Jean-Luc Gréau

Mais qu’est-ce donc que la sphère financière ? J’ai envisagé son caractère technique et j’ai incriminé sa prétention à dominer la sphère économique et, à cette occasion, à exercer sur elle une forme inédite de prédation. Mais à quel type d’organisme repérable dans l’Histoire et dans la théorie sociale peut-on la rattacher ? Celles-ci nous proposent la catégorie éclairante de la bureaucratie, organisme qui définit lui-même ses compétences, ses objectifs et ses méthodes de travail sans passer par le truchement de la loi ou du règlement public ou, sinon, de lois ou de règlements qui ont été pris à sa demande. Elle est un pouvoir auto-institué, ou bien un État dans l’État, ou bien, c’est le cas de la bureaucratie financière, un pouvoir hors de l’État, extraterritorial et supranational, qui subordonne les entreprises et les États. Mon discours tend à démontrer comment les fonds de placement se sont arrogé le contrôle des entreprises – leur compétence spécifique –, ont posé l’axiome de la création de valeur pour l’actionnaire – leur objectif propre – et ont imposé les rachats d’actions – leur méthode de travail –, comment les banques ont pris le contrôle des États – leur compétence spécifique –, mis en musique le surendettement – leur objectif propre – et généralisé la titrisation – leur méthode de travail.