C'était le rituel, une fois par semaine, le mercredi, et ça a duré des années. Il [mon grand-père] nous faisait toujours ses spaghettis bolognaise et nous ne voulions rien d'autre. Il posait la casserole fumante et odorante sur un journal plié en deux au milieu de la toile cirée de la table et il nous disait: "Mangiate!" Dans la pièce voisine, ma mémé Chiara, qui commençait à perdre la tête, répétait sans fin la même question: "Marcello, chi c'è?" Marcello, qui est là? A quoi il finissait par répondre: "Sono le tue nipoti", c'est tes petites-filles. Alors elle se taisait pour un moment avant de recommencer: "Marcello, chi c'è?" (...) Il était heureux de nous avoir et de nous faire plaisir, une fois par semaine. Mais c'est lui qui est parti le premier. Mémé Chiara est toujours en vie, dans sa maison de retraite, et elle continue à demander "Marcello, chi c'è?" toutes les quinze secondes environ. La vie est mal fichue.