Jaurès ne tolère donc pas un internationalisme prolétarien qui prétendrait abolir ou ignorer les patries pour ne considérer que les classes. Pour lui, la patrie se définit par une réalité organique, une histoire unificatrice et des modes de vie communs, des cultures et des valeurs partagées, en dépit des rapports de classes.
Dans un discours à la Chambre du 2 décembre 1880, Ferry souligne que la laïcité est fondamentalement la
Ce qui éclate à tous les yeux, c’est qu’il y a, dans notre société, un antagonisme profond d’intérêts ; c’est qu’il n’y a entre les classes d’autre arbitrage que la force, parce que la société elle-même est l’expression de la force.
C’est la force brute du capital, maniée par une oligarchie, qui domine tous les rapports sociaux ; entre le capital qui prétend au plus haut dividende et le travail qui s’efforce vers un plus haut salaire, il y a une guerre essentielle et permanente.
La grève n’est qu’un épisode de cette guerre. Le combat continue incessant, silencieux, dans l’atelier comme hors de l’atelier ; car à chaque minute le capital prélève une part du produit du travail, et le travail, averti peu à peu de son droit, refuse à cette spoliation incessante son consentement profond.
Même quand il subit la domination capitaliste, même quand il croit l’accepter, il ne l’accepte point en effet. Cette acceptation apparente n’est jamais qu’une résignation provisoire, consentie par la fatigue ou par une ignorance qui va se dissipant. La clarté ne peut pas faire l’apaisement, car elle révèle aux hommes exploités la cause même de leur souffrance.
Quand donc la paix sera-t-elle faite entre les hommes ? Quand la société reposera non sur la force, mais sur la justice, et la justice veut que tous les êtres humains soient appelés à gouverner leur propre travail et à en recueillir les fruits.
L’ordre capitaliste crée de la passivité et de la misère, parce qu’il réserve à une minorité privilégiée la direction du travail et une large part du produit créé par l’effort de tous.
Jean Jaurès, 30 décembre 1906,
éditorial de l'Humanité intitulé "La guerre sociale".