Jean-Marie Abgrall

La plupart des sectes revendiquent le statut d'Eglise, ce qui ajoute à la complexité du problème. (...) C'est Max Weber qui, le premier, a défini la secte par opposition à l'Eglise. (...)
Alors que la religion est un phénomène coextensif de la société globale, la secte représente à l'opposé un parasite du corps social. Certains groupes peuvent être qualifiés de sectes, alors même que la pensée propagée en leur sein est conforme à la tradition religieuse. Il faudra analyser leur structure et leur mode de fonctionnement.

Le discours de persuasion coercitive s'appuie sur une donnée fondamentale : la mystification. Il s'agit d'un discours falsifié dont le but n'est pas la communication, mais bien la conversion de l'auditeur. La stratégie de mystification consiste à passer progressivement du réel à l'illusoire, sans déclencher de phénomène de rejet.

Les sectes ne constituent pas un phénomène nouveau. Platon et Aristote avaient leurs séides; s'ils ne s'entretuaient pas, ils s'affrontaient dans des joutes philosophiques; Jésus le Nazaréen passe pour avoir été initié par une secte, celle des esséniens.
L'erreur commune consiste à confondre secte et organisation secrète ou initiatique, soit involontairement, soit par choix ecclésial ou dogmatique.Aucun point commun n'existe pourtant entre la Triade chinoise, la Soka Gakkai, la franc-maçonnerie, l'alchimie, la Fraternité blanche, la Nouvelle Acropole ou la scientologie. Accusée de charlatanisme, une secte saura jouer sur des confusions volontairement entretenues. Elle s'insurgera d'être comparée à la Triade chinoise (véritable mafia chinoise) ou alléguera une vague parenté avec la franc-maçonnerie, qui est respectée et, le plus souvent, respectable (hors les aléas d'une Loge P2).

Dans tous les cas, des individus coupés du monde se persuadent de l'avènement prochain de l'apocalypse. Regroupés autour de personnages à la fois douteux et fascinants auxquels ils ont voué leur vie, ils oeuvrent à la venue d'un peuple "élu", en développant une paranoia et une mégalomanie de groupe qui les conduisent à nier la réalité et les lois de la société. Certes, toutes les sectes ne finissent pas de façon aussi dramatique. Nombre d'entre elles continuent leur bonhomme de chemin, tissant leur toile, consolidant leur réseaux, leur pouvoir et leurs richesses. Esclavagistes par nature, elles méprisent les droits les plus élémentaires de la personne humaine.
Confronté à maintes reprises à cette mouvance, j'ai voulu en décoder les principes. cet essai offre une méthode clinique d'analyse du phénomène sectaire. C'est un fil d'Ariane destiné à ceux qui sont confrontés à la manipulation. Je me suis fixé un triple but : approcher la psychodynamique sectaire, décrire quelques éléments de cette psychopathologie particulière, la débarrasser des obscurités qui l'entourent. Ce livre se veut aussi un guide de référence pour ceux qui, confrontés aux sectes dans leur travail ou leur famille, se trouvent désemparés.

Il est édifiant d'analyser le passé médical des gourous. Nombre d'entre eux ont fréquenté le monde médical. Non en tant que praticiens mais, le plus souvent, comme patients, lors de phases d'internement en milieu psychiatrique.

Un coup d'oeil aux cinquante dernières années montre qu'il existe peu de points communs entre des maîtres à penser comme Sri Aurobindo, Lanza del Vasto ou Taisen Teshimaru et des individus tels que Ron Hubbard, Rael ou Moise David. (...) La dérive sectaire n'en demeure pas moins possible : la prolifération des pseudo-gourous issus de l'ashram d'Auroville crée par Aurobindo est là pour rappeler cette menace.

La psychiatre décrit comme "paraphrénie" une maladie mentale qui coupe totalement le sujet de la réalité en le projetant dans un univers fictif construit autour des interprétations les plus saugrenues, des théories les plus fumeuses et des délires les plus élaborées.