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3.96/5 (sur 13 notes)

Nationalité : Suisse
Né(e) à : Gaillard , 1938
Biographie :

Jean-Jacques Langendorf né en 1938 à Gaillard est un historien, écrivain et essayiste suisse.

Né en Savoie d'un père allemand et d'une mère suisse, il vit actuellement en Autriche où il partage son temps entre l'Histoire militaire, l'écriture de nouvelles et l'étude de la pensée contre-révolutionnaire. Il collabore également à divers journaux et revues européens.

Source : Wikipedia
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Bibliographie de Jean-Jacques Langendorf   (10)Voir plus

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Citations et extraits (5) Ajouter une citation
Ce rude périple dans les hautes vallées de l'Hindou-Kouch m'amène à me poser des questions, et aussi à donner des précisions, sur un point particulier. Depuis quelques années, un concept littéraire a fait son apparition, celui des "écrivains voyageurs" ... A partir de quand un écrivain commence-t-il à être "voyageur" ? Xavier de Maistre, qui voyage autour de sa chambre, l'est-il ? Ramuz, qui se rend à Paris, l'est-il ? Et pour ceux qui ne voyagent pas du tout, parce qu'ils ont horreur de ça, le fait d'aller tous les jours acheter un paquet de Gitanes au tabac du coin fait-il d'eux des "écrivains tabagistes"? En réalité, l'écrivain voyageur est un homme du spleen, un homme qui entend mettre de l'âme, et surtout du vague à l'âme, dans ses voyages et des voyages dans son âme qui, peut-être, le conduiront sinon sur la voie de l'absolu, du moins sur celle de l'apaisement ou, alors - c'est une possibilité - sur celle de la déchéance. A la recherche du sublime ou du sordide, il est avant tout, à travers ses impressions, à la recherche de lui-même. Nicolas Bouvier en est l'exemple parfait. La plupart de ceux qui voyagent de cette manière ont finalement pour dessein de nous donner un beau récit, pétri à partir des douleurs de l'âme. Tous, plus ou moins, sont dans l'antichambre de l'esthétisme ou carrément de plain-pied dans ce dernier.

Il existe toutefois un autre type de voyageurs, et ceux que j'ai mentionnés font partie de cette catégorie. La finalité de leur voyage ne relève pas de la flatulence psychologique, mais d'un objectif matériel. Thomas-Joseph Arnaud veut atteindre Ma'rib pour en dresser le plan, Eduard Glaser parcourt le Yémen pour en relever les inscriptions, Sir Thomas Holdich les confins septentrionaux des Indes pour les délimiter, Wilhem Wassmuss est sur le Golfe Persique pour soulever les Tangistanis, Emin Pacha en Afrique pour administrer une région et en éradiquer l'esclavage, Werner Otto von Hentig en Afghanistan pour porter un coup mortel aux Britanniques, etc. Qu'ils soient géographes, géologues, ethnologues, zoologues, administrateurs, chasseurs, artistes, archéologues - que sais-je encore ? - et bien que la plupart d'entre eux aient beaucoup écrit, ils n'entrent pas dans cette catégorie d'"écrivains voyageurs". D'un côté, Ella Maillart, de l'autre, Sven Hendin. On mesurera l'abîme.

pp. 257-258
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C’est à cette époque que le vieux Matossian mourut. Akhenaton l’ensevelit sous une des dalles du chœur, comme un conquérant des âges obscurs. En même temps que le corps disparaissait dans l’éternité de la pierre, il se sentit plus libre. Il n’avait jamais osé révéler à son père qu’il haïssait, en fait, la Méditerranée et son monde. Sa lumière abominable, ses cyprès noirs, ses oliviers aux pelages argentés, ses villages pouilleux l’écœuraient. Depuis l’enfance il ne rêvait que de brumes, d’îlots érodés, battus par des vents et des vagues féroces, d’un soleil se couchant à trois heures de l’après-midi et d’aubes n’en finissant plus de commencer. Il avait lu Ossian et l’idolâtrait tout en connaissant la supercherie, et Coleridge, et Hamann. Son cœur, pour tout dire, était éperdu de grisailles, de crachin, de brumes bleues. Les tableaux de Friedrich et de Turner ornaient ses salons.
Au large de l’Écosse, dans l’archipel des Hébrides, il acheta une vaste île, inclinée vers la mer, faite de pâtures, de bois rabougris et de quelques étangs. Elle l’avait séduit par sa pluie quasi perpétuelle et surtout par des surfaces assez vastes pour contenir un « musée architectural », ainsi qu’il se plaisait à nommer sa collection.
L’île à peine acquise il n’eut de cesse de la « meubler ». Chaque fois qu’un de ses démarcheurs lui annonçait la découverte d’un châtelet, d’un donjon, d’une fermette, d’un moulin à vent, d’une abbaye, d’une isba, d’un bunker, d’un temple grec, d’une pagode, d’un mastaba, d’une cathédrale, d’un chalet suisse, d’un stupa, que sais-je encore, il se rendait sur place, examinait, évaluait puis achetait en général. En soi, mesuré à l’aune de sa fortune, le coût de ces opérations d’appropriation était dérisoire. De vieux gentlemen ruinés, des paysans noyés dans la lie, des hippies ayant échoué dans de hardies tentatives agricoles et bio-régénératrices, de gâteuses dames en mantilles noires pleurant un lieutenant tué lors de la guerre du Rif, étaient trop contents de se débarrasser de ce qu’ils avaient fini par considérer comme de dispendieux tas de cailloux. Où la fortune commençait à intervenir, c’était au moment du démontage et du transport. Des ingénieurs, des architectes, de boutonneux étudiants ès arts, secondés par une armée de maçons et de tailleurs de pierre s’employaient à désosser les monuments et, numérotation de leurs parties faite, à les charger sur des camions qui les transportaient jusqu’à Anvers. De là des navires battant pavillon Matossian les acheminaient à travers brumes et tempêtes jusqu’à l’île d’Orcow où de consciencieux artisans irlandais les remontaient. (« Neuschwanstein sur Mer »)
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Qu’était-ce donc, ce Boche qui nous était tombé du ciel ? L’Allemand avait raconté la chute du zeppelin, cette grande chose pleine d’air, au ventre déchiré, poussée depuis des heures vers le sud, par un vent léger. L’atterrissage brutal, dans les arbres, avait été suivi de l’embrasement. Les flammes avaient épargné l’Allemand, projeté au loin dans un fourré. Il n’avait même pas une contusion. La langue de feu avait happé son équipage et l’avait passé au chalumeau. Il n’y avait pas de survivants. « Soyez assuré, baron, que vos hommes seront ensevelis avec les honneurs de la guerre, les formalités achevées, et que je ferai tout pour que vous puissiez assister aux obsèques. » Tout en fumant les deux officiers se dévisageaient sans animosité. Je ne pouvais alors comprendre ce qui se passait entre eux. Je dirais aujourd’hui, avec les mots que depuis la vie m’a donnés, que la complicité les unissait. Et s’il y avait complicité c’est parce qu’ils avaient partagé la même existence, que des choses les avaient unis au-delà des distances et des frontières. Quelque chose qu’il m’était alors impossible de comprendre : des femmes, les mêmes, des palaces doux et chauds qui scintillent comme de grands paquebots illuminés dans la nuit ingrate des villes, des cigares et des alcools aux odeurs lourdes et épicées, des distractions grisantes, des livres, des tableaux, des animaux… (« Une journée de printemps à Urbigny-sur-Larve »)
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À trois encablures environ, un mur de brouillard, un brouillard fin et impénétrable, formait écran entre la côte et la barque. Marino se redressa d’un coup, secouant ses rêves pour laisser place à l’instinct tendu et inquiet du navigateur. Une brume semblable, en mai, dans ces parages, voilà quelque chose de surprenant ! Marino, prudent, changea de cap afin d’aborder latéralement la masse cotonneuse. À proximité du nuage, la brise mollit et la barque courut de plus en plus faiblement sur son erre. Bientôt le brouillard l’avala.
Marino n’avait pas vraiment peur. Le phénomène le surprenait, sans plus. Il avait vu pire en hiver, par grosse mer, et il avait confiance dans sa boussole rudimentaire. La navigation se poursuivit ainsi pendant de longues minutes. Puis le brouillard se dissipa.
À une portée de harpon les deux pêcheurs virent alors se dresser une falaise sur laquelle d’immenses albatros bleus et blancs paraissaient les observer. Une île en ces parages ? De quels abysses avait-elle surgi ? De quelle œuvre de sorcellerie était-elle le fruit ? Marino vira sur tribord afin de se rapprocher un peu plus. Après s’être signé trois fois il entreprit de longer le curieux récif. Il ne tarda pas à s’apercevoir qu’il s’agissait en fait d’un navire qui – ô bizarrerie – possédait une coque apparemment métallique. Mais sans voiles ni mâts, sans vergues ni huniers, sans dunette ni figure de proue, était-ce vraiment un navire ? (« Les surprises de la navigation »)
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L'orchestre faisait ce qu'il pouvait, et il ne pouvait que peu, sous la baguette d'un chef italien visiblement dépassé accompagnant une pianiste locale qui s'embrouillait dans un concerto de Beethoven, et qui tapait sur les touches comme s'il s'agissait pour elle d'asséner le coup de grâce à son pire ennemi. ... Ces imperfections n'étaient-elles pas courantes aux XVIII° et XIX°s, qui n'attachaient qu'une relative importance au monstrueux perfectionnisme de notre époque ?

p. 98
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