Mais quel abri était une maison de ce temps-là ! J'évoque notre maison à nous, brillante et dorée, pleine de lumières, les jours de réception, odorante du parfum des fleurs, de vins fins, bruissante de voix, ou bien calme et silencieuse, feutrée de tapis épais, d'une parfaite ordonnance, cette maison de mon père, qui me semblait un bastion, quelque château de Versailles, quelque vaisseau de guerre ancré dans Paris loin des eaux mouvantes de l'angoisse ancestrale...
Chéri, où es-tu donc ? A quoi penses-tu dans ta cellule, si tu t'y trouves, en cette nuit profonde ? Est-ce que tu dors ?
(...)
A-t-il bu ? A-t-il mangé ? Dort-il un peu pendant ces longues nuits fiévreuses de prison ? Va-t-on le... maltraiter ? Il y a des gens qui racontent ce qu'on leur fait, et comment on les reconduit dans leur cellule, dans quel état, dans quel état...
(...)
Hélas, je ne sais pas prier, tout au plus supplier, crier, me révolter, reprocher à Dieu ce qu'il a laissé faire.
(...)
On nous a fait Juifs, lentement, du dehors, nous qui l'avions si bien oublié...
(...)
Oisives et trop douces vacances, imméritées, diaprure de nos jours, scintillantes et fragiles comme des ailes de papillon...
(...)
Viens vite ! André s'est évadé.
(...)
Tout s'arrête en moi. Je ne puis bouger, je suis comme une statue de pierre. Je ne bougerai jamais plus...
(...)
Pourquoi les grandes joies sont-elles si tristes ? Pourquoi est-ce que je pleure ?
Pourtant on vit , bien sûr , on vit et nous avons vécu . Rien n'est continu , pas même le malheur.