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4.54/5 (sur 25 notes)

Nationalité : France
Né(e) à : Laon, Aisne , le 30/11/1931
Mort(e) à : Versailles , le 21/10/2001
Biographie :

Jean-François Chiappe est un historien et un producteur de radio et de télévision français. Sur le plan politique, Jean-François Chiappe appartenait aux courants monarchistes et catholiques.

Dès 1957, il devient coauteur et coproducteur de programmes pour la télévision. Il collabore ainsi aux émissions "Télé-Match", "La roue tourne" et "La Tête et les jambes".

À la radio, il participe à "la Tribune de l'Histoire", créée en 1951 par André Castelot et Alain Decaux. À partir de 1963 et jusqu’en 1997, il est coproducteur de cette émission. Il signe lui-même quelques dramatiques pour France Inter et participe également aux émissions "L’Histoire en question" et "Questions pour l’histoire".

Auteur de nombreux ouvrages consacrés à l'histoire, il a été un temps le rédacteur en chef de la revue "Le Miroir de l'histoire", et a contribué au succès en France des ouvrages de vulgarisation historique.
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Source : Wikipedia
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Bibliographie de Jean-François Chiappe   (12)Voir plus

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Video et interviews (3) Voir plusAjouter une vidéo

L'Enlèvement des Sabines
Suite à la diffusion du film "L'enlèvement des Sabines" de Richard POTTIER, Joseph PASTEUR reçoit les historiens Claude NICOLET, Raymond BLOCH, Gilbert Charles PICARD et Jean François CHIAPPE pour débattre de la part imaginaire ou réelle des origines de Rome.

Citations et extraits (7) Ajouter une citation
[...] ... De l'ampleur de la guerre des Farines, nous ne saurons à peu près rien, sinon qu'elle mit sous les armes quelques vingt-mille officiers, bas-officiers et soldats. Ce chiffre-là nous est connu parce que les commandements de régiments et de compagnies, encore propriétaires, fournissent leurs factures au ministre de la guerre. Pour l'instant, ce n'est pas le comte de Muy, mais M. Turgot persuadé qu'une certaine convergence des insurgés procède de calculs établis par de souterrains états-majors. Le baron [= Turgot] a laissé monter la livre de pain au-dessus de 14 sous ; c'est d'abord pour éprouver son système et ensuite pour en finir avec M. Necker, Mgr le prince de Conti et quelques autres. Comme il apparaît délicat de dresser un tableau de chasse ! La multitude des témoignages rend l'opération impossible. L'abbé Terray [= ancien ministre de Louis XVI au budget] note : "On a vu des suppôts de police forcer eux-mêmes des boulangers à ouvrir leurs boutiques et à donner du pain aux mutins." La mollesse du guet paraît indiscutable et le contrôleur général, homme de clan, en profite pour régler son compte à M. Le Noir, protégé de M. de Sartine. Louis XVI s'en souviendra. Les Gardes Françaises, sous M. de Biron, ne tirent jamais mais donnent de la baïonnette. C'est une action responsable. Comme l'écrira bientôt Souvorov : "La balle est folle, seule la baïonnette est un héros." Les mousquetaires noirs et gris mettent de la bonne humeur à donner du plat de sabre. L'étrange, c'est la diversité de vision qu'en retiennent les spectateurs ; certains éprouvent une peur incoercible à regarder les bataillons de la faim tout briser sur leur passage. D'autres s'amusent à considérer ces tumultes de leurs balcons et vont jusqu'à adresser des signes d'intelligence aux émeutiers. Finalement, M. Turgot gagne sa petite guerre. Le danger passé, le Parlement, bien sûr, est intervenu. Ne doutant pas de sa justice mais de la sauce à la vipère dans laquelle il fait baigner son arrêt, Louis XVI a convoqué la Grand-Chambre à Versailles. Le Roi, toujours méthodique, a rédigé son allocution. Horreur, il l'égare. Bonheur, il l'improvise. Il défend si habilement aux magistrats de se mêler à l'affaire que chacun acquiesce sauf, ce n'est pas une surprise, le prince de Conti que soutient le conseiller Fourqueux.

Tandis qu'une poignée d'insurgés poursuit sa danse de la faim en Ile-de-France où le marquis de Poyanne, commandant les carabiniers de Monsieur [= le comte de Provence, futur Louis XVIII], finira, mais dans quelques jours seulement, par réduire la farandole, le lieutenant général de Vaux, vétéran de Corse, soumet le maquis parisien. Vient l'heure de la répression. Le Roi, déférant les coupables devant les cours prévôtales, interroge le contrôleur général [= Turgot] :

- "Au moins, n'avons-nous rien à nous reprocher ?"

Serait-ce un pluriel de majesté ? Il n'y paraît pas. Nous représente tout à la fois le souverain ayant accordé sa confiance au ministre, et le ministre lui-même. ... [...]
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[...] ... Le piège s'est refermé sur Berry.

Il retrouve [son frère aîné] le tyranneau dont il vivait séparé depuis deux ans. Pour Bourgogne, il ne s'agit plus de tricher aux cartes ou de soumettre son frère à de menues brimades, mais de cathéchiser son jouet. A l'instar des fillettes apprenant les bonnes manières à leur poupée, Louis-Joseph entend prêcher la morale à Louis-Auguste. Animé d'excellentes intentions mais en proie à des obstinations de malade, doté d'une nature impérieuse encore renforcée par sa situation de grabataire, l'aîné, conscient avant son père et sa mère de la gravité de sa position, veut, à travers des imperfections mêmes dénoncées par ses propres soins, conférer à son cadet toutes les vertus. Berry, selon le calcul des parents, devait distraire Bourgogne, contribuer à sa guérison, mais Berry n'est pas distrayant et Bourgogne est inquérissable. Le joli garçonnet, hier sanglé, un rien boudiné dans son dolman rose, disparaît dans la forêt de dentelles de ses chemises de nuit. Pâle, amaigri, il parle avec effort. Sous le bistouri, le mal, jusque là sommeillant, a galopé sur le pauvre corps, s'est emparé des poumons. On peut se soustraire aux injonctions d'un être bien portant, l'ignorer ou le fuir. On ne saurait échapper aux caprices d'un infirme. Une étrange séduction émane de Monseigneur de Bourgogne ; s'il demeure la proie des caprices du jeune âge, il détient, dévolues par la prescience de sa fin, la sagesse et l'autorité. Un enfant saisi par l'Ange de la Mort n'est plus un enfant, il attire, fascine, exerce une attraction malsaine ; Louis-Auguste ne connaît plus que la longue et quotidienne visite à Louis-Joseph. Au pied du lit, le puîné docilement écoute les propos édifiants de l'alité. La fragile idole, impérieuse dans son humilité, s'est piquée d'entreprendre un rude travail ; elle entend décrire toutes ses bêtises afin d'empêcher son frère de choir dans les mêmes erreurs.

De sa pauvre voix, fêlée mais sans réplique, Bourgogne enjoint à Berry, hier encore si confortablement blotti dans les paniers de Mme de Marsan [= gouvernante des Enfants de France] :

- "Venez apprendre comment on en usait avec moi pour me corriger de mes défauts, cela vous fera du bien." ... [...]
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[...] ... Si doué que soit Calonne [= ministre des Finances], si riche de promesses qu'ait été son action, sa chute présente moins d'intérêt en elle-même que l'étrange lumière dont elle baigne la physionomie du Roi. Jusqu'à présent, il s'est montré, après les décisions délicates à prendre dans les premiers mois du règne, assez sûr de lui, même s'il s'est accordé le temps de la réflexion. Au jour le jour, donnant l'exemple tout à la fois de la modestie et de l'autorité, il s'est initié sans heurt à son métier. Lorsque des ministres ont cessé de lui donner satisfaction, il les a congédiés, non sans élégance, les maintenant dans des fonctions honorifiques, ouvrant largement sa cassette afin de leur offrir des compensations. Changeant parfois les hommes, il n'a point varié dans sa politique. Certes, il a laissé pratiquer des économies inopportunes en restreignant, en supprimant même trop d'unités de sa maison militaire au lieu de procéder à des retranchements plus considérables dans le domaine civil. A coup sûr, il a, par amour, laissé sa femme négliger ses devoirs de représentation pour s'enfermer dans un petit clan, sans doute honorable mais ruineux. Enfin, et toujours par amour, il a mal manoeuvré dans l'affaire du Collier par excès de confiance dans la magistrature. On pourrait relever d'autres erreurs, telle l'ordonnance Ségur [= qui exigeait désormais quatre quartiers de noblesse pour les militaires avant l'obtention de l'épaulette], et l'on est en droit de penser qu'il eût mieux valu dominer Turgot et assouplir son programme plutôt que de se priver entièrement de son concours. S'il fallait un bilan, on le jugerait positif jusqu'au soir de Pâques 1787. A partir de ce jour, un ressort se brise. Louis XVI régnait et gouvernait, même s'il accordait de larges délégations. Désormais, il va régner sans gouverner ou, à tout le moins, donner cette apparence en entrant fréquemment en contradiction avec lui-même. Il ne présente toutefois aucun signe de déficience physique, continue de mener une existence très régulière, n'inquiète pas ses médecins. Une seule anomalie : sa passion pour la chasse se situe maintenant en-dehors des limites raisonnables. S'il ressent le besoin de se dépenser, luttant du même coup contre une tendance à l'embonpoint, s'il trouve, comme ses aïeux, un plaisir extrême à découpler, il prend des risques extravagants. D'évidence, il cherche à s'étourdir. Un jour, le prince de Lambesc le trouve, assis dans l'herbe, sanglotant à la lecture d'écrits anonymes calomniant Marie-Antoinette. Sa tendance à l'éloignement se précise. Il se mure toutes les fois qu'il le peut sans manquer à ses obligations. Ses enfants sont encore trop jeunes pour qu'il puisse s'en occuper efficacement. En outre, le Dauphin continue à inspirer des inquiétudes. Le Louis XVI radieux du voyage de Cherbourg retrouve le caractère taciturne de son enfance. Il n'a pas atteint trente-trois ans qu'il a perdu son enthousiasme, se fige, croit toujours en son principe mais paraît douter de lui-même et des autres. ... [...]
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[...] ... Trois méchancetés vont cependant voiler le bonheur de Marie-Antoinette [lors de la naissance de son premier enfant]. Au jour même de la naissance, alors que l'Hôtel de Ville, les Invalides, le Luxembourg, le Palais-Bourbon, où nichent les Condé, scintillent sous les lanternes et les pots à feu, le Palais-Royal, gîte des Orléans, demeure dans l'ombre. Passant devant le noir édifice, la comtesse de Rostaing, épouse d'un artilleur distingué, s'écrie, et le mot fera le tour de la ville :

- "Oh ! Mon Dieu, voilà une illumination qui a l'air de bouder !"

Deuxième fausse note : le lundi 8 février 1779, lorsque le souverain et son épouse se rendent à Paris pour de nouvelles festivités, les acclamations, crépitantes chez les échevins, fournies à la Cité, se font rares devant Notre-Dame. Elles reprennent bien au Pont-Neuf, grâce aux marchandes d'oranges, mais s'éteignent à nouveau aux abords de la place Louis-XV. A la Reine, affectée de cette tiédeur, M. de Mercy [= ambassadeur d'Autriche à la cour de France] fournit cette explication : "L'idée de la dissipation des dépenses qu'elle occasionne, enfin de l'apparence d'un désir immodéré de s'amuser dans un temps de calamités et de guerre, tout cela peut aliéner les esprits et demande un peu de ménagement."

Troisième fausse note : lors du baptême de Madame Royale, en l'église Notre-Dame de Versailles, le comte de Provence [= Louis Stanislas, frère cadet du Roi, dit "Monsieur" et futur Louis XVIII] représente le parrain, Charles III [= roi d'Espagne]. Le cardinal de Rohan va conférer le sacrement. Monsieur lui fait observer qu'il faut respecter la première formalité : indiquer le nom du père de l'enfant. Il se trouve des assistants pour sourire de manière entendue. L'éminence, distraction ou légèreté, ne pipe mot. Le curé se garde de tout commentaire. Nul ne s'étendra sur cette grossièreté sans nom, et pourtant lorsque l'on connaît les rancunes de Marie-Antoinette et certaines susceptibilités du Roi, n'est-on pas en droit de supposer qu'une affaire dont une reine trop étourdie et un prélat trop préoccupé du siècle seront l'un et l'autre - l'un contre l'autre - les victimes, n'aurait jamais éclaté ? A quoi bon, toutefois, vivre à l'avance des heures grises ? Louis XVI est père. Les temps les plus difficiles semblent passés. C'en est fini des incertitudes. ... [...]
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[...] ... 22 novembre. Mgr Jérôme Champion de Cicé remet les Sceaux. Rien, au Roi, ne sera donc épargné, pas même l'abandon des clercs. Pourquoi ? Il a perdu son ascendant ; sous la magnifique enveloppe d'un cavalier de trente-cinq ans, il est devenu - s'en rend-il compte ? - un être prématurément vieilli par la douleur. On se répand en conjectures sur son mal. Atteint très jeune de phtisie, n'avait-il pas conjuré son mal à force d'exercices violents ? Lorsqu'on contemple ses portraits du moment, on est saisi par le contraste. Brun nous montre un être jeune, séduisant, aux yeux clairs. Carteaux nous présente une manière de Charles IV [= d'Espagne], aux joues affaissées, au regard éteint. Que Louis ait été poitrinaire ressortit à l'évidence, mais il semble bien qu'une alimentation saine, une activité physique l'aient tiré de ce mauvais pas. Serait-il rongé par une autre maladie ? Aucun rapport médical ne permet de l'affirmer. Quant à l'insuffisance glandulaire souvent évoquée, elle ne transparaît qu'à travers deux ou trois tableaux relevant de la caricature. Une autre question se pose. Le Roi ne serait-il pas atteint d'une tumeur maligne ? Elle n'expliquerait point pourquoi ce prince sobre et peu gourmet éprouve le fréquent besoin de croquer dans une miche ou de boire un verre d'eau, ou plus rarement de vin. Assurément, la maladie empire, n'embrume jamais l'esprit mais paralyse quelquefois les réflexes. Marie-Antoinette, l'évaporée d'autrefois, s'est muée en une princesse, faillible sans doute mais dotée d'une exceptionnelle intuition. De tout son coeur, de toute son âme, elle aide son mari. En l'épousant, ne s'est-elle point mariée avec la France ? Il n'écrit plus beaucoup ; prisonnier de son goût pour la perfection, il se défie de la plume. Elle, au contraire, appelle à l'aide sur tous les tons. Pour lui, le doute est intervenu dès 1787, et la catastrophe en 1789. Pour elle, il en va différemment. Alors qu'il croit possible une reconquête effectuée pas à pas, elle considère comme exclue une remontée progressive. Par malheur, elle ne trouve que peu d'alliés. A Paris, elle entretient des rapports courtois avec Monsieur [= le comte de Provence, futur Louis XVIII] sans oublier qu'hier encore il se répandait en calomnies sur la légitimité des enfants royaux. De l'Emigration, elle n'attend rien, mésestimant, à tort, les talents de Condé [= prince du sang et cousin de Louis], ne prenant pas au sérieux le comte d'Artois [= futur Charles X]. Sur ce point, elle est en désaccord avec Madame Elisabeth [= soeur du roi et, partant, de Provence et d'Artois. Elle avait un faible pour ce dernier.] Cette sainte s'en remettrait volontiers à ce gracieux démon, et, dès qu'elle parle de Galaor, Marie-Antoinette se fâche. Cela donne lieu quelquefois à des scènes odieuses. L'une comme l'autre confesseront : "Notre vie est un enfer." Que penser des ministres ? La Reine, longtemps protectrice de Necker, sans aveuglement sur le gros bonhomme mais par nécessité, n'accorde aucun crédit aux débris de son équipe non plus qu'à ses remplaçants. Hors M. de Fleurieu, qu'elle acceptera bientôt comme gouverneur du Dauphin, elle ne s'entretient qu'avec "le petit Montmorin" qu'elle juge trop flexible. Elle se heurtait à La Tour du Pin, à propos de menues faveurs, ignorait la qualité de La Luzerne. Admettant le dévouement de Saint-Priest, elle apprécie médiocrement les airs qu'il adopte lorsqu'il évoque M. de Fersen. Connaît-elle des nuits chaudes auprès de ce gentilhomme venu du Nord ? A Versailles, c'était impossible, aux Tuileries, c'eût été fort risqué. A Saint-Cloud, peut-être ... La science - puisque, dit-on, l'Histoire en est une - doit-elle conduire à l'indiscrétion ? Que Marie-Antoinette ait suscité un culte de la part de Hans-Axel ne présente aucun doute. Qu'elle ait éprouvé pour ce seigneur un sentiment allant au-delà de l'amitié ne se discute pas. Que sa rayonnante beauté, sa grâce aient profondément ému ce coureur de jupons ... Bien sûr, MM. de Coigny, de Besenval, de Lauzun, sans oublier [le futur Conventionnel] Alexandre de Lameth, s'étaient trouvés dans le même cas. Voir la Reine, c'était l'aimer et, pour certains, l'aimer à en perdre la raison ... A l'exception de Fersen et de Mercy [= ambassadeur d'Autriche], de quelques fidèles tel Reynier de Jarjaye, elle ne peut guère se confier. Tenant pour considérable l'ascendant de Mirabeau, elle n'en est pas moins souvent fortement déçue par le comportement équivoque d'un personnage dont les discours apparaissent trop souvent en contradiction avec les notes, tantôt lumineuses, tantôt irréalistes, qu'il adresse aux Tuileries. ... [...]
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[...] ... Aussitôt qu'il est descendu [de voiture], les aides [du bourreau] veulent s'emparer de ses vêtements, il les repousse, quitte lui-même son habit, ouvre le col de sa chemise et, pour dégager le cou, la rabat sur ses épaules. Lorsque les bourreaux tentent de lui saisir les mains, il les retire, non sans vivacité :

- "Que prétendez-vous ?

- Vous lier.

- Me lier. Non, je n'y consentirai jamais. Faites ce qui vous est commandé mais vous ne me lierez pas."

Les bourreaux vont-ils réclamer de l'aide ? Un atroce pugilat s'ensuivra-t-il ? Louis XVI jette vers M. de Firmont [= son confesseur, insermenté bien sûr] un regard interrogateur. Alors, le prêtre trouve les seules paroles possibles pour apaiser son pénitent :

- "Sire, je vous en ce nouvel outrage un dernier trait de ressemblance entre Votre Majesté et le Dieu qui va être sa récompense."

Louis XVI aquiesce.

- "Assurément, il faut Son exemple pour que je me soumette à pareil affront."

Et à ses tourmenteurs :

- "Faites ce que vous voudrez, je boirai le calice jusqu'à la lie."

Les mains attachées dans le dos, il se laisse sommairement couper les cheveux, qu'il porte courts sous la perruque, puis, appuyé sur M. de Firmont, commence à grimper le roide escalier de Sanson. C'est pour un homme de sa taille et de son poids extrêmement malaisé. Un instant, on croit qu'il va faiblir. Cela tient seulement à la difficulté de se maintenir en équilibre. Dès qu'il parvient au faîte, "il s'arrache pour ainsi dire" à ses bourreaux et traverse d'un pas souverain la plate-forme dans toute sa largeur. D'un signe, il arrête les tambours et, d'une voix tonnante "qu'on entendit jusqu'au pont-tournant", il s'écrie :

- "Peuple, je meurs innocent de tous les crimes qu'on m'impute. Je pardonne aux auteurs de ma mort et je prie Dieu que le sang que vous allez répandre ne retombe jamais sur la France ..."

Il va poursuivre. Des soldats pleurent. Le général Berruyer, et non pas son adjoint, Beaufranchez d'Ayat, fils de Morphise, ancienne maîtresse de Louis XV [= Louise O'Murphy, dite Morphise, dont le fils illégitime se trouvait donc être l'oncle "pour moitié" de Louis XVI] fait reprendre les tambours. Sanson demeure sans initiative. Son fils et son premier valet s'activent, bouclent les sangles. On entend "un cri affreux" [= le cou du Roi était trop fort pour la "lucarne" de la guillotine. On peut penser qu'il mourut à la fois étouffé et guillotiné, la lame tombant non sur le cou mais sur la mâchoire.] Le couperet tombe. Il est dix-heures vingt-deux minutes. ... [...]
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[...] ... 22 novembre. Mgr Jérôme Champion de Cicé remet les Sceaux. Rien, au Roi, ne sera donc épargné, pas même l'abandon des clercs. Pourquoi ? Il a perdu son ascendant ; sous la magnifique enveloppe d'un cavalier de trente-cinq ans, il est devenu - s'en rend-il compte ? - un être prématurément vieilli par la douleur. On se répand en conjectures sur son mal. Atteint très jeune de phtisie, n'avait-il pas conjuré son mal à force d'exercices violents ? Lorsqu'on contemple ses portraits du moment, on est saisi par le contraste. Brun nous montre un être jeune, séduisant, aux yeux clairs. Carteaux nous présente une manière de Charles IV [= d'Espagne], aux joues affaissées, au regard éteint. Que Louis ait été poitrinaire ressortit à l'évidence, mais il semble bien qu'une alimentation saine, une activité physique l'aient tiré de ce mauvais pas. Serait-il rongé par une autre maladie ? Aucun rapport médical ne permet de l'affirmer. Quant à l'insuffisance glandulaire souvent évoquée, elle ne transparaît qu'à travers deux ou trois tableaux relevant de la caricature. Une autre question se pose. Le Roi ne serait-il pas atteint d'une tumeur maligne ? Elle n'expliquerait point pourquoi ce prince sobre et peu gourmet éprouve le fréquent besoin de croquer dans une miche ou de boire un verre d'eau, ou plus rarement de vin. Assurément, la maladie empire, n'embrume jamais l'esprit mais paralyse quelquefois les réflexes. Marie-Antoinette, l'évaporée d'autrefois, s'est muée en une princesse, faillible sans doute mais dotée d'une exceptionnelle intuition. De tout son coeur, de toute son âme, elle aide son mari. En l'épousant, ne s'est-elle point mariée avec la France ? Il n'écrit plus beaucoup ; prisonnier de son goût pour la perfection, il se défie de la plume. Elle, au contraire, appelle à l'aide sur tous les tons. Pour lui, le doute est intervenu dès 1787, et la catastrophe en 1789. Pour elle, il en va différemment. Alors qu'il croit possible une reconquête effectuée pas à pas, elle considère comme exclue une remontée progressive. Par malheur, elle ne trouve que peu d'alliés. A Paris, elle entretient des rapports courtois avec Monsieur [= le comte de Provence, futur Louis XVIII] sans oublier qu'hier encore il se répandait en calomnies sur la légitimité des enfants royaux. De l'Emigration, elle n'attend rien, mésestimant, à tort, les talents de Condé [= prince du sang et cousin de Louis], ne prenant pas au sérieux le comte d'Artois [= futur Charles X]. Sur ce point, elle est en désaccord avec Madame Elisabeth [= soeur du roi et, partant, de Provence et d'Artois. Elle avait un faible pour ce dernier.] Cette sainte s'en remettrait volontiers à ce gracieux démon, et, dès qu'elle parle de Galaor, Marie-Antoinette se fâche. Cela donne lieu quelquefois à des scènes odieuses. L'une comme l'autre confesseront : "Notre vie est un enfer." Que penser des ministres ? La Reine, longtemps protectrice de Necker, sans aveuglement sur le gros bonhomme mais par nécessité, n'accorde aucun crédit aux débris de son équipe non plus qu'à ses remplaçants. Hors M. de Fleurieu, qu'elle acceptera bientôt comme gouverneur du Dauphin, elle ne s'entretient qu'avec "le petit Montmorin" qu'elle juge trop flexible. Elle se heurtait à La Tour du Pin, à propos de menues faveurs, ignorait la qualité de La Luzerne. Admettant le dévouement de Saint-Priest, elle apprécie médiocrement les airs qu'il adopte lorsqu'il évoque M. de Fersen. Connaît-elle des nuits chaudes auprès de ce gentilhomme venu du Nord ? A Versailles, c'était impossible, aux Tuileries, c'eût été fort risqué. A Saint-Cloud, peut-être ... La science - puisque, dit-on, l'Histoire en est une - doit-elle conduire à l'indiscrétion ? Que Marie-Antoinette ait suscité un culte de la part de Hans-Axel ne présente aucun doute. Qu'elle ait éprouvé pour ce seigneur un sentiment allant au-delà de l'amitié ne se discute pas. Que sa rayonnante beauté, sa grâce aient profondément ému ce coureur de jupons ... Bien sûr, MM. de Coigny, de Besenval, de Lauzun, sans oublier [le futur Conventionnel] Alexandre de Lameth, s'étaient trouvés dans le même cas. Voir la Reine, c'était l'aimer et, pour certains, l'aimer à en perdre la raison ... A l'exception de Fersen et de Mercy [= ambassadeur d'Autriche], de quelques fidèles tel Reynier de Jarjaye, elle ne peut guère se confier. Tenant pour considérable l'ascendant de Mirabeau, elle n'en est pas moins souvent fortement déçue par le comportement équivoque d'un personnage dont les discours apparaissent trop souvent en contradiction avec les notes, tantôt lumineuses, tantôt irréalistes, qu'il adresse aux Tuileries. ... [...]
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