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Critiques de Jean-Paul Dubois (1958)
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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

J'abandonne. Prix Goncourt ou pas, je n'en peux plus, je capitule.



Une histoire d'un homme incarcéré qui aurait pu être intéressante sans ces sempiternelles digressions sur sa vie passée qui m'ont semblé soporifiques à souhait.



Prix Goncourt ? Chef d'oeuvre, livre incontournable à lire, non mais, je rêve, j'ai l'impression qu'on prend les lecteurs pour des imbéciles. Ce roman trouve son lectorat, tant mieux pour lui. Karine Tuil avec Des choses humaines était en lice pour le Goncourt, d'accord, son roman est une belle réussite selon moi. Une histoire qui se tient, une écriture fine et psychologue. Mais ici, à quoi ça sert de nous parler d'un père pasteur marié à une femme affublée aux films porno, à nous parler mécanique, pneus et huile et j'en passe. Certes, la plume sait se montrer drôle, ironique, mais selon moi les passages sur le passé de Paul desservent totalement l'histoire de fond.



Je ne saurai jamais pourquoi Paul est incarcéré et finalement, je m'en balance quelque peu.

Quel ennui ce livre Goncourt 2019.
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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

°°° Rentrée littéraire 2019 #31 °°°



C'est l'histoire d'une vie, celle de Paul Hansen, emprisonné à Montréal, qui déroule ses souvenirs des années 1950 aux années 2000, du Toulouse de sa mère au Jutland natal de son père danois, en passant par le Canada algonquin de la femme de sa vie.



Ceux qui suivent et aiment Jean-Paul Dubois aimeront ce roman, c'est mon cas ; les autres découvriront un univers humain et touchant, des personnages pittoresques, des phrases ciselées et profondes.



Le monde de Dubois est tragique, violent, la vie y est injuste ( décès prématurés, les 6m² d'une cellule, la solitude ) mais le burlesque n'est jamais loin. On sourit beaucoup en découvrant la formidable ronde des personnages qui entourent Paul : son père pasteur qui perd la foi, sa mère soixante-huitarde qui se bat pour que Gorge profonde soit diffusé dans son petit cinéma d'art et d'essai, son épouse Wimona qui pilote un aéroplane. Et surtout, le truculent Horton, son compagnon de cellule, Hells Angel incarcéré pour meurtre, un homme et demi qui tombe dans les pommes lorsqu'on tente de lui couper les cheveux.



L'humour comme antidote à la dureté de la vie, la tendresse humaine aussi. Durant 20 ans, Paul a été surintendant d'une résidence, homme à tout faire, gardien d'immeuble, un travail qui laisse peu de temps mais qu'il a pratiqué avec bienveillance, dans le respect des autres, toujours prêt à aimer les âmes seules, à aider les mamies en détresse.



Jusqu'au jour où tout bascule. Jean-Paul Dubois dévoile assez tard dans le récit les raisons de l'incarcération de Paul. C'est là que le roman bascule aussi dans une ambiance très mélancolique qu'on a lu monter crescendo. C'est là que le roman prend une ampleur presque philosophique. Cet immeuble devient la métaphore de notre monde actuel. Il ne faut pas grand-chose, juste l'arrivée d'un gestionnaire manipulateur et autoritaire, pour que la douceur de vivre en communauté disparaisse, remplacée par un monde arbitraire, bureaucratique, quasi totalitaire.



Paul n'est pas de ce monde-là. Il ne le sera jamais. L'auteur compose ainsi un magnifique portrait qui exalte l'aspiration à la liberté, qui sublime le refus de se soumettre à autre chose qu'une éthique personnelle fait de droiture. Paul est seul mais digne. Il trouve la consolation dans un dialogue très vivace avec les fantômes de son passé qu'il convoque le plus qu'il peut.



Ce livre fait du bien et rassure dans le flot des désillusions. Il est pourtant fort mélancolique et narre l'histoire d'une chute, mais ce qu'on retient, c'est la bienveillance humaniste, la tendresse humaine dont fait montre Jean-Paul Dubois à l'égard de ses personnages. Il m'a fait du bien, souvent rire ... même si je lui préfère l'indépassable Une Vie française. Merci Monsieur Dubois.
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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Jean-Paul Dubois a l’art de vous attacher immédiatement à ses personnages, et l’on a une seule envie, dès les premières lignes, de savoir comment Paul Hansen s’est retrouvé derrière les barreaux de la prison de Bordeaux, à Montréal. Qu’est-il arrivé à ce fils de pasteur danois pour être amené à partager son quotidien et sa cellule avec un Hells qui ne rêve que d’une chose, c’est de couper en deux tout humain qui se met en travers de son chemin?



On reprend donc les choses au commencement, la rencontre improbable de ses parents, l’évolution divergente de ces deux êtres, jusqu’au point de non-retour et à la séparation. Le pasteur émigre au Québec, le fils le rejoint et l’histoire se construit.



Outre le suspens crée par la question posée au départ, l’histoire est passionnante; Les personnages sont saisis dans ce qu’ils ont de plus universels et tout ce petit monde sème peu à peu les jalons du drame ultime.



Que dire du compagnon d’infortune, que le narrateur compte comme un homme et demi, ce qui exacerbe l’exiguïté relative de la cellule? Ce sale type est extrêmement sympathique, avec sa philosophie de comptoir et ses affirmations à l’emporte-pièce, contrastant avec ses fragilités inattendues.



Roman bien construit, pétri d’humour malgré la gravité du sujet, avec des dialogues réjouissants et une belle plume.



Une vrai réussite de cette rentrée.
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Une vie française

Il est toujours risqué d'émettre des jugements définitifs sur des oeuvres sachant à quel point nos opinions sont fluctuantes au cours des temps et nos sensibilités mouvantes. C'est pourtant ce à quoi s'essayent tous les contributeurs de ce site avec les incertitudes qui s'y attachent…



Alors, permettez-moi aujourd'hui, une nouvelle fois de retenter d'émettre un avis, aussi incertain puisse-t-il être, car il est des livres, parfois, qu'on lit et qu'on ne devrait pas. Des livres si distants, si irrémédiablement loin de nous-mêmes ou de ce que l'on attend de la littérature, qu'on sait, dès l'entame, qu'on est, le livre et nous, inconciliables.



De manière générale, j'ai beaucoup de mal avec ce qui se publie à l'heure actuelle en littérature française, disons depuis une cinquantaine d'années. le dernier grand bouquin en français, selon moi, est Belle du Seigneur d'Albert Cohen. Donc, sur ce qui se publie depuis, je cherche, je cherche, et à chaque fois je suis déçue.



Périodiquement, des amis à moi, ou des avis que je lis ici ou là, m'indiquent tel ou tel(le) auteur(e), tel ou tel livre spécialement ceci ou particulièrement cela, à ne pas manquer d'après eux. Alors, incontinente, je me jette… eh puis non, décidément non, ça ne m'accroche pas.



Voilà comment j'en suis venue à Jean-Paul Dubois. C'était il y a longtemps, bien avant le pataquès actuel. J'ai mis une éternité à lire ce livre. Pourtant, il n'y a pas à dire, c'est plutôt bien écrit, ça se laisse avaler, ça passe tout seul. Mais de là à tenir au corps, là, en ce qui me concerne, ce n'est pas la même loterie. Il est vrai que j'aime bien, de temps en temps, m'avaler gloutonnement une tranche de pain de mie industriel : c'est moelleux, ça passe bien… Mais franchement, de vous à moi, culinairement parlant, c'est un désastre.



On pourrait dire la même chose d'un bon, brave fromage pasteurisé. Ça passe très bien, ça ne choque pas le palais, jamais, ça n'a ni saveur ni odeur trop appuyée. On mange ça en pensant à autre chose et c'est d'ailleurs fort pratique quand on est engagée dans une discussion intéressante car ça ne nous fait pas perdre le fil de ce qu'on raconte. C'est bien sûr tout à fait différent quand vous rencontrez un sacré vieux fromage féroce, un sauvage, un mal dégrossi, vous savez, avec sa méchante odeur de fin des temps. Là, vous êtes obligée de vous arrêter, de laisser vos papilles au combat, peser le pour et le contre à votre place, et rendre leur verdict. Vous pouvez, en fin de compte, adorer ou détester cette matière malodorante, mais une chose est sûre : cela ne vous laissera pas indifférent(e).



Eh bien voilà tout ce que je recherche en littérature, un quelque chose qui ne me laissera pas indifférente. Et, malheureusement, ce n'est pas en me bourrant la panse de littérature pasteurisée que je risque des excès de jouissance. Alors, ne vous déplaise, j'ai le sentiment qu'Une Vie Française, est à la littérature ce que le Brie de Meaux pasteurisé de marque Président est à la gastronomie : un produit de consommation courante destiné à satisfaire le plus grand nombre mais en aucun cas ce qu'un restaurateur digne de ce nom proposerait à sa clientèle.



Qu'est-ce que j'aime en littérature ? Des personnages, et même, des personnages forts, de ceux qui impriment durablement ma mémoire ; des personnages qui me font penser à la lecture: « Oui, tiens, c'est comme ça, exactement. » Des personnages qui représentent plus qu'eux mêmes, des personnages qui sont un pan de l'humanité à eux tout seuls, des personnages qui ne vieilliront jamais car ils sont éternels, universels, indépassables…



Quand on lit Cyrano, on se dit : « Oh Putain ! la vache ! ça c'est bien dit, ça c'est grand ! » car, plus encore que la beauté du verbe d'Edmond Rostand, on a tous plus ou moins un bout de Cyrano coincé en nous, une grande douleur, une vaste peine, qui n'est certes pas forcément un nez trop long, mais en tout cas, un quoi que ce soit qui joue le même rôle. Quand on lit le Harry Haller du Loup des Steppes, on se dit : « Nom de dieu ! moi aussi j'ai ressenti ça, et avec cette intensité là, bon sang, comme c'est bien vu ! »



Ici, rien. L'auteur se veut drôle, or, le tour comique qu'il essaie d'imprimer à sa narration a le don de m'éloigner systématiquement des personnages, de mettre une distance rédhibitoire entre eux et moi. L'auteur ne se livre pas, selon moi, il fabrique un produit. Il ne met pas ses tripes sur la table ; il reste sagement assis dans son fauteuil à se regarder écrire. Il case deux ou trois bons mots dont on le sent très satisfait (comme le coup de braguette magique), place un ou deux embryons de pensée (plutôt convenus et sans trop d'envergure) et puis voilà, c'est tout, c'est déjà la fin, au suivant.



De plus, l'auteur cherche à faire coller les grandes étapes de la vie de son personnage avec les événements politiques de son pays, à savoir la France (ça, vous vous en seriez douté dès le titre) de la Vème République. (D'ailleurs, à le lire, j'ai le sentiment que l'auteur confond " grands événements politiques " et " échéances électorales ", ce qui, d'après moi, n'a à peu près rien à voir, mais bon, c'est un autre débat.) Et quand bien même ce serait la même chose, en soi, est-ce que cela a une quelconque pertinence, le fait que ce soit Machin président ou Bidule président au moment où le personnage vit tel ou tel événement dans sa vie personnelle ? Quel est l'intérêt ? Est-ce que l'étiquette que l'on colle sur le vaste appareil politique d'un pays a quoi que ce soit à voir avec ce que ressentent ses habitants à un temps t dans leur intimité ?



Ainsi, on croise une foule de personnages, desquels on n'apprend, le plus souvent, presque rien, et donc auxquels, fatalement, on ne s'attache pas énormément voire pas du tout. Si je prends l'exemple de l'épouse du narrateur (personnage important, normalement, s'il en est), eh bien je la trouve totalement désincarnée. Je n'y crois pas. Et lorsque je n'y crois pas en littérature, c'est mauvais signe… La preuve, quand elle meurt, je m'en fous. Sa fille va mal ? Je m'en fous aussi, et pour la même raison, parce qu'il n'aura jamais pris le temps de me la faire aimer ou détester, de me la rendre précieuse ou hideuse, de la rendre indispensable à son histoire.



Et pour chaque personnage c'est un peu le cas. Il entreprend même de parler de ses parents en les désignant par leur nom et leur prénom. Ça vous arrive, à vous, de parler de vos parents en les désignant par leur nom et leur prénom ? Moi, jamais, et ça, mon cher Jean-Paul Dubois, ça a le don de mettre une distance entre vos personnages et moi vis-à-vis de laquelle le mur de Berlin ferait office de parc pour nourrisson. Ça me coupe de tout, je ne suis plus dedans, je deviens totalement extérieure à l'histoire au lieu d'être dedans, précisément, de vivre au rythme des personnages et mon coeur de battre à l'unisson.



Bien évidemment, il y a le passage fameux avec David Rochas qui se masturbe dans son rôti. Certes c'est amusant (sans toutefois faire trop de concurrence à Hegel) mais, quand je m'interroge, qu'est-ce que j'en garde du David Rochas ? Eh bien juste le fait qu'il se masturbait dans les rôtis, en somme, l'archétype du personnage qui ne représente que lui-même, l'archétype du personnage dont la seule raison d'être est de placer une petite scène croustillante mais absolument pas de brosser un pan d'humanité qu'il serait intéressant d'observer.



Et tout est à l'avenant (et pourtant, j'ai choisi le passage probablement le plus truculent de l'ouvrage) si bien qu'en bout de course, je n'en garderai rien, circulez, y a rien à voir. Ceci dit, d'autres que moi ont des avis très différents du mien à propos de ce livre et je vous invite à les consulter pour glaner d'autres sons de cloche. En ce qui me concerne, ce ne sera toujours pas le grand bouquin que j'attendais en littérature française, mais, de ça comme du reste, c'est à vous de juger, car ce n'est, bien évidemment, que mon avis, c'est-à-dire, bien peu de chose.
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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

A quoi cela tient-il, donc, d’aimer un auteur au point de trouver en chaque phrase une résonance au fond de soi ?





Je peux l’affirmer en toute certitude : Jean-Paul Dubois fait partie de mes écrivains préférés, et le roman qu’il vient d’écrire en est la confirmation.

Rempli d’humanité, de faiblesse humaine, d’effort pour faire son devoir le mieux possible même si la foi en lui s’en est allée, d’amour pour son père, pour sa femme, pour son chien, plein d’humour aussi, humour noir, entendons-nous bien, « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon » est pour moi un chef-d’œuvre de justesse décliné dans un style percutant.





L'histoire ? Paul Hansen est en prison. Oh, pas pour longtemps, 2 ans. Mais ce n’est pas un voyou, disons qu’il n’a pas su refréner un accès de colère bien justifié.

Il se retrouve dans la même cellule qu’un « Hell’s Angel », un musclé, un « homme et demi ». Sa bécane, c’est son dieu. Mais sous la carcasse dure perce quelquefois la fragilité, et cela fait sourire, avec toute la tendresse possible.

Pendant cette détention, il se remémore sa vie depuis son enfance et la perte de ses 3 amours : son père, sa femme, son chien.

Paul Hansen a un père danois et une mère française, et vit à Toulouse durant son enfance et son adolescence. Le couple de ses parents est antinomique : père pasteur et mère directrice d’une salle de cinéma qui n’hésite pas à passer des films plus que sulfureux. De Toulouse à Montréal, en passant par Skagen, perdue dans les sables là-bas tout au nord du Danemark, Paul Hansen trimballe sa vie du mieux qu’il le peut : « J’avais la patience d’un ange et surtout ce goût qui ne me quitterait jamais, cette envie de réparer les choses, de bien les traiter, de les soigner, de les surveiller. » Des choses aux gens, il n’y a qu’un pas, plein d’humanité.





Vraiment, je recommande la lecture de ce roman, pour la bienveillance dont Paul Hansen fait preuve, bienveillance qu’il tient de son père pasteur, malgré la vie qui n’est pas facile et les coups du sort. Pour l’humour. Pour la vivacité d’esprit et les références littéraires que tout le monde connait et qui nous font sourire. Pour l’amour. Pour cette connaissance sans concession des êtres humains, qui n’habitent pas le monde de la même façon, évidemment.

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C'est dans une cellule de prison à Montréal que débute le roman. Paul Hansen, le narrateur est incarcéré depuis le 4/11/2008, date de l'élection d'Obama, comme il le souligne. Il doit cohabiter avec Patrick Horton, "un homme et demi", en attente de jugement après le meurtre d'un Hells Angel. Ce colosse craint de tous lui offre une sorte de protection lui permettant ainsi de s'évader en rêvant éveillé avec auprès de lui la présence de ses morts chéris, Winona, sa compagne pilote, Johannes, son père et Nouk sa chienne qui comprend tout.

Tout en nous racontant sa vie carcérale avec la promiscuité, le froid glacial durant l'hiver, les rats, auprès de ce très versatile Horton qui peut exploser de colère ou alors devenir sentimental et presque attendrissant, Paul revient petit à petit sur son enfance radieuse auprès de son père, pasteur à la foi chancelante, originaire du Jutland du Nord (Danemark) et de sa mère Anna, athée, née à Toulouse qui reprendra le cinéma de ses parents après leur décès accidentel. Cependant des frictions inévitables vont naître entre les époux et iront crescendo. Ils se sépareront et Paul ira rejoindre son père au Canada et deviendra concierge à L'Excelsior, une résidence pour retraités aisés.

Jean-Paul Dubois va ainsi faire défiler le passé du narrateur en le mêlant au vécu d'aujourd'hui en prison. Il nous tiendra en haleine jusqu'au bout, ne nous dévoilant qu'au dernier moment, la cause de son emprisonnement. Car, énigme, il y a. Comment cet être si doux, si sympathique, si altruiste et si dévoué a pu se retrouver en prison ? En tout cas, Paul n'affichera aucun remord et, j'avoue le soutenir...

C'est un roman plein de mélancolie, de fraternité, de tendresse, d'amour mais aussi de révolte à l'égard de toutes les formes d''injustice et, il faut le dire d'un peu de désespoir tout de même.

La vie carcérale est très justement décrite et analysée.

La noirceur de certains personnages ou de certains côtés de la vie, la perte également sont relatés de manière très juste et souvent avec un humour très fin qui magnifie les propos. Jean-Paul Dubois arrive à nous faire rire, même du pire. Mais il sait également fort bien nous parler de la générosité !

Il y a les gens formidables, généreux avec qui l'on vit des moments de bonheur intenses et les gens mesquins, égoïstes, orgueilleux ne pensant qu'à leur ego. Souvent le pire côtoie le meilleur.

Les rêveries que s'accorde le narrateur avec ceux qu'il a aimés et ne sont plus, sont de toute beauté et chargées de poésie.

J'avais lu avec plaisir "le cas Schneijer" et "La succession", mais, avec "Tous les gens n'habitent pas le monde de la même façon", j'avoue un véritable coup de coeur pour ce roman extrêmement poignant et passionnant, Prix Goncourt 2019 !

À noter Paul et Anna, personnages fétiches de ces trois romans.


Lien : http://notre-jardin-des-livr..
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13 à table ! 2021

13 à table ! - 2021- 13 auteurs - Éditions Pocket - Lu en décembre 2020 - 5 €



Tout d'abord, je présente le petit mot signé Les Restos du coeur,

"Chères lectrices, Chers lecteurs,



7 ans, en amour c'est dit-on, une étape. Ce premier amour que nous vivons avec le monde du livre passe cette année ce cap symbolique. Nous nous retrouvons pour cette 7è éditions de "13 à table ! ", avec toujours autant d'envie et d'engagement de toute la chaîne du livre, des métiers artistiques aux métiers techniques. Depuis le début de cette aventure, près de 5 millions de repas supplémentaires ont pu être distribués aux personnes accueillies par les Restos du Coeur, grâce à eux, grâce à vous!

Un premier amour est le thème de cette éditions, partons cette année alors sur les routes de nos sentiments et de nos sensations".



Bonjour à vous !

C'est le premier livre de nouvelles "13 à table" que je lis, j'ai vu qu'il y en avait déjà eu six ! Chaque livre acheté procure 4 repas aux restos du coeur, donc un bon moment de lecture et une B.A. en cette fin d'année 2020 sinistre pour tellement de gens.



Je ne ferai pas une chronique de chacune des 13 nouvelles de 13 auteurs-autrices différents-es, autour du thème "un premier amour".



Dans l'ensemble, je les ai bien aimées, plus particulièrement celle de :

Jean-Paul Dubois - Une belle vie avec Charlie - elle arrache des larmes.

Frank Thilliez - Un train d'avance - un voyage étonnant dans le temps François D'Epenoux - 1973, 7è B - touchante



J'ai moins apprécié celle de :

Maxime Chattam - Big Crush ou le sens de la vie, le style peut-être.

Philippe Besson - Un film de Douglas Sirk - je ne saurais dire pourquoi.



Dans l'ensemble j'ai lu ce livre avec plaisir, il ne faut pas croire que ce sont des histoires à l'eau de rose " tout ne finit pas bien dans le meilleur des mondes, loin de là.



J'ajoute que la couverture est de Riad Sattouf, un ciel bleu, un nuage blanc qui sert de coussin de lecture à un personnage allongé à plat ventre et lisant, 3 coeurs rouges au-dessus de sa tête et un peu plus bas, la Terre.



Un livre à s'offrir, à offrir, une bonne action et un bon moment de lecture, voilà qui permettra à 4 personnes de faire un bon repas , n'hésitez pas.





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La succession

J'avais décidé de rester zen par rapport à la rentrée littéraire, une PAL conséquente et une volonté de fer de ne pas céder à la tentation mais voilà comme un enfant rentrant dans un magasin de jouets (en faite un tour dans ma librairie préférée) et me voilà avec quelques nouveaux livres sous les bras, quelle volonté !



Paul Katrakilis s'est expatrié à Miami pour vivre de sa passion . Ces dernières années ressemblent à un rêve éveillé, une vie tranquille, une amitié solide, l'arrivée miraculeuse d'un petit chien, seul un amour manque peut-être à l'idyllique tableau. Mais le suicide de son père médecin l'oblige à rentrer en France. Paul ne semble pas plus déboussolé que ça, grand-père, oncle et mère ayant choisit la même disparition.

On retrouve chez Jean-Paul Dubois tout ce qui fait le charme de son écriture, ton désabusé, regard lucide sur ses contemporains, les mêmes obsessions chez ses personnages de livre en livre. Comme si après tout, le second degré et l'humour mélancolique étaient les meilleurs remparts pour donner un sens à nos brèves existences. Puis le roman perd de sa légèreté pour glisser insidieusement vers des émotions plus profondes. Dubois brasse un flot de sentiments qui nous met la boule au ventre, et c'est alors en tout point remarquable, le deuil, la fin de vie, la filiation, la folie autant de thèmes que l'auteur d' »Une vie française » déroule avec justesse et force.

Un très grand roman, de ceux qui trottent longtemps dans ma petite tête. Coup de cœur évident 
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♫Une araignée m'a dit "bonsoir", elle se traînait au crépuscule

Depuis que mon âme bascule vers des pays plus mécaniques

Depuis que gavé de musique, je vais porter ma gueule ailleurs

Une araignée m'a dit "d'ailleurs, le tout c'est d'avoir la pratique "

Muss es sein ? Es muss sein ! ♫

-Léo ferré - 1976 -

---♪----♫----🏍⛓----🍁----⛓🏍----♫----♪---

Tout un ressenti, le mérite de la concision...

"Tout ce qui nous entoure n'est que vie, chaque chose a son sens et son prix, et il suffit de préter son attention et son regard pour comprendre que nous faisons tous partie d'une gigantesque symphonie qui, chaque matin, dans une étincelante cacophonie, improvise sa survie" - p87 -

Affection, défection,

Cacaphonie, défécation

Cutille, cortex et médulla

Ecrin pratique pour ranger les doutes, la foi

Irréfragable envie

Petite panique

Nearer,my God, to thee

Musique du Titanic

Hells Angels , Harley Davidson

Cellule grise, Parking sonne

Introspection, choc des passions

Idoine température, choc des cultures

Spécialiste en tout, qualifié en rien

Révéler la meilleur part de chacun

Même si c'est une croix

Qui t'a élevé

♪Car ton bras sait porter l'épée,

Il sait porter la croix!

Ton histoire est une épopée

Des plus brillants exploits.♪

♪Quel temps perdu

A les aimer pour rien

Tous tes ennuis, chagrins

Oui, tu t'en souviens

Et t'as souffert l'enfer

Et t'as le coeur aussi dur

Aussi dur que... Dubois♪

(Ô Canada selon poème d'Adolphe-Basile Routhier,

et arrangement largement inspiré de Johnny Hallyday)

Puisque l'homme est un ours qui a mal tourné

et que l'ours est un écrivain comme les autres

il est normal que tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon !

Muss es sein ? Es muss sein ! Cela doit-il être ? Cela est !









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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Justice et loi ne font pas toujours bon ménage.



Paul a été durant des années l'intendant attentif d'une copropriété pour le plus grand bonheur des résidents, jusqu'au jour où un nouveau président Sedgwick, est élu, et ce cost killer, technocrate obsédé par les économies de bout de chandelle, commence à harceler Paul avec une batterie de notes de service et de remarques désobligeantes, sans la moindre considération pour l'oeuvre accomplie antérieurement.



La canicule et l'été arrivent, Paul plonge discrètement dans la piscine de la résidence, et Sedgwick le licencie pour faute. C'est la goutte d'eau qui fait déborder le vase et Paul redessine Sedwick lors d'une bagarre jubilatoire ... qui l'envoie à l'ombre partager injustement une cellule avec Horton.



Jean-Paul Dubois nous offre des pages superbes en mettant en scène des personnages attachants en qui le lecteur s'incarne aisément. Réquisitoire terrible contre la violence quotidienne que les élus et les technocrates infligent à des électeurs abrutis par des campagnes de communication qui les asservissent et les enchainent.



Ce prix Goncourt 2019 rejoint à mes yeux celui de 1940 attribué à Francis Ambrière en 1946 pour avoir décrit "les grandes vacances" offertes par les allemands à nos deux millions de prisonniers. A court terme le législateur peut freiner la révolte mais la fraternité et la justice l'emportent à terme.
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La succession

Par où commencer une chronique quand un roman bouleverse les pages de ta vie. Je découvre Jean-Paul Dubois, son écriture, sa plume, avec ce livre sur « la succession », le deuil, la vie et l'amour impossible.



Par où ?

La Floride, bien sûr, Miami. du soleil, des boites de nude girls, et le paradis des strings, bien sûr. Non oublie toutes ces émotions, tu n'es pas dans un roman de Tom Wolfe qui a tant su me vanter les charmes de Miami et ses atouts proéminents. Florida, orange sanguine et sex on the beach… Je me dois donc de délaisser la plage, ses marais de crocodiles et ses danseuses latinas pour me concentrer sur cette corbeille en osier que les aficionados nomment en bon basque chistera, ces trois murs qui se dressent devant moi, une foule hurlante, les paris sont fous, parier sur moi, le pauvre type, le jeune médecin un peu fou qui a plaqué la médecine de papa pour vivre de sa passion, la pelote basque.



Quelques années de bonheur. Un bonheur pur même, une insouciance idyllique, l'homme ne vivant que de sa passion, qui s'est arrêtée promptement le jour où le consulat de France lui apprend le décès de son père, médecin reconnu de Toulouse. Ô Toulouse… Je ne te sors pas la vieille rengaine, tu connais le refrain, l'homme doit faire un choix. Dilemme. Comment abandonner sa passion et prendre la succession de son père. Mais quelle succession d'ailleurs ?...



Retour en France, un chien en soute et les souvenirs qui remontent à la surface. Des moments d'enfance, des instants d'incompréhension. Une famille pas vraiment aux normes, où est donc l'amour ?... Une famille qui ne s'est jamais comprise, qui n'a jamais communiqué, qui a laissé dériver le mal-être de chacun. Succéder aux gênes familiaux ? Succéder au sacerdoce familial ? La médecine, pffff… c'est plus vraiment ce que c'était…



Alors je le revois traverser les Pyrénées pour descendre jusqu'au Pays Basque, admirer au détour d'un virage l'étendue bleutée de l'océan, les bruits sourds de la pelote cognant contre le jaï-alaï, et mon coeur qui cogne encore et encore, la sueur sur les tempes, sentir le goût de l'huile emplir ta bouche quand tu mords dans un churros. Je l'imagine aussi à l'autre bout de la planète, au milieu des culs rebondissant des latinas dansant face au jaï-alaï de Miami, et un vieux bateau pour se promener sur cette autre étendue bleutée. Un Fisherman's Friend ? Oui ne pas oublier l'ami des marins avant de s'embarquer sur la mer, sur ce livre, sur cette succession. Puissant roman, putain de roman j'ai même envie d'écrire, un roman qui m'a parlé, qui m'a ému.
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Vous plaisantez, monsieur Tanner

Pauvre Monsieur Tanner... une histoire ou un récit largement autobiographique triste à pleurer ou à pleurer de rire... c’est une vaste blague ce chantier dans lequel Tanner plonge corps et âme. Vaste blague car devant l’immensité des travaux de cette maison qu’il vient d’hériter, les entrepreneurs qui vont défiler lui en feront voir de toutes les couleurs.



On se demande page après page mais vous plaisantez Monsieur Tanner ?



C’est du lourd. C’est du gros. Tellement gros toutes ces péripéties dans ce chantier qu’on ne peut se poser la question.

On déguste ici une histoire drôle (ou triste à mourir) en suivant les travaux, des sommes mirobolantes, une maison à rénover qui se transforme en ruine ou en champ de bataille maculé de sang, une meute de chiens qui donne une ambiance de cafarnaum.



Un bon moment léger pour des mésaventures qu’on ne souhaitera à personne. Il y a de quoi devenir fou.
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La succession

La rentrée littéraire 2016 n’est pas sous le signe de la gaudriole, c’est le moins qu’on puisse dire : meurtres (California Girl’s, the Girls, Laëtitia…) et suicides à tous les étages, si j’ose dire.



C'est du huitième étage, en ce qui le concerne , que le père de Paul Katrakilis, médecin généraliste toulousain, va sauter, la bouche bâillonnée de scotch, quant à la mère de Paul, italienne et horlogère,elle a préféré les gaz d’échappement d’une Triumph, son grand-père, ancien médecin du regretté Staline, en tenait pour les armes à feu et pour l’oncle de Paul, frère quasi incestueux de sa mère, rien ne vaut une bonne moto projetée contre un mur…



On comprend que Paul, médecin lui aussi, décide de fuir à toutes voiles cette généalogie aussi cosmopolite que suicidaire et préfère envoyer contre un mur…une balle de cuir, balancée avec vigueur par un gant d’osiers tressés, sur les frontons de pelote basque de Miami, mettant ainsi un océan et quatre années de bonheur, de sport et d’insouciance entre lui et cette famille hautement toxique…



Il se fait un copain, joueur de chistera comme lui, et adopte un chien qu’il a sauvé de la noyade et qu’il appelle Watson. La vie semble lui sourire à nouveau.



Mais on ne fuit pas un héritage aussi lourd sans qu’il vous rattrape au bond, comme une balle pelote…C’est à Miami que lui parvient la nouvelle de la mort de son père. Il rentre pour liquider une bonne fois pour toute la succession familiale. Pas facile.



Paul tente d’échapper à l’emprise sournoise et macabre de ses disparus, il fait la navette entre Toulouse où le réclament les formalités, les patients de son père et deux carnets de moleskine où son père tenait une étrange comptabilité, et Miami où l’attendent ses copains, sa pelote, et bientôt un grand amour pour une belle norvégienne un quart de siècle plus âgée que lui qui le quitte sans crier gare.





J’ai adoré le livre de Jean-Paul Dubois : il m’a d’abord fait rire, oui, rire, tant l’humour caustique, jamais cynique, rend les situations les plus tragiques cocasses, absurdes, ou délirantes.



Mais c’était un piège subtil : captée, amusée, divertie, je n’ai pas senti venir la gravité, tapie dans cette ironie, et bientôt mise à nu : elle m’a cueillie à l’improviste.



Touchée, coulée.



Ces histoires familiales pleines d’ombre, parce qu’on les cache, et d’incompréhensible désespoir,- car comment les expliquer ?- ne me sont pas étrangères. Je les reconnais. J’ai senti et j’ai fui leur spirale vertigineuse, même si je ne joue pas à la pelote basque et ai peu de goût pour les jeux de balle en général…



La fin du livre est toute imprégnée de cette ombre-là, et des interrogations que déclenche un autre « héritage » paternel découvert dans les carnets de moleskine : faut-il laisser la mort accomplir ses ravages et ses désastres sans apporter la réponse qui délivre ?



Faut-il soi-même venir à sa rencontre ?



Graves questions, aussi graves que la mort pathétique du dernier quagga – une sorte de zèbre blanc- dans un zoo, à la fin du XIXème siècle – un passage inoubliable et bouleversant.



Les animaux en effet nous donnent des leçons d’empathie et de fidélité à revendre. Ils sont parfois si proches des hommes : il ne leur manque que la parole. Et le regard de souffrance ou d’affection qu’ils nous lancent n’en est que plus poignant.



Paul Katrakilis est, comme Paul Snijder , un narrateur ami des chiens. Jean-Paul Dubois parle des chiens avec tendresse, avec justesse : il a dû être chien dans une autre vie. C’est au souvenir de Watson que le narrateur, qui en a vu d’autres pourtant, se met « à pleurer comme un enfant parce que c’était la seule chose qu’un homme raisonnable puisse faire à un moment pareil. »



Car ce livre drôle est un drôle de livre et fait presque pleurer.



Alors pour le quagga exilé dans un zoo , pour Laïka, spationaute carbonisée, pour Watson, chien sauvé des eaux, pour Invild Lunde, au joli nom d’oiseau des mers, dont l’esprit sombre avec élégance, drapé dans ses ailes de plume, pour le chat ensoleillé du poème de Maurice Carême, pour Paul et ses hespérophanes irréductibles, pour tous ces moments de tendresse partagée avec les souffrants, les mourants, les mal lotis, les mal aimés, il faut lire ce livre étonnant, si drôle et si triste à la fois.



On en sort ému, secoué, avec un drôle de picotement au coin des yeux et le cœur un peu à l’envers, et on a envie, comme Paul le marin-qui-avait-le-mal-de-mer, de suçoter un Fischerman pour se remettre.

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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

Le nouveau roman de Jean-Paul Dubois est une plongée dans les affres des rapports humains, un dialogue d'anthologie.





Comment cohabiter dans une cellule de 6 m² avec un géant, Patrick Horton, un homme et demi, "qui s'est fait tatouer l'histoire de sa vie sur la peau du dos", celle d'un Hells Angel.



Il est difficile d'imaginer qu'un homme de sa dimension puisse se plaindre de douleurs à une dent sans avoir le courage de se faire soigner,

d'espérer qu'une famille de rongeurs le laisse indifférent, ou de prier pour qu'il devienne plus discret en passant à sa toilette,

et cesse ses vocalises imitant le vrombissement des bielles entrecroisées d'une Harley-Davidson.





Il faut pour accepter un tel colocataire, une patience d'ange, comme celle de Paul Hansen, qui ne connaît que par la rumeur les Hells Angel. 

Concoctées par Jean-Paul Dubois après une insomnie de 31 jours, les 240 pages de son dernier livre, "Tous les hommes n'habitent pas le monde de la même façon", offrent tout au long de 2 années d'enfermement, un dialogue inclassable entre deux détenus d'une cellule de la prison de Bordeaux ( Montréal) que tout oppose (pourquoi ne pas imaginer ce dialogue entre Depardieu et Michel Blanc).





Le jeu scénique préféré de Jean-Paul Dubois est d'inviter, les bons et les méchants, et dans le langage de Jean-Paul Dubois, confronter les crapules aux bienveillants.



Il donne d'ailleurs une définition assez précise d'une crapule ou d'un salopard incandescent : tout l'attirail d'un gommeux, l'archétype du fourbe cauteleux, du chacal sournois, mélange de familiarité et d'arrogance, de technicité et de mépris, fervent et résolu à veiller scrupuleusement sur tous les détails, le pervers adepte de rudoyer la piétaille.





La bienveillance est incarnée par Paul Hansen, mais aussi largement par son père le Pasteur Johanes Hansen et la lumineuse Winona qui le fera chavirer. A ce moment de leur histoire le bon pouvait encore l'emporter, largement.

Mais un compagnon de route Noël Alexandre, l'a établi un jour capitaine du bateau l'Exelsior.





L'Excelsior était un immeuble à l'image de sa piscine. "C'était un immeuble fragile, fantasque aussi, joueur et primesautier. Été comme hiver, il fallait toujours garder un œil sur lui. Sinon, profitant de la moindre inattention, il risquait de lui fausser compagnie".



"Il en allait alors de l'Excelsior comme du dentifrice, prompt à gicler hors de son tube, moins fervent pour y retourner. Page 150".



Fallait-il que la cabane tombe sur Nouk, le chien ? Jean-Paul Dubois est un inaltérable amateur des anti-héros, c'est là son charme, celui d'écrire des contes qui finissent mal.

Un anti-héros façon Dubois est un personnage optimiste, un peu naïf, dont la vie s'égrène au jour le jour, simple et nonchalante. Il est convivial, aime la nature, les amis, et s'il se trouve confronté à une situation singulière et dramatique, c'est contre nature qu'il y fait face.





Il avoua face à l'immense crapule, président du syndic de copropriété' Monsieur Sedgwick, : ces quelques mots,"il réveillait en moi l'éducation que m'avaient prodiguée les loups", puis comme Monsieur Sedgwick poursuivait ses diatribes,

"foutez-moi ce putain d'animal dehors je ne veux plus le voir ! C'est clair !"

"C'est alors que les loups m'ont montré le chemin, j'ai bondi je l'ai percuté...Ajouta t-il à la page 234."





Paul Hansen était dans cet état d'esprit face au juge, Gaëtan Brossard, au physique de Viggo Mortensen. Il regrettait, sans le dire le plus sincèrement, de n'avoir pas eu davantage de temps ou suffisamment de force pour briser tous les os de la carcasse de ce type méprisant, imbu de lui-même et répugnant.





Viggo Mortensen répondit à son silence par: "j'attendais autre chose de vous Monsieur Hansen une réaction plus appropriée".





Comme son père le pasteur, Paul est totalement démuni face à la chance inespérée ou à la malchance cruelle. Il ne pourra à aucun moment appliquer la règle de son compagnon d'infortune, "une moitié de plaider coupable".



Personnage entier, en empathie avec les siens, avec son compagnon d'infortune trop souvent grincheux, Jean-Paul Dubois fait de Paul Hansen notre ami, un meilleur ami qu'on aimerait croiser dans sa vie, juste un homme plein d'humanité. Un duo à l'humour décapitant !

Chapeau l'artiste.

Un livre culte, il en a toutes les ficelles, les excès, les humeurs.

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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

C’est un Prix Goncourt pas ordinaire que celui décerné début novembre 2019 car Jean-Paul Dubois, déjà lu avec La succession, m’a entraîné dans une aventure essentiellement humaine, d’une richesse inouïe en rencontres, du Danemark au Canada, en passant, bien sûr, par Toulouse.

Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon, cette phrase du grand-père danois de Paul Hansen, le narrateur, résume bien une histoire qui débute en 2008, dans la cellule de la prison de Bordeaux… pas en France, mais dans le pénitencier de Montréal.

Ainsi, peu à peu, l’histoire familiale de Paul se dévoile et m’a fait passer par tous les états, de la curiosité la plus intense au ravissement plein de tendresse. Curieux, je voulais savoir ce qui valait à Paul ces deux ans de prison ferme et surtout pourquoi il se retrouvait au Canada.

Ravi, puis attendri par l’amour de Winona, moitié indienne, moitié irlandaise, ainsi que par la présence si rassurante de Nouk, petite chienne adorant se rouler dans la neige, je me suis laissé porter par l’histoire.

Les séquences en prison rythment le retour en arrière dans la promiscuité et l’ambiance bruyante due à l’incarcération, sans oublier les terribles rigueurs du froid à supporter comme la chaleur accablante de l’été. Patrick Horton, le biker, membre des Hells, son compagnon obligé de partager les 6 m2 de cellule et une intimité bien bafouée, donne l’occasion de sourire et de frémir, suivant l’état de ses humeurs.

Les parents de Paul, un couple plus qu’insolite, prouvent une fois de plus toute l’imagination de l’auteur. Anna Margerit, sa mère, tient un cinéma art et essai à Toulouse et a épousé Johanes Hansen, d’origine danoise, qui est pasteur, alors qu’elle est farouchement athée.

Quand le couple se sépare, Johanes perd son poste et n’en retrouve que dans une ville minière, au Canada où son fils le rejoint.

Leurs vies subissent de nombreux bouleversements mais Paul trouve un travail de superintendant à l’Excelsior, résidence de soixante-huit logements, dotée d’une piscine. Tout se passe bien lorsqu’un nouveau venu prend la tête du conseil d’administration…

Je n’en dis pas plus mais je souligne encore toute l’importance de Skagen, à l’extrémité nord du Danemark d’où vient Johanes. C’est un excellent endroit où se ressourcer en retrouvant toute la famille Hansen.

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La succession

Cela fait plusieurs années que Paul Katrakilis est pelotari professionnel au Jaï-Alaï de Miami, ce casino où l’on parie sur les joueurs de pelote basque. Diplômé de médecine, il a préféré s’écarter de la voie tracée par son père et son grand-père, eux-mêmes médecins, pour vivre modestement d’une passion qui lui permet en outre de prendre ses distances avec une famille aux tendances névrotiques et suicidaires. Le décès paternel le rappelle toutefois à Toulouse, pour y régler une succession qui va s’avérer bien plus encombrante qu’escompté : on n’échappe pas si facilement à ses atavismes…





On se délecte chaque fois autant de la plume et de l’humour de Jean-Paul Dubois qui, du rire aux larmes, entre gravité et légèreté, nous embarque pour notre plus grand plaisir dans l’exploration de ses thèmes de prédilection. Nous nous retrouvons donc à nouveau aux côtés d’un narrateur prénommé Paul, appliqué à se choisir une vie outre-atlantique pour se retrouver irrémédiablement rattrapé par un destin familial aux allures de malédiction. Si le propos s’habille d’une fantaisie cocasse, accentuant avec dérision les névroses qui ravagent chaque membre de la famille Katrakilis, il n’en suinte pas moins une profonde mélancolie, alors que l’envie de vivre, grignotée par le deuil, la solitude et la désillusion, y cède peu à peu la place à l’aliénation et à la dépression. Les personnages, enlisés dans le sillon de vie tracé par leur filiation, subissent un destin qui les emprisonne et leur coupe les ailes, au point que leur liberté finit par se résumer au seul choix de leur fin de vie.





De la pelote basque convertie en business mafieux au droit de grève quasi inexistant aux Etats-Unis, de la médecine aux ordres de la dictature soviétique à celle qui se résout discrètement à pratiquer l’euthanasie réclamée par ses patients, d’automobiles miteuses à d’autres presque mythiques, ou de la disparition du dernier quagga dans un zoo d’Amsterdam au touchant attachement à un chien sauvé de la noyade, la balade finit, malgré tous ses détours, par nous ramener à l’essentiel : « Je regrette de ne pas avoir su trouver ma place. » « Il ne faut jamais se tromper de vie. Il n'existe pas de marche arrière ».





Ce texte admirablement écrit, dont la désespérance se pare élégamment d’un humour désabusé, est un curieux cocktail de tristesse et de drôlerie qui vous empoigne le coeur comme il vous séduit l’esprit. Il ne déroge pas à la règle : les romans de cet auteur sont irrésistibles. Coup de coeur.


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Tous les hommes n'habitent pas le monde de ..

D'un roman à l'autre, les personnages de Jean Paul Dubois partagent le même génome et l’auteur cueille ses histoires dans le même marronnier.

Ses doubles se prénomment presque toujours Paul. Il est difficile de vous dire à quoi ils ressemblent car les descriptions n’esquissent que les reflets de leurs ombres. Un effet miroir. Si l’auteur ne décrit pas l’emballage, on devine toujours chez les « Paul » de bonnes bouilles de victime, plus locataires que propriétaires de leur existence, plus fatalistes que révolutionnaires aux poings levés.

Le héros de « Tous les hommes n’habitent pas le monde de la même façon » ressemble trait pour trait... de crayon à ce portrait-robot.

Paul a un père danois, pasteur exilé au Canada pour prêcher à proximité d’un gisement d’amiante à ciel ouvert et qui joua les derniers deniers du culte dans les champs de course. Un personnage très bien construit qui perd la foi et se réfugie dans le hasard pour continuer à croire en quelque chose.

Paul a une mère qui ne risquait pas une overdose d’instinct maternel. Elle exploita un cinéma d’art et d’essai à Toulouse et y programma dans les années 70 « Gorge Profonde ». Une liberté artistique incompatible avec les principes moraux et religieux du mari. Les fidèles s’indignèrent et la belle devint infidèle.

Chez Jean Paul Dubois, les héritages familiaux sont lourds à porter, comme un tatouage de jeunesse au milieu du front. Point d’inné, que de l’acquis, souvent bien mal. La question de la déliquescence du couple traverse l’œuvre de l’écrivain. L’usure du temps et des sentiments.

Paul n’a pas bénéficié de circonstances atténuantes et il a le temps de nous raconter ses joies, ses peines et l’acharnement du destin car il purge une peine de deux ans de prison à Montréal pour des faits de violence.

Entre deux souvenirs, il nous livre le quotidien de la cellule qu’il partage avec Horton, un Hells Angels imprévisible qui attend son procès pour meurtre, réfractaire au bon sens et phobique aux rongeurs.

En prison, les heures ne manquent pas pour raconter et se raconter des histoires. Du pain béni pour cet auteur qui ne découpe jamais la vie de ses héros en tranches, préférant les accompagner de la naissance au trépas.

Le récit alterne des scènes assez désopilantes qui se passent entre les quatre murs de la cellule et le fil de la vie pré-carcérale de Paul, une corde raide qu’il traversa comme un funambule apatride et aveugle, sans filet de sécurité.

Suite à la séparation de ses parents et après avoir suivi son père au Canada, Paul fut pendant longtemps le super intendant d’une résidence de standing, concierge dévoué qui réparait aussi bien les robinets que les âmes des pensionnaires. Il fut aussi l’heureux mari d’une pilote d’avion, femme de caractère au sang Algonquin.

L’élection d’un nouveau président de syndic, un « cost killer » Trumpisé, plus affamé de rendement que de bons sentiments, allait précipiter la fin des beaux jours et conduire Paul à la case Prison.

Le récit ne sombre jamais dans la tragédie grâce à l’humour un peu « smart » et distancié de l’auteur qui possède le don d’enchanter le désenchantement de ses personnages. De la langueur, mais point de longueurs dans ce texte dont la lecture est aussi douce et fluide que celle du titre.

Chez Jean-Paul Dubois, les romans disposent de deux adresses postales : L'une à Toulouse (ville natale de l’auteur, et de l’auteur du présent billet, soyons chauvin) et une en Amérique, mais il ajoute des lieux insolites qui sont un prétexte à dénoncer les injustices du destin et celles des hommes (l’exploitation de l’amiante au mépris des alertes sanitaires, l’emprisonnement de la victime et non du bourreau).

Jean Paul Dubois est un écrivain dont l’univers ressemble à celui de Ian Mac Ewan et s’il creuse toujours le même sillon, j’adore fréquenter son exploitation.







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La succession

Ici le héros s'appelle Paul.

Comme dans "Le cas Sneijder".

Comme dans "Une vie française".

Comme dans "Les accommodements raisonnables"…

En fait chez Jean-Paul tous les héros s'appellent Paul. Et si leurs péripéties s'inscrivent chacune dans un registre différent, les Paul de Jean-Paul ont souvent en commun cet humour mélancolique et un poil dépressif auquel je ne résiste pas.



Ici voici un Paul joueur professionnel de pelote basque et accessoirement médecin, installé en Floride et accessoirement en région toulousaine.



C'est compliqué ? Certes, et encore, ce n'est qu'un aspect succinct de la vie de notre Paul, bringuebalé entre ses affres existentiels de trentenaire approximatif, et une famille pour le moins névrosée dont il cherche désespérément à s'affranchir.



Mais finalement peu importe l'intrigue, car Jean-Paul Dubois est décidément une sensibilité à part, un univers à lui seul, et quel que soit le drame qu'il nous conte c'est avant tout la grâce de son imagination décalée qu'il s'agit d'apprécier.



Absurdité de situations, intime alchimie entre tragique et comique, émotion, ironie, dérision, poignantes introspections… c'est bien simple, moi, chez Dubois, tout me plait.



Courez-y, si ce n'est déjà fait.




Lien : https://minimalyks.tumblr.com/
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Vous plaisantez, monsieur Tanner

Le narrateur, qu’il est tentant d’assimiler à l’auteur, a hérité d’une vaste maison de famille délabrée. Il se lance dans des travaux de réhabilitation qui vont durer un an et le soumettre à rude épreuve, au contact des différents corps de métier du bâtiment et de leur lot d’incompétents, d’escrocs, d’étourdis et que sais-je encore…





J’ai beaucoup compati et aussi bien ri à la lecture des mésaventures du pauvre monsieur Tanner, malheureusement convaincue que cette comédie ne donne qu’à peine dans l’exagération et que les situations décrites sont somme toute tout à fait vraisemblables. L’auto-dérision combinée à la maestria de la langue française produit ici un délicieux et léger moment de divertissement que l’on regrette de terminer trop tôt, malgré le soulagement du dénouement pour le narrateur.





Voici un livre drôle et bien écrit qui sent le vécu, et qui ne peut que rendre sympathique l’infortuné monsieur Tanner, en qui bon nombre de lecteurs se reconnaîtront aisément. Il serait dommage de bouder le plaisir de cette réjouissante facétie. Coup de coeur.


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Le cas Sneijder

Oui, Paul Sneijder est un cas. Un cas auquel tu t'attaches, lentement mais sûrement.



Un peu comme un confident, te voilà témoin de son existence et de ses ''accommodements raisonnables'' si chers à JP. Dubois. Mais depuis qu'un ''accident d'ascenseur'' a bouleversé nombre de ses repères, Paul Sneijder n'en finit pas de se remettre en question et aborde sa toute nouvelle perception de la vie avec l'élégance fragile et désenchantée d'un poète incompris. Tout y passe : femme, enfants, amis, boulot... le présent mais aussi l'inventaire du passé et les perspectives d'avenir sont parfois cruels, souvent cocasses, toujours désespérément lucides. Entre dérision et mélancolie, voilà en substance le tendre et délicat portrait d'une âme solitaire victime du conformisme social.



Moi, Dubois, j'aime bien, mais le cas Sneijder est vraiment son roman le plus juste et le plus touchant que j'aie pu lire de lui à ce jour. Après, c'est toi qui vois.*





* Autrement dit : Ce n'est que mon avis c'est-à-dire pas grand-chose, mais il semble que la formule fasse déjà l'objet d'un brevet nastasiesque exclusif...




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