Jean Clausel

L'amour, c'est très différent, cela commence au niveau du regard, un regard qui passe sur votre regard avec un petit coup d'épingle, même pas un sourire ou une invite, un regard comme cela, qui se reproduit. Il n'y a pas d'obstacle, la rencontre devient simple, vraie, on peut parler de liberté. L'argent intervient, pour quelques piécettes! Elles ne se déshabillent jamais, elles écartent leur sari de coton, car ici, ce sont des paysannes pauvres, des bergères comme celle que je vais visiter ; je suis sensible à leurs gestes, elles écartent leurs voiles comme des rideaux. J'adore aussi les regarder lorsqu'elles s'épilent. Elles s'épilent entièrement. Pour le sexe elles utilisent un petit miroir et une lame de rasoir. Des gestes si précis, si minutieux! Elles sont discrètes. Mes cheveux longs et blonds me différencient encore ; faire l'amour avec moi pour un peu d'argent ne les engage pas. Elles disent que j'ai des cheveux morts. Les Indiens n'aiment les cheveux que noirs et huilés. Je reste ici l'après-midi dans le courant d'air de cette terrasse où vous m'avez trouvé.