Jean-Michel Quatrepoint

L'Allemagne, c'est un peu Dr Jekyll et Mr Hyde. Il y a désormais deux Allemagne: celle des salariés de l'industrie et de tous ceux qui gravitent dans son sillage, et celle des working poors. Si dans les branches industrielles, les syndicats ont obtenu des grilles de salaires correctes, surtout sous Merkel, 6,5 millions de personnes étaient payées moins de 10 euros bruts l'heure, dont 2 millions moins de 6 euros.
Il n'y a pas de Smic dans les services et les mini-jobs à 450 euros par mois se sont multipliés.

La troisième révolution a débuté, il ya une trentaine d'années, avec l'émergence d'un nouveau système technique de production.
La vapeur était le moteur de la première révolution; l'électricité, celui de la deuxième.
Le logiciel connecté au réseau est le moteur de la troisième.
Cette troisième révolution transforme l'économie en Iconomie.
L'Iconomie, ce n'est pas seulement l'informatisation, la robotisation, l'autonomisation des tâches répétitives; Ce n'est pas seulement le numérique, l'utilisation d'Internet.
L'Iconomie , c'est l'intelligence partagée en réseau, autrement dit une "reconception" d'ensemble des process de production, de l'organisation même des entreprises, des administrations.

L'élargissement accroît le poids de l'Allemagne au sein des instances européennes. Tous ces pays, à commencer par les trois petits Etats baltes, sont un peu ses obligés. Certains, la Hongrie notamment, ayant été de fidèles alliés de Hitler, sans parler de la Croatie qui a rejoint l'Union Européenne en 2013.
En poussant à l'élargissement, en multipliant les confettis, l'Allemagne ne fait que reconstituer ce Saint Empire romain germanique où les Princes - les petits Etats de la Mitteleuropa aujourd'hui - disposaient d'une relative autonomie par rapport à l'Empereur.
A l'image de celle dont bénéficient les Länder vis à vis de l'Etat fédéral.

Toutes les projections montrent que les populations allemandes et françaises vont se rejoindre dans une trentaine d'années.
D'ici à 2060, notre voisin perdrait 15 millions d'habitants et la France en gagnerait 9.

Leur plaidoyer va d'autant mieux séduire le nouveau président qu'il n'est pas dans sa nature de partir à l'assaut, flamberge au vent. C'est une chose de traiter les banquiers de fat cats et de dénoncer devant le bon peuple les dérives du capitalisme financier, c'en est une autre de prendre des mesures concrètes pour rogner les pouvoirs de Wall Street. La personnalité de Barack Obama n'a rien à voir avec celle de George W. Bush. (…) Il n'a pas de doctrine. Nul ne nie son intelligence exceptionnelle, ses talents d'orateur, sa faculté à capter l'attention des foules. Mais était-il the right man at the right moment ? En clair, est-ce que les Etats-Unis n'auraient pas eu besoin, en 2008, d'une sorte de Reagan de gauche ou d'ailleurs, capable de casser les lobbies et de remobiliser le pays sur de nouveaux objectifs ?

Si l’Etat avait eu les compétences techniques et industrielles, s’il avait pris soin d’ecouter un tant soit peu ceux qui savent , sans doute aurait-on pu dessiner les contours d’un accord avec Général Electric plus intéressant. Un vrai accord d’égal à égal, sur le modèle de ce qui s’est fait avec Safran. Mais la politique industrielle est passée de mode. Il n’y a plus qu’aux États - Unis où des dirigeants politiques osent encore parler d’industrial policy. Sans parler d’Allemagne ou de la Chine.

Quand il y a eu ce sentiment d'urgence, ils ont sauvé Wall Street; mais quand il s'est agi de la classe moyenne, on ne nous a jamais dit : « La classe moyenne est pilonnée, 25 millions de personnes sont au chômage ou sous-employées, il faut faire quelque chose. »

La dévaluation, impossible à cause de l'euro. La restructuration, impossible parce que les banquiers menacent, s'ils sont mis à contribution, de faire sauter la planète. Ne reste donc que le troisième volet du triptyque : la rigueur. D'autant plus rude qu'elle ne peut pas s'accompagner des deux autres volets. Combien de temps les peuples des PIIGS et des autres supporteront-ils une telle politique – ou plutôt absence de politique ? En attendant une éventuelle explosion sociale, nos élites gagnent du temps. (…) On cache la poussière sous le tapis.