qu'il... fait... le nouvel employé du stand de hot-dogs ?
Jeune femme : Fait ?
Jeune homme (il la fixe) : Oui, fait ! Fait ! A toi ! Qu'est-ce qu'il te fait ???
Jeune femme (elle a un haut-le-corps) Des choses... avec ses hot-dogs... c'est abominable...
Jeune homme (au monde entier) : Je perds les pédales.
Jeune femme : C'est pas grave. Tu ne devrais pas t'inquiéter. Je ne l'aime pas. Je t'aime, toi.
Jeune homme : Avec des hot-dogs ???
Jeune femme : Je ferme les yeux et je fais comme si de rien n'était.
Jeune homme : Espèce d'idiote. Salope. Imbécile de femme au foyer !
Jeune femme : S'il te plaît, ne me traite plus comme ça.
Jeune homme : Je m'éreinte comme un forcené depuis une éternité... comme un forcené !!! Pourquoi ? Pour une imbécile, une salope, une petite conne de femme au foyer qui se fait mettre par des employés de stands de hot-dogs et d'orange Tropicana. T'es une perverse !!!
[A lire au regard des multiples accusations de harcèlement, d'agressions sexuelles et de viol portées à l'encontre du dramaturge depuis 1993 et qui refont actuellement surface avec de nouvelles affaires dans la presse américaine. La version originale de "Stand de tir" (Shooting-Gallery) a été publiée en 1973, et sa version française dans le recueil "Des Rats et des Hommes" en 1994.]
Le premier jour où j’ai été à Paris, j’ai fait de l’œil à Simone de Beauvoir. Et elle m’a fait de l’œil. J’aime bien cette ville. Elle me porte bonheur.
J’ai compris que c’est ce que la vie a de plus excitant et de plus effrayant : nous ne serons jamais ce que nous étions. La vie change.
Dans la vie, nous avons les pères que nous nous donnons. Samuel Beckett était évidemment le père que je m’étais donné.
Samuel Beckett ne disait pas non à une petite blague grivoise de temps en temps. Le jour où il a fait la connaissance de ma femme, Gillian, il a commandé un double whisky. «J'ai besoin d'une boisson bien raide. Pas grand-chose de raide par les temps qui courent !»
Quand j’étais gamin, j’allais travailler le samedi dans la boutique de mon oncle Max. Une de mes tâches était d’arracher à la main les reliures et les couvertures de vieux bouquins avant qu’ils soient pilonnés.
C’est ainsi que j’ai été initié à la littérature.
Oui, j’ai conscience que les dramaturges ont la détestable habitude de choisir des évènements de leur vie pour les passer à la machine, leur donner une nouvelle forme et les suspendre sur le fil à linge le plus public possible.
Je le sais et je m’en excuse.