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4.9/5 (sur 10 notes)

Nationalité : Belgique
Né(e) à : Jupille-sur-Meuse (Liège) , le 22/12/1950
Biographie :

Poète et essayiste, Jean-Claude Masson (Le Testament du printemps, Gallimard, 1991, Les Saisons brûlées, Garamond, 2000, Livre d'heures du bois d'automne, Garamond, 2012) est aussi traducteur et préfacier de nombreux ouvrages de littérature espagnole, hispano-américaine et portugaise. Il est l'éditeur des Œuvres poétiques d'Octavio Paz dans la Bibliothèque de la Pléiade.

Source : Wikipedia
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Bibliographie de Jean-Claude Masson   (24)Voir plus

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Citations et extraits (20) Voir plus Ajouter une citation
Mais nous continuerons, malgré tout, de conjuguer en mémoire : les grilles de fer forgé, les fenêtres lancéolées, le cuir gaufré de Cordoue, les carreaux de faïence bleus ou dorés, la dague ouvragée, le damier d’ivoire, le secrétaire de noyer et de marqueterie percé de soixante-sept cachettes, les tommettes de la cuisine, les petits pavés arrondis de la rue, portes cloutées, fenêtres à l’espagnolette, grappes de chèvrefeuille et de jasmin, le patio qui murmure autour de la vasque, dans l’ombre mouvante du frêne. Et toutes les poteries de Talavera de la Reina. Et rien que de prononcer ce nom, le proférer suffit à éveiller l’esprit des lieux, à faire défiler l’histoire et les cartes de géographie, qu’elles soient d’ici ou de là-bas, des deux côtés de la mer océane, que l’on dise Avila ou Antigua, Tolède ou Tepozotlán, Tarragone ou Teotihuacán (et tous les Tula, Tulum, El Tajín ou Tikal), Saragosse ou Zacatecas, Palos de Moguer ou Piedras Negras, Mérida d’Extrémadure ou Mérida du Yucatán, Saint-Jacques de Compostelle ou Santa Rosa de Copán, Quiriguá ou Quintanilla de las Viñas, Médina az Zahra, Chichicastenango, Covadonga, Quetzaltenango, Covarrubias, Coazacoalcos, Zihuatanejo...

"et la rive sans bruit, et puis la nuit sans rives."

L’art et la littérature sont un sacrifice à l’infini ; c’est pourquoi, à leur modeste place, toute symbolique, mais à l’image des sacrements, ils sauvent le monde et rédiment le mal.
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Gracián, plus singulièrement, a senti venir les vents nouveaux ; il a vu approcher un autre schisme, ce point de rupture, dans l’histoire de l’Occident, que Paul Hazard a finement étudié dans La Crise de la conscience européenne. Gracián a perçu les signes avant-coureurs d’une multiple « victoire » : du mouvement sur la stabilité, du lointain sur le proche, de l’hétérodoxie sur l’orthodoxie, des nations germaniques sur les nations latines, de la bourgeoisie sur l’aristocratie et de la prose sur la poésie, en attendant l’ère de l’inquiétude et du soupçon...
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Chambre anonyme, comme la nuit :
nous ne savons rien de l'Inde.
Sommeil parcimonieux, j'entrouvre le store :
un arbre lentement s'éveille,
ses feuilles engourdies hésitent.
Le ciel est une roue de silence affolé,
le ciel entier tient dans mes yeux,
il a la couleur de ton corps nu dans l'ombre.
Le vent pénètre de tous côtés,
il a la consistance et l'odeur de la laine.

Je me lève en vitesse : la mousson n'attend pas.
("Delhi", p. 9)
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L’hortensia bleu sous les ardoises, la flamme

rousse de l’arbrisseau tranquille au coin du mur

et du bois de hêtres, le chemin creux tout au bout

de septembre et du vent tombé,

sont enclos dans la fenêtre.

Un petit nuage s’y glisse incognito

et vogue sous le verre

dans un précipité de silence

étonné :

Dieu créa le monde en automne.

(« Poème 113 », Livre d’heures du bois d’automne, p. 133).
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Et Pacôme reçut la règle de l’Ange :

douze chants dans la nuit, douze dans le jour.

L’apôtre jeta l’ancre au pays de Thèbes

où la parole coule plus fine que l’arène,

au pays du roi des eaux qui vagabondent,

pour y prier les heures avec ses compagnons.

« La vie était jeune alors, et puis la mort patiente »,

disait-il. Et jamais la cithare, ni le psaltérion,

n’ont cessé d’égrener les arpèges de mai

entre laudes et complies, des vêpres aux matines,

quand rôdait la flûte au fond des palmeraies

et que le papyrus tremblait aux berges blondes.

(« Poème 21 », Livre d’heures du bois d’automne, p. 29).
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Miracle que ce regard des Cariatides, à la fois intact et voilé. Guettant le navire au retour de Délos. Va-t-il enfin doubler le cap Sounion ? Alors, on allumera les feux sur les hauteurs, et toute la ville d’Athènes bourdonnera de la nouvelle.
Aussi miraculeux, ce regard, que le petit temple d’Athéna Nikè : la Victoire aptère, dont on coupait les ailes de crainte qu’elle ne s’envole… Demeure, Athènes.
Et puis, en plein hiver, il y a le myrte, et le pin, et le mimosa. Et les eucalyptus.
Quand la nef sera rentrée de l’île d’Apollon, les flancs lourds, Socrate pourra s’en aller pour les champs d’asphodèle.
Je broyais deux ou trois idées noires comme la ciguë - cette plante des décombres - quand, tout à coup, dans le petit musée de l’Ancienne Agora, abrité par la Stoa d’Attale, la porte de sortie, grand ouverte, m’a reconduit à mes vingt ans. L’air quasi printanier de cette fin décembre - alors qu’il neige abondamment sur une grande partie de l’Europe -, joint aux essences de Méditerranée et à l’ombre portée des colonnes - telle que l’a photographiée Jean-François Bonhomme, et telle que je l’ai photographiée à mon tour pour lui en faire présent -, entre la tête sculptée d’Hérodote et le buste d’Antonin le Pieux (le Nîmois fils adoptif d’Hadrien l’Espagnol), exposés à la porte du musée, ont produit en moi la même émotion, en l’approfondissant encore, le même étrange sentiment familier que, fraîchement débarqué à l’aéroport, j’avais éprouvé devant le mot Exodos en caractères grecs, Εξοδοσ, qui ne m’indiquait pas simplement la sortie, mais l’odos, la voie, le chemin, le voyage par mer ou par terre, et l’odè, le chant (ou le poème, dérivé du verbe chanter) et encore, par transparence, la Bible, oui : l’Exode.
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"Il appartenait à l’Italie de voir naître les deux princes de l’Exil dans la poésie classique en Occident : Ovide dans l’Antiquité, et Dante pour ce que nous appelons tristement – à notre plus grande confusion – le « Moyen Âge » et qui fut en réalité l’âge d’or de la chrétienté : Die Christenheit oder Europa, écrira Novalis, le corps mystique du Vieux Continent.

Un séjour dans la péninsule italique en ce début prometteur du XXIe siècle m’a permis de croiser à nouveau trois destins exemplaires de poètes exilés, trois paradigmes pourrait-on dire : à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Ezra Pound ; à la fin de l’Antiquité, Boèce ; entre les deux, à mi-chemin environ de la chute de Rome et de l’effondrement des empires européens modernes : Dante, le proscrit converti en icône, ou en idole. Avec La Divine Comédie, il a posé les fonts baptismaux des lettres italiennes, en même temps qu’il sculptait le Poème Cardinal de la Chrétienté.

Ce n’est pas tant à Florence qu’il faut chercher les traces de Dante, ni à Vérone, mais en des lieux de nos jours plus excentrés, à commencer par Ravenne, capitale de l’Italie à partir de l’empereur Honorius, puis sous Théodoric et à l’époque byzantine (quand Justinien fonda l’exarchat). Ensuite, la cité entra dans la corbeille des États Pontificaux, avec Pépin le Bref et les carolingiens. Ravenne, à présent, semble comme décalée, somnolente -- loin, en tout cas, de certaine arrogance florentine finement croquée par Malaparte --, mais ses trésors d’art, en termes de qualité, n’ont rien à envier ni à la Vénétie ni à la Toscane, et pas même au Latium..."

Jean-Claude Masson, Poeta in partibus, "Argument", p.10
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"Pour Voegelin comme pour Schelling ou Herder, ce n’est pas l’histoire qui crée le mythe, mais le mythe qui génère l’histoire, qui la sécrète. Beaucoup de poètes le savent d’instinct. Et quand la dimension mythique est oubliée, voire bafouée, la barbarie n’est jamais loin. Tel fut le sentiment éprouvé par un Delphien d’adoption, Anghélos Sikélianos (1884-1951)*. Bouleversé par son expérience de la Première Guerre mondiale, puis par l’incendie de Smyrne (de nos jours Izmir) et l’exode des Grecs de l’ancienne Ionie (dont faisait partie la famille de Séféris), Sikélianos ressentait l’urgente nécessité d’un renouveau spirituel de l’Europe, si l’on voulait éviter le naufrage définitif. Il partageait ainsi les vues d’un certain nombre d’intellectuels de l’entre-deux-guerres, à commencer par Romain Rolland. Dans cette optique, avec sa compagne américaine, Eva Palmer*, le poète crée le festival de Delphes, en 1927, qui compte sur l’appui de diverses personnalités, dont le mécène Benakis (fondateur du musée athénien qui porte son nom). Mais il rencontre aussi de nombreux obstacles, voire une sourde animosité, dans sa dénonciation du matérialisme et de l’athéisme comme agents corrupteurs de la civilisation occidentale. A la fin de sa pièce Sibylle, Sikélianos prête ces mots à la devineresse :

le Sud, le Nord, l’Est et l’Ouest
sont une grande Croix : sur elle je vois
l’esprit de l’homme toujours cloué."
(p. 64-65).

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Mais cela même qui est si précieux, si rare, cette lumière incorporelle et qui devient le corps de tout, insubstantielle et qui devient l’essence des choses, impondérable et qui donne au monde tout son poids, cela même, pour se goûter, s’apprécier à son juste prix, doit d’abord se préserver, se protéger. Les Grecs de l’âge classique n’avaient pas de complexe en ce domaine, pas plus que d’autres civilisations dans leur maturité : une culture est morte qui ne se défend plus. La poésie amoureuse des Grecs - idyllique ou érotique - est inséparable des chants guerriers ou patriotiques, tout comme Hector est indissociable de la défense de Troie et de son Andromaque, tout comme Ulysse de ses innombrables travaux, épreuves et exploits, inséparable de ses mille tours d’adresse et de sa patiente et endurante Pénélope. D’où le succès, que ce fût à Sparte, à Olympie ou à Ephèse, de poètes comme Tyrtée (tant apprécié de Jean Richepin) ou de Callinos (qui vécut peu après Homère)
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"Œdipe, Othello, Sartoris : c’est dans la confrontation à ces images mythiques que le moderne, au sens actuel, révèle toute son inconsistance - et toute son impuissance. Dans sa variation sur la problématique d’Erostrate, Pessoa écrivait (vers 1925 !) : « Les Grecs s’efforçaient d’être parfaits dans tout ce qu’ils entreprenaient - au jeu et dans les sports comme en poésie et dans le raisonnement. Nos poètes écrivent de la poésie n’importe comment ; nos penseurs pensent n’importe comment. Seuls nos coureurs courent vraiment, parce qu’ils ne courent nulle part ». Quant à nos héros de cinéma, disait le poète portugais en paraphrasant T. S. Eliot qui venait de publier un de ses poèmes fondateurs, ce sont des « hommes creux » (hollow men). Et il ne restera rien de notre peinture… Déjà les banquiers s’inquiètent, devant leurs stocks de croûtes achetées à prix d’or. Et notre roman light s’écroule sous ses propres déchets" (p. 39-40).
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