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Critiques de Jean-Laurent Del Socorro (601)
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Royaume de vent et de colères

Les guerres de religion vont bientôt s’achever dans le royaume de France par la victoire du roi Henri IV, ce huguenot converti au catholicisme par nécessité politique. La ligue catholique qui refuse de reconnaître ce roi parjure, recule sur tous les fronts. Mais elle tient encore Marseille. Le Henri IV de « Royaume de vent et de colères » ne ressemble pas à celui décrit dans nos livres d’histoire : le roi du panache blanc et de la poule au pot, le roi égrillard, le vert galant. C’est un roi olympien, un conquérant brutal et sans pitié. En bon stratège, il sait qu’une cité fortifiée a plus de chances de se prendre de l’intérieur par la trahison que par un assaut frontal. Approchée, la puissante guilde des assassins de la ville est grassement payée pour permettre à l’armée royale de pénétrer dans Marseille.

Voilà ! Tout est mis en place ; l’histoire peut commencer. Celle de toute une petite bande de spadassins, de politiques ondoyants et fourbes, d’amoureux transis, de mystiques acharnés, de magiciens consumés par leurs pouvoirs, d’hommes du commun pris dans cet engrenage infernal, qui vont tourner autour de ce complot jusqu’à ce qu’il s’accomplisse dans un bain de sang.

Ce livre, c’est une danse macabre ! Une sarabande funèbre qui réunit notre petite bande où chacun part à la rencontre de son destin, où la fin ne peut pas être heureuse.

Je ne suis pas prêt d’oublier le gosse des rues, Gabin sans « aime » qui protège des reitres Axelle, sa seconde mère, avec un espadon trop lourd pour lui ; ni Armand qui se consume d’amour pour Gille ; ni victoire la démone qui a des yeux de Chimène pour Gabriel, le vieux, meurtri et probe Chevalier si plein d’allure…

Le style simple et dépouillé, parfois crépusculaire, est chargé d’émotions. Je suis entré dans la danse, moi aussi, avec cette espérance, mais sans trop y croire quand même, que quelque-chose ou quelqu’un allait pouvoir modifier la partie jouée d’avance de « Royaume de vent et de colères ».





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Boudicca

« Je préfère encore ma folie qui nous rêve la tête haute à ta raisonnable soumission qui nous courbe l'échine ».

Boudicca fait partie de cette longue liste de personnages hauts en couleurs qui résistèrent à l'avancée inexorable de l'empire Romain. Ils vécurent dans le désert africain, dans les grandes plaines gauloises, dans les forêts impénétrables du nord de l'Europe ou les marais de la Tamise. Tous connurent le même destin. Une vie pleine de drames, de fureurs, de trahisons, d'exploits insensés, de succès éphémères, jusqu'à la chute finale et fracassante face aux légions romaines, ces « aigles d'acier, dont les boucliers rouges forment un mur qui repousse inexorablement » ceux qui ont le front de leur résister. D'eux, on ne sait pas grand-chose en vérité ! C'est à peine si les chroniqueurs de l'époque les citaient. Quelques lignes, quelques allusions ici et là ! La légende s'est occupée du reste en comblant les manques ; c'est pour cette raison, si longtemps après, qu'ils raisonnent encore si fort dans nos mémoires.

J'ai beaucoup aimé la Boudicca de Jean-Laurent del Socorro. Je me suis laissé emporter par le souffle de la légende, par cette épopée guerrière aussi vitale que vaine. Il décrit une femme vulnérable, et une guerrière irréductible. Il raconte avec des mots simples et beaucoup d'émotion l'histoire d'une reine brisée, aveuglée par la vengeance, mais capable de déposer sa couronne sur la tête d'une gamine pour rappeler à son armée de morts-vivants que c'est pour elle et son avenir qu'ils doivent se battre.







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Royaume de vent et de colères

Jean-Laurent Del Socorro nous offre, pour son premier roman, une plongée dans un Royaume de Vent et de Colères, un opus plein de punch au cœur des guerres de religion du XVIe siècle marseillais.



Dans Royaume de Vent et de Colères, le lecteur se rend vite compte des deux plus grandes forces du récit : d’abord son contexte accrocheur, ensuite ses personnages réalistes. Le contexte du roman nous emmène en 1596 au milieu de la cité phocéenne alors qu’elle est soumise depuis cinq ans au consulat ligueur de Charles de Casaulx. Celui-ci est en proie à l’isolement, tiraillé entre l’avancée inexorable du nouveau roi de France, Henri IV qui a renié le protestantisme, et la fuite plus ou moins volontaire de ses alliés catholiques ; toutefois, le consul de Marseille est loin d’être le personnage principal ici, voire même un personnage secondaire, bien au contraire. Dans ce pan d’histoire de France finalement peu connu, nous avons le plaisir de suivre avant tout deux femmes et deux hommes qui constituent les narrateurs en alternance : Victoire, l’archétype de la mafiosa assassine ; Axelle, l’ancienne mercenaire devenue tenancière ; Armand, prêtre et maître de l’Art-bon (seule composante magique du roman) accessoirement en fuite avec son compagnon Roland ; enfin, Gabriel, chevalier sans terres torturé par les remords qui sent que son heure est venue pour briller une dernière fois au combat, dont la prégnance physique est magnifiée par la couverture de Milek Jakubiec (je salue bien bas le réalisme de son graphisme). Ils constituent une galerie de personnages touchants auxquels le lecteur peut s’attacher facilement, galerie à laquelle s’ajoute Silas dont le rôle est primordial dans l’histoire en lui-même comme dans la façon de nous le narrer. C’est d’ailleurs clairement mon personnage préféré, puisqu’il compose finalement le personnage passe-partout, mais intrigant, dans l’histoire qui finit par persister le plus durablement dans mon esprit.



Si nous essayons d’analyser la structure de ce roman dans l’ « ordre d’apparition », il faut reconnaître dès le départ que Jean-Laurent Del Socorro happe son lecteur avec ses chapitres véritablement brefs. Le fait d’utiliser constamment la 1ère personne du singulier y est pour beaucoup, évidemment, tout comme l’impression d’entrer directement dans une pièce de théâtre classique avec une unité de temps, de lieu et d’intrigue. Nous sommes dans un terrain potentiellement connu (même si vous n’êtes pas familier du contexte) et sur un terreau fertile pour l’organisation de l’imagination du lecteur. Le rythme est pressé d’entrée de jeu et l’impression de laisser pas mal de choses sur le côté est forte. Malgré tout, cela invite indubitablement à s’immerger complètement dans le récit. De sérieux doutes peuvent apparaître quand la deuxième partie débute. En effet, après avoir planté le décor avec quatre-cinq personnages forts et attirants, l’auteur fait non pas un bond en arrière pour, comme c’est traditionnellement souvent le cas, « raconter comment nous en sommes arrivés là », mais bien plusieurs en alternant la longueur des flash-backs et là l’alternance des personnages se fait drôlement sentir puisque nous naviguons à travers une cinquante d’années d’histoire (la deuxième moitié du XVIe siècle en somme). Or, pour le lecteur lancé gaiement dans l’évolution des personnages dans un décor bien planté avec une intrigue attendue car tendue dès le départ, ce rétropédalage fait mal. Somme toute, il est donc facile de cibler pour ce roman les défauts de ses qualités. Malgré cela, notez que, même si on trouvera les textes bien souvent trop courts et prétextes à une avancée du récit par étapes bien jalonnées, les chapitres qui dépassent les trois pages recèlent de très bonnes idées scénaristiques : sans y trouver un style flamboyant à chaque fois, le fond fait vraiment plaisir à lire. Et d’ailleurs, ce sont sur ces entrefaites que l’intrigue se remet en route avec la troisième partie et l’aboutissement de ces bonnes ficelles scénaristiques : les wagons se raccrochent dans une mécanique bien huilée dans une conclusion bien maîtrisée avec juste ce qu’il faut de mystérieux.



Toutefois, on ne peut décemment pas s’appesantir sur la structure de ce roman sans signaler qu’en deuxième niveau de lecture, les signes fourmillent pour multiplier les allusions à la chance, au sort et aux choix de chacun. L’intention de l’auteur semble, en effet, se porter de manière conséquente sur les signes qui bordent les destins des différents personnages. Ainsi, les allusions au jeu d’échecs sont légion, ce qui correspond bien à l’ambiance des dernières heures du consulat de Charles Casaulx à la tête de Marseille tenue par la Ligue : des sacrifices plus ou moins volontaires, des échanges de bons procédés, et même des prises parfois inattendues. Mais c’est le fameux tarot de Marseille qui recèle sûrement le plus d’anecdotes ici ; les noms des atouts de ce jeu de cartes, par exemple, sont parfois repris pour symboliser des objets cruciaux dans l’histoire, le Chariot et la Roue de Fortune en tête ; de même, dans la deuxième partie, les chapitres sont numérotées selon une formule de « 12 fois 4 » (12 chapitres par personnage principal), ce qui pourrait (le conditionnel ici est de rigueur) signifier quelque chose autour des « couleurs » dans un jeu de cartes, mais là cela révèlerait surtout de ma propre imagination à voir des signes partout. Enfin, cette intention de focaliser même la structure sur le destin des personnages me renvoie à ma propre vision de l’Histoire : l’Histoire est, pour moi, une façon d’étudier les choix, le sort et les tactiques de personnes ayant eu leur part dans des événements de plus ou moins grande importance (importance qui importe en fait peu, puisqu’il est souvent plus utile de se consacrer sur les réactions des personnages). La nouvelle qui clôt ce volume, « Gabin sans ‘‘aime’’ », ne fait que renforcer cette agréable impression, même si cela se sent un peu que le personnage aurait pu, et dû au départ, constituer une voix alternative supplémentaire et qu’elle a fini par ne pas aboutir.



En définitive, je suis sûrement un peu trop dur parfois dans cette critique, mais comme précisé plus haut, ce roman a les défauts de ses qualités (expression très bateau, mais qui correspond à mon état d’esprit sur ce sympathique premier roman) ; il constitue malgré cela un bon moment de lecture, et ce d’autant plus qu’une telle utilisation d’un fait historique ne pouvait que me convenir. Royaume de Vent et de Colères est un roman de chez ActuSF qui, encore une fois, nous sort de l’ordinaire, et c’est ce qui compte : nous avons là quelque chose de frais, de neuf et d’encourageant.



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Royaume de vent et de colères

Un attentat se fomente dans les rues de la ville. Au nom de Dieu, des hommes vont mourir et la cité va être mise à sac. Paris au XXIe siècle ? Non. Marseille au XVIe. 1596 : La cité phocéenne conteste la légitimité du Roi de France et s'auto-proclame République indépendante. Marseille, la catholique face à Henri IV, le huguenot : le décor est posé, mais les cartes ne sont pas encore tirées.

Elles sont toutes là, dans une même main dès le prologue, et ne demandent qu'à être abattues :



- Gabriel : Chevalier de sang et de misère, j'ai choisi la vie en donnant la mort. Tant et tant. Que je n'aspire à plus rien d'autre. Ce sera la dernière. Victoire. J'ai beau regarder le ciel, droit devant, debout, la tête haute, j'ai un genou à terre...

« Je vis en ermite depuis si longtemps que les mots m'ont déserté. »



- Victoire : Je suis née au combat, brandie comme un étendard par une Patience à la volonté de fer. le couteau à la ceinture et la Rapière à la main, je sais comment tailler les chairs. Tu ne bronches déjà plus devant la faible femme que je ne suis pas. Ça aide, le sang sur les mains pour attirer le respect. Je ne suis pas dupe, va ! Je sais. La Guilde attend toujours mon heure...

«Nous ferions pourtant un si beau couple d'assassins tous les deux. »



- Silas : Approche ! Et montre-moi de quoi tu es capable, Bourreau. Je te le rendrais au centuple. Tu crois mener la danse. Tu crois être passé maître dans l'art de manier la souffrance. Tes yeux jubilent. Profites-en bien. Tant qu'ils sont encore deux.

« Fouette-moi autant que tu veux, aucune explication ne sortira de ma bouche. Les plaies se referment et les os se ressoudent, mais enlève-moi l'honneur et je ne vaudrais guère plus qu'un chien. »



- Armand : Il nous faut fuir, Roland, et abandonner l'Artbon. Seras-tu assez fort pour résister à son appel ? Nous prendrons le chemin de Marseille. Puis nous embarquerons. Ils ne nous penseront pas assez fous pour faire ce choix-là. Et peu importe ce que nous ferons. Puisqu'il y aura toujours la mort au bout...

« Il n'est jamais trop tard pour se tromper. »



- Axelle : Je ne suis pas mère. Je règle mon pas sur le pas de mon père. L'espadon dans mes deux mains, à faire voler les têtes, j'apprends. J'apprends à maîtriser la colère. Gilles, penses-tu avoir fait taire en moi, la révolte et la haine ? La fortune et sa roue, le chariot dans les mains, je regarde l'Aube qui se réveille. Je ne suis pas ma mère...

« La peur je l'ai avalée. Dans ma bouche, dans ma gorge, elle me tombe tout au fond du ventre, jamais digérée.»



- Gabin : C'est la chanson du gamin qui a perdu son « aime », c'est la chanson que me fredonnait ma mère, du temps où j'en étais encore un. Je croque à pleines dents dans la pomme offerte par un mort et m'accroche à la roue de la fortune. Je sers les habitués, essuie les tables et disperse les poussières des routes. Je fais le pari de la vie et regarde l'espadon accroché au mur...

« Une moitié d'homme en guenille ».



Jean-Laurent del Socorro nous offre là un Royaume de vent et de colères qu'on peine à lâcher. La structure du livre atypique désarçonne au départ mais très vite, elle donne un tel rythme à la lecture, qu'on y adhère totalement. J'ai aussi beaucoup aimé le choix de la narration à la première personne, chaque personnage se succédant pour nous livrer « sa » vérité, son histoire. L'auteur est un roliste. Aucun doute à avoir sur cette affirmation, quand on voit avec quel soin il a travaillé ses perso : ils trimbalent tous leurs univers et ont une « vraie » présence et pourraient faire l'objet chacun d'un autre roman sans aucun problème. Et pas de demie mesure pour les personnages féminins : Chez del Socorro, point de gourdasses effarouchées, mais de vrais portraits de femmes, qui ne sont pas là pour distraire, faire joli ou tapisserie !



Bon, vous l'aurez compris, j'ai complètement accroché à ce Royaume de vent et de colères, premier roman aux éditions Actusf, suivi d'une nouvelle et d'une interview de l'auteur qui permettent de prolonger la découverte.



Et dans le ciel de mes coups de coeur, elles scintillent encore :

Cinq étoiles. Une par doigt.
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Royaume de vent et de colères

Enfin.

J’ai enfin pris le temps de lire le premier roman de Jean-Laurent Del Socorro, après des années de tergiversations, à voir passer des critiques a minima élogieuses. Il aura fallu l’occasion d’un challenge et d’une lecture commune avec Nadou38 pour franchir le pas. Je la remercie de m’avoir accompagné.



Foin de suspense : ce livre est objectivement impressionnant de qualité.

Le fond historique est incroyablement maîtrisé et très instructif. J’ai un peu parcouru le 16ème siècle français au cours de mes lectures, mais je n’avais jamais ne serait-ce qu’entraperçu tout se qui s’était passé autour de Marseille. La domination de la Ligue catholique, les interventions intéressées du duc de Savoie, le pouvoir personnel dictatorial de Charles de Casaulx, la reprise en main par Henri IV. Tout cela est d’une grande richesse.

La forme est épatante. Roman choral, composé de chapitres courts donnant chacun la voix à un personnage qui parle à la première personne. Cela induit un rythme, une chanson particulière à cette histoire, comme des voix de ténor, soprano, alto et basse. Les intervenants sont peu nombreux, et la répétition de leurs interventions permet d’approfondir leur caractérisation en permanence. L’auteur joue beaucoup avec le point de vue, n’hésitant pas à nous faire revoir la même scène sous plusieurs angles, imprégnée d’émotions différentes.

Ces personnages m’ont eu l’air tous sortis d’une tragédie grecque. Un point commun qui ressort chez quasiment chacun d’entre eux est le regret. Le regret d’avoir eu la vie qu’ils ont vécue, le regret d’avoir fait tel choix, ou de ne pas l’avoir fait, ou de ne pas avoir eu le choix. Ce ne sont pas des dieux qui les manipulent, qui les obligent à l’héroïsme ou au crime, c’est simplement le rouleau compresseur des événements. Les personnages n’en paraissent pas plus libres pour autant. C’est e regret de devoir être emporté par la vie qui ressort le plus vivement.

Silas le Turc échappe à cette définition, et peut-être Gabin aussi. Ce dernier est trop jeune pour regretter ; sa vie est devant lui. Gabriel est le seul dont je n’ai pas vraiment compris le comportement (attention SPOIL)

La pincée de fantasy qu’apporte l’Artbon est juste ce qu’il faut. J’aime beaucoup cette façon de considérer la magie ; quelque chose d’exigeant qui détruit petit à petit celui qui ose l’utiliser. On n’est pas éloigné de l’utilisation d’un certain anneau. Orson Scott Card est un autre auteur qui apprécie ce donnant-donnant.



Pourtant, malgré toutes les fleurs que je dépose aux pieds de ce roman, j’ai eu du mal à l’apprécier à sa juste valeur. Oh j’appréciais chaque fois où je me plongeais dedans, mais aucune folle envie de poursuivre ne s’emparait de moi. Chaque fois que je refermais le livre, la sensation de plaisir disparaissait vite. Et aujourd’hui il ne me reste guère d’émotion rémanente associée à sa lecture.

Et je ne comprends pas pourquoi.

Je soupçonne que la raison est ailleurs, en dehors du livre lui-même. Peut-être une saturation de lecture. C’est étrange mais réel.

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Je suis fille de rage

Éblouissant, consternant, bouleversant !

Non, je ne cite pas une série de qualificatifs d’un quelconque bandeau promo rouge entourant ce livre. C’est le fond de mon ressenti que vous avez sous les yeux, là.

L’éditeur ActuSF a bien senti qu’il avait une pépite et qu’il lui fallait un écrin à la hauteur. L’objet est superbe, digne des collections à l’ancienne mode 19ème ou début 20ème. Quand je l’ai eu entre les mains la première fois, je me suis dit « quand même, ils exagèrent un peu, là. ». Mais non, le contenu mérite le contenant.



Or donc, Je suis fille de rage conte la guerre de Sécession, dans tous ses détails. L’auteur a compilé une variété de sources historiques impressionnante, jusqu’à traduire des lettres de Grant, de Sherman ou de Lee. Je ne doute pas qu’il a lu toute la bibliographie qu’il propose à la fin de son roman. J’ai de mon côté lu cette œuvre avec le livre d’André Kaspi « La guerre de Sécession – les États désunis » toujours ouvert à côté. L’aller-retour peut simplement être décrit comme un écho qui rebondit d’un livre à l’autre, sans déformation de note.

C’est un roman, mais avec une structure tirant un peu sur le livre d’Histoire. Aux chapitres courts nous confiant les pensées de personnages célèbres ou inventés, évoluant dans les hautes sphères ou dans la boue de la bataille, se mêlent les fameuses lettres dont j’ai parlé avant ainsi que des titres de journaux (traduisant l’ignorance des événements du front ou les tentatives de maintenir le secret pour éviter la déprime de l’opinion). N’allez pas croire que c’est ennuyeux. Cela renforce la réalité de cette guerre à nos yeux éloignés ; sa modernité aussi, la presse et l’opinion influent sur les stratégies.



Mais c’est un vrai roman qui pénètre à merveille dans les âmes des participants, où qu’ils soient. Jean-Laurent del Socorro emploie un style différent pour chacun et les fait évoluer. Sherman passe d’une attitude navrée devant le carnage de Shiloh, préoccupé par l’image de « dingue » que la presse de l’Union déploie à son endroit, à une machine à tuer qui a perdu son âme en perdant son fils. Nathan Forrest me fait l’effet d’un illuminé porteur d’un message de Dieu sanglant pour les Nordistes et les Noirs. McClellan passe pour un rigolo inconscient ; il cherche à épargner la vie de ses soldats mais son attentisme n’est pas loin de mener au fiasco pour l’Union. Au contraire Grant broie les vies de ses hommes comme s’il s’agissait d’une ressource comptable pas chère – à l’image des généraux de la première guerre mondiale – mais ce rouleau compresseur va tactiquement se révéler payant. Des personnages qui ne font que passer nous aspergent d’humour pour nettoyer l’horreur (ah cet hommage à Autant en emporte le vent. Fendard !)

J’ai été encore plus touché par les personnages inventés : Caroline la fille du Sud qui prend les armes pour le Nord, la superbe Minuit au franc-parler qui rafraîchit, la forceuse de blocus française Jenny et l’ancienne esclave Kate. Elles sont toutes bouleversantes. Qu’elles soient plongées au cœur de la bataille ou en train de pleurer un frère, elles confirment que la douleur d’un seul est souvent plus poignante que le massacre d’un millier d’anonymes.

Quant à Lincoln, il ne se livre pas. C’est la Mort, avec laquelle il est engagé dans un dialogue permanent, qui tente de deviner ses pensées, ajoutant une touche de fantastique au récit. La Mort apparaît touchante, presque compatissante, un passeur respectueux et amical. L’auteur lui donne une sorte de mission : guider Lincoln vers l’abolition de l’esclavage, lui faire comprendre que c’est ça le véritable enjeu de cette guerre et pas la simple unité du pays, qu’il ne gagnera pas tant qu’il n’associera pas cet idéal à la guerre.



Car l’auteur s’engage dans ce roman. Il veut percuter le lecteur avec des messages qui risquent à tout moment de se perdre : l’esclavage est une honte, le sort des Noirs ne s’est pas beaucoup amélioré, la guerre est une horreur, les femmes peuvent faire aussi bien que les hommes dans tous les compartiments, et aucune orientation sexuelle n’est « diabolique ».

Jean-Laurent del Socorro s’engage dans tous ses écrits en fait.



Ce roman vient confirmer, s’il en était besoin, que l’on a affaire à un grand auteur qui mérite une large diffusion. Ne lui collez pas une étiquette SFFF réductrice. Il écrit l’Histoire aussi bien qu’une Margaret Mitchell.

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Boudicca

De Boudicca, reine des Icènes, on ne connaît que très peu d'éléments.

Les informations biographiques rapportés par Tacite et Dion Cassius sont bien maigrelettes.

Selon Wikipédia, la seule description qu'on a de Boadicée, cette guerrière celte qui aurait pris la tête de la rébellion bretonne face aux romains, nous vient de l'historien grec Dion Cassius : «  grande, terrible à voir et dotée d'une voix puissante. Des cheveux roux flamboyants lui tombaient jusqu'aux genoux, et elle portait un torque d'or décoré, une tunique multicolore et un épais manteau retenu par une broche. Elle était armée d'une longue lance et inspirait la terreur à ceux qui l'apercevaient »

Et cela suffit bien à enflammer notre imagination.



D'une plume légèrement teintée de fantasy et d'onirisme, Jean-Laurent Del Socorro nous livre un aperçu de ce qu'aurait été la vie de Boudicca. Ce roman biographique est court. Trop court ?? Non, plutôt sobre et percutant. L'auteur n'a pas eu pour ambition de nous livrer une vision romancée de Boudicca. Il nous la dépeint sans ambages : fière guerrière rebelle, avide de liberté mais également mère protectrice, assaillie par le doute, aussi...



Mais, cet ouvrage n'est pas seulement un portrait de femme, il est aussi un vibrant hommage à un peuple insulaire qui ne se laissa pas soumettre par les Romains si facilement. Un peuple désuni par ses multiples royaumes mais capable pourtant d'alliances face à cette Louve vorace et implacable. Un peuple courageux et tenace face à l'envahissement de ceux qui voulaient écraser ses mœurs et ses coutumes.



Le roman est court, certes, mais il a l'avantage de donner l'envie de se replonger au cœur de la bataille, de retrouver par d'autres lectures -essais ou romans- l'héritage des Celtes.
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Royaume de vent et de colères

Cinq personnages pour cinq destins.

Un roman chorale mettant en scène Axelle, Gabriel, Victoire, Armand et Silas pour cinq histoires qui vont se croiser pour le meilleur et pour le pire.

Le style de la narration est assez particulier, les chapitres sont courts et se conjuguent à la première personne, c'est assez intimiste, nos personnages étant par ailleurs assez torturés dans une période plutôt sombre de l'histoire de France, à savoir les guerres de religion.

Le parti pris de l'auteur est de nous proposer trois parties distinctes que je définirais comme, l'introduction, la présentation des personnages, la conclusion personnelle de chaque destinée, ce qui donne un rythme atypique à cette histoire, la césure du milieu occasionnant ce que j'ai ressenti comme une cassure dans le récit.

Pour parler des personnages, je les ai trouvé trop stéréotypés, sauf peut-être Gabriel et Silas, pour tout dire, la comtesse est le personnage qui m'aura intéressé le plus alors qu'il s'agit d'un second rôle...

Je n'ai pas non plus été transporté par la trame du récit dont la teneur aurait tenu de la nouvelle sans la présence des cinq personnages, une anecdote plus qu'une histoire en fait, ajoutons que le classement en littérature fantasy est quasi anecdotique.

Dans le même parti pris narratif, j'ai lu plus abouti avec "le cercle de la croix" de Iain Pears.

Cela dit c'est bien écrit et je l'ai lu sans ennui, les bonnes critiques et le prix obtenu par le roman faisant que j'en attendais peut-être plus.
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Royaume de vent et de colères

C’est l’auteur rencontré aux Imaginales qui m’a lui-même incité à tenter l’aventure (un personnage dont la générosité n’a d’égale que la modestie, ce qui ne gâche rien)… Mais bon avec les Guerres de Religion, Marseille et la Fantasy, il n’avait pas besoin de beaucoup d’arguments pour me convaincre… L’œuvre avait donc au départ tout pour me plaire, mais patatras le panégyrique d’Ugo Bellagamba sur la vraie littérature en préface m’a complètement douché…

Il a fallu repartir à l’assaut, et avec les phrases de quelques mots, les paragraphes de quelques lignes et les chapitres de quelques pages difficile de retrouver l’œuvre de ouf tant vantée en préambule. Un prologue en forme d’huis-clos, où on glisse d’un personnage à l’autre avec des travellings de film d’auteur… Ah ce moment là j’ai eu peur, très peur… Et puis ouf, la magie de l’auteur fait son œuvre et la musique de son écriture permettent d’accéder à l’essentiel !





Le Vent :

Nous sommes le 17 février 1596 et Henri IV est sur le point d’achever la reconquête du royaume de France par la prise de Marseille qui s’est érigée en République indépendante. Le Consul Charles de Casaulx (successeur de Jules César ou annonciateur de Napoléon Bonaparte ? ^^), fait face seul à l’armée royale après le ralliement de La Ligue au roi nouvellement converti à la religion catholique, la défection de Charles-Emmanuel de Savoie et le retrait de Philippe II d’Espagne.

Le côté historique est impeccable car bien documenté, et la manière dont les personnages historiques et les personnages fictifs s’entremêlent est joliment maîtrisée. Ceux que l’auteur a choisi de mettre en avant veulent tous entamer une nouvelle vie permettant d’oublier celles qui furent les leurs, mais ils subissent les événements avant d’être rattrapés par l’amère fin dans un récit découpés en 3 actes avec unité de lieu, de temps et d’action… Jean-Laurent Del Socorro n’échappe ainsi pas à sa formation d’homme de théâtre ^^



Les Colères :

- Axelle, guerrière reconvertie en tenancière, est en colère contre ce que sa mère a fait d’elle…

- Gabriel, le huguenot converti de force, est en colère pour avoir survécu alors que toute sa famille a péri…

- Armand, le maître artbonnier en fuite, est en colère contre son ordre qui a transformé des guérisseurs en guerriers…

- Victoire, la maîtresse assassine, est en colère contre la société qui ne laisse aucune place aux femmes, et qui l’a obligé à effectuer des choix qu’elle regrette fortement

- Ce bon Silas garde pour lui ses secrets, et ce n’est pas ses courtes interactions avec Victoire et ses longs monologues avec son tortionnaire qui vont nous en apprendre davantage. Je ne sais pourquoi, je n’ai pas arrête de penser à l’auteur déguisé en Rochefort avec une pomme à la main… mdr

L’auteur a certes fait le choix de la tragédie plutôt que de la comédie, mais force est de constater qu’il a réalisé ce qui à ma connaissance est de plus proche de Joe Abercormbie, la comète de la fantasy britannique. Ses personnages auraient parfaitement leur place dans l’un de ces livres, et parfois la frontière est très mine entre untel / unetelle et untel / untelle… C’est sans doute ici l’humanisme à la Sergio Leone qui fait le pont entre les deux auteurs.

J’ai retrouvé en l’auteur un peu des intentions d’écriture de Fabrice Colin, de Mathieu Gaborit, de Laurent Gidéon ou d’Estelle Faye : l’auteur très empathique a de la tendresse pour ses personnages et nous la fait partager (mais comme j’ai fortement senti le trope du cape et épée, sa place est peut-être entre Pierre Pevel et Jean-Philippe Jaworski ^^) : oui on s’attarde sur la romance gay entre un éraste et un éromène, sur le beguin d’une strong independant women qui pense être passé à côté de sa vie, sur les fantômes qui hantent un chevalier qui cherche à oublier à défaut de se racheter, et sur les doutes d’une femme qui n’a trouvé sa place ni en tant que guerrière ni en tant que mère… Oui, on fait la part belle à l’introspection, et pourtant il faut souligner que l’auteur développe un talent de dialoguiste d’une redoutable efficacité, et ses tirades sont remplies de bons mots et de punchlines !





L’auteur a composé 4 voire 5 personnages très forts, suffisamment forts même pour que chacun d’entre eux puisse être l’objet d’un roman tout entier. Mais en les associant on parvient à un goût de trop peu, voire d’inabouti. J’ai eu un peu les mêmes sensations qu’un film de Jean-Pierre Bacri et Agnès Jaoui : des personnages en plein doute qui se croisent et qui s’entrecroisent, et quand on pense qu’ils vont relever la tête et construire quelque chose et ben c’est déjà fini…

La moitié de l’ouvrage c’est des bouts de flashbacks nous permettant de reconstituer l’Histoire des Guerres de Religion de du 24 août 1572 au 17 février 1596 à travers les POVs des personnages principaux (dont on reconstitue également les histoires individuelles), découpés en 12 parties chacun et repartis selon une chronologie quelques peu déstructurée… Originalité n’est pas synonyme de qualité, et ce n’est cette « témérité stylistique folle » qui apporte de la qualité à ce premier roman qui pourtant n’en manque pas du tout… Car le projet est un peu bâtard : roman ? novella ? nouvelles? Ah ça on sent que l’auteur est plus à l’aise comme nouvelliste que comme romancier, mais s’il continue dans sa voie il pourrait bien tout déchirer… Bref, c’est frais, c’est neuf et surtout c’est prometteur car à l’heure du tirage à la ligne sa concision e son efficacité sont des atouts maîtres ! ^^
Lien : http://david-gemmell.frbb.ne..
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Boudicca

Je viens de refermer ce livre et la première chose que j'ai envie de dire c'est à quel point j'ai aimé l'écriture et ses images. À plusieurs reprises, je me suis surprise à relire plusieurs fois une phrase ou un passage tellement cela me semblait vrai ou m'apparaissait comme un moment suspendu. Je ne sais pas si je me fais bien comprendre ?



J'aime ces histoires de femmes guerrières qui prennent part à l'action comme des hommes, qui prennent des décisions, qui mènent les hommes au combat, etc. Évidemment pour cela c'est plus facile quand on est une femme celte plutôt qu'une femme romaine, écrasée sous l'autorité masculine.



Être reine et guerrière ne la met pas à l'abri des déceptions. Sa mère est morte en la mettant au monde et c'est difficile de se faire aimer d'un père qui a perdu la moitié de son coeur. Il y a une scène qui dit tout quand ils s'affrontent en entraînement.



La vie n'est pas un long fleuve tranquille et elle devait l'être encore moins à cette époque. Plus de 2000 ans plus tard, elle marque encore les esprits. C'est toujours le même dilemme : vivre comme des moutons pour remplir les caisses ou se battre pour la liberté.



Un très beau roman, trop court. J'aurai apprécié une fin plus longue.



Merci à BazaR d'avoir pioché ce livre dans ma pàl (inspiré par la critique de Nadou38 ^_^ ) pour le challenge SFFF des trolls.



N.B. : c'est ma 600e critique ^_^



Challenge multi-défis 2019

Challenge livre historique 2019

Challenge défis de l'imaginaire 2019
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Royaume de vent et de colères

Pourquoi je l’ai choisi:



J’avais repéré ce livre sur Babélio, où les avis sont tous plus enthousiastes les uns que les autres…Et puis, il a été proposé en Masse Critique…J’ai été ravie d’être sélectionnée pour cette lecture! Merci donc à l’équipe Babélio et aux éditions J’ai lu pour l’envoi de ce livre!



Ce que j’ai ressenti:…Quand le Mistral souffle de colère…



Un royaume mis à sac par la guerre de religion, un saut dans le temps conséquent, une ville d’indépendance, un brin de magie: autant dire que le cocktail avait de quoi m’attirer!



« Les plaies se referment et les os se ressoudent, mais enlève-moi l’honneur et je ne vaudrai guère plus qu’un chien. »



Marseille, la belle…Marseille, la rebelle…C’était presque une évidence de lire ce livre de Jean-Laurent Del Socorro! Il nous la rend tour à tour charmante, dangereuse, mystique, magique, colérique. 5 adjectifs comme les doigts d’une main, et cette main se referme sur un complot qui refoule des odeurs nauséabondes politiques et religieuses. Inutile de dire que ça gronde pas mal dans les rues du Panier, et Marseille vibre, et n’aura pas peur de faire couler le sang jusqu’au port, qu’il en ferait changer la couleur de ses eaux…Marseille, l’insoumise…



« Oui, demain Marseille deviendra folle, la tempête soufflera plus fort encore pour abattre ses murs comme un château de cartes. »



Les personnages sont la partie immergée de ce conflit, les acteurs de l’ombre. 5 comme les doigts d’une main, qui feront justement changer la Main du Destin, en enrayant tels des grains de sables, les rouages du pouvoir français. Ils sont aussi forts que le mistral, d’une froideur à couper à couper au couteau, mais le cœur bouillonnant…Tour à tour mis en lumière, leurs petits talents personnels nous éblouissent au milieu de ses ténèbres…La Roue de la Fortune livre sa plus belle galerie rotative de personnages forts et attachants…



« Lire et écrire, ça sert à être libre Axelle. Moi, j’sais pas lire. Toi, tu n’auras besoin de personne pour déchiffrer les mots. Tu feras seule tes propres choix. »



De par sa construction originale, ce roman est un vrai plaisir de lecture! C’est à la fois court, percutant et précis, bourré d’humour aussi, mais l’auteur arrive surtout à saisir toute une époque, à retranscrire toute une ambiance de sang et de chaos saisissante! Et si on se réjouit d’en savoir plus le contexte de guerre qui ont fait rage en ces temps anciens, il n’en reste pas moins que l’on a aussi une touche de magie qui nous ensorcelle…La force du Tarot de Marseille va battre ses cartes sur l’échiquier politique, et ses figures ont plus d’un tour dans leur sac, et les mains armées…



Il ne faut qu’une main, 5 doigts pour tenir cette petite pépite de science-fiction, et vous dire au cas, où il vous manquerait encore une bonne raison, que c’est un coup de cœur!!!



Ma note Plaisir de Lecture 10/10


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Royaume de vent et de colères

J'avais l'intention d'acheter le Royaume de vent et de colères (ou de l'emprunter à la bibliothèque) dans quelques mois. Mais, cela c'était avant que ma librairie préférée n'organise en son sein, une rencontre dédicace avec plusieurs auteurs de roman Fantasy dont Jean-Laurent Del Socorro, le 9 mars prochain! J'ai donc profité de ce dimanche après-midi morose pour lire ce roman d'une traite!



Avant de débuter ma lecture, j'avoue avoir été un peu irritée par la préface signée par Ugo Bellagamba. Certes, ce dernier a beaucoup apprécié le premier roman de l'auteur et le fait savoir ; mais le placer au début incite inconsciemment le lecteur à "devoir" aimer le roman. Pour ma part, je préfère me faire ma propre opinion et je n'apprécie pas que l'on me mette la pression. C'est peut-être un peu maladroit de la part de l'éditeur ActuSF mais, je pense qu'il aurait peut-être été plus judicieux de mettre ce texte en fin de roman afin de laisser "respirer" son lecteur.



Hormis cet écueil qui n'est pas du fait de l'auteur, j'ai beaucoup apprécié ce roman. Il s'agit d'une uchronie minimaliste, dans le sens, où elle ne change pas le cours de l'Histoire avec un grand H, uniquement, dans le cadre local, à Marseille. Le roman s'inscrit dans la deuxième partie du XVIème siècle français, au moment où les Guerres de religion entre Catholiques et Protestants font rage et déstabilisent le pouvoir royal. Il s'agit également d'un roman choral (genre littéraire que j'affectionne énormément depuis le Trône de fer de Martin) qui fait intervenir cinq personnages : Victoire, maîtresse de la Guilde des Assassins, Axelle, propriétaire d'une auberge et ancienne mercenaire, Gabriel, un chevalier, Armand, Artbonnier (sorte de moine-magicien) et Silas, assassin d'origine turque.



Ce que j'ai le plus apprécié dans la lecture de ce roman, c'est le grand dynamisme qui s'en dégage. En effet, il est divisé en trois grandes parties : la première fait un état des lieux au "présent", en 1596, puis la seconde nous éclaire sur le passé des personnages par des flashbacks, lorsque la dernière revient en 1596 pour achever le récit. Chaque chapitre, donnant le point de vue des cinq personnages, est court (à peine deux-trois pages). Au tout début, j'ai été très surprise par ce découpage, craignant que le roman ne soit pas assez fouillé et reste trop superficiel. Puis, au fil de ma lecture, je m'y suis faite, laissant les pages défiler et me donnant envie de poursuivre sans m'arrêter.



Le Royaume de vent et de colères est un premier roman de Jean-Laurent Del Socorro très maîtrisé et très intéressant. Il mérite largement son Prix Elbakin 2015. De plus, il s'agit du deuxième roman des éditions ActusSF que je lis en une semaine et d'une deuxième bonne surprise. Je vais donc surveiller de très près l'actualité de l'auteur et de sa maison d'éditions.
Lien : https://labibliothequedaelin..
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La machine différente

Jean-Laurent del Socorro nous offre une nouvelle qui rend hommage à Ada Lovelace. Cette femme, fille de Lord Byron, est considérée comme la première informaticienne du monde. Catherine Dufour lui a consacré une ébouriffante biographie récemment.

La volonté est louable. Je commence à connaître un peu certains sujets pour lesquels l’auteur est prêt à se battre car il en sème des éléments dans ses récits historiques. Remettre la femme à une place digne, égale à celle de l’homme, en est un. Ada Lovelace est un sujet de choix : une formidable intelligence confinée dans les rets d’une époque victorienne et destinée « à tenir salon et mariage avec un pair accompagné de l’obligation sociale d’assurer la pérennité du nom en fondant une famille nombreuse », comme indiqué dans la préface de Karine Gobled.



La nouvelle n’est pas désagréable. Elle reprend l’idée de la fameuse « machine à différences » conçue par Ada et le mathématicien Charles Babbage et introduit une science fiction douce avec la conscience qui vient à la machine, comme par miracle. Du fait de l’époque – 19ème siècle victorien – Ana, c’est son nom, est une autre forme de monstre de Frankenstein qui cherche à comprendre le monde et sa place dans ce dernier. L’effet « monstre » joue pleinement auprès de l’environnement humain.

J’ai cependant trouvé le récit trop lisse. Ada Lovelace y apparaît comme un être pur et droit, sans aspérités, assez éloigné de la bio de Dufour. Charles Babbage est le mauvais génie. Il n’y a pas de gris. Ana elle-même manque de personnalité. J’aurais bien voulu la voir s’épanouir telle Jane dans le cycle d’Ender.



Cela dit, en si peu de pages il fallait faire des choix. Jean-Laurent del Socorro a choisi un hommage lyrique non dépourvu de romantisme.

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Je suis fille de rage

Je suis fille de rage est le deuxième livre que je lis de Jean-Laurent Del Socorro. J’ai eu le plaisir de le rencontrer lors de la dernière foire du livre de Bruxelles (juste avant le confinement). Mon exemplaire est donc dédicacé.



Srafina m’a invité à le lire en sa compagnie, c’est toujours enrichissant de pouvoir échanger tout au long d’une lecture. Surtout quand celle-ci nous amène à aller piocher des infos et nous donne envie de lire d’autres livres…



Je suis fille de rage raconte la guerre de Sécession (1861-1865) à travers un nombre important de personnages (le président Lincoln, les généraux, des simples soldats, ...). Ils s’expriment tous à la première personne. Pour cela, je n’ai pas vraiment eu l’impression de lire un roman mais de voir se succéder les scènes d’une pièce de théâtre.



Il y a un aspect fantastique avec la présence de la Mort en personne mais aussi uchronique par la manière de l’auteur de reconsidérer les personnages féminins. Il leur donne un rôle anachronique qui peut surprendre.



J’ai été surprise d’apprendre que les anti-esclavagistes étaient opposés à l’égalité entre les blancs et les noirs (dont Lincoln). Dans le 50Minutes sur la guerre de Sécession, j’ai lu que les noirs libérés pouvaient s’engager dans l’armée mais dans des unités distinctes et avec une solde inférieure.



J’ai aussi lu que les émeutes de New York avaient fait suite à la conscription du 3 mars 1863. D’un côté, les hommes ne voulaient pas aller se battre pour la liberté des esclaves et d’un autre, les riches pouvaient être exemptés en payant la somme de 300 dollars. Pourquoi cette guerre serait moins moche qu’une autre ?



Quoi qu’il en soit, j’ai passé un très bon moment de lecture.









Challenge pavés 2020

Challenge ATOUT PRIX 2020

Challenge livre historique 2020

Challenge mauvais genres 2020
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Boudicca

Boudicca qu’on appelle aussi Boadicée est une reine guerrière du Ier siècle, qui dirigea la grande révolte des Bretons contre l'occupant romain. Elle est née vers 30 et morte en 61. Reine des Icenis dans la région qui est aujourd’hui le Norfolk au Nord-Est de la province romaine de Bretagne (source Wikipédia).

Les historiens Tacite et Dion Cassius ont en dressé un portrait terrifiant, avec Jean-Laurent Del Socorro c’est un portrait de femme de son enfance à sa mort. Il nous offre une version très poétique et onirique de l’enfant (fille d’Antedios et des deux Andraste, reine des Icènes et déesse de la guerre) en manque d’amour et de reconnaissance de son père, à son initiation guerrière par sa protectrice Ysbal (une ancienne guerrière) à son éducation par le druide Prydain (le grand druide) qui lui apprend toutes les subtilités de la nature et des hommes. La jeune fille est une rebelle qui aime son peuple. Elle se bat pour lui avec amour et passion.

Pour lui elle devient une chef courageuse, respectée pleine de ressources et déclare la guerre à l’ennemi romain. Elle est femme, elle est reine, elle est mère. Tout cela Del Socorro nous le raconte dans un livre relativement court mais bien condensé et plein d’émotions, on a l’impression d’être dans un monde de héros mythiques de légendes mais en fait ce fut une réalité.

Une femme forte et en manque de beaucoup de repères mais qui sait les dépasser. Une reine dans un monde d’hommes, les siens la reconnaissent comme telle, les Romains la sous-estiment, ils en paieront le prix fort. Mais l’Aigle est plus fort que le Lièvre… malheureusement pour Boudicca.

Très beau roman que j’ai adoré. J’aime l’écriture de Del Socorro que j’ai déjà découvert Dans royaume de vents et de colère.

Cerise sur le gâteau, la couverture du livre est vraiment magnifique. La femme représentée couverte de peintures de guerre dans cette couleur bleue vive a tout de la guerrière des temps anciens. Ce livre donne envie d’en découvrir un peu plus sur cette femme hors norme qui est devenue une légende pour son peuple.

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Du roi je serai l'assassin

Après quelques sauts dans la Bretagne romano-celtique de Boudicca (2017) et la guerre de Sécession aux États-Unis d’Amérique dans Je suis fille de rage (2019), Jean-Laurent Del Socorro revient en avril 2021 dans l’univers de Royaume de Vent et de Colères (2015) avec Du roi je serai l’assassin, toujours chez les éditions ActuSF.



L’enfance de Silas

Silas est un assassin accompli, mais ce ne fut pas toujours le cas. Alors qu’il converse avec un garde sur les hauteurs de Marseille en mars 1569, lui vient l’envie de lui raconter son histoire, depuis sa plus tendre enfance. C’est à Grenade, en Andalousie, en 1540, que débute le récit de celui qui s’appelle alors Sinan, ainsi que de sa grande sœur et jumelle Rufaida et sa petite sœur Sahar. Morisque dans une Espagne qui est devenue l’État européen le plus puissant et qui a étendu son empire colonial sur plusieurs continents, Sinan apprend, beaucoup, de la théologie à l’escrime en passant par l’anatomie. Il est guidé par plusieurs mentors et est en quête de compréhension d’un monde qui est en train de changer. Confronté à l’ambition de son père, il recherche une « pierre du Dragon » qui pourrait permettre aux morisques de se révolter ; confronté à l’ambition de sa sœur, il l’accompagne dans ses études à Montpellier pour devenir médecin ; confronté aux oppositions politiques qu’il rencontre, il doit parfois choisir son camp et en subir les conséquences. Sinan ne devient donc Silas qu’après de nombreuses épreuves et plusieurs changements dans sa manière de voir le monde.



Une histoire de famille

Malgré le titre et le fait que les lecteurs de Royaume de Vent et de Colères connaissent le « pedigree » de Silas, il ne faut pas s’attendre à un roman d’intrigues politiques ou de « crapule fantasy ». C’est ainsi que, de Grenade à Marseille, Jean-Laurent Del Socorro opte pour un récit intimiste puisque Sinan raconte à la première personne ses épreuves : il est confronté à la concurrence/connivence de sa grande sœur, à sa relation aussi proche avec sa petite sœur, à son opposition à un père autoritaire et à des mentors qui ne l’aident pas assez à son goût. L’auteur manie ici des thématiques qui lui sont familières, avec sa plume alerte habituelle, à commencer par la difficulté de « faire famille » dans un contexte de dissensions morales. Concomitamment, la place des femmes est également une thématique centrale (comme dans tous les romans de Jean-Laurent Del Socorro d’ailleurs), avec le bon usage de l’ambition de Rufaida qui cherche à se faire une place réservée aux hommes, ainsi que d’autres personnes mises en minorité par le pouvoir en place ; ici aussi, la question de l’homosexualité est subtilement posée. Autant de thèmes sociétaux qui rendent plus immersive cette histoire du XVIe siècle.



Un récit des guerres de religion

Malgré l’orientation très « familiale », un très fort accent est mis par l’auteur sur la dimension religieuse. Dès les premières pages, la place des morisques au sein de l’Espagne « très catholique » pose problème, car ils sont à la fois vus comme des traîtres par ceux qui auraient voulu conserver l’islam comme instrument politique et comme potentiels traîtres par les catholiques au pouvoir qui voient en eux une future cinquième colonne qui se révoltera bien un jour et qu’il faut donc tenir en respect, Inquisition à l’appui. Cette question des convertis en Espagne suite à la fin de la Reconquista complète la montée des guerres de religion au sein du royaume de France : les confrontations entre catholiques (« papistes ») et réformés (« protestants ») s’accentuent, et notamment dans les régions de Provence et du Languedoc. Jean-Laurent Del Socorro fait alors le choix d’aborder cette période par l’axe de l’humanisme. Ainsi, recherche de savoirs antiques, voire cachés, attrait pour les connaissances et leur diffusion, puis construction d’un esprit critique face à ces connaissances sont les étapes rencontrées par le protagoniste. Silas poursuit inlassablement une quête que le lecteur ne saisit l’importance que tardivement : celle de l’Artbon qui peut anéantir des armées entières mais aussi l’humanité de celui ou celle qui use de son pouvoir. L’existence de cet artefact « magique » se mêle efficacement au contexte des guerres de religion. Ce mélange qui couve tout du long fait que Du roi je serai l’assassin est intrinsèquement lié aux autres écrits de l’auteur sur le XVIe siècle qu’ont été le roman Royaume de Vent et de Colères (simple allusion à l’Artbon mais des personnages riches de caractéristiques touffues), les nouvelles « Gabin sans aime » et « Le vert est éternel » (qui développement les relations sociales entre quelques personnages déjà rencontrés), ainsi que la novella La Guerre des trois rois (qui appuie plus lourdement sur le lien entre l’Artbon et la résolution des guerres de religion par l’entremise d’une personnage importante). Cela pose d’ailleurs un problème sur la toute dernière partie du roman : on retrouve un autre personnage de cet univers qui, lui aussi, fait son récit à la première personne du singulier, ce qui casse un brin la dynamique du roman qui narrait comme une confession l’histoire de Silas. D’un coup, on se retrouve avec un autre point de vue qui brise la liaison opérée entre le lecteur et ce personnage, et donne l’impression de mettre un point final pas seulement à ce roman mais quelque chose d’autre...



Du roi je serai l’assassin est donc un roman bien ficelé, sur une toile de fond riche et avec des personnages que l’auteur maîtrise bien ; Jean-Laurent Del Socorro fait des choix narratifs qui peuvent être critiqués si on s’attend à un récit d’intrigues politiques et d’assassinats compliqués, mais qui renvoie bien à ses thématiques désormais habituelles, entre féminisme et humanisme.

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Je suis fille de rage

L’année dernière, de Jean-Laurent Del Socorro, je lisais « Royaume de vent et de colères » et il y a peu de temps « Boudicca »… Après les guerres de religion puis la rébellion d’une reine celte, l’auteur s’attaque à un gros morceau, la guerre de Sécession des États-Unis, les Yankees contre les Dixies, les états du nord contre les états confédérés du sud. Un même peuple, une guerre civile, atroce, meurtrière, dévastatrice avec à l’issue l’abolition de l’esclavage.

L’auteur a réussi le tour de main, de nous raconter cette guerre à travers des lettres véridiques des grands chefs militaires et du président Lincoln, d’extraits de journaux de l’époque et d’une docu-fiction qui colle fort bien à la réalité à travers différents personnages charismatiques et qui représentent bien l’époque. La plupart des personnages ont existé mais l’auteur y rajoute une part d’uchronie et de fantastique qui colle fort bien à l’histoire.

Un livre donc qui nous fait voyager à travers toutes les grandes régions du pays qui ont eu à subir les assauts des uns et des autres. Les personnages qu’ils soient du Nord ou du Sud, sont des hommes, des femmes, comme tout un chacun. Ils ont des sentiments, des peurs, des convictions et cette même rage de faire plier l’adversaire.

Lecture commune que j’ai eu grand plaisir à partager avec Fifrildi dans le cadre d’un challenge historique. Nous n’avons eu de cesse d’échanger nos impressions et ressentis. De plus ce fut un excellent exercice de recherche des différents personnages. Au plaisir de la lecture, l’apprentissage d’une époque que je connaissais peu m’en a fait connaître un peu plus et d’une manière plus ludique qu’un simple livre d’histoire. La qualité d’écriture de Jean-Laurent Del Soccorro, y est pour beaucoup.

Le livre aussi est un très bel objet avec une couverture bien particulière qui met Abraham Lincoln fasse à la Mort dans un dialogue permanent durant toute la période du conflit. La construction du récit se découpe en cinq parties, qui contiennent chacune des lettres authentiques des responsables militaires, des dialogues de Lincoln avec la Mort, chaque personnage principal porte une dénomination bien précise, par ex : Le Général qui ne compte pas ses morts est Ulysses Grant, général en chef des armées Nordistes , ou même Le Commandant qui ne prend pas les armes contre son pays natal est le Général Lee commandant en chef des armées confédérées. Tous ses titres représentent fidèlement le caractère et le tempérament de celui qu’ils désignent.

Une très belle construction, une belle écriture, toute en finesse et active. Il y a du rythme, les chapitres s’enchaînant avec une logique sans faille tout au long de cette longue guerre.

Un très grand plaisir de lecture, je continuerai à découvrir la période en lisant prochainement une biographie d’Abraham Lincoln de Lilian Kerjan.

Merci à toi Fifrildi pour cette chouette lecture.
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Boudicca

Quand la pax romana n'a plus cours sur l'île de Britannia, les peintures de guerre sont ravivées.



Des triskels bleus. Bleu de guède. Pour affronter d'autres tribus, comme cela se faisait couramment du temps de l'enfance de Boudicca, la princesse icène plus guerrière que diplomate; mais aussi bouter les Romains par delà la mer.

Jusque là toléré par les tribus celtes soumises par la force, l'occupant romain, alors qu'il passe du bègue Claudius à la folie de Néron, dépasse les bornes car les impôts sont doublés pour les Icènes.



Je conseille ce récit initiatique. Celle d'une reine instruite par un haut druide et formée aux combats par une femme-soldat et un prince déchu. de son enfance jusqu'à sa fin, Boudicca honore Epona et Cernunnos mais ne tolère pas que les Romains dressent un temple à Claudius et qu'on lui impose ce culte sur la place du village, comme une ultime humiliation.



Les stratégies militaires et les moeurs celtes se recoupent avec quelques-unes de mes lectures.



Del Socorro s'est documenté pour obtenir un résultat concluant qui, bien que partisan, offre de beaux épisodes de bravoure.

Seule critique: une fin abrupte qui détonne avec les autres parties autrement mieux développées et si bien écrites.
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La Guerre des trois rois

Y’a pas à dire : La guerre des trois rois est un bel objet.



Couverture dure, marque page cousu, magnifique couverture imitant une peinture d’époque, l’éditeur a même intégré des « marques de brûlure ». Tout est fait pour qu’on ait vraiment l’impression d’avoir un journal de guerre entre les mains, mais genre qui aurait été restauré pour la Pléiade.

Il s’agit d’une des toutes premières réalisations de la collection ActuSF Graphic. Marc Simonetti l’illustrateur et Jean-Laurent Del Socorro l’auteur participent à l’œuvre à part égale. Le livre fourmille d’illustrations, de l’esquisse au tableau style Renaissance, du portrait au décor architectural. Et ces images ne sont pas de simples ajouts passifs ; ils répondent au texte et participent d’une mise en abîme. Car on finit par ne plus savoir si c’est Marc qui a dessiné, ou Tremble-voix de la compagnie du Chariot. Cela en devient presque un défaut vu qu’à plusieurs reprises les échanges entre texte et illustrations m’ont sorti de l’histoire. Mais en fait il s’agit d’une question d’habitude ; je m’y suis fait assez rapidement en fin de compte.



Jean-Laurent Del Socorro nous replace dans l’univers de Royaume de vent et de colères en remontant un peu le temps, à l’époque où les trois Henri – Henri III, Henri de Navarre et Henri de Guise – se frittaient grave (entre parenthèses je suis presque sûr que l’auteur aurait préféré intituler le livre La guerre des trois Henri mais Jean d’Aillon était déjà passé par là. Du coup on a droit à « rois », ce qui cloche un peu vu que de Guise ne l’était pas, roi, même s’il a pu espérer le devenir).

C’est à nouveau la compagnie du Chariot qui tient le devant de la scène ; une compagnie de mercenaires comme il y en avait tant et dont on a déjà entendu parler dans le roman et dans la nouvelle Le vert est éternel. Engagée par le roi Henri III à une époque où ce dernier à fort à faire entre les huguenots d’un côté et la Sainte Ligue de l’autre. La novella nous raconte les tragiques événements de cette période, auxquels les personnages imaginaires et la magie de l’artbon se mêlent de manière active, jusqu’à proposer une interprétation des faits proprement jubilatoire. J’ai pu seulement en deviner la moitié et l’autre moitié m’a surpris. Et j’adore être surpris.



Tout n’est pas parfait selon moi. J’ai parfois ressenti – peut-être à tort – que le texte cherchait plus à parler de l’image ou pour l’image qu’à conter l’histoire. J’ai également été un peu sceptique quant à la dynamique de la première scène d’assassinat qui m’a semblée peu vraisemblable, un peu forcée pour coller aux révélations de la fin.

J’aurais aussi apprécié un peu d’approfondissement de la psychologie de certains personnages, ou même plus de présence comme par exemple pour Axelle la chef du Chariot, qui fait plutôt de la figuration. Mais le format novella ne le permet pas, dans la mesure où l’attention est portée aux actes.

Une chose m’a intrigué : nombreuses sont les femmes soldats dans cette histoire, y compris dans les rangs de la garde personnelle de Henri III, les Quarante-Cinq. J’étais incapable de savoir s’il s’agissait de lard historique ou de cochon uchronique. J’ai donc posé la question à l’auteur qui m’a aimablement répondu souhaiter mettre dans ses récits autant de femmes guerrières que d’hommes. Dans la vraie Histoire, les Quarante-Cinq étaient des hommes. C’est le choix de l’auteur. Je n’y adhère pas vraiment. Ce genre de détail anachronique peut passer pour la réalité si l’auteur n’en avertit pas son lecteur.



Après avoir dit ça, reste le fait que j’ai avalé le récit en une journée et que j’ai pris ma petite claque à la fin. Bien fait.

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Je suis fille de rage

Après Royaume de Vent et de Colères, puis Boudicca, voici que Jean-Laurent Del Socorro présente son troisième roman : Je suis fille de rage !



Une histoire de la guerre de Sécession

Jean-Laurent Del Socorro s’est lancé dans un pari un peu fou : relater la guerre de Sécession du premier au dernier coup de fusil ! Dans ce vaste roman, il s’attaque donc à retracer les aléas de la jeune république des États-Unis d’Amérique. Débutée en 1861 par le refus des États confédérés de reconnaître l’élection d’Abraham Lincoln, terminée en 1865 sur la victoire des États du Nord, cette guerre est divisée en cinq parties par l’auteur comme autant d’années traversées, parties titrées respectivement « Paix comme Perdition », « Eux comme Ennemis », « Dés comme Destins », « Aile comme Liberté » et « Haine comme Nation » . Dès le départ, afin de ne pas perdre le lecteur, l’auteur prévient des quelques arrangements qui sont prodigués à la mise en page pour se repérer plus facilement et cela rappelle déjà une chose : il y a eu deux fronts à cette guerre, celui à l’ouest et celui à l’est, puisque nous sommes alors à la fin du XIXe siècle, les États-Unis d’Amérique ne s’étendent pas encore d’un océan à l’autre de façon continue, cela joue sur les déplacements et la compréhension de cette guerre.



La précision de Royaume de Vent et de Colères

À l’image de son premier roman, l’auteur a voulu être au plus près des sources de l’époque pour nous faire revivre la guerre de Sécession (Civil War pour les États-Unis d’Amérique). Sauf que, sauf que… Sauf que ce coup-ci, ce n’est pas non plus une simple évocation d’un moment historique très particulier, mais bien quatre années de guerre avec ses soubresauts et ses retournements, ses enjeux politiques, économiques et sociaux ! Ainsi, par exemple, pour rendre (encore) plus crédible son histoire, l’auteur n’a pas hésité à traduire lui-même certaines sources et à les ajouter au récit. Sauf que ce coup-ci, ce ne sont pas cinq personnages qu’il s’est donné l’occasion de fouiller en profondeur, mais c’est une vaste galerie de personnalités très diverses qu’il utilise ! Ainsi, parmi les (très, voire trop peut-être) nombreux personnages, nous croisons bien sûr le président Lincoln et les affres de pouvoir, les différents généraux célèbres de deux côtés de la mitraille, mais, et c’est sûrement le plus intéressant, quantité de personnages méconnus ou inventés, tous étant désignés par une titulature qui leur est propre : ainsi, le lieutenant Sherman est « L’Officier qui lutte contre la folie », le général Ulysses Grant est « Le Général qui ne compte pas ses morts », tout comme le général Robert Lee est « Le Commandant qui ne veut pas prendre les armes contre son pays natal » ; plus intéressant car plus subtil, « Le Brigadier qui n’est le majordome de personne » (le soldat Butler évidemment, traduction oblige), « L’Acteur qui a un rôle à jouer », « Le Sorcier qui invoque le Dragon », « La Fille qui n’a plus père » (Caroline, celle qui est fille de rage), « La Capitaine qui force le destin » ou bien « L’Affranchie qui n’est pas libérée », ce sont quelques exemples de l’angle choisi par l’auteur pour décrire en peu de mots et peu de temps ses personnages. Ces choix permettent de donner de la chair à un récit qui en aurait manqué si on s’était contenté de faire le récit des batailles et des choix politiques faits en haut-lieu. Cela permet également de rendre plus égalitaire notre vision de l’histoire : des personnages esclaves, des personnages féminins, des personnages issus des classes populaires, autant de points de vue dont on a besoin pour cerner l’ensemble du tableau, même si les sources conservées ne viennent que très rarement d’eux.



Une pointe de fantastique comme dans Boudicca

À nouveau, Jean-Laurent Del Socorro opte pour un cadre très historique, mais où il insère le moins possible de surnaturel ou de fantastique. Ici, la seule touche qui peut vous faire quitter le roman historique, c’est l’apparition régulière de la Mort, personnalité blanchâtre habillée d’un uniforme militaire et coiffée d’un halo vaporeux sur son crâne sans chair. Au départ, elle n’apparaît qu’avec Abraham Lincoln qui, de son bureau de président des États-Unis d’Amérique, décide du destin de milliers d’Américains. Alors la Mort compte et recompte : elle décompte chaque mort par un trait de craie sur les murs du bureau de Lincoln ; forcément, il n’y a que lui qui voit ces murs se remplir de traits et son bureau de fumée blanche, lui rappelant constamment le prix de ses décisions. Cette Mort donne en plus un ton légèrement différent à ce massacre supplémentaire que fut la guerre de Sécession ; elle se trouve partout où survient une tuerie, forcément, mais elle rôde comme un mauvais présage pour certains personnages. Comme un pied de nez à l’intrigue, des personnages peuvent voir leur heure arriver contre toute attente et c’est elle qui le signale au lecteur par sa seule présence et ses phrases en italique. Dénuée de volonté propre mais mue par son seul destin de compter le décès de ces gens qui se disent eux-mêmes humains, elle est la caution morale du récit : elle constate et tient les comptes.



Je suis fille de rage est donc, à ce jour, le roman le plus ambitieux et méticuleux de Jean-Laurent Del Socorro, à n’en pas douter (tout comme on ne doute pas que le terminer a dû lui prendre pas mal de temps) ; même si les chapitres trop rapides peuvent laisser sur sa faim, il faut reconnaître la robustesse de la documentation. Son prochain roman semble plutôt se diriger vers l’Espagne de la fin du Moyen Âge, encore une toute autre ambiance…



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Thèmes : nourriture , fruits et légumes , fromages , manger , bizarreCréer un quiz sur cet auteur

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