"Le monde" s'intéressera peut-être à ce que les croyants disent de leur Dieu le jour où ils en parleront non pas simplement parce qu'ils en ont envie ou qu'ils ne peuvent faire autrement mais parce qu'ils ont du plaisir de croire en leur Dieu et qu'ils ne peuvent s'empêcher de le dire.
Un chrétien qui a longuement médité les acta et passa Christi, ce que Jésus a fait et souffert, qui a longuement médité aussi sur ce que Jésus n'a pas fait et n'a pas souffert, ne peut manquer ici de faire mémoire de la façon dont Jésus s'est fait proche de l'impuissance, de la souffrance, du malheur des hommes et des femmes qu'il a rencontrés, et de la façon dont il leur a rendu proche son Dieu. Certes, il a fait des miracles. Qui n'en faisait pas à son époque ? D'autres thaumaturges du monde juif et hellénistique en firent bien davantage que lui. Mais, comme on l'a fait remarquer dès les débuts du christianisme, le petit nombre et la nature même de ces miracles montrent qu'ils n'avaient pas pour enjeu de supprimer le malheur, la souffrance, l'infirmité, de l'impuissance des humains. Car c'est là ce qui est incroyable, c'est là ce qu'il fallait manifester. Jésus n'avait rien d'autre à manifester. On lui demandait ce qu'on demande aux thaumaturges, ce qu'on demande au tout-puissant, ce qu'on demande aux dieux. Et lui n'avait que cela à donner : ce Royaume qui se fait proche des pauvres, des boiteux, des aveugles, des lépreux, des publicains, des prostituées, des pécheurs.