Le chat vit pour l'élégance, qui est l'art de s'exprimer à travers la forme la plus ajustée et sobre qui soit .Une revue de détails s'épuiserait à trouver un quelconque laisser-aller .Pas un seul faux pli, pas un seul faux mouvement .
Même les oreilles, organes souvent grotesques et mal entretenues chez d'autres espèces, restent irréprochables . Elles sont taillées sur mesure . Une vingtaine de muscles équipent chacune d'elles; un petit soufflet, à leur base, garantit leur indépendance de mouvements .Sans exagération, ces oreilles pêuvent tout dire .
Droites et inertes, elles accusent la perplexité du chat, esquissant un bonnet d'âne infligé à un élève un peu ballot . Un léger bruit suffira à les dégourdir. Elles révèlent alors leur fonction première de cornet acoustique, appréhendant les sons comme une main le fait d'un objet . Elles les localisent, les enveloppent, tâtonnent à la recherche de la position d'écoute idéale. Une porte claque, et elles tournent autour d'un huis imaginaire . Une souris couine, et elles débusquent la proie .
On peut vivre sourd et tout de même bien entendre : il suffit de regarder ces oreilles-là . Elles rendent évidents les décibels .
Soudain repliées sur elles-mêmes, elles sculptent un masque de guerrier et annoncent un combat proche . Un dessin rond,de poils diversement colorés, s'inscrit parfois à leur revers : certains chats sauvages s'offrent ainsi une sorte d'oeil supplémentaire, propice à effrayer l'ennemi .
Rejetées en arrière, devenant peu à peu invisibles, elles trahissent une grande peur . Elles tirent la tête du chat vers l'arrière, la mâchoire s'ouvre, le nez, les joues, le crâne se plissent, et des dizaines de rides drainent la face versle ciel. L'allure générale évoque la mine ahurie de quelqu'un ôtant son passe-montagne .
Entre l'oreille belliqueuse et l'oreille poltronne, il existe quantité d'autres oreilles, bonasses, interrogatrices, posées en parenthèses, désolées, contrites, ou simplement étourdies, sans parler des oreilles qui se contredisent entre elles et perpétuent un dialogue de sourds .
Le chat passe environ les deux tiers de son temps à dormir. Ce n'est pas du sang qui coule dans ses veines mais un tilleul infusé.
Le chat est un animal domestique dont l'insolente capacité de sommeil,le goût prononcé pour des surfaces incurvées et molles,et le souci constant du mieux-être conduisent à préférer une altitude moyenne de 65cm,soit la hauteur d'une chaise,prolongée de l'épaisseur d'une cuisse.Le chat s'acclimate sur les genoux de l'homme.
Le chat ronronne pour la première fois de sa vie quand il tête.La béatitude est immense.Sa mère lui répond;deux paix confiantes et ensommeillées se font écho.Plus tard,face à l'homme,le chat retrouvera le goût de ces bruyantes tétées
à travers une caresse ou une cajolerie.
Les écrivains furent mes compagnons les plus sûrs. (...)
Ces écrivains suivent chacun une voie régulière. Rebelles qui fuient leur époque, mélancoliques dont le mouvement soulage les idées noires, prophètes, mystiques, mauvais coucheurs, excentriques, garnements avides d'échappées belles. (p. 9)
Rien peut-être ne donne plus de talent que l'amour. le Chat dans tous ses états est une réussite. extraordinaire. Jean-Louis Hue a trouvé pour parler des chats des élégances félines, qui rappellent un peu les chroniques de Vialatte. Le Chat dans tous ses états est un livre à la fois documenté, drôle, tendre et réjouissant. Jean-Pierre Enard. VSD
Le chat est bien un animal de garde, mais d'une garde subtile, qui protège des angoisses, ces cambriolages de l'esprit. (p.154)
Le voilà tendre, câlin, bavard. Sa vie n'est qu'un petit lait qu'il boit goulûment.
Une maison sans chat est un aquarium sans poissons.
Pour s'approcher de l'homme, le chat attend que la civilisation repose, vieillisse, se bonifie. [...] L'homme récolte, bâtit sa maison, allume un feu, prend son temps, ouvre un livre. C'est un progrès. Il tapote un coussin. Le chat entend un appel dans ce tam-tam feutré. (p.13)