- Les chroniques, ajoute-t-elle, sont sans doute nécessaires. Du moins, avons-nous jugé qu'elles pourraient intéresser d'éventuels descendants. Mais écrire, est-ce seulement rapporter des petits faits qui, mis bout à bout, portent en eux l'ennui de nos vies monotones ?
Au début, il avait pensé que le phénomène qui avait permis son départ n'était qu'un reflux du temps un peu plus marqué que les autres. Après, il avait découvert qu'il n'en était rien, qu'il avait été la marque d'un changement profond dont il ne connaît toujours ni les causes ni toutes les conséquences et qui a posé plus de problèmes qu'il n'en a résolus. La première question est, tout bêtement : où est-il allé ? Non dans l'espace. Il le sait : il s'est dirigé vers le sud. Mais dans le temps : est-il resté dans son temps à lui, celui où il avait vécu depuis la catastrophe ? est-il allé dans son futur , dans son passé ? Aujourd'hui encore, il ne possède aucune certitude.
Le vent, c’est une énergie propre, ce n’est pas moi qui l’ai dit. C’est vous. Mais pour produire suffisamment d’électricité, il faut beaucoup de tours, et pas d’obstacles. Alors, s’il vous plaît, répondez à une seule question : “Pour qu’un hectare de forêt reste en place, êtes-vous prêt à vous passer, disons… de votre congélateur ?”
C’est une planète que nous
qui, nous ? L’Éole ?
que nous sommes en train de coloniser et que nous jugeons d’un grand avenir à long terme : Angra. Elle a été baptisée ainsi par les premiers découvreurs parce que c’est une planète océan. Vingt grandes îles tout au plus, et un océan immense, unique. C’est comme les Açores, mais au superlatif. D’où le nom, Angra. C’est très beau, paraît-il. Très isolé aussi, je ne dois pas vous le cacher.
Djamal n’aimait pas la Francie, et cependant cet univers gris et lourd le fascinait. Eh oui, nous avons façonné notre monde à notre image, avec du blanc, des couleurs vives, du soleil, des eaux courantes, car nous aimons les eaux, le soleil, les couleurs vives et le blanc ; les Franciens, eux, aiment la grisaille, la brique patinée, la brume et les eaux dormantes où glissent avec lenteur de lourds chalands.
Face au chaos du monde et du temps, l'homme doit créer, car, pense maître Léonard, n'est pas encore morte une civilisation capable de création.
Il archive des images au lieu des mots. Mais elle a raison : ce n'est pas de la création. Il se contente d'essayer de fixer le temps. Quel temps ?
Il ne sait de Marielle que ce qu'elle a voulu lui dire, c'est-à-dire peu de choses. Mais elle ne sait de lui que ce qu'elle a vu en lui. Si on ne se situe pas, on ne peut pas demander à l'autre de le faire.
Quand changent les temps nous emporte très loin des univers postcataclysmiques auxquels nous ont habitués la majorité des auteurs d’anticipation. On n’y retrouvera pas l’ambiance ni la violence d’un Mad Max, d’un Malevil, ou de Sur la route. Boireau nous y fait entendre une tout autre musique, bien plus originale. Quand changent les temps montre la tentative utopique de créer une cité fraternelle sur les ruines d’un monde dévasté.
Joëlle Wintrebert, dans la préface à Quand changent les temps
Il est dur de découvrir brutalement qu'on était installé dans des habitudes, des certitudes dont on ne souhaitait pas, en fait, être chassé.