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Critiques de Jean Clair (32)
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Paradoxe sur le conservateur

Jean Clair conservateur, historien d'art, critique et essayiste empêcheur de tourner en rond, trouble fête et poil à gratter du monde de l'art et de l'institution muséale n'est pas que le passéiste que l'on croit. S'il fulmine ce n'est pas contre la modernité mais plutôt contre l'idée que cette dernière serait la mesure de toute chose, déplorant la religiosité de certains de ses pairs devenus grands prêtres des processions et des cérémonies d'un art contemporain adulé (nouvel art officiel qui se suffirait à lui-même ?), plus soucieux d'avant-garde que de sauvegarde et de transmission. Paradoxe. Jean Clair s'interroge sur la notion même d'art contemporain et ce qui pourrait, sous les piques acérées volontiers polémiques d'un conservateur agacé, n'être qu'un prolongement du combat entre anciens et modernes pointe en réalité quelque chose d'autrement plus dérangeant pour notre époque avant tout centrée sur elle-même. L'explosion du nombre des musées ces nouveaux temples festifs de la culture, leur évolution aussi bien que celle des missions du conservateur dans la deuxième moitié du vingtième siècle – plus particulièrement après les années soixante, ne seraient-elles pas tout bonnement les symptômes de la corrosion d'une pensée en quête d'artifices, déconnectée des pratiques et des oeuvres du passé pour mieux s'affranchir du sens originel de l'art ? Les Romains ne multiplièrent-ils pas les temples quand ils ne crurent plus en leurs dieux… le soupçon redoutablement étayé justifierait à lui seul qu'on lise et relise cet opuscule de faible tirage (je dispose d'une réédition à mille exemplaires de 1990, la première datant de 1988 peu de temps – deux ans – après l'installation des Colonnes de Buren dans la cour d'honneur du Palais-Royal à Paris qui firent tant gloser). Le texte très court parfois magnifiquement inspiré quand il est question de peinture et de matière, de simples pigments, d'usages et de rituels, du culte des morts, ne fait que rendre plus pénétrante une réflexion sous-jacente passionnante (véritable sujet de ce tout petit livre) sur les sources et la finalité de l'art prenant à contre pied la vision de Malraux ; battant en brèche le concept si répandu d'autonomisation de l'art. J'aime quand Jean Clair propose un sens enfoui des oeuvres inscrit dans la conscience humaine de sa propre finitude, qu'il rappelle leur portée depuis la nuit des temps, totalement occultée aujourd'hui, qu'il relie le geste du paléolithique à celui du peintre d'aujourd'hui et qu'il écrive « L'art n'est pas né du culte des dieux : il est né d'abord de l'obligation d'envisager la mort et d'en surmonter en esprit l'inéluctabilité ». Une lecture flash qui donne à réfléchir longuement avant de s'engouffrer dans les files d'expositions estivales et d'y rejoindre le peuple des fidèles…









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Malaise dans les musées

« Ce petit livre est né d’un désenchantement », ainsi Jean-Clair commence-t-il son essai dans lequel, effectivement, désenchanté, amer il s’insurge et dénonce la faiblesse des politiques culturelles françaises et les menaces qui pèsent sur notre patrimoine du fait des dérives dues à la globalisation et à la marchandisation muséologiques à l’œuvre.

Pour exemple, il cite notamment l’opération du Louvre d’Abou Dhabi qu’il estime avant tout purement mercantile et scélérate. Mais plus globalement c’est toute une réflexion sur notre monde occidental englouti par une décadence qui affecte l’art en général, mais aussi la culture dans son ensemble qu’il nous propose.

Il sera facile de le taxer de nostalgique d’un temps où… et du reste d’aucuns ne s’en sont pas privé à la sortie de cet essai (mais il suffit d’y aller voir leurs conflits d’intérêts) ; il n’en reste pas moins que, malgré peut-être quelques excès dus sans doute à sa passion pour l’art, cet essai, nourri de sa grande culture, a le mérite d’être brillant et de mettre le doigt et alerter sur une dégringolade de plus qui affecte nos modèles occidentaux.

Qu’importe les grincheux, cela ne l’aura pas empêché d’en remettre une couche quelque temps après avec « L’hiver de la culture », tout aussi brillant et utile, et il a bien raison.



A noter aussi, un passage intéressant sur le système de la fondation Guggenheim (éclairant !)

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Crime et châtiment

Dans la préface du catalogue de cette exposition (Musée d’Orsay, 2010), Robert Badinter – l’ancien garde des Sceaux de Mitterrand qui a fait voter l’abolition de la peine de mort – pose le propos : « D’Eschyle à Camus, le criminel hante l’écrivain et la littérature. Le moment paraissait venu de convoquer à leur tour peintres et sculpteurs et d’examiner leurs œuvres et leur vision du crime et de la justice… ». Et cette exposition prenant « le crime pour sujet, la justice pour scène et le châtiment pour épilogue » nous présente le regard autant artistique que documentaire, historique et même scientifique, sur le crime et le châtiment, de la Révolution à nos jours.



Dès l’entrée, comme pour bien ancrer le sujet dans les esprits, un choc. Drapée d’un crêpe noir, elle est là, nous rappelant combien la loi des hommes peut être sauvage et barbare : une authentique guillotine.



Magnifique et troublante exposition : Le crime et ses raisons ; Le châtiment et son bien-fondé, montrés, disséqués, expliqués, et qui posent l’éternelle question du jugement et du châtiment. Débat qui, dans notre société, est bien loin d’être clos.

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Journal atrabilaire

Oui, et mille fois oui !

Une personne humaine qui nous fait la restitution des événements, des parades, des positions, des discours, des politiques qui le font râler, geindre et lui donne envie de mordre.

Évidement, ce livre est publié par ce que Jean Clair est déjà connu, pour un premier livre un jeune auteur n’aurait eu aucune chance.

Jean clair à une belle écriture, un français de gourmet.

Il râle à plein, mais finalement il s’agit surtout de l’abandon d’une partie de notre humanité pour nous plonger dans le salmigondis d’une langue qui se délite, de rencontres de personne humaine à personne humaine qui deviennent de plus en plus superficiel et difficile tant le bruit ambiant est fort (et là c’est 2004).

La culture ne peu remplacer le culte

Le portable ne peut remplacer la relation

Le globish ne peut remplacer la profondeur de notre langue

Le progrès technique ne peut se substituer au progrès humain



Et tout cela avec cette sorte d’ironie dramatique qui m’a bien réjoui.



Au moment ou je finis, j’écoute France culture, 19h00 un dimanche.

Titre de l’émission : food, foodies, fooding, foodosphère, slow food

Et une phrase entendue par une jeune personne de 30 ans.

Nous faisons du régional food par soucis d’authenticité !



JEAN ils sont devenu fou !

Nous avons créé des monstres Superficiel Narcisse et Orgueilleux !

Et Martel de ne rien dire !



Lire ce livre comme un catalyseur réveille notre âme (1) cénobitique !



(1) Âme : ce qui anime le corps, Psyché, émotions, perception et inconscient. Quand je veux aborder la spiritualité j’emploie le terme d’Esprit (depuis Fromaget).

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La part de l'ange : Journal 2012-2015

Pas vraiment un journal mais plutôt des mémoires, indifférentes aux dates, des réflexions philosophiques ou esthétiques, des commentaires sur l’actualité.

En réalité ‘’un essai qui veut rendre justice à la part invisible de l’esprit, à « la part de l’ange ‘’.

………………….

Ce qui passionne jean Clair qui a été conservateur général du Patrimoine c’est tout ce dont l’art nous parle par le truchement de l’invisible. Une quête, de ce qui dans l’œuvre d’art, née de main d’homme, nous parle de nous.

Il défend une peinture « réaliste », essentiellement figurative.

D’où de belles pages sur le visage qu’on découvre ravagé au matin, par la fatigue, la maladie ou

l’âge, ce visage que l’on voile aussi. Son admiration pour Zoran Music, le peintre rescapé des camps.

Les raisons pour lesquelles il est devenu si difficile de représenter un visage et de peindre un nu ?: L’ « l’impuissance à ressaisir l’identité du moi dans le portrait » et l’oubli du fait que toute entreprise de figuration présuppose du sacré et du sacrificiel.

D’où son sentiment que l’art est quasi moribond.

…………………….

Mais parce que tout s’effondre

Et c’est alors un réquisitoire contre les renoncements qui caractérisent notre époque : massification de la culture, financiarisation de l’art, fascination pour la laideur, refus de toute transcendance…

Qui s’accompagne du déclin des bonnes manières, du langage, des habitudes de lecture, de la tenue vestimentaire, de la liturgie catholique etc. …..

Avec la villa Médicis transformée en dancefloor pour « gros vers blancs »

On peut le suivre jusque-là mais il pousse le bouchon un peu trop loin lorsqu’il loue l’entente entre Vladimir Poutine et l’église orthodoxe russe ou le président Erdogan, grand défenseur de la liberté d’expression ou qu’il fait un rapprochement entre le journal satirique Charlie-Hebdo et les caricatures antisémites nazies

……………………….

En réalité, malgré tout, une forte nostalgie habite ce livre : nostalgie de la France rurale, du Paris d’antan, du parler d’antan, d’habitudes vestimentaires comme le port du chapeau ou de la voilette, nostalgie de l’enfance.

Une vie rurale idéalisée comme une espèce d’âge d’or, où chacun connaissait sa place et y restait

Peut-on pour autant le créditer d’une lucidité de prophète quant à l’écologie ?

……………………….

Fils d'un cultivateur socialiste du Morvan et d'une mère, fervente catholique, née en Mayenne, il avançait :"Conservateur, c'est le dernier métier aristocratique qui reste dans ce monde moderne".

……………………..

Vieillir, quelle étrange aventure pour un petit garçon !



A-t-il vu le film de Ken Loach : « La part des anges »où des exclus malgré eux, se retrouvent pris dans un système qui les broie.et qui recherchent cette part à laquelle ils ont potentiellement droit, cette "part des anges", c'est justement ce whisky évaporé durant sa maturation, au sens propre comme, ici, au figuré.

Un film qui distille avec humour et finesse un regard bienveillant et optimiste sur la jeunesse désillusionnée et livrée à elle-même.











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Les derniers jours

Une quasi lecture en aveugle : auteur inconnu (il est indiqué "de l'Académie française", ce qui n'a rien éclairci), titre encore plus inconnu, pas de bandeau laissé par la médiathèque, une quatrième de couverture proposant quatre passages. J'ai poussé l'amusement jusqu'à m'interdire de fouiner sur internet avant d'en avoir terminé.



Au travers de ces courts textes, l'on découvre des grands parents paysans (chez moi aussi on disait "ne te décache pas..."), la montée des parents en banlieue parisienne, les études parmi des condisciples de milieux bien moins modestes, un poste de professeur à Harvard (ouah quand même)(mais, le jour où il découvrit qu'il rêvait en anglais, "je décidai de quitter les Etats-Unis") et moult considérations sur l'art, Venise, l'Europe, les camps nazis, fort originales et pas forcément dans l'air du temps.Un peu passéiste et pessimiste, fort érudit, belle et agréable écriture, l'impression d'aérer ou secouer ses neurones au détour d'une page devant une réflexion. Ainsi que des pages superbes sur la lecture, la vie paysanne, l'ambiance à Pantin il y a un demi-siècle. Bref, je recommande.



Quelques bribes:

Un démarrage qui a mis à mal mon stock de marque pages (ensuite ça s'est un peu calmé) car on parlait de lecture, relecture, écriture. "Lire avait été une aventure, relire est une retraite." "Le seul voyage qui vaille n'est pas d'aller vers d'autres paysages, mais de considérer les anciens avec de nouveaux yeux.""On relit pour vérifier que ce que l'on a lu autrefois était toujours là. Mais on écrit pour vérifier que ce que l'on a vécu jadis a bien été vécu. L'angoisse est tout autre." "Nul temps n'est plus compté que celui employé à lire, et nul temps n'est, dans le même temps, aussi libéré du temps que le temps de la lecture."



Et ça aussi:

"On savoure un plaisir secret à commencer la lecture d'un livre qu'on a tiré de sa bibliothèque pour la prolonger dans un autre exemplaire, par hasard découvert chez un ami dont la maison duquel passagèrement on loge. Le don d'ubiquité est le propre des livres.

C'est le même texte, c'est la même impression et c'est la même année d'édition, mais la lecture en sera différente. (...) Il existe à travers le monde une fraternité secrète des gens qui possèdent, dans leur bibliothèque, les livres que vous avez chez vous."



"La lecture n'est jamais plane ni linéaire. Un livre est d'abord un "volume", qu'on saisit dans son épaisseur. On creuse dans sa masse, on fouille, on sonde, on attrape un éclat, on dégage une pépite. Rien de cette lecture superficielle du déroulement électronique, qui clignote ou s'efface aussi vite. Sa pesanteur dans la paume renseigne immédiatement sur le moment où l'on est arrivé, vers le milieu ou vers la fin. La lecture ne se perd pas sur une surface homogène, mais se renforce par mille sensations, une infinité de détails inconsciemment enregistrés par le cerveau, et ce poids dans la main atteste la gravité, ou la lourdeur, des idées que l'esprit y découvre." (OK, l'auteur n'est pas pour les liseuses...)



"La pyramide en verre transparent qui sert d'entrée au Louvre est le signe le plus éclatant de cette dérision moderne: jadis destinée à conserver les Pharaons morts dans l'obscurité et la sécurité de la terre, elle ouvre à la lumière aveuglante du jour des œuvres destinée jadis à défier la mort, aujourd'hui réduites aux produits interchangeables des comptoirs commerciaux du monde civilisé."



"Pourquoi la monnaie européenne , l'euro, (...), ne porte-t-elle pas sur ses faces les portraits de grands Européens?" (tiens oui, je n'avais même pas remarqué)



Plein de passages sur les campagnes et les haies, la religion et l'art, mais je ne peux tout citer. Un peu "fourre-tout", oui, mais chacun y trouvera de quoi réfléchir.


Lien : http://enlisantenvoyageant.b..
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Dialogue avec les morts

«Aucune société […] ne fut plus grossière que la nôtre, en un sens, plus inquisitoriale». Dans ce nouveau volume d’«écrits intimes» – puisqu’il s’est très vite refusé au roman –, Jean Clair, qui fut conservateur directeur du musée Picasso et commissaire d’expositions aussi marquantes que "Vienne 1880-1938 - L'Apocalypse joyeuse" ou "Mélancolie, génie et folie en Occident", en remet une couche, comme pour prouver qu’au contraire des candides, il n’écrit pas pour se faire aimer. Ici, son entreprise d’anamnèse le fait retourner, plus de six décennies après, dans le bocage mayennais où la débâcle de la Seconde Guerre mondiale l’avait expédié avant l’anniversaire de ses quatre ans. Fils de paysans pauvres, Jean Clair avait déjà écrit «je sortais de rien», formulation lapidaire qui ne le retient pas de penser, avec un lourd sentiment de culpabilité, qu’il a pu trahir les sages de la terre pour les frivoles de l’art. Tiraillé entre ce monde sans tradition écrite et l’érudition, l’historien d’art et académicien français ne tire donc aucune supériorité de s’être «éloigné des paysans taciturnes». Si l’enfance dans cette campagne abandonnée ne fut ni un paradis, ni une pastorale, le jeune Gérard (puisque Jean Clair est un pseudonyme) y conçoit pour toujours un profond attachement aux bêtes, comme à cette «méfiance paysanne» pour laquelle il éprouve plus de respect que de rejet.

Dans cette promenade éclatée qui retrouve parfois la forme du journal («atrabilaire» peut-être, c’est lui qui le dit) s’entrecroisent souvenirs et rêves (au sens premier), idées et sentiments, expériences et voyages, toujours dans la compagnie de l’écriture et de la peinture, assurément ses saluts.

Admirant Avigdor Arikha plutôt que Jeff Koons et autres champions des «tours de force forains», fustigateur du mercantilisme de l’art, de la morale égalitariste, des jargons, des sourires mondialisés de la télévision, de la consommation frénétique des instants, de la bonne bourgeoisie qui possède le monde, des «nouvelles ligues de vertu qui […] ont réduit la France au silence», ou, parmi «les imbéciles d’aujourd’hui», des Gothiques dont il règle le compte en deux pages, Jean Clair est conscient d’être injuste, de se laisser emporter : «La colère, je crois, ne me quittera jamais». Taxé de poujadiste, il répondit, un brin provocateur «Je suis simplement profondément réactionnaire, il y a de quoi, non?» Un «réactionnaire» bouleversé par les conditions faites aux S.D.F. dont il se révèle l’exceptionnel observateur des us et manèges, un «réactionnaire» offrant des pages incomparables de sensibilité et d’intelligence sur le sexe (la «nature») et le corps des femmes, un «réactionnaire» célébrant le "trésor" de la psychanalyse, un «réactionnaire» refusant de céder aux démons du pessimisme… réactionnaire: «loin d’être nostalgique, rêveuse, ou pire encore mélancolique, toute ma vie n’a jamais au contraire été dictée que par le sursaut vers le futur»…



Chronique partiellement parue dans "Encres de Loire" n° 56 page 29, été 2011


Lien : http://www.paysdelaloire.fr/..
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Journal atrabilaire

Ce Jean Clair est un bileux et au bout d'un moment c'est carrément agaçant. On pourrait ne pas partager son avis et le lire avec plaisir mais ce n'est pas le cas, l'homme vitupère contre toute forme de modernité sauf en ce qui concerne son dentiste, on se réjouit qu'il ait eu mal aux dents un jour !. s'il n'aime pas le genre humain, le genre humain va bien finir par le lui rendre.Livre pénible et décevant mais qu'est ce qui m'a pris de l'acheter ?
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Balthus : Exposition, Venise, Palazzo Grass..

Ce volumineux catalogue a été réalisé à l'occasion de l'exposition au Palazzo Grassi à Venise consacrée à cet artiste un tantinet sulfureux. Il comprend 13 essais d'auteurs divers sur son œuvre, sa vie, ses influences et ses relations avec des écrivains (Rilke, PJ.Jouve...) . Ensuite le catalogue des œuvres abondamment illustré et commenté . Considérable et passionnant.
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Giorgio de chirico - Catalogue Exposition 1..

Un appareil critique extrêmement complet comme toujours avec les catalogues du Centre Georges Pompidou. Une introduction fantastique "De Chirico et la modernité" de William Rubin, une histoire passionnante "De Chirico à Paris 1911-1915" de Maurizio Fagiolo dell'Arco, trois écrits de De Chirico, une étude "De Chirico et les surréaliste", une chronologie.

Et puis les plus fameuses énigmes métaphysiques du maître Italien, mais aussi une splendide collection de dessins et lithographies... tout jusqu'à ses horreurs néo-classiques de fin de carrière.
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Retour à Milan

« L’Echoppe » s’est spécialisée dans l’édition de textes courts, inédits, indisponibles ou rares. Il suffit de s’attarder sur le catalogue pour être saisi de vertige : Marcel Duchamp, Lucian Freud, Pierre Soulages, Balthus, Alberto Giacometti, Sean Scully ou Giorgio de Chirico. Dans le volume que voici, nous trouvons la réédition d’un texte (ici, en quinze pages) paru en janvier 2011 dans « Il Giornale dell’Arte ». Il est dû à Jean Clair, de son vrai nom Gérard Régnier. Cet historien de l’art a été, entre autres, le directeur du Musée Picasso, de 1989 à 2005. Dans plusieurs écrits restés fameux, il s’est révélé être un virulent polémiste fustigeant l’art contemporain, jugé sans racines (françaises). Ainsi, dans ce texte rédigé lors de l’inauguration du Museo del Novecento à Milan, il tente de corriger l’idée fausse qui veut que l’Italie, berceau de la Renaissance et du Baroque, n’ait pas donné d’artistes majeurs à la modernité. Bien entendu, les plus célèbres sont les Futuristes, d’Umberto Boccioni à Gino Severini, qui, sous la férule de Filippo Tomasso Marinetti, ont participé à la déstructuration de l’unité spatio-temporelle de l’image. Mais tant d’autres ont été incompris, négligés ou purement et simplement oubliés : Giorgio de Chirico est phagocyté par l’ogre surréaliste ; Giorgio Morandi n’est connu que des spécialistes ; Mario Sironi, par son réalisme, est jugé rétrograde ; Arturo Martini, lui, est formellement trop classique. Mais, en même temps, Jean Clair évoque surtout les intellectuels, les galeristes et les collectionneurs italiens qui, lors de son premier séjour milanais en 1978, l’ont initié à la modernité péninsulaire, tout en déplorant l’intérêt porté à Piero Manzoni et à l’Arte povera.

Le style inimitable de Jean Clair est tout de suite reconnaissable par sa fluidité et le fait qu’il est souvent concis. Quant au propos, au fond tout à fait louable, il relève presque du vœu pieux, tant l’histoire de l’art, pour le grand public, est articulée par de grosses charnières. Elle est, et là Jean Clair a raison, trop souvent envisagée selon un schéma d’une chaîne dont chaque maillon serait la conséquence du précédent et l’initiateur du suivant. Rien de plus faux : de tout temps, il y a eu des artistes aux fulgurances extralucides et d’autres aux reculades passéistes. Non, l’histoire de l’art n’est pas un fleuve tranquille… et n’en déplaise à Jean Clair, heureusement que dans le lit du cours d’eau, se trouvent des rochers pour déchirer la sécurité de nos certitudes.
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L'hiver de la culture

Ce livre de 141 pages se lit en une heure et demie. En dépit de sa brièveté, c’est un grand livre. Expliquons pourquoi.
Lien : http://stalker.hautetfort.co..
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L'hiver de la culture

C'est la nouvelle théorie de la relativité.

Oui ! Tout est relatif...

La notion de beauté ? Relatif.

Le spirituel ? Relatif.

Le religieux, les religions ? Relatif (encore que cela dépend, certaines sont à respecter, d'autres peuvent être moquées, rabaissées, vilipendées, huées, surtout si elles se laissent faire au nom de la liberté d'expression...)

La décence ? Relatif.

Tout se vaut.

J'ai découvert Jean Clair lors de la magnifique exposition du grand Palais "La mélancolie" en 2005, dont il était le commissaire.

J'ai partagé son accablement en lisant "Malaise-dans-les-musees".

J'ai eu l'occasion de visiter en 2009, l'exposition d'un choix d'oeuvres de la collection François Pinault à Dinard.

Et ? Et rien. Aucune émotion, aucun sentiment d'admiration, aucun choc devant la beauté (quelle beauté ? D'ailleurs n'est-ce-pas relatif ?), parfois un sourire, souvent une exaspération devant tant de provocation gratuite et sans risque...

Je parle peut-être un peu trop de moi, mais Jean Clair met ses mots, son érudition et son humanisme sur ce qui n'était qu'un ressenti, une gêne.

Benjamin Olivennes, non-spécialiste, mais vrai passionné a fait le même constat dans "L'autre art contemporain : Vrais artistes et fausses valeurs".

Par contre, si je partage l'avis de Jean Clair sur la dérive des musées, c'est grâce à leur existence que l'on peut approcher cette beauté...

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Dialogue avec les morts

Ce récit autobiographique de Jean Clair est une sorte de promenade qui égraine la pensée de la mort. Alors que l'écrivain dit se refuser à l'idée du pessimisme, il révèle par ses écrits mélancoliques, ses considérations sur notre société en manque de valeur et dissèque le sujet de la mort face à sa mémoire, sur un ton satirique qui fait ressortir ses convictions, ses émotions. Chaque passage révèle son rapport avec l'art et la culture.



Une écriture qui donne l'importance au silence et à la réflexion. Il convie le lecteur à s'interroger sur l'arbre de la vie. Une intropection sur son époque et sa quête personnelle du lendemain.
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Les derniers jours

Jean Clair, de son véritable nom Gérard Régnier, né en 1940 à Paris, est conservateur général du patrimoine, écrivain, essayiste et historien de l'art. Ancien directeur du musée Picasso, il a également été commissaire d'un grand nombre d'expositions nationales telles que « Duchamp » (1977), « Les Réalismes » (1980), « Vienne » (1986), « L'âme au corps » (1993), « Balthus », « Szafran », « Mélancolie » (2005), « Crime et Châtiment » (2010) et a dirigé la Biennale de Venise du Centenaire. Membre de l'Académie française depuis mai 2008, son nouvel ouvrage, Les Derniers jours, est paru en 2013.

Première question sans réponse réelle, à quel type d’ouvrage le lecteur s’attaque-t-il avec Les Derniers jours de Jean Clair ? Ce n’est pas un roman, ce n’est d’ailleurs pas mentionné sur la couverture et l’auteur s’en défend, « je me méfie du roman » ; par contre on y trouve des traces d’autobiographie quand il revient sur son enfance à la campagne en Mayenne, puis son adolescence à Pantin en région parisienne, après la guerre. Par contre il y a beaucoup de réflexions et tentatives d’analyse du monde dans lequel nous vivons aujourd’hui ; donc un essai, penserez-vous, pourtant ce n’est pas cela non plus, car trop disparate, trop éclaté dans les sujets abordés, même si, in fine, toutes ses réflexions aboutissent à la même conclusion nous allons le voir. Objet littéraire non identifié, donc.

Jean Clair a la réputation d’être un polémiste, ce bouquin le confirme assurément. Je ne vais pas détailler tous les sujets abordés par l’écrivain, mais tous, peu ou prou se concluent par un sinistre, c’était mieux avant ! Que ce soit l’éducation scolaire des jeunes enfants, le français comme on le parle aujourd’hui, précipitant « le monde dans la folie » ; ou bien qu’il s’attaque à des sujets plus graves, supposant une Europe s’abandonnant – à contre cœur - à une charia mais espérant en retour, une revalorisation des principes moraux ; ou encore évoquant la gestation pour autrui comme « une victoire posthume du nazisme »… A ce point, le lecteur commence à essuyer la buée sur ses lunettes, s’inquiétant un peu de ce qu’il lit.

Globalement, j’ai eu la nette sensation de lire un bouquin écrit par un vieux réac, s’interrogeant sur notre monde devenu, se demandant si une telle vie de merde valait la peine d’être vécue. Mais, exprimé dans une langue châtiée parfaitement maîtrisée, voire désuète parfois, très cultivée, le moins qu’on puisse attendre d’un académicien me direz-vous. Je dois néanmoins être juste aussi, certains passages sur l’écriture, la vie rurale d’hier par exemple, m’ont beaucoup plu. Des critiques du monde moderne ont trouvé des échos avec mes propres constats, d’autres m’ont entrainé dans des chemins que je ne veux pas emprunter quand je raisonne objectivement mais que je sens (avec horreur) attendre leur heure au fond de mon esprit.

Bref un bouquin avec du bon (un peu) et du moins bon, très bien écrit certes mais s’éparpillant trop, ouvrant la porte à la discussion et à la polémique.

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Marcel Duchamp

Recueil d'articles dans la revue l'ARC, ce livre ouvre de nombreuses portes pour analyser la portée de l'œuvre de Marcel Duchamp, autant sur la trajectoire de l'art contemporain que pour la place de l'art et de l'artiste.

Quelques articles drôles et fantaisistes, d'autres difficiles à pénétrer.

L'occasion de jeter un nouvel œil sur Duchamp et le ready-made.
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L'hiver de la culture

Le Louvre est le musée le plus fréquenté du monde avec six millions de visiteurs par an. Alors que cette vénérable institution abrite les plus grands chefs d’œuvre de l’histoire, les touristes chinois se bousculent pour photographier la Joconde avec leur téléphone portable. Ce serait Nabila qui se fout à poil, ce serait le même attroupement. Seulement voilà, dans cinq ans, Nabila, elle est shampouineuse chez Franck Provost à Melun et tout le monde l’aura oubliée. Alors que la Joconde, dans cinq cents ans, les esthètes du monde entier continueront à se pâmer devant son sourire énigmatique. Les chinois ne font donc pas la différence. A ce titre, doit-on les laisser consommer de l’art comme du fast-food ? C’est la question pertinente que pose Jean Clair dans son essai.
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Lait noir de l'aube

C'est la suite de son Journal atrabilaire que nous donne Jean Clair avec Lait noir de l'aube, un titre venu d'un poème de Paul Celan, et qui condense à merveille la couleur et la matière des émotions propres aux pensées et aux réflexions d'un homme historien de l'art, ancien directeur du musée Picasso, commissaire de grandes expositions confronté aux errements de notre époque. Des pages où se mêlent " le grave et le léger, l'annotation et le savant essai, la touche et la fresque, l'esquisse et l'achevé, la maxime et l'impromptu ".

En quelques lignes ou en quelques pages, et sous un titre qui en indique le thème, c'est son intranquillité comme dirait Pessoa face à la rapide disparition d'un monde où la lecture et la méditation avaient encore leur place, c'est son désarroi face à l'humanisme mou où l'âme de notre temps s'enflasque, que décline Jean Clair. À partir de choses vues, entendues, lues, vécues, c'est une pathologie de notre époque qu'il dresse. Une société où règne l'idéologie du " festif " si décriée par feu Philippe Muray, du " spectaculaire ", du " politiquement correct ", du " culturel "... La Culture, " ce monument de savoir et de sensibilité " a fait place à l'artistisation de la société, à l'effacement de toute distinction entre art et non-art : plus de Culture mais des cultures, de la rue, des cités, des blogs, des minorités, de l'entreprise...

Amalgames hâtifs, glu doctrinale, impostures programmées, impérialisme de l'insignifiant, rien n'échappe à notre limier solitaire traquant, sous les reflets de l'actualité, ce qui couve dans les profondeurs et ce qui se prépare de ténèbres. La fête n'est que " danse autour du bûcher ", la maison moderne se conçoit autour de la cuisine et de la salle de bains " culte du ventre et du bas-ventre " ; on fait du jogging alors qu'" il n'y a que les enfants qui courent naturellement. Ou les voleurs que l'on poursuit. Un adulte qui court, court après son enfance, ou, pis encore, se sent poursuivi par elle ". On jette l'anathème sur le tabac, l'alcool, le café qui " l'a-t-on oublié ? aidaient à travailler, à produire, à s'éjouir aussi ", tandis que la publicité pervertit allégrement les genres que sont la comédie et la pastorale, le tragique et le grotesque, pour nous vendre des pots de yaourt ou un crédit auto. De la trivialité des " communicants ", à la " danse du scalp autour de l'art, ce que c'est, ce que ce n'est pas, ce que ce devrait être, ce que ce fut, ce que ce sera ", c'est à l'agonie de l'art (" qui n'a fait qu'accompagner le déclin de la foi ") que nous assistons. Époque de soldes monstres, époque où s'achève, avec le lent naufrage de la langue, une manière de nommer le monde. " Mal dire, c'est maudire ", " avoir la haine ", tant avec la norme qui disparaît, c'est la violence qui s'établit dans la société. On ne se rend pas compte que les fautes de langue sont des fautes de pensée, qu'employer " générer " à la place d'" engendrer " c'est confondre cause et effet, qu'une expression floue cache une pensée fausse, que la langue commande le rapport à autrui. Le rappeler, c'est poser la question de l'enseignement, de la transmission, du rapport au savoir en ces temps où il se réduit à la technologie et aux techniques qui donnent accès au marché... Banalisation, nivellement, simulacre, dans un monde qui ne rêve aujourd'hui que d'un réel univoque et consommable.

Face à ce désarmement général de la pensée, face à ce degré zéro de la médiocrité, à ce " surmonde " d'images et à son galopant puritanisme d'apocalypse, le voyage n'est même plus une consolation : " pesants, rougeauds ", " le short ouvert sur des cuisses grasses et blanches, la grole au pied, le sac au dos " " alpinistes en terrain plat ", les touristes sont partout. Alors Jean Clair se console avec l'insondable capacité onirique de l'homme, et surtout en cultivant son amour de la lecture (Baudelaire, Pavese et Sebald, " ces deux grands errants mélancoliques ", Proust, les journaux d'après 1945 de Jünger), et son approche de l'art. Qu'il parle du dessin de Music ou du Picasso rhétoriqueur, la pertinence de ses vues est toujours passionnante. Ainsi de la morale du joujou, chez Picasso encore, qui prend un relief tout particulier lorsque le joujou à démonter est un corps de femme, " et que le peintre s'arrange pour revisser, ployer et tordre ses différentes parties de sorte à les avoir toutes sous la main, bouche, seins, fesses, sexe et anus, du même côté du corps ".

À une époque où les maîtres du temps sont des Messieurs Loyal télévisuels, et où la réflexion a fait place à la sociologie constatative, il est salvateur de partager les chasses subtiles d'un des derniers vrais humanistes. Un ouvrage écrit dans l'amour de la vie et de l'art, nourri d'attention aux rapports qu'entretissent les mots avec leur mémoire et leur imaginaire. Du miroitement de l'intime au déploiement quasi musical des synesthésies, en passant par un kaléidoscope de petites aventures érudites, c'est une furtive métaphysique du temps et une thérapie par le savoir que nous donne à lire, en filigrane, Jean Clair. Très subtilement réconfortant.

(critique : http://www.lmda.net/din/tit_lmda.php?Id=57265..
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Malaise dans les musées

Jean Clair publie en cette année 2007 un pamphlet particulièrement intéressant. Il s’insurge contre la politique culturelle française et la gestion particulière de ses musées. On ressent beaucoup de tristesse et de regrets de la part de l’auteur. Il regrette profondément la transformation des musées en entreprises qui cherchent désormais à faire des bénéfices, à « marchander »  l’art. Il oblige le lecteur à se poser beaucoup de questions sur le changement de statut du musée. On peut toutefois reprocher à l’auteur de ne pas soutenir son propos par des références écrites. Il est donc nécessaire de prendre du recul par rapport à la diatribe de Jean Clair qui se compose parfois d’affirmations gratuites.
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Le temps des avant-gardes : Entretiens et c..

Après un séjour à New York où triomphe l’expressionnisme abstrait, Jean Clair regagne Paris où le climat intellectuel depuis mai 68 est propice à s’ouvrir à « l’avant-garde ». Temps des premières « installations », des premiers « concepts » et des premiers « happenings »…

Jean Clair est de ceux qui écrivent, avant les autres, sur la nouvelle génération d’artistes, les Buren, Boltanski, Sarkis, Le Gac, Viallat, dans une revue que venait de fonder Aimé Maeght, Les Chroniques de l’art vivant, et qu’il dirigea de 1969 à 1975. Cette revue, qui vit le jour avant Art Press (1972) était un lieu d’observation privilégié pour rendre compte des mutations qui agitaient le milieu de l’art, tant dans les arts plastiques, que dans la musique, le cinéma et la danse. Parallèlement, il écrit dans la NRF à propos des grandes manifestations internationales, Biennale de Venise et Documenta et, à mesure, prend de plus en plus ses distances par rapport à cette avant-garde qui s’institutionnalise avant de devenir, à ses yeux, sous le nom d’« art contemporain » ce qu’avait été l’art pompier pour les amateurs fortunés du XIXe siècle.

Les chroniques consignées dans ce livre témoignent d’une époque où, sous l’influence des États-Unis qui promeuvent et vendent un art autochtone qui balaie l’art ancien, essentiellement européen, un nouveau marché se crée, de plus en plus spéculatif, qui ne cessera de s’étendre de New York à Moscou et de Venise à Pékin, destiné à une riche oligarchie internationale.
Lien : http://salon-litteraire.com/..
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