Interview de Jean-Jacques Wittezaele 2/2
Sa connaissance extraordinaire du comportement humain lui permet de se retrouver dans les histoires complexes et entremêlées que les patients lui racontent. « Vous voyez, j'avais un avantage terrible sur les autres. J'avais eu la polio et j'avais été complètement paralysé... » On trouve, dans cette phrase, un autre aspect du travail d'Erickson : cette capacité à découvrir des ressources là où nous ne voyons que des limitations, des contraintes et des résistances.
Ce n’est pas la pensée réflexive qui nous permet d’acquérir de la confiance en soi, seule l’expérience peut nous l’apporter, et les émotions y jouent un rôle essentiel.
… le risque fait partie intégrante de toutes les affaires humaines et […] on ne pourra jamais éradiquer la délinquance, la pédophilie, la déviance et la marginalité. Du reste, c’est souvent de la déviance que vient la nouveauté, donc l’augmentation de nos chances de survie.
Les idées de Bateson sont à mille lieues des préoccupations des praticiens qui, pour la plupart, ne comprennent rien aux folles théories de cet anthropologue marginal. Aux psychiatres qui parlent de pulsions, d'inconscient, de traumatismes infantiles, il répond niveaux logiques, paradoxes, cybernétique. L'écart est démesuré, son discours incompréhensible. /.../
L'hypothèse de la "double contrainte" va marquer le tournant du "groupe de Palo-Alto". C'est la première concrétisation scientifique de cette nouvelle conception des sciences humaines : elle définit la maladie mentale comme un trouble de la communication, changeant ainsi fondamentalement la perspective thérapeutique.
C'est le début de la thérapie familiale.
Ce qui m'a le plus aidée, c'est la discipline stricte d'analyse du problème. Penser : "quel est le problème qui les dérange, eux ?" plutôt que : "quel est le problème qui, a mon avis, devrait les déranger ?"
C'est donc avec beaucoup de fermeté que les parents découragent la carrière artistique de Martin. Celui-ci, déchiré après la mort de John dont il se sentait très proche, hésitant sur ses propres talents artistiques et rabroué par une jeune femme qui repousse des offres de mariage, se suicide en plein Piccadilly Circus, d'une balle de révolver, le 22 avril 1922 à 3 heures de l'après-midi, le jour et l'heure de l'anniversaire de la naissance de John.
Irène Bouaziz : La thérapie brève, ce n’est ni bref, ni une thérapie !
Wittezaele : et c’est vrai ! D’une part la brièveté du travail thérapeutique n’est pas une fin en soi mais une résultante de notre façon de concevoir les difficultés et la façon de les résoudre, et, d’autre part, comme l’approche est « non pathologisante », le terme « thérapie » n’est pas vraiment adéquat.
la vie n'est qu'une suite ininterrompue de difficultés : un problème est une même difficulté qui revient encore et encore.
Quand on parcourt l’histoire de la psychiatrie et des psychothérapies, on a le sentiment que la réponse à cette question relève plus de préférences personnelles (génétiquement déterminées ?) que d’arguments scientifiques étayés, et le débat reste ouvert même si les neurosciences permettront peut-être un jour d’y voir plus clair.
Dans ce monde, il y a des structures à découvrir, mais le sens est toujours à inventer.