Des formes pour vivre l'environnement : présentation de la conference
Ne pas dire grand-chose de la lecture traduit précisément l'acceptation de sa nature radicalement privée, individualisée et échappant à toute sanction d'(il)légitimité. (...) Ce que fait la lecture, comme la critique, ce n'est pas découvrir un sens (...) qui serait tapi dans l’œuvre (...), c'est générer un sens, c'est remplir de sens une forme.
La mort (réelle) de l'écrivain (...) crée les conditions pour que puisse naître la figure de l'auteur comme Loi de l'Œuvre. Tant que l'écrivain est vivant, les lecteurs sont libres (c'est peut-être une des raisons pour lesquelles l'école préfère les écrivains morts), personne ne pouvait se prévaloir d'être investi de l'autorité à parler à la place de qui est vivant (même si celui-ci, comme c'est le cas de nombreux écrivains, se tait quant à son œuvre). Mais dès qu'il est mort il devient la Loi de l'Œuvre qui, comme toute loi, nécessite des interprètes légitimes et compétents.
Imaginer le désastre c'est, selon vous, l'accepter, de même qu'énoncer son caractère inévitable c'est l'asserter. (...) Le "fascisme" de la langue ne réside donc pas seulement dans le fait qu'elle nous oblige à parler, mais aussi dans le fait que par sa nature assertive elle nous engage toujours ontologiquement : dire que la mort est inévitable, c'est accorder l'être à la mort.
Les paroles pour l'ami mort, à qui parviennent-elles, sinon à "lui en moi", donc à moi-même ?
Ainsi, le fait que je voie mon voisin en train de se débarrasser des mauvaises herbes de son jardin me donne envie de m'adonner à la même activité ; mais la façon dont je le fais, c'est-à-dire par un binage erratique et à la tête de la mauvaise herbe rencontrée (j'ai des réticences à me débarrasser des végétaux en fleurs, ce qui rend mon binage particulièrment inefficace), obéit à un scénario qui m'est propre et qui repose sur une interprétation très laxiste du principe : le mieux est l'ennemi du bien ; cela n'a pas grand-chose à voir avec le scénario, diablement efficace, inspiré par Attila et développé par Monsanto, qu'applique mon voisin.
La langue n'est bonne que lorsqu'il y en a plus d'une. Dès qu'il n'y en a qu'une seule, elle devient mauvaise, parce qu'elle devient à la fois obligatoire (on ne peut pas passer à une autre) et autiste (elle est refermée sur elle-même).
Un texte lisible est un texte qui peut être "consommé" passivement, alors qu'un texte scriptible exige une intervention active du lecteur : on ne peut le lire qu'en le réécrivant.
Notre attitude générale à nos perceptions est celle de la croyance naïve, ce qui est tout à fait normal dans la mesure où dans la plupart des conditions cette confiance perceptive naïve EST justifiée. Or, Ruth Millikan note qu'il en va de même pour ce que nous apprenons à travers la parole : « On suppose en général que l'acquisition d'informations par l'intermédiaire du canal linguistique est un processus radicalement différent de la collecte d'informations réalisée directement par la voie perceptive. Il y a pourtant des raisons d'admettre que la différence a été largement surestimée et qu'en réalité notre habitude de faire confiance de manière non critique à ce qu'on nous raconte ressemble de manière surprenante à notre façon de faire confiance de manière non critique à ce que nous voyons. Il existe par exemple des preuves expérimentales qui montrent que ce qu'on nous raconte est traduit directement en croyances, à moins que nous n'entreprenions un travail cognitif pour empêcher ce passage — c'est-à-dire que les choses se passent de la même manière qu'avec ce que nous percevons à l'aide d'autres médias. »
Chapitre II : Mimèsis : imiter, feindre, représenter et connaître, 5. De la représentation à la représentation mimétique.
Un expérience de lecture est une expérience aussi réelle que n'importe quelle autre expérience vécue.
Tout texte est en effet un acte communicationnel ; tout texte a une structure à partir de laquelle on peut extrapoler des règles ad hoc ; tout reste (sauf à rechercher quelque Urtext introuvable) se situe par rapport à d'autres textes, donc possède une dimension hypertextuelle ; tout texte fini ressemble à d'autres textes.