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4.15/5 (sur 13 notes)

Nationalité : France
Né(e) : 1879
Mort(e) à : Bransies (Seine et Marne) , 1949
Biographie :

Jean Norton Cru (né à Labatie-d'Andaure en 1879, mort "en France" en 1949) est un écrivain français.

Fils d’un pasteur et d’une mère d’origine anglaise (d'où son second prénom), il participe à la Première Guerre mondiale, et cette expérience le marquera pour le reste de sa vie. Il est engagé sur le front de la mi-octobre 1914 à février 1917, combat pendant la bataille de Verdun en juin 1916 et janvier 1917. Du fait de son bilinguisme, il est affecté à l’arrière début 1917, d’abord comme traducteur puis comme formateur d’interprètes avant de partir en mission aux Etats Unis.

Il est principalement connu pour son remarquable essai Témoins, dont le sous-titre est clair : Essai d'analyse et de critique des souvenirs de combattants édités en français de 1915 à 1928. Son ouvrage, dans lequel il étudie et critique à l'aune de son expérience de combattant mais aussi d'une abondante documentation (cartes d'état-major, journaux de marches...) plus de 300 récits publiés de soldats, suscita la polémique, car il remit par exemple en cause le caractère véridique et réaliste de romans aussi célèbres que Le Feu, d'Henri Barbusse. Il sera aussi très sévère avec les écrits de Roland Dorgelès, et plus encore avec ceux de Jacques Péricard.

Après guerre, il est professeur de littérature française au collège Williamston, dans le Massachusetts.

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Source : Wikipedia
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Bibliographie de Jean Norton Cru   (4)Voir plus

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Citations et extraits (35) Voir plus Ajouter une citation
Jean Norton Cru
Voilà le récit de guerre tel que le public l’aime, le récit qui fait
palpiter d’intérêt sans faire souffrir par les angoisses de l’auteur.
Un optimisme que rien n’abat imprègne tout le livre […]
Il arrive en pleine mêlée, une de ces mêlées serrées, compactes,
foyers de bruit, d’ivresse, de fureur et de sang comme les artistes
les représentent depuis plus de mille ans, qui n’ont peut-être
jamais existé, qui n’ont certainement jamais existé dans la
Grande Guerre.

(au sujet des souvenirs du frère belge Martial Lekeux)
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Deux ans après la guerre, des étrangers visitent le champ de bataille de Verdun et remarquent une ligne de fusils dressés, quelques-uns avec leur baïonnette. Ils auraient pu observer de semblables lignes de fusils sur de nombreux points du front, car c'était l'habitude des Français et des Allemands de jalonner ainsi les vieilles tranchées qu'ils avaient comblées après avoir entassé dans le fond des cadavres sans sépulture.

Comme ces étrangers ne connaissent rien à la guerre, ils croient à des hommes enterrés debout à leur poste ; ils ne savent pas que les obus ne peuvent fermer des tranchées, qu'au contraire, ils disloquent, éparpillent les parois des tranchées et les corps des occupants. Leur imagination s'enflamme. Ils voient des hommes sous un bombardement en pluie, submergés peu à peu par les éboulis et attendant, stoïques, que la terre montante recouvre leur poitrine, leurs épaules, leur bouche, leur yeux… Ils érigent un monument.

Si ces étrangers ne méritent aucun blâme, il n'en est pas de même des Français qui, connaissant la fausseté de la légende, ont essayé de lui donner une consécration historique. La tranchée des Baïonnettes, qui n'était au début qu'une innocente naïveté, est devenue, par suite de certaines complicités, une indigne imposture.

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Pour une lecture critique de "Témoins"
Frédéric Rousseau

Survivant du grand carnage, Jean Norton Cru retourne aux États-Unis après sa démobilisation et retrouve son poste de professeur, là malgré les incitations de ses proches l'invitant à rédiger ses propres souvenirs de guerre, il y renonce; en 1922, son choix de réaliser un Iivre d'un autre type se précise. Un pèlerinage effectué en août à Verdun et la résurrection des souvenirs d'un passé mort , semblent avoir définitivement conforté sa détermination. Déja, au cours d'une conférence publique tenue à Williams College le 14 février 1922 il avait confié à son auditoire : "là, dans ma tranchée, je fis le serment solennel de ne jamais soutenir ces mensonges, et, si Dieu me sauvait la vie, de rapporter la relation sincère et véridique de mon expérience. J'ai juré de ne jamais laisser mon imagination ni aucun désir d'expression littéraire faire de mon moi d'après-guerre le calomniateur de mon ancien moi de combattant. (Il y a des traitres qui ont été pris par l'amour propre). J'ai juré de ne jamais trahir mes camarades en peignant leur angoisse sous les couleurs brillantes du sentiment héroique et chevaleresque" Et c'est dans la quiétude solitaire de la bibliothèque de Williams College que l'étude systématique des souvenirs de combattants édités en français depuis 1915 est entreprise. Tache immense : inédite inégalée. Démesurée ? Peut-être. Mais Jean Norton Cru se sent alors littéralement appelé à témoigner pour les témoins ; au sens littéral du terme, il se sent choisi par le destin et parvient à force de volonté à donner vie à un projet d'une originalité et d'une ampleur sans précédent. L'enjeu lui-même peut paraitre d'une folle ambition puisque Jean Norton Cru s'est assigné la mission de dire à ses contemporains et à leurs descendants la vérité sur la guerre, dans l'espoir d'en empêcher le retour. Sans surprise, l'auteur reprend à son compte cette formule d'un témoin : "il faut que les jeunes sachent... "
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LE BUT DE CE LIVRE
... Nous présentons ici un ensemble de témoignages de combattants parce que nous croyons qu'ils serviront à la fois le public et les spécialistes, de deux manières. Aux sociologues, aux psychologues, aux moralistes, ils apprendront que l'homme n'arrive à faire la guerre que par un miracle de persuasion et de tromperie accompli en temps de paix sur les futurs combattants par la fausse littérature, la fausse histoire, la fausse psychologie de guerre ; que si on savait ce que le soldat apprend à son baptême du feu, personne ne consentirait à accepter la solution par les armes : ni amis, ni ennemis, ni gouvernement, ni chambre, ni électeurs, ni réservistes, ni même soldats de métier. Aux historiens, ces témoignages apprendront que toute histoire militaire vue de haut, conçue en partie d'échecs, faite d'après les documents d'état-major et sans les témoignages des vrais acteurs, de ceux qui portent et subissent les coups, est une agréable illusion où lon croit pouvoir construire un ensemble, lequel est fait de détails, sans connaitre l'essence même de ces détails. Les historiens militaires sont des ingénieurs qui construisent un grand pont métallique, sans rivets, sans aucune des petites pièces : s'ils arrivent à le construire, il ne peut l'être que dans leur imagination, puis sur le papier, jamais dans la réalité. lls conçoivent sans doute la nécessité des rivets, mais étant des abstracteurs, des dessinateurs, des constructeurs de cabinet, ils n'ont jamais fait de rivets, n'en ont jamais vu et sont prêts à les vouloir en bois, en plomb, en liège, en tout sauf en acier. Leur pont ne sera jamais un pont. Rivets en liège ou grognards et poilus vus en action par l'historien sont du même degré d'absurdité, sont également impossibles.
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Si quelqu'un connaît la guerre, c'est le poilu, du soldat au capitaine ; ce que nous voyons, ce que nous vivons, est ; ce qui contredit notre expérience, n'est pas, cela vînt-il du généralissime, des Mémoires de Napoléon, des principes de l'École de Guerre, de l'avis unanime de tous les historiens militaires. Il n'y avait là de notre part nulle fanfaronnade, et nous n'étions pas plus fiers de savoir ce que Joffre au Foch ne savaient pas. Nous savions parce que nos cinq sens, notre chair le répétaient pendant des mois les mêmes impressions et sensations.
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LA TRANCHÉE DE BAÏONNETTES
Voici les faits historiques sur lesquels la légende est venue se greffer après la guerre. En juin 1916, le 11e corps (Nantes) est arrivé à Verdun ; la 21e division, général Dauvin, est engagée le 12 juin vers le bois d'Haudromont et la côte de Froideterre : les 3e et 4e compagnies du 137e de Fontenay-le-Comte subissent une violente attaque qui submerge leurs tranchées situées sur les pentes sud-ouest de Douaumont ; une partie des hommes sont tués, d'autres sont pris, d'autres s'échappent. Les Allemands, maitres du terrain, rassemblent les morts dispersés sur le sol, dans les trous d'obus et dans les tranchées, les placent dans un élément de tranchée qui ne peut servir à leur usage, plantent des fusils tout le long de la fosse et la comblent. Et c'est tout.
Quant à la légende, elle ne supporte pas l'examen. Lorsqu'ils parlent parfois de tranchée comblée par le bombardement, les poilus veulent dire que la tranchée est détruite en tant que tranchée utilisable: trop évasée, trop obstruée pour servir, il vaut mieux l'évacuer et se poster dans les trous d'obus qui l'avoisinent. Les obus sont incapables de combler une tranchée dans le sens où les non-poilus comprennent combler ; car les obus creusent tout autant qu'ils comblent et leur dispersion leur interdit de creuser toujours sur une même ligne pour combler toujours une autre ligne. Pour combler une tranchée il faudrait que les obus, épousant les sinuosités du fossé, tombent tous rigoureusement à un mètre en avant du parapet, sans qu'il s'en égare un dans la tranchée car il coucherait les fusils qui, pour les besoins de la légende, doivent rester plantés droits et alignés pendant toute la période du bombardement ensevelisseur. Mais supposons que cette impossibilité ait eu lieu et que les obus, désobéissant pour une fois à la loi de la dispersion, aient fait le miracle de combler une tranchée. Il resterait encore à expliquer une absurdité : pourquoi les hommes se sont-ils laissé enterrer? Je devine l'idée des faiseurs de légendes : le soldat est attaché à son poste au bois d'Haudromont comme il l'était jadis à sa guérite devant l'hôtel de la division. Ces gens ne savent pas qu'on a plus de latitude pour se déplacer en première ligne que lorsqu'on est de faction à la caserne ; que dans les très mauvais secteurs cette liberté est sans limite, que l'indépendance de chacun est entière, qu'une section ne reste relativement groupée que par le fait d'un sens tout animal, le sens du troupeau, C'est d'ailleurs pour le mieux, I'initiative de chacun lui permet de tirer le meilleur parti d'une situation qui ne peut guère être pire. Tel préfère s'abriter dans le misérable fossé qui sert de tranchée, tel préfère la protection qu'offre les trous d'obus. Si la tranchée semble devenir intenable, tout le monde s'égaille dans les trous d'obus. Dans ce cas, que devient la vraissemblance du tableau héroique? cette rangée d'hommes debout baïonnette au canon, laissant la terre leur monter de la cheville au genou, à la ceinture, aux épaules, à la bouche...
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Notre baptême du feu, à tous, fut une initiation tragique. Le mystère ne résidait pas, comme les non-combattants le croient, dans l’effet nouveau des armes perfectionnées, mais dans ce qui fut la réalité de toutes les guerres. Sur le courage, le patriotisme, le sacrifice, la mort, on nous avait trompés, et aux premières balles nous reconnaissions tout à coup le mensonge de l'anecdote, de l'histoire, de la littérature, de l’art, des bavardages de vétérans et des discours officiels. 
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Aucun argument contre la guerre n'égale la force de cet argument: l'angoisse infernale qui poursuit tous les combattants, pauvres hommes qu'on persiste à nous peindre insensibles à l'idée du risque.[...] Dites que l'homme est un loup, un tigre, je le veux bien, mais sachez que ces animaux ont horreur du risque tout comme nous, et qu'en ce sens, ils sont pacifiques, tout comme nous. Les loups dévorent les agneaux, ils ne leur font pas la guerre; ils ne veulent pas risquer leur peau et ils ne feraient certes pas face, les connaissant, à des machines à tuer. [...] Quand accepterons-nous la vérité évidente qu'un tigre est un animal pacifique parce que le bond qui le lance sur sa proie n'a aucun rapport avec le bond du fantassin qui fonce sur des mitrailleuses.
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J’en étais réduit à acquérir les ouvrages d’après leur titre, signe le plus trompeur qui soit. "Le crime de Sylvestre Bonnard", ne serait pas un roman policier ? Parfois je n’achetais un livre de "Souvenirs de guerre "que pour découvrir, trop tard, qu’un bourgeois au fond de sa province avait noté et publié ses impressions. Parfois je lisais et annotais un volume en entier avant de me rendre compte que j’avais affaire aux pseudo-souvenirs d’un soldat fictif, écrit par un civil de 50 ans passés, littérateur habile et fort bien renseigné, ma foi.
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Jean Norton Cru
Voilà le récit de guerre tel que le public l’aime, le récit qui fait
palpiter d’intérêt sans faire souffrir par les angoisses de l’auteur.
Un optimisme que rien n’abat imprègne tout le livre […]
Il arrive en pleine mêlée, une de ces mêlées serrées, compactes,
foyers de bruit, d’ivresse, de fureur et de sang comme les artistes
les représentent depuis plus de mille ans, qui n’ont peut-être
jamais existé, qui n’ont certainement jamais existé dans la
Grande Guerre.

(au sujet des souvenirs du frère belge Martial Lekeux)
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