Il y avait un homme riche de Macédoine, raconta Elias, à qui un Juif avait voulu emprunter de l'argent. Le Macédonien demandait neuf pour cent d'intérêt. "Tu n'as pas honte, tu n'as pas honte devant Dieu?", s'exclama le Juif. "Pourquoi? demanda le Macédonien. Dieu regarde d'en haut, il prendra le neuf pour un six!"
Comme le souligne l'expression argotique française pour désigner le morpion, le papillon d'amour, il se transmet presque toujours au contact d'un acte sexuel, ricana-t-il. Le philosophe et médecin arabe Avicenne recommandait il y a huit cent cinquante ans une pommade au mercure, mais on a utilisé au cours des temps les médicaments les plus variés, du beurre étalé sur les coutures des vêtements comme dans les Carpates, jusqu'à la graisse de chariot apportée par les colporteurs, comme ici dans les Balkans, ou au cuivre sulfaté, comme en Europe du Nord, exposa-t-il. Elias n'eut plus honte du tout après avoir appris que même Napoléon avait eu des morpions pendant des années. C'était une maladie virile.
Des six enfants de Shimon, les deux aînées, Devora et Estrea, avaient épousé des Turcs d'Istanbul. Ça non plus, ça n'arrangeait pas ses affaires. Déjà, le simple fait de marier sa fille avec un juif non-séfarade passait au sein de la communauté séfarade pour une mésalliance. Pas question de se marier avec les "Tedescos", les simples juifs, ceux qui ne parlaient pas espagnol mais seulement yiddish, et qui venaient du nord. Les "Espagnols" se mariaient entre eux, faire autrement était pour le moins choquant.