La présence chaleureuse d'un autre être humain lui manquait. Il l'imaginait lisant de l'autre côté de la cheminée, partageant une boisson chaude avant de se coucher, imaginait sa respiration à son côté pendant les longues heures de la nuit. Une compagnie silencieuse pouvait être aussi agréable qu'une conversation.
Seule dans son lit, Clare sanglotait. C’était bien pire que la solitude qu’elle avait connue comme gouvernante. En ce temps-là, c’était un sentiment impersonnel, dû à son infortune et à son emploi. Elle ne l’avait pas frappée en plein cœur comme la balle d’un chasseur. Clare n’avait absolument rien caché à Jamie. Elle lui avait fait confiance et elle était tombée amoureuse de lui. Du moins, de l’homme qu’elle pensait connaître, l’homme qui respectait ses souhaits, l’admirait, la comprenait et adhérait à ses projets. À présent, les fondations de cet amour s’écroulaient. Elle ne le supportait pas.
Il aurait été curieux de savoir comment il était possible de charmer une femme qui était parfaitement consciente que vous étiez beaucoup plus attiré par sa fortune que par sa personne.
— J’ai entendu dire que Tricotte s’était attiré les bonnes grâces de la cuisinière. Je ne m’explique pas comment.
— Elle a attrapé une souris dans l’arrière-cuisine, et l’a cérémonieusement offerte à Mrs Dunne. Bête sournoise. Elle a les instincts d’un diplomate russe. Elle est en train de retourner toute cette maison contre moi.
Elle le savait. Leur amour avait été mis à l’épreuve, mais ils semblaient aujourd’hui avoir contourné les écueils. S’il le souhaitait, ce qui semblait être le cas, ils pourraient sûrement se retrouver. Comme quelqu’un le lui avait dit il y avait bien longtemps, peut-être sa mère, le mariage était une affaire de compromis.
Les plaisirs les plus simples la comblaient. Pour la première fois depuis des années, elle pouvait passer ses journées à faire ce qui lui plaisait, jouir d’une liberté qui lui permettait d’apprécier ses choix. Elle se rappela ainsi à quel point elle aimait la confiture de framboises. Pendant une promenade au parc, en regardant les cavaliers, elle se souvint de ses cheveux volant au vent lorsqu’elle galopait le long d’un chemin de campagne. Le fait que sa conduite ne lui soit dictée ni interdite par personne donnait une dimension toute particulière à la moindre de ses actions. Même si elle vivait à Londres depuis des années, elle commençait tout juste à savourer ce que la métropole pouvait offrir. Elle avait l’impression d’avoir été propulsée de l’obscurité d’une cave dans un paysage éclatant des couleurs de la vie.
— Je n’ai jamais vraiment compris le cricket, intervint Miss Simmons en se penchant vers Alec, des effluves de champagne accompagnant son mouvement. Expliquez-moi donc.
Alec parvint à se maîtriser suffisamment pour ne pas lui dire qu’il aurait préféré se trancher la gorge.
Quelle délicieuse perspective ! Avoir quelqu’un pour s’occuper d’elle, sur qui se décharger de tous les fardeaux. Hélas, les amères expériences du passé lui soufflaient que c’était une illusion. Les causes d’inquiétude ne disparaissaient pas. Elles vous étaient simplement dissimulées jusqu’à ce que les circonstances deviennent si désastreuses qu’elles refaisaient surface. Alors, toute votre vie s’écroulait comme un château de cartes. Plus jamais ! Elle avait cru que Jamie comprenait ses sentiments, sa peur. Elle avait imaginé qu’il voyait en elle une femme intelligente et capable, mais au fond il n’avait eu d’yeux que pour son argent. Ce constat était trop douloureux pour poursuivre cette conversation.
Tout cela n’était pas du changement ; c’était sa vie en proie aux plus violents bouleversements qui soient. C’était la trame de son existence quotidienne qui partait en lambeaux.
Miss Anne et Miss Lizzy qui voulaient savoir pourquoi vous étiez partie, et sir Alexander de plus mauvais poil qu’un ours qui a pris un coup sur la tête !