Jacques Siclier

Le Corbeau (de Henri-Georges Clouzot), tant attaqué en son temps par la presse clandestine de la Résistance, mis au banc d'infamie après la Libération, puis "réhabilité" alors qu'il n'avait pas besoin de l'être, fut une oeuvre exceptionnelle dominant le cinéma français d'occupation, le creuset d'où sont sortis les films ultérieurs de Clouzot, ce cinéaste de la psychologie des profondeurs.

(A propos du "Corbeau" de Henri-Georges Clouzot)
Si l'anonymographe de Tulle, dont l'affaire datant de 1922, (...) était une refoulée sur laquelle se penchèrent les psychiatres, tous les personnages impliqués dans l'action "punitive" du Corbeau étaient victimes de complexes, d'insatisfactions et de frustrations sexuelles qu'on n'était pas habitué à voir dénuder à l'époque. Dans "Le Corbeau" les forces de l'inconscient se libéraient des "censures" de la vie en société par le truchement des lettres anonymes. Avec son style noir et corrosif, Clouzot plongea dans les abîmes de l'âme humaine et des comportements sexuels en réduisant à néant l'éthique traditionnelle du bien et du mal.

(...)pour faire litière de la mauvaise conscience des uns et de la mauvaise foi des autres, il est bien évident que les films français recueillirent, par principe, plus de suffrages dans les coeurs des spectateurs de l'époque, et je soutiens que le "cinéma de Vichy" n'a pas existé pour eux en tant que phénomène issu du régime nouveau. Ce cinéma, pour le public populaire, était tout simplement la continuation du cinéma français des années 30.

Le Corbeau (de Henri-Georges Clouzot est une grande oeuvre du cinéma français parce que sa leçon demeure dans le cinéma et au-delà du cinéma, parce qu'elle sait éviter la pâle objectivité de l'esthétique par le souffle plus ample de l'homme et de sa lucidité.