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Critiques de Jacques Chardonne (84)
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Demi-jour

A l'heure venue du demi-jour et du dernier mot, Jacques Chardonne égrène ici quelques vieux souvenirs décousus de début de siècle.

Ce livre est une évocation des silhouettes croisées au cours de sa vie, et qui ne sont plus que des ombres fixées à l'encre du romancier.

Ce livre est paru en 1964 aux éditions Albin Michel.

Son auteur a été écrivain et éditeur.

Il traîne un lourd passé derrière lui.

Il fait partie de ces plumes qui, à l'heure où le tocsin résonnait sur l'Europe, s'est mise au service de la trahison et de l'infamie.

Il a failli être fusillé à la libération.

Malgré tout, "demi-jour" est un livre agréable, émaillé de belles formules, d'élégantes figures de style et de réflexions intéressantes.

L'auteur s'y livre à un vagabondage littéraire.

Il entame ici avec sa lectrice, son lecteur une conversation à bâtons rompus dont il n'attend aucune réponse.

Son propos est superficiel, sans explications, ni contexte.

Pourtant, à certains moments, il résonne de façon assez moderne et juste.

Jacques Chardonne parle de la postérité de l'écrivain, de la façon de saluer de ses illustres contemporains, du radotage de certains romanciers qui goûtent fort le douteux dépouillement de la confession publique, de l'élitisme pour lui si sain à l'art des lettres, de la société de consommation et de la France de son enfance.

Mais ce livre, où certains passages sont trop personnels pour être compris aujourd'hui, en contient d'autres qui ne sont pas assez développés.

Le lecteur que je suis aurait aimé s'attarder au Régence place du Théâtre-Français, lorsqu'avec Jean Grave, Jacques Chardonne allait prendre un verre de bière et qu'Apollinaire les y rejoignait.

Quelques silhouettes d'écrivains sont esquissées, celle de Loti est particulièrement fine et réussie.

Ce livre est aussi fait d'anecdotes.

Celle du jardinier, retraité des chemins de fer, pourtant très courte, est particulièrement belle.

L'homme n'avait qu'une passion, qu'une unique pensée : son jardin.

Lorsque sa femme est morte, le jardin a été laissé à l'abandon.

Ce jardin était dédié à l'épouse et le jardinier ne le savait pas ...

Au final, "demi-jour" est un assez joli éclair de littérature, un court moment de lecture qui se parcourt avec plaisir ...



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Vivre à Madère

Voici un livre que j’ai lu deux fois avant d’avoir pu me faire une idée de ce dont il parlait ! Et encore, je n’en suis pas sûr.



Le narrateur, un homme d’âge moyen un peu lassé de la vie et qui ressemble furieusement à Chardonne lui-même, se rend à Madère. Il souhaite s’y reposer. Là bas vivent sa nièce, Angèle, et l’un de ses anciens amis qu’elle a épousé. Elle est douce, intelligente. Il est brillant, doté d’une curieuse prescience de l’avenir et d’une sagesse innée. Un couple dont l’accord et l’équilibre a quelque chose de parfait… Mais au cours d’une promenade, il apprend par hasard que cet ami c’est suicidé.



Pourquoi ? Personne ne semble le savoir. Tous se dérobent à ses questions. Mais il ne cherche pas vraiment non plus. Au hasard des rencontres, il en apprend un peu plus. Son ami aurait perdu foi en l’avenir. Il avait une maîtresse – une femme étrange, que connait bien le narrateur. Il aurait simulé sa mort, et mènerait une nouvelle vie quelque part…



L’homme qui lui a apprit cela lui donne également un conseil qui le rend riche. Avec cet argent, une fois revenu en France, il achète une maison et aménage un jardin magnifique. La maladie le gagne. Des gens passent dans sa vie, s’y arrêtent, repartent. Il se remémore les rares amis qu’il a eut, ouvre un restaurant pour artistes désargentés, mais des dettes le rattrapent…



Il ne semble y avoir à cela aucune cohésion. Simplement la plume magnifique de Chardonne, ses petits jugements acérés, sa vision du monde comme teintée de couleur sépia ; et son désenchantement d’un univers qui garde pourtant quelque chose d’enchanté… Et de loin en loin, l’ombre du mort planant sur le récit.



Un livre semblant avoir été écrit par quelqu’un qui n’accordait plus grande importance à la vie, mais qui n’accordait pas non plus une grande importance à sa propre opinion sur la vie…
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Le bonheur de Barbezieux

Peu de grands écrivains ont raconté leur enfance et leur jeunesse avec honnêteté. Certains, comme Colette ou Nerval, l'ont copieusement fantasmée. D'autre, comme Vallès, l'ont étalé en long, en large et en travers. Mais peu l'ont fait avec sincérité et sobriété, sans fioritures. Pagnol a essayé, il n'a pas pu s'empêcher d'en mettre un peu. Comme le dit Bernanos dans ‘Les mauvais rêves', à la vérité peu d'écrivains ont su écrire sur l'enfance sans montrer autre chose que des parodies d'enfants, une sorte de jeunesse revue, corrigée et idéalisée par les adultes. L'exemple le plus célèbre en reste ‘Le petit prince', qui cinquante ans plus tard continue de susciter l'adoration général en mettant en scène tous les regrets de l'âge adulte dans un corps juvénile.



Mais Chardonne l'a fait. Que n'a pas fait Chardonne. (Qui a dit « choisir le bon camp » ? Je parlais de littérature, moi !) Il a raconté sa jeunesse, en Charente. Il a décrit Barbezieux telle qu'il la voyait par ses yeux d'enfants – et telle il l'a toujours vue. Une époque et une place de paix. Sans honte ni hésitation, il fait l'apologie de la classe sociale méprisée et ridiculisée par les Zolas et les Maupassant : la grande bourgeoisie provinciale. Je ne critiquerais pas ce choix, ma mère en est issue – et de la même région.



La Charente est un petit coin de terre ni vraiment curieux ni vraiment ordinaire. Elle n'a pas la prétention à la singularité de la Bretagne ou des Savoies. Même ses spécialités culinaires ne font pas recette – pourtant il y en a qui valent la peine. C'est ce charme et cette réserve que Chardonne a su capter. Des termes qui décrivent bien son écriture aussi, du reste…
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Claire

Jacques Chardonne est l'un de ces nombreux écrivains français de l'entre-deux guerre à peu près totalement passés dans l'oubli. Et c'est dommage, car c'est avec beaucoup d'art qu'il manie notre langue. Son écriture, calme et un peu mélancolique, porte ce petit je ne sais quoi de lucide et d'un peu désenchanté typique de cette époque. Mais il le fait avec beaucoup plus d'élégance ou de légèreté qu'un Saint-Exupéry, et bien loin du désespoir écrasant d'un Mauriac ou d'un Bernanos, dans des styles complètement opposés.



Il y a une certaine douceur un peu triste, polie et élégante, et dans laquelle s'exprime pourtant un immense amour de la vie. Négligemment semé dans tout le récit, de petite phrases un peu âpres, de petits jugements acérés sur les circonstances de la vie et les conséquences des actes. L'histoire, quant à elle, est lente, progressive. Chaque mot semble avoir été posé avec calme et précision, son ajustement aux autres jaugé d'un coup d'oeil avant de passer au suivant, un peu comme un mur incas. Et le résultat dégage la même impression de sérénité et de solidité.



A Bornéo, un planteur d'hévéas s'apprête à rentrer vivre en France. L'un de ses amis, mourant, lui demande de prendre soin de la fille adultérine qu'il a eu jadis. Elle s'appelle Claire, vit dans un certain isolement, gardant la blessure d'avoir un jour découvert que ce vieil ami de la famille était en fait son père.



Lentement, doucement, une relation se noue entre la jeune fille et le narrateur. Un amour calme, paisible, qui grandit lentement, et avance quand des incidents sans aucun lien viennent éclairer l'un ou l'autre sur ses véritables sentiments. Des amis qu'on croyait perdus ressurgissent brutalement. Les vieilles blessures commencent à s'apaiser…



Pourquoi une si belle plume a-t-elle sombrée dans un si total oubli ? La réponse est simple : il fit partie des écrivains collaborationnistes, et faillit même être fusillé à la libération. Pas par ardeur idéologique – il ne s'intéressa jamais à la politique. Comme beaucoup (notamment parmi les écrivains) il se reconnu dans la collaboration par pacifisme, par admiration pour le maréchal Pétain, par méfiance envers l'Angleterre de Mers el-Kébir… Par le hasard qui plaça parfois un frère dans la LVF et l'autre dans la 2ème DB, peut-être tout simplement.



Mais quelles qu'aient été ses positions et ses raisons, ‘Claire' n'en est pas moins un beau roman au style envoutant.
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Les destinées sentimentales

La diffusion récente sur une chaîne de cinéma du magnifique film de Olivier Assayas (1999) m'a donné envie de lire le livre qui a inspiré le film et qui porte le même titre. Magnifique interprétation de Charles Berling (le pasteur Jean) et d'Emmanuelle Béart (Pauline)....



Le livre "Destinées sentimentales" a été publié en 1947 et l'auteur, Jacques Chardonne, bien qu'autrefois très apprécié de François Mitterrand (entre autres..), semble tomber dans l'oubli malgré ses qualités littéraires évidentes.



Certainement son attitude plus que discutable pendant l'Occupation a joué un grand rôle (il a participé en octobre 1941 au voyage qui mène huit écrivains en Allemagne rencontrer Goebbels), même s'il a bénéficié d'un non-lieu en 1946, sa cote a évidemment été très affectée par cet épisode peu reluisant.



A l'occasion du cinquantième anniversaire de la mort de Jacques Chardonne, il peut être intéressant de redécouvrir cet auteur, qui a su magnifiquement évoquer sa région natale de Charente et son roman "Destinées sentimentales" est certainement le plus abouti.



Il est question avant tout dans ce livre d'un couple: celui formé par le pasteur Jean Barnery et sa femme Pauline, issus tous deux de puissantes familles charentaises qui produisent de la porcelaine et du cognac.

Philippe Pommerel, producteur de cognac, joue un rôle influent auprès de Jean et l'a amené à se séparer de sa femme Nathalie (interprétée par Isabelle Huppert) au début du roman.



Pauline qui est la nièce de Pommerel va rejoindre la demeure du patriarche après un séjour en Angleterre.

Ce pourrait être un univers clos, étriqué, celui de la grande bourgeoisie provinciale protestante mais ce n'est pas le cas.



L'auteur a le don de nous faire vivre les interrogations permanentes qui hantent les personnages: ainsi Jean, bien qu'héritier d'une puissante et très riche famille, a à coeur d'exercer au mieux son ministère, tout en gardant des convictions morales très fortes, et il a une attitude plutôt critique (moderne?) vis-à-vis du profit.



Avec ce roman nous voyons vivre aussi une entreprise, qui exporte beaucoup et qui a déjà des optiques de rendement.. Il s'agit de surpasser la concurrence allemande, qui produit des articles de porcelaine moins chers, mais de moins grande finesse.

Pauline va s'accoutumer à ce monde conservateur un peu froid, mais sans accepter ses valeurs.

Le personnage du pasteur est passionnant car, amené à gérer l'entreprise familiale, il va être confronté aux restructurations industrielles, aux choix de clientèle.



Cette dimension "économique" donne un aspect étrangement moderne au roman..

« Je ne veux pas jouir de ma fortune dans une société qui accorde trop d’avantages à ceux qui sont bien nés et qui augmente l’injustice naturelle. Je crois à un monde spirituel, tout à fait opposé aux trésors de la terre. Pour m’y préparer et m’en rapprocher, je veux vivre dans des conditions matérielles salutaires ». C'est ainsi que le pasteur Jean Bernery raisonne, et son accent est particulièrement moderne.



Pauline, pendant la guerre, va être infirmière et cela va donner une nouvelle dimension à sa vie.



Qu'est-ce qui peut plaire surtout dans ce livre?

La langue classique (on n'en a plus l'habitude..), la célébration de l'amour qui dure..., des personnages intéressants et nuancés.. une peinture fascinante de la bourgeoisie du début du siècle..



Une belle oeuvre à redécouvrir.... et voyez le film aussi! il est extraordinaire....

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Chimériques

Sacré Chardonne, tout de même. Voici peut-être son meilleur livre. L’écriture en est magnifique, l’une des plus belles de son œuvre, et peut-être de la langue française. Et qu’y raconte-t-il ? Sa vision – très personnelle – de la fin de la seconde guerre mondiale. Ses petits voyages en Allemagne lui furent alors reprochés. Tout comme quelques articles, et une poignée de main avec un certain moustachu. Il fut arrêté et passa quelques temps à la prison de Cognac. Mais son fils, qui était résistant et aussi un bon fils, fut une caution suffisante pour l’en faire sortir assez vite, tout comme son père l’avait fait sortir du camp d’Oranienburg quelques années auparavant.



Il s’agit donc d’un livre un peu particulier, un peu plus factuel que d’habitude. Le monde a fait irruption dans l’univers de l’auteur, et même lui a compris qu’il ne pouvait y échapper. Non que cela l’intéresse vraiment, d’ailleurs. En toute chose, Chardonne reste l’infatigable et minutieux observateur de l’imprévisibilité humaine qu’il a toujours été. Des portraits de personnages variés traversent ses pages fugitivement. Sa propre fille. Une femme au destin étrange, ayant in fine et pour d’obscurs motifs dénoncé son propre fils aux nazis. Un aviateur vagabond. Une jeune fille du Morvan…



Des anecdotes sur sa vie pendant la guerre, après. Entre les deux, quelques élégantes ellipses, et une brève évocation de son séjour en prison. Le chaos poste-libération l’a marqué – peut-être plus que la guerre même. Bien sûr, il passe assez vite sur cette période, se présentant lui et les autres détenus comme pour certains ne sachant pas du tout ce qui leur vaut d’être là, pour d’autres ayant donné un peu trop de gages d’un côté et pas tout à fait assez de l’autre, les gros poissons ayant trouvé protecteurs ; tous soumis à l’arbitraire d’une justice en mal d’épuration. Une vision bien commode pour lui – même si probablement partiellement vrai, tant il est prouvé qu’à la libération la colère se libéra parfois un peu au hasard, sur la fois de simples soupçons ou de dénonciations calomnieuses.



Chardonne était-il aussi détaché du monde qu’il le prétend ? Difficile à dire. Un curieux petit compte qui figure dans ce livre éclaire sans doute plus que toutes les biographies sur sa vision du monde…
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Lettres à Roger Nimier

Hum. Par où commencer…



Un livre épigraphique, composé de lettres dont le destinataire n’a découvert le contenu qu’à sa publication. Une absence totale – voir un désintérêt marqué – pour la moindre ligne narrative claire. Une collection de petites phrases et d’épigrammes épinglées à première vue sans ordre sur un vague récit de voyage. Et au final quelque chose de brillant et plaisant à lire.



C’est qu’on a affaire à la plume magique de Jacques Chardonne, qui arrive à faire tenir ensemble à peu près n’importe quoi. Et à son esprit curieux qui, par des détours en apparence sans but, nous mène exactement où il l’avait prévu comme il l’avait prévu.



Et où est-ce ? En altitude. Prendre un peu de hauteur sur le monde. Observer les être qu’on croise, obstinément lancés après quelque objectif. Les doctrines, les lieux où l’on passe, les écrivains, la littérature. Là-dessus, quelques petits jugements froids, comme négligents, mais si précis, si tranchants, si nets… Et généralement si justes. Voila tout l’art de Chardonne. Cela, et l’art des descriptions sans adjectifs.



L’esprit ironique relèvera que, dans ce livre écrit dans les années cinquante, se mêlent quelques allusions à l’engagement dans la collaboration qui faillit lui coûter la vie. Tentative de justification ? Peut-être. Mais du reste, qu’a bien pu aller faire un esprit aussi lucide et indépendant au côté des Darland et des Déat ? Si l’on en croit ce livre, deux éléments clés semblent avoir joué : sa sympathie pour Jaurès, et son admiration pour Goethe. Ou l’inverse.
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Vivre à Madère

Livre plein de la sérénité d’un homme qui vieillit et contemple en prenant de la distance, pour mieux les cerner et en apprécier toute la beauté, les êtres et les choses qu’il a aimés. Une écriture simple tout en étant d’une somptueuse élégance. Impression que Chardonne dans ce livre sonde une dernière fois le monde qui a été le sien, avant de tirer sa révérence.



«Je me rappelle un matin d’avril dans le jardin, la nuit encore, la clarté d’une lune défaillante, les étoiles, les arbres noirs, une bouffée d’air frais, eau pure profondément savourée, et le dessin des allées et des massifs qui apparaissent vaguement dans le demi-jour, comme un songe cristallisé.»



«... il y a sur les choses une douce lumière, dans l’arrière-saison de la vie. Ce qui va disparaître ne mérite guère d’attention et l’on n’a pas besoin de s’en tracasser. On regarde ce qui fait plaisir à voir.

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Le bonheur de Barbezieux

Découverte de cet auteur dont j'avais entendu parler par ailleurs.

Pour le situer il faut savoir qu'il était, en octobre 1941, du voyage via Berlin avec Robert Brasillach, Marcel Jouhandeau, André Fraigneau et quelques autres.

Il fait l'éloge du National Socialisme, écrit même : « Le National Socialisme délivre l’homme ».

Naturellement cela n'aide pas pour faire une carrière littéraire après la libération.

Ce Bonheur de Barbezieux , publié en 1938, montre toutes les qualités d'un véritable écrivain. Aucun doute à ce sujet.

Patatras !

Voilà encore un bel exemple d'un homme qui peut être à la fois un remarquable romancier et un regrettable imbécile.
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Claire

Dès les premières pages, j'ai été séduite par l'écriture, c'est de la belle littérature !

l'histoire quant à elle, est tout en finesse et délicatesse. L'amour entre Claire et Jacques est lui aussi délicat, tout en pudeur jusqu'à la fin tragique qui reste là-encore pudiquement décrite.

Je ne connaissais pas J. Chardonne, je viens de lire quelques mots sur lui, ce que je n'aurais pas dû faire car cela terni ma vision...
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Claire

De retour de Bornéo où il a passé de nombreuses années comme planteur, et après avoir mis sa plantation en location, Jean fait connaissance de Claire, la fille de son collègue planteur, Arthur Crouse ; tout juste sortie du couvent.

Jean, le narrateur, reconnaît immédiatement en Claire celle qu'il cherche de manière plus ou moins consciente depuis toujours... La promesse faite à sa mère mourante sera tenue : Jean épousera Claire.

Dès lors, il sera hanté par la lente descente de la jeune femme vers la vieillesse, parallèlement au déclin de sa fortune : sa plantation périclite...

"Claire" est un bref roman, fort et néanmoins subtil. Jacques Chardonne nous mène vers la fin tragique de cet amour fusionnel entre Claire et Jean avec cet art de la demi-teinte, du demi-jour et du clair-obscur qu'on lui connaît. Admirable.
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Le Portugal que j'aime

Un trio de choc : Déon, Morand, Chardonne ... et qui aime le Portugal, et tout particulièrement Lisbonne et ses alentours. Bien sur, l'Alfama et le fado...

Pour ma part, j'aime aussi beaucoup le Portugal. Petit-fils de portugais, j'y vais régulièrement me ressourcer dans la montagne à l'est de Porto... où je rejoins la "Casa da Juana" qui est la maison de mon arrière-grand-mère.

Qui ne s'est jamais trouvé enveloppé des senteurs d'eucalyptus sous le soleil de plomb d'un début d'après-midi à Penafiel, "Portella do monte" ou à Amarante, la belle, où la fraicheur monte du Rio Tamega, qui coule en contrebas... Ou Guimaraes... Et Porto... Non pas le Porto... Enfin... si, le Porto... Mais je m'égare...

"Le Portugal que j'aime" : trois grands amateurs du Portugal, même si on a souvent parlé de Déon pour son attachement à la Grèce ou à l'Irlande ; ses pages sur Nazaré montrent un goût pour ce pays, et, plus, un goût pour les gens qui l'habitent, et Chardonne, et Morand.

"Le Portugal Que j'aime", un recueil de photos commentées qui date de 1963... Il serait judicieux de changer le titre en "La Lusitanie que j'aime", tant le pays à bien changé depuis ces temps pas si anciens...

Certes , la bacalhau est la même, o vinho verde e munto bom con presunto y aceitonas... Mais je m'égare encore...
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Le chant du bienheureux

Pierre n’est pas un homme heureux ou plus exactement, il ne peut pas vivre le bonheur qu’il semble posséder. Le divorce… qui le libère de toute responsabilité et qui le fera terminer sa vie avec sa jeune fille…

Jacques Chardonne, un des écrivains préférés de François Mittérand, fut considéré en son temps comme l’écrivain du couple, comme Bazin, plus tard, celui de la famille. Avec « Le chant du bienheureux », il aborde le thème du divorce.

« Ecrivain maudit » pour ses prises de position pendant la seconde guerre mondiale il n’en reste pas moins un écrivain au style classique incomparable. Sa prose d’un raffinement inouï porte l’œuvre d’un analyste délicat dans la plus pure tradition moraliste française.

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Attachements

« Attachements » est ce que Jacques Chardonne (alias Jacques Boutelleau ) appelle une "chronique privée" : il nous invite à la découverte de ses "provinces". Ses « provinces » : aussi bien là où il a passé son enfance que l'amour de l'art, des livres, bref, ses racines...

Quatre thèmes : « Attachements », « Les secrets de ma province et de mon métier », « Pendant la guerre dormante », « L’été à La Maurie », comme quatre chroniques d'une extraordinaire douceur et d'une pureté exemplaire. Dénuées de personnages, parsemées de réflexions sur la vie humaine telle qu’il la perçoit, elles prennent toute leur puissance sous la plume de l’auteur. Qu’il décrive le village de Talmon dans l’estuaire de la Garonne, ou qu’il évoque la guerre, Jacques Chardonne suggère dans une sorte de détachement irréel plus qu’il ne décrit… même s’il se fait plus direct quand il défend le respect de la vie, en moraliste qu’il est.

« Ecrivain maudit », « infréquentable » dirent ses détracteurs après qu’il fut convaincu de sympathies coupables pendant la seconde guerre mondiale… Infréquentable ? Peut-être… mais tellement lisible.

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Claire

Ce récit est servi par une écriture riche et ample, nous traversons ainsi, dans une délicate poésie la vie du narrateur. Nous glissons de son bonheur vers sa peine avec beaucoup de pudeur. tout semble normal et aisé, même la fin, si triste soit elle, ne verse pas dans le mélodrame. Un très beau récit sur les méandres de la vie, nos espoirs, nos envies. De la vraie littérature...
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Romanesques

Considéré par François Mitterand, Charentais comme lui, comme un grand de la littérature française, Jacques Chardonne, dans la première partie de son œuvre – romanesque, justement – a beaucoup écrit sur l’amour ; l’amour conjugal, bien entendu.

Certes le sujet peut paraître trivial… mais sous la plume de Jacques Chardonne, il est comme est transfiguré. L’auteur, en fin analyste du couple pousse « l’étude » jusque dans les zones d’ombre : la jalousie, la colère, la résignation ; parfois même la révolte. Tout cela dans un style d’une rare élégance, très « entre deux guerres », émaillé de réflexions profondes, d’interrogations…

Dans « Romanesques » publié en 1936, Jacques Chardonne regarde vivre un couple qui s'aime sans s'aimer, pris qu’il est dans l'engrenage de la vie à deux, de la jalousie latente… de l'amour résigné : Octave, éditeur, aime Armande qui aime la campagne. Il a fait construire une maison pour abriter leur bonheur. La dépense est ruineuse, Octave est ruiné…

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Eva ou Le journal interrompu

Plus qu'un journal, "Eva ou le journal interrompu" est plutôt un recueil de notes et de de réflexions au gré du temps et plus ou moins disparates que le rédacteur forme sur des sujets aussi variés que l'amour, la vie conjugale, mais aussi l'écriture, l'amitié, etc.

Jacques Chardonne (alias Jacques Boutelleau) qu'on a souvent qualifié d'écrivain du couple, tout au moins pour la première partie de son œuvre, romanesque, nous livre ici un petit opus où le narrateur nous fait partager ses sentiments à la fois forts et ambigus vis-à-vis d’Éva, sa femme, qui elle ne l'aime pas, on l'apprendra plus tard .

C'est un peu daté, mais c'est toujours un plaisir de se replonger dans cette belle prose d'entre deux guerres.
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Le bonheur de Barbezieux

Le bonheur de Barbezieux / Jacques Chardonne

Dans ce court récit autobiographique, Jacques Chardonne raconte sa jeunesse dans une province française, la Charente, le pays du cognac, qui vivait alors au rythme des vendanges et des lunes. Il écrit : « La vraie passion de ces gens était pour leur travail, pour la vigne, pour ce cognac dont ils buvaient très peu mais qu'ils respiraient volontiers et qui demande pour s'accomplir sans artifices en sa lente maturation beaucoup de mérites de tout un peuple. L'amour pour les choses bien faites ou pour la bonne substance , et le discernement que cet amour implique , et la patience , le courage qu'il veut , c'était la seule religion du Français dans ma province , et pour moi c'est encore une philosophie . »

Il faut savoir qu'alors le maître de chai était une véritable puissance à tous les niveaux et que le tonnelier était fier de sa doloire qui évidait une douve sans aucune bavure. Cependant les « grands n'étaient pas toujours dépourvus d'âme et le peuple avait beaucoup d'esprit, » ajoute l'auteur. Il parle là de la grande bourgeoisie provinciale.

Tout au long de l'évocation, Jacques Chardonne vante la lumière particulière de sa Charente natale : « La lumière de la Charente existe, sans pareille en France, même dans la Provence. Elle n'est pas traduisible en mots. »

Ce texte paru en 1938, reste un des plus célèbres de l'auteur, il touche les citadins que nous sommes devenus car nos racines paysannes ou provinciales restent enfouies au plus profond de notre enfance et de la mémoire de notre famille. Chacun d'entre nous retrouve alors ses propres souvenirs en lisant.

Un très beau livre de réminiscences évoqués dans un style magistral, limpide, sobre et plein de tendresse.
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Ce que je voulais vous dire aujourd'hui

Ce que je voulais vous dire aujourd’hui/ Jacques Chardonne (1884-1968)

Écrivain, critique et essayiste, Jacques Chardonne a écrit des milliers de lettres à des personnes aussi diverses que Marcel Arland, Jean-Louis Bory, Kléber Haedens, François Nourissier, Michel Déon… etc. Publié en 1970, ce recueil confirme un étonnant Chardonne, bouillant, contradictoire, facétieux, parfois féroce, anarchiste tendre, épicurien désespéré, et surtout un homme libre, réputé difficile à vivre. Considéré comme le colonel honoraire des Hussards, ce groupe d’écrivains dont la camaraderie illumina toute la fin de sa vie, Chardonne fut un artisan solitaire, pourfendeur d’adjectifs et avare de mots pour s’exprimer. Son goût aristocratique de la perfection l’a rendu souvent particulièrement acerbe et ses commentaires au vitriol sont légions. On découvre aussi dans ses lettres une certaine sagesse provinciale se fondant sur des traditions séculaires. Il a été considére dans son œuvre romanesque l’analyste du couple, mais en fait dans les lettres ici présentées le sujet n’est que peu abordé. Moraliste plus que romancier, Chardonne laisse apparaître dans ses lettres qu’il est un styliste à la recherche de la perfection dans le dépouillement et l’harmonie.

Dans ce recueil, outre qu’il se plaît à être extrêmement critique à l’égard d’à peu près tout le monde, Chardonne peut être iconoclaste et écrit : « Ce sont les grands principes autour desquels on s’est battu qui ont ruiné la France. »

Et voici un florilège des phrases choc de ces 184 pages de missives :

« Le Français a pour principale distraction de parler, et surtout de parler politique. Sur ces questions, il est l’homme le plus ignorant de la terre. »

« Les écrivains : pour les prix littéraires, je ne leur reproche rien. Ils font des heureux. Je regrette seulement qu’ils les rendent ridicules…Le Français, surtout s’il est écrivain, a perdu tout à fait la notion de décence. »

« Un peuple qui s’affaiblit devient perméable. Bien sûr les Américains et les Russes ont de grandes qualités ; nous ne prenons que leurs défauts. »

« Les écrivains : il y a Valéry, Montherlant, certains ajoutent Chardonne, je veux bien. Le reste ne vaut pas cher, je le crains…Il ne faut pas prendre les écrivains au sérieux. Presque tous, de sottes gens ! » Sincère ou moqueur M. Chardonne ? Allez savoir !

« La grandeur de l’espérance est dans le doute qu’elle contient. » Une très belle phrase.

« Accepter tout, c’est le miracle de l’amour. Il est cela ou il n’est rien. » Sublime !

« Les femmes qui ont à se plaindre de moi sont mes préférées. Elles souffrent de la considération que j’ai pour elles. Elles sont en petit nombre : deux je crois ! »

Lucides ces lignes écrites en 1960 : « Avant deux siècles, les Chinois couvrirons le monde. Ce sera la grande nuit. »

« Il n’y a que l’écrivain qui ait le droit d’écrire n’importe quoi, de publier mille sottises, de se tromper toute sa vie, sans risques ; et puis il entre à l’Académie. »

Les femmes : « …elles m’ont toujours intéressé, souvent agacé, jamais gêné ; l’amour fou, je l’ignore ; aucune femme ne m’a quitté ; j’étais parti avant. »

La mort : « La mort me sera douce ; elle est attendue dans la paix. »

Les gens : « La médiocrité des gens me rend malade ; je ne puis les supporter ; il y a ceux qui me plaisent ; très peu… »

« On peut tuer son ennemi, mais il ne faut pas lui faire peur. »

« Quand on se plaint de tout, il ne vous arrive rien de bon. »

« Un ennemi c’est un homme qui pense à vous tout le temps. »

Sur le monde actuel : « Ce qui se fait dans le monde, aujourd’hui, nous échappe entièrement ; aucun jugement n’a le moindre sens ; cultivez donc votre jardin. »

« La confession, cela me choque beaucoup. Il faut porter tout le poids de ses fautes. » Chardonne était protestant.

En bref, Chardonne talentueux est concis et possède un art inouï de l’apophtegme ; il agacera les uns et amusera les autres ; quoiqu’il en soit, il reste un artiste qui ravira les amateurs de la belle langue française. C’est pourquoi Mauriac fut un des rares écrivains qui trouva grâce à ses yeux. Camus, il exécra ! Pascal, il le considéra comme vulgaire ! Car il croyait aux miracles.

Un recueil étonnant.

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Correspondance (1961-1963)

Jacques Boutelleau s'est imposé dans l'industrie de l'édition française avant de commencer dans les années 1920 à écrire des romans sous le pseudonyme de Jacques Chardonne. Les romans de Boutelleau se concentrent principalement sur les aspects psychologiques des relations domestiques et de la vie. Il est surtout connu pour sa saga familiale Destinées Sentimentales, qui a d'abord été publiée en trois romans distincts : La femme de Jean Barnery, Pauline et Porcelaine de Limoges. L'histoire tourne autour de la vie de famille au début du XXe siècle et de l'évolution du monde moderne. Il se concentre principalement sur le fils d'un propriétaire d'entreprise qui traverse des mariages ratés et plusieurs carrières, commençant au tournant du siècle et le suivant à travers la Grande Dépression. La saga a été adaptée en film par le réalisateur Olivier Assayas.

Jacques Bouteleau, était par ailleurs, ami de Paul Morand, autre grande figure de la soumission au correspondant français du régime hitlérien, à savoir Pétain;

tous deux s'écrivirent pendant des années,

malgré le dégoût qu'on peut avoir à les fréquenter, on peut lire leur correspondance où l'on trouvera des choses à hurler de rire,

(c'est Chardonne/Boutelleau qui écrit) 'Nous, les deux plus grandes intelligences françaises...'

Un homme qui a fait fonction de président de la république aimait beaucoup Chardonne...

Paix à leurs âmes.
Lien : http://holophernes.over-blog..
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