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Critiques de Jacques Lacarrière (108)
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Chemin faisant

Je ne suis que randonneur, Jacques Lacarrière, lui, est randonneur et écrivain...Aussi, j'ai hésité à le citer, mais autant reporter ici son auto- critique : "Ce livre n'est nullement un guide, il n'est pas non plus une enquête sur les campagnes françaises. J'ignore si le fait de relater simplement ce voyage tel que je l'ai vécu - avec ses anecdotes banales ou signifiantes, ses rencontres éphémères ou essentielles, ses extases et ses lassitudes - suffit à donner de la France une image substantielle. C'est qu'une fois encore, il faut dire et redire qu'en marchant ainsi, on ne peut faire ni du tourisme organisé ou systématique ni un travail d'enquêteur ou de sociologue. Car pendant des kilomètres on est contraint de suivre le fil d'un seul chemin....C'est pourquoi on peut qualifier mon chemin d'impressionniste puisqu'il est fait avant tout d'impressions de voyage (véritables empreintes en mon âme et en ma mémoire)"



Merci Jacques, pour ce parcours... à nous de tracer le notre !

samedi 27/08/2016 je partirai sur les chemins, rallier Arles à Toulouse, pas sûr que je pourrai trouver autant de verves pour enrichir ton Lexique si bien commencé...



Edition 1977, Réédité 1997 avec supplément réactions des lecteurs et impressions de l'auteur
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Les Evangiles des quenouilles

La version la plus ancienne de ce texte remonterait au XIIIe siècle (milieu ou fin). Il s'agit de propos tenus à la veillée par six matrones durant une semaine. Tout y passe : maladies, remèdes, recettes, dictons, bref, toutes les préoccupations de la vie quotidienne. Ces propos révèlent une époque où magie, sorcellerie et superstitions avaient cours.



Ce que l'on pourrait presque considérer comme l'ancêtre de nos fameuses brèves de comptoir, à la truculence inégalée, n'est ni plus ni moins qu'un répertoire de croyances populaires de Flandre et de Picardie qui reflètent et traduisent les soucis et les espoirs des femmes de ces régions.



Ces petits textes sont également révélateurs d'une coutume orale faisant que l'on se rassemblait à la veillée, à la Cour ou dans les chaumières. Ici, les six dames entendent se démarquer. Puisque l'on n'écoute habituellement que les hommes, elles seront les "doctoresses" de leurs propres évangiles. et c'est avec malice qu'elles apportent les dictons, maximes ou autres aphorismes tout en les glosant. Quelqu'un leur servira de secrétaire.



Si l'auteur est inconnu, les hypothèses vont bon train. On penche pour un travail collectif. Il semblerait que ce petit bijou soit dû à Fou quart de Cambray , Anthoine du Val et Jean d'Arras.



Si vous êtes curieux, n'hésitez pas à vous procurer ce petit livre savoureux qui nous en apprend beaucoup, mine de rien, sur les traditions médiévales.
Lien : http://www.lydiabonnaventure..
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Chemin faisant

Après le livre d’Axel Kahn, j’ai continué ma route avec la lecture de celui-ci qui appelle la comparaison.



Lacarrière est parti des Vosges en août, improvisant les étapes de son voyage alors que le généticien, parti des Ardennes en mai, avait réservé ses chambres d’hôtes, parfois ses repas et empruntait les G.R. Ce périple était contraint dans le temps, l’obligeant ainsi à subir la galère d’un mois de mai pluvieux. Par opposition, l'aventure de Lacarrière est plus nomade avec ses conséquences : les chiens agressifs rencontrés, les sandwichs à l'aspect S.N.C.F mangés dans le Nord., les étapes improvisées et parfois inhospitalières...



Lacarrière intègre harmonieusement les commentaires nés de son voyage. Ses remarques sont parfois très critiques envers certains Français rencontrés alors que les réflexions de Kahn sont plus indulgentes à l’égard de l’esprit égocentré des Français du Nord et paraissent plus "plaquées".



Ce livre est celui d’un errant pédestre amoureux des mots qui fait l’apologie des ambulants, des divagants, des itinérants qui affrontent «l’imprévu quotidien des rencontres» à contrario des sédentaires, aujourd'hui dominant.

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Marie d'Egypte

Excellente surprise. Alexandrie pendant les premiers siècles du christianisme. Et déjà l'intolérance de Frères chrétiens. L'exact contraire du message de Jésus. On brûle et on détruit tout ce qui est païen, les temples et les gens. Le salafisme n'a rien inventé. Marie est une prostituée. Elle aime cette activité. Elle n'a d'ailleurs connu que cela. Sa vie tourne autour du sexe. Mais peu à peu, elle prend conscience du message des ermites chrétiens, de leur recherche de Dieu. Elle va elle aussi suivre cette quête, dans le désert. Jusqu'à se purifier, s'oublier, se dessécher. C'est écrit avec beaucoup de poésie et de lyrisme.

Ce qui me gène un peu, c'est cette idée, induite par le christianisme, de définir ce qui est pur de ce qui ne l'est pas. Se purifier de quoi ? D'avoir été une prostituée ? Et alors ? Cette dichotomie entre le corps et l'esprit est assez insupportable. Dans d'autres religions/philosophies, on ne retrouve pas cette séparation arbitraire. Dans l'hindouisme, on trouve la notion de brahmacharya, cette énergie sexuelle, vitale, disponible qu'on utilise comme on le souhaite, pour satisfaire le corps ou l'esprit. Si on satisfait le corps, on ne s'élèvera pas spirituellement. Ça me parait beaucoup plus pertinent, plutôt que de se culpabiliser par une activité sexuelle jugée excessive. C'est la condition humaine. Nous sommes fait de substances, d'envies, d'émotions, de pensées. Nous sommes des êtres de chair avec des désirs. Cette morale judéo-chrétienne, qui n'a certainement rien à voir avec le message initial, mais inventé à travers les péchés par l'institution ecclésiale est une manière totalitaire d'assujettir le peuple. Une de plus.

Je ne suis pas certain de la nécessité, pour Marie, de devoir se purifier par une ascèse mortifère dans le désert. Mais le livre de Jacques Lacarrière excelle à montrer l'intolérance des premiers chrétiens, une fois leur religion reconnue religion d'état, dans cette ville d'Alexandrie, présentée comme un riche creuset de plusieurs civilisations.

Un livre que je recommande à tous ceux que le sujet intéresse.
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Chemin faisant

L'idée de traverser la campagne française à pied, tel un pèlerin de jadis poussé par de pieux motifs, nous est devenue depuis une vingtaine d'années presque familière. Nous connaissons tous de ces marcheurs qui avalent les kilomètres sur des sentiers qui les mènent au loin, vers un mystérieux "Nulpart-sur-ciel". Un de ces voyageurs qui déclarent "j'ai voulu me retrouver seul, face à moi-même". On se dit que c'est la crise de la quarantaine, que ça peut pas leur faire de mal, que de nos jours, les routes sont sûres et qu'avec un smartphone, on ne peut pas se perdre.

Il existe même des guides de randos, et des magasins où on trouve tous les gadgets pour s'abriter, faire du feu, s'orienter, soigner ses ampoules. Le marcheur est devenu un phénomène de société, une aubaine pour le commerce, un écrivain en puissance. Le marcheur se réduit souvent à un consommateur parmi d'autres, se livrant comme le campeur ou le randonneur sportif, à une activité qui ne surprend plus personne.

Sauf que....il y a des marcheurs qui gardent le goût de l'imprévu, du hasard comme guide et de la rencontre comme but. Qui préfèrent une grange au bord du chemin à un hôtel anonyme. Qui se sentent vagabonds, ivres d'espace et de l'odeur des champs mouillés, qui se nourrissent de la sève qui coule dans les vieilles forêts, qui se régalent des chants d'oiseaux, d'une voix de berger appelant ses bêtes, qui sont éblouis par la lumière sur la plaine, par du linge qui sèche au vent, qui s'émerveillent de leurs cinq sens.

Ceux-là marchent avec légèreté, oublieux de la marche du monde, mais présents à l'instant et au lieu qu'ils foulent de leurs semelles.

Ceux-là ne seront jamais arrivés à destination, car au bout du chemin, il y un autre horizon.
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Le géographe des brindilles

Le géographe des brindilles c'est l'auteur qui se définit aussi comme un géopoète. Une lecture pour désobéir au temps, s'écarter du bitume et reprendre pied avec le monde « naturel ». Tous les textes de Jacques Lacarrière présents dans ce recueil évoquent la diversité au sens large, renvoient à certain esprit des sciences naturelles d'autrefois, à une poésie cachée du monde dont le sommaire donne un avant-goût (« merveilles du monde » est le titre ultime qui clôt d'ailleurs l'ensemble). Tout parle ici de plantes, d'animaux, d'hommes et de paysages. Rassemblés par sa femme Sylvia Lipa-Lacarrière pour les éditions Hozhoni, ils construisent en cinquante petits chapitres une sorte de géographie pensante et buissonnante, placée sous le signe de l'infime, aux accents de méditation plus universels. Et l'un des premiers d'entre eux, « La Cantate des chemins », révèle l'esprit vagabond et la méthode, pédestre, de cette cartographie insolite livrée aux tracés de hasards et aux pays du singulier géographe. Marcher hors des balises et sans programmation pour faire des «choix infimes mais cruciaux », être face à une « minuscule mais imprenable liberté », comme l'enseigne le poète suisse Gustave Roud à qui Lacarrière rend aussi hommage (Petit traité de la marche en plaine). Issus de sources variées et se faisant parfois suite ou écho se succèdent ainsi poèmes, notes tirées de son journal de la traversée de la France à pied en 1971, lettres, interview à des revues ou journaux et magazines, préface et postface (« Justice pour les crapauds » ; « Animal trop humain »), autant d'écrits concomitant aux publications et traductions très nombreuses de cet écrivain marcheur, disparu en 2005, faisant entendre sa voix réputée de poète autant que celle de l'helléniste passionné que L'été grec (1976) avait fait connaître… Et qui le feront peut-être redécouvrir.



De pages lues dans les branches d'un tilleul - le Village aérien, Jules Verne - Jacques en a donc déduit enfant, avec humour et philosophie, que la vie se feuilletait (« Une forêt de signes », premier texte). La nature, il en fait tout bonnement partie. Cette précision subtile apportée par Gil Jouanard (préface), le lecteur ne l'oubliera pas lorsque l'auteur, s'attachera à lui décrire – au fil d'un sentier, au gré des vents ("L'offertoire des vents" ; "Plaidoyer pour les vents") et des saisons, au milieu d'une futaie (de très belles pages sur la forêt de Tronçais : « Identification d'une forêt »), à propos d'une légende, prêtant attention à une libellule, à « La Mélancolie du géranium », à la science d'un vigneron ou encore égaré dans le Morvan –, quelque menue réalité physique et biologique insoupçonnée. Plus que contempler la nature ou parler aux hommes jacques écrit surtout dans ces pages la fusion des trois règnes, végétal, animal, humain (« Les Métamorphoses »), que lui a inspiré la fréquentation érudite des Anciens oubliée du bipède moderne et dont il se sent et se sait étroitement solidaire depuis l'enfance. « A quoi donc servirait de parcourir le monde si j'ignore tout de la colline qui jouxte ma maison ? Enfant, je voulais déjà inventorier toutes les fleurs, toutes les plantes de mon jardin. En surveiller les moindres insectes. Dénombrer l'infini en somme, le grouillement, énumérer la multitude, apurer la profusion des choses. Il m'est resté de cette époque un goût microscopique pour le monde, la passion de l'infime, le désir de devenir un jour le géographe des brindilles (ouverture).» Du Causse Noir à l'île de Spetsai, sa géographie intime qui porte la trace laissée par les vieilles mythologies (« Rééditer la Genèse ») et dissémine tous les pollens du monde (« L'enfant des arganiers ») se fait très épicurienne lorsqu'il se rapproche du village de Sacy en Bourgogne où il s'était installé ("Les Portes d'or" ; "Juste milieu" ; "Alchimie des pierres"). Un hymne a la lenteur et au temps retrouvé qui s'apprécie sans autre espèce de nostalgie que celle de l'anguille ("La nostalgie de l'anguille").

A déconseiller aux bipèdes adultes désabusés.

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L'été grec

« Enfant j’ai souvent rêvé de la Grèce. » et pour assouvir son rêve, Jacques Lacarrière prend le large dans les années cinquante, il va vagabonder en Grèce pendant plusieurs années, du Péloponnèse au Mont Athos, des sites mythiques d’Epidaure aux villages crétois, de Sparte aux Cyclades.

Si le titre est au singulier mais de fait c’est au cours de plusieurs années et de plusieurs voyages que Jacques Lacarrière va entrer dans le monde grec. Ses études l’ont familiarisé avec la langue, venu pour la première fois comme membre d’une troupe théâtrale, il est tombé amoureux de la Grèce.



De ses voyages il a tiré cette chronique indémodable, l’âge ne fait rien à l’affaire et l’on éprouve autant de joie à la lire aujourd’hui même si la Grèce décrite a bien changée.

Il va tout au long de ses voyages, multiplier les rencontres, en commençant au Mont Athos qu’il arpente longuement.

Les monastères vont du simple bâtiment construit au dessus du vide au monastère riche de manuscrits mais agonisant faute de vocations. Des lieux peuplés de moines proches du monde rabelaisien, mais aussi des derniers anachorètes vivant sur des terrasses surplombant le vide et nourrit grâce à une nourriture montée par des jeux de poulies jusqu’à des cabanes inaccessibles.



La Crète ensuite qu'il aime particulièrement, Cnossos où il fut seul pendant quatre jours « un monde ancré à la fois dans l’histoire et dans le mythe, comme si on retrouvait intacts les palais, les lumières et les odeurs de l’Atlantide. »

Une île où il va rencontrer des muletiers, des bergers, des paysans, une île dont il aime la nourriture « ses fromages secs, ses olives, ses fruits, ses bouillies d’épeautre, son pain noir, son vin rosé et d’autres saveurs que je découvris: les graines et l’huile de sésame, le fenouil séché au soleil, le basilic frais, le miel de résine »

Il aime les chants anciens comme Patrick Leigh Fermor, les kleftika, ces chants épiques de la guerre d'Indépendance et sans doute comme Zorba le son du Santouri.

Tous la Grèce est là : Epidaure, Mycènes, Delphes et son oracle, le Styx, Thèbes..........

Question mythologie Jacques Lacarrière ne craint personne, alors c’est un festival tout au long des pages.





Mais vous ne quitterez pas le pays sans faire une petite croisière dans les îles. Des îles peuplées de chats, couvertes de vignes ou de forêts de pins, elles sont le refuge des chèvres sauvages ...bref le paradis. Il voyage sur le pont des bateaux, se fait des amis : le cafetier, l’instituteur, boit le raki en leur compagnie et n’a aucune envie de rentrer en France.

Dans une dernière partie il fait retour en Grèce après le temps des colonels. La Grèce a changé et l’été prend fin.

Voyager avec Jacques Lacarrière est un privilège, il est servi par une expérience sans pareille et l’art de communiquer son bonheur, son plaisir. Un bonheur et un plaisir simple comme « l'odeur des feuilles de figuier qu'on froisse dans ses mains »

Ce livre est gorgé du soleil et des parfums de la Grèce. C’ est un témoignage passionné et une approche vivante de la Grèce, un chant d’amour pour un pays, un peuple et son histoire, sa langue, ses chants, ses poètes.



Un livre indispensable à tous les amoureux des voyages et de la Grèce
Lien : http://asautsetagambades.hau..
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Les Clepsydres de l'inconnu : Poèmes (Dioscur..

Elytis est le deuxième Grec à avoir obtenu le prix Nobel de littérature en 1979, prenant ainsi la suite d’un autre poète, Georges Séféris. Après avoir découvert ce dernier, j’ai voulu poursuivre avec Elytis. Ces œuvres ne sont pas faciles à trouver, et le seul livre qui était disponible dans la bibliothèque où j’ai tenté de le dénicher, était un très mince volume composé de 7 poèmes traduits par Jacques Lacarrière, appelé Les clepsydres de l’inconnu. C’est relativement peu pour se faire une idée de cette poésie, et mon impression s’appuiera sur un aperçu furtif.



Je suis moins entrée dans ces textes que dans ceux de Georges Séféris. Nous sommes bien en Grèce, sous un soleil éclatant, la mer est presque toujours présente aussi, c’est un univers sensoriel, sensuel. C’est un peu moins limpide pour moi que Séféris, il y a des associations des mots un peu étranges, auxquels j’ai parfois eu du mal à trouver du sens : Elytis est présenté dans ses biographie comme ayant été influencé par le surréalisme, et c’est ce type de choses qui me gêne un peu dans ce dernier, des formules qui cherchent à surprendre, à étonner, au détriment d’une forme d’évidence.



Mais il faudrait que j’en lise un peu plus pour vraiment me faire une idée, là ce n’était qu’une petite mise en bouche.
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Anthologie de la poésie grecque contemporaine..

Dès que l'on évoque la poésie grecque, immanquablement apparaissent les noms de Constantin Cavafis, et plus proche de nous, ceux de Georges Séféris, Odysseus Elytis et Yannis Ritsos. Ils sont les très grands représentants de la poésie grecque, les incontournables d'une oeuvre littéraire unique.

Parler de la poésie grecque contemporaine, même après la lecture de cette remarquable anthologie, relève de la gageure, d'un pari difficile à tenir, tant son champ est multiforme, foisonnant.



Depuis les années 50, la poésie grecque jouit en effet d'une vitalité assez exceptionnelle. Bien qu'elle n'ait jamais véritablement connu d'école, de courant littéraire, bien qu'héritière d'une grande tradition classique, qui emprunte au genre de l'épopée et au chant, la création poétique en Grèce n'a jamais eu de cesse de se renouveler, de se perpétuer, de s'interroger aussi, dans une grande diversité de style, de formes mais aussi dans ses sources d'inspiration.



Ce renouveau littéraire n'a cependant jamais renoncé de se référer aux mythes anciens, aux récits épiques mais également aux liens quasi religieux qu'elle entretient avec les éléments, avec la terre et la mer. C'est cette part de la poésie grecque contemporaine qui la rend si particulière, si attachante.



« D'abord il y eut la mer

Je suis né entouré d'îles

Je suis une île surgie le temps de voir

la lumière, dure comme la pierre

puis sombrer.

Les montagnes sont venues après.

Je les ai choisies.

Il fallait bien que je partage un peu le poids

écrasant ce pays depuis des siècles. »*



Dans cette remarquable anthologie dirigée par Michel Volokovich, qui assure également le choix et la traduction des poèmes, j'ai beaucoup aimé la découverte de nombreux auteurs mais aussi et surtout, de textes pleins de justesse et de sensibilité, de poèmes aux subtiles nuances, à l'imaginaire débordant de paysages, de couleurs, des rythmes du vent et de jeux de lumières, qui porte en elle les récits du quotidien, du banal, les rumeurs de la ville, des ports, la promesse des lointains,... le tout dans une écriture touchante, une subjectivité qui révèle tout l'espace de l'introspection et de l'intime.



C'est avec plaisir que j'ai (re)découvert des textes de grands noms de la poésie grecque, des auteurs aussi essentiels que Kikí Dimoulá et Zoé Karèlli, des figures connues et moins connues de Yòrgos Thèmelis, Tàkis Sinòpoulos, de Titos Patrìkios ou encore de Nìkos-Alèxis Aslànoglou, chacun portant en soi une source et un talent d'écriture qui m'a donné envie d'en savoir un peu plus sur leur oeuvre poétique (tous malheureusement ne sont pas traduits en français).



Poète (et poétesse) témoin d'une époque, d'une histoire, poète de la guerre et de l'espoir, poète voyageur, poète solitaire et rêveur, poète inquiet et méditatif, poète nostalgique, idéaliste perdu, poète attentif et silencieux, poète des paysages et des villes,… Cette Anthologie de la poésie grecque contemporaine nous offre les portraits de tous ces poètes, venus d'un pays – la Grèce – qui n'en finit pas d'investir notre imaginaire.



« Je veux que le poème soit nuit, errance

dans des rues isolées, des artères

où la vie vient danser. Je veux

qu'il soit combat, non pas musique dénouée

mais passion d'exprimer en soi l'incohérence

le désordre qui prendra feu si l'on ne joue pas

le tout pour le tout



Tandis que les autres, indifférents, sûrs d'eux

se gaspillent ou se préparent le soir

à mourir, toute la nuit je cherche des petits cailloux

incorruptibles dans le monologue de chaque jour

même très usés. Qu'ils brillent

dans leur épaisse obscurité, maigres insectes

hasardeux, que le sens tue

et qu'abreuve le sentiment »





(*) Titos Patrìkios - poème "Les montagnes" (mai 1968) - p. 132

(**) Nìkos-Alèxis Aslànoglou - poème "Ars poetica" - p. 146
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Chemin faisant

La pratique de la marche et l'exercice de la pensée ont toujours fait bon ménage, en témoigne la création par Aristote de l'Ecole péripatéticienne.

Par ailleurs ne dit-on pas de quelqu'un qui a avancé dans sa construction interne, qu'il a cheminé?

Ce livre magnifique est un voyage dans la campagne française à la fin des années soixante dix, loin des autoroutes et des grands axes. C'est un espace à l'échelle humaine, où le temps est mesuré par les pas du marcheur.

Les rencontres scandent le récit, le "chemineau" comme on disait autrefois, dépendant étroitement de l'asile qu'on lui accorde pour le gîte et parfois le couvert.

Etranger et même étrange par le mode de voyage qu'il a choisi, Lacarrière note judicieusement que l'ennemi le plus féroce du marcheur est le chien, l'homme étant maintenant associé au véhicule motorisé, il effraie quand il se déplace sur ses jambes.

J'ai reconnu des paysages aimés, traversés en voiture ou parcourus en randonnée.

J'aime l'écrivain et l'amoureux de la Grèce de jadis et d'aujourd'hui qu'était Jacques Lacarrière. Il nous laisse des ouvrages à la fois simples et érudits, comme lui. Il nous laisse un éternel Eté grec.
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Sophocle

Le plus grand et le plus puissant des tragiques grecs présenté par un des meilleurs "passeurs" de la culture hellénique, qui a su rendre vivante et toujours contemporaine une Grèce antique trop souvent empoussiérée par ses zélateurs.



Petite monographie de poche, mais si complète, si vibrante, qu'on devrait l'avoir toujours avec soi dans un théâtre antique ou un site archéologique: les grandes voix des personnages de Sophocle n'ont jamais fini de dire le miracle grec, de porter haut les luttes humaines pour exister face au destin, de célébrer l'héroïsme des hommes et la toute-puissance des dieux...



Merci à Jacques Lacarrière de nous aider à les entendre aussi distinctement...
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Dans la forêt des songes

La forêt où nous entraîne Jacques Lacarrière est une forêt de nulle part et de partout, une forêt d'Orient champenoise, forêt des chevaliers et des sylves, traversée par des chasses à cour fantomatiques, ermites et autres hères. Un lieu de quête comme il en existe dans les contes traditionnels remis au goût du jour. D'ailleurs notre héros, Ancelot, et son acolyte volatile l'ara Thoustra, rencontreront bien des personnages étranges, un stylite gangréneux, une ondine sensuelle, ou encore la belle au bois d'orient bien sûr endormie. Un conte qui allie humour et fantaisie, agréable à lire, dans la langue généreuse de l'écrivain poète voyageur toujours aussi passionné par la mythologie et les légendes.
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Sourates

La prose de Jacques Lacarrière est généreuse, volubile. J'aime ses récits de voyages. Il parvient à relier entre elles ses expériences multiples, à en extraire le suc, par un vocabulaire étonnamment riche et poétique. Les sourates pour lui sont l'occasion d'exprimer l'écoute attentive des voix du monde, « voix perçues de l'homme-dieu qui est en nous ». Aussi toute expérience est-elle la source d'une sourate. Sourate du désert, sourate du grenier, du village, de l'herbe, du corps, de la rumeur du monde, du silence... Il passe du souvenir de ses voyages en Egypte à la contemplation d'une colline dans son petit village bourguignon de Sacy. Nous convie à une sorte d'élévation révélation de l'éternel en chaque chose. Une écriture jubilatoire, qui dit la richesse de toute expérience, immobile ou mobile, chez soi ou à des milliers de kilomètres de sa maison. A lire pour comprendre que l'essentiel frappe à la porte de toute expérience humaine.
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Marie d'Egypte

Je n’oublie pas que c’est par Jacques Lacarrière que j’ai découvert la Grèce avec la collection « Terre humaine » de chez Plon. Jacques Lacarrière, « grand spécialiste », s’il en est des Grèce, contemporaine et antique…

Sauf que là, il ne s’agit pas de Grèce, mais Égypte. Après tout, ne sont-ce pas là les deux chapitres d’histoire collégienne qui m’ont probablement le plus marqué…Moi et beaucoup d’autres…



Nous sommes au IVe siècle à Alexandrie, "capitale des voluptés" …Au IVe siècle qui correspond à un des moments charnière de l’Histoire. C’est l’époque où les égyptiens abandonnent leurs divinités pour s’ouvrir au christianisme.

Au milieu de tout cela, Marie, Marie l' Egyptienne… La prostituée. Dans cette ambiance troublée, elle partira au désert, et entendra l’appel… Sainte Marie du Désert…



« Marie Égypte », premier roman de l’auteur : un texte porté par une prose efficace aussi bien pour décrire la vie voluptueuse et pleine d’odeurs de la ville d’Alexandrie, que la sécheresse brûlée par le soleil du désert, ce texte nous propose à travers la vie (réelle) de Sainte Marie Égypte, une véritable méditation sur l’ascèse et le désert… De la part d’un auteur qui fréquenta le Mont Athos, une autre forme de désert…fascinant désert…

Un texte « éblouissant » !



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Les Gnostiques

"Viscéralement, impérieusement, irrémissiblement, note Lacarrière, le gnostique ressent la vie, la pensée, le devenir humain et planétaire comme une œuvre manquée, limitée, viciée dans ses structures les plus intimes. (...) Mais cette critique radicale de toute la création s'accompagne d'une certitude tout aussi radicale, qui la suppose et la sous-tend : à savoir qu'il existe en l'homme quelque chose qui échappe à la malédiction de ce monde, un feu, une étincelle, une lumière issue du vrai Dieu, lointain, inaccessible, étranger à l'ordre pervers de l'univers réel, et que la tâche de l'homme est de tenter, en s'arrachant aux sortilèges et aux illusions du réel, de regagner sa patrie perdue, de retrouver l'unité première et le royaume de ce Dieu inconnu, méconnu par toutes les religions antérieures." ...
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Dictionnaire amoureux de la Grèce

Par Zeus, c'est bien le Dictionnaire d'un AMOUREUX de la Grèce !
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Anthologie de la poésie grecque contemporaine..

Une anthologie de la poésie grecque contemporaine, par Jacques Lacarrière, écrivain, voyageur, passionné par l'Antiquité grecque, la mythologie, et plus largement par la civilisation grecque.

Cet ouvrage présente quelques poèmes des quatre poètes grecs les plus connus : Constantin Cavafy et des trois autres noms de la poésie grecque d'après-guerre que sont Georges Séféris (Prix Nobel de Littérature en 1963), Yannis Ritsos et Odysséas Elytis (Prix Nobel en 1979).

Mais elle a le mérite aussi de faire découvrir au lecteur français la génération de poètes qui suit : la génération des années 70 qui a connu la dictature en Grèce, et celle plus contemporaine (jusqu'aux années 2000).

La présentation introductive de Jacques Lacarrière est précieuse et, en 25 pages, rend bien compte des principales phases et évolutions des courants de la poésie grecque contemporaine.
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La poussière du monde

Poétique, historique, philosophique, empreint de religiosité, ce roman de Jacques Lacarrière nous invite au voyage intérieur. Nous emboitons le pas de Yunus Emré, dans la poussière des déserts d'Anatolie. Yunus voyage de tekké en tekké. Il rencontre les grands sages, s'initie à la danse des derviches tourneurs. Il se dénude peu à peu de ses illusions, des croyances inutiles. Ainsi de cette volonté qu'ont les hommes de nommer Dieu. «  En fait, le seul nom que Yunus aimerait lui donner serait celui de Ménestrel de l'Immense. Un Dieu poète et musicien. » Il rencontre le fameux Haci Bektas, sage parmi les sages, ami de la tolérance dans ce monde qui vit passer le terrible Gengis Khan et sa descendance non moins cruelle. De retour dans son tekké, il a acquis le pouvoir de comprendre les prodiges : chant divin des oiseaux, du vent dans les roseaux qui se prosternent sur le passage des errants. Il sait l'osmose universelle d'un Dieu Nature où l'homme doit trouver sa place. Un roman historique qui devient conte merveilleux sur la sagesse soufie.
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Chemin faisant

Récit de traversée, à pieds, des Vosges jusqu’au Languedoc en 1971. Le but n’est pas de faire un exploit sportif mais d’aller à la rencontre des gens. On verra qu’il n’est pas toujours facile d’y trouver un endroit pour dormir et que les désagréments ne sont pas le mal aux pieds, la nourriture, etc. Non ce sont les chiens qui mordent les mollets. Des réflexions en sont faites. A savoir qu’avant ils s’en prenaient aux véhicules à moteur qui étaient rares, alors qu’aujourd’hui la rareté se fait avec les piétons que le chien n'a plus l'habitude de voir. J’ai adoré le début avec la poésie qui s’en dégage, puis j’ai trouvé que le récit s’essoufflait.
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L'été grec

Si vous avez projeté d'aller passer quelques jours en Grèce cet été, jetez tous vos guides touristiques modernes, et ne prenez que celui-ci ! Un journal de bord pas tout à fait comme les autres, émaillé de nombreuses citations, extraites des œuvres de Thucydide ou d'Hérodote, mais aussi de Séféris (dont Lacarrière fut le premier -et sans doute le meilleur- traducteur) ou de Prévélakis, et illustré, du moins dans sa version brochée, de photographies variées, dont la plupart ont été prises par l'auteur lui-même, ainsi que de quelques croquis. Une véritable mine d'information pour tout helléniste ou tout amoureux de la Grèce, car Lacarrière nous livre ici l'envers du décor : non les sempiternelles images d'Athènes ou du Péloponnèse (malheureusement souvent en flammes ces dernières années), mais des témoignages d'une valeur inestimable, empreints d'une sagesse et d'une générosité qui semble tout à fait propre à ces gens délaissés par les médias et par leur propre État : paysans, pêcheurs, moines, femmes aussi... Ce sont pourtant eux qui sont, en quelque sorte, dépositaires de l'âme même de la Grèce, et que leurs paroles savent si bien retranscrire au jeune auteur encore peu familier, du moins dans les premiers temps, de cet idiome si particulier, si différent et en même temps si proche du grec ancien qu'il a pu étudier sur les bancs de la Sorbonne. Lacarrière semble avoir voulu donner, pour une fois, la parole aux gens du silence, à ceux qui ne s'expriment que par quelques phrases, mais qui, pourtant, détiennent bien plus de poésie et de sincérité que les belles périodes ampoulées des Athéniens... Avec Lacarrière, c'est tout un pays que l'on (re)découvre, avec un plaisir non dissimulé, et en compagnie d'un des meilleurs guides qui soient, et qui fait son apprentissage en même temps que le nôtre.



(la suite en cliquant sur le lien ci-dessous !)
Lien : http://ars-legendi.over-blog..
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