Nous devons devenir capables de voir, de sentir, de conduire le Ki de ceux qui nous entourent. Nous devons unifier notre parole, notre corps, notre esprit. Nous devons devenir Un avec le fonctionnement de toutes les choses dans l’univers.
Il ouvre les yeux, contemple le rectangle de papier posé bien droit sur le bois verni. Il ricane soudain : c'est donc ça, l'angoisse de la page blanche ! Cet emprisonnement des sons aux portes de la conscience, qui les empêche de muer, qui leur ôte toute substance. Cette perte cauchemardesque du fil d'Ariane dans le labyrinthe des pensées. Cette sensation de lente noyade, d'implacable enlisement. Il se sent muré vivant, statufié. Une lente minéralisation gagne son cerveau. C'est la paralysie des mots !
L’homme n’accélère plus ; il a trouvé son rythme. Ses foulées sont amples, régulières. Ses bras pilotent la course, maintiennent l’équilibre d’un corps massif, blindé, machine de guerre superbe et conquérante. La sueur s’écoule en rigoles le long du visage, sur le nez frémissant, sur la bouche haletante, sur le menton taillé comme un roc. Elle fait une aura d’âcreté autour de lui, se vaporise en fines gouttelettes au contact d’un souffle incandescent, brûlant comme la gueule d’un canon
Mais il court aussi pour se souvenir. Il court parce que le but de la vie n'est pas le repos. Il court parce qu'il est végétal, que ses racines sont terrestres.
Ils arrivent par grappes, ou bien seuls. Sales, brûlants de fatigue, caillés de sueur.