Citations de Jean-Yves Reuzeau (96)
Une gare dissimulée derrière une mairie. Rails. Lignes de vie.
Lignes de cœur. Le pouls affolé de la cité bat alors la chamade.
Toute une jungle d’urgences. Les bars invitent à la palabre.
Tournée générale. Verres alignés sur le zinc. Tronches rougies
Dans le glacis des miroirs. Rêves poisseux du hasard. Du PMU.
Zone interdite de l’espoir. Nos vies manquent de pittoresque.
Certains savent que le cimetière murmure à deux pas d’ici.
Carl Norac
J'ai attrapé la poésie.
Je crois que j'ai serré la main
à une phrase qui s'éloignait déjà
ou à une inconnue qui avait une étoile en poche.
J'ai dû embrasser les lèvres d'un hasard
qui ne s'était jamais retourné vers moi.
J'ai attrapé la poésie, cet espoir virulent.
Combien de vies ai-je vécues?
J'aime à penser six
et qu'il me reste une septième
à honorer
Des pages blanches
que j'aurai plaisir à remplir
avec de jolis petits riens
des mots ressuscités
à force d'être caressés
dans le sens de la lumière
et de la volupté
Abdellatif Laâbi
LE POÈTE ASSASSIN
à Olivier Lécrivain
En longeant le square à midi. Une volée de fillettes
éparpille le jour engorgé de soleil. Printemps tardif.
Un bruissement. Une entaille dans la lumière.
Les secondes s'égrènent et se figent sur la pellicule.
C'est un instantané. Flou. D'une rapidité fulgurante.
L'oeil ébroue le puzzle. Reconstruit le souvenir.
Cette vision agit comme un glaçon sur la nuque.
Nulle certitude. Place de la République. Clic.
Clac. Un arc-en-ciel impossible strie les paupières.
J'aurais pu franchir la rue comme une mangrove
pullulant de caïmans. Et seul un klaxon suraigu
me réveille. Un film surimposé sur la rétine.
Un monde caché derrière le monde suffit
parfois à poignarder la réalité. C'est ainsi.
Jacques Roubaud ,
Ouliporimes
Serf
Manie la houe
Bois la souffrance jusqu'à la lie
Au bord du Pô
Poète
A la branche de houx
Tel qu'en lui-même enfin l'éternité le lie
Edgar Poe
Silence tant de silence
Pour que germe cette parle autre
Sans la foi donnée aux mots
Les mots il faut les taire les torturer
et risquer le taire jusqu'à terre
Guy Allix
3 février 2021
Revoilà les jours fermés
heureusement prés et bois
ne sont pas confinés
les oiseaux continuent
de caresser le ciel
dans le sens du bleu
Les beaux jours sont derrière la pluie.
Guy Goffette
‘Je préfère vivre une dizaine d’années hyper à fond plutôt que jusqu’à soixante-dix ans, écroulée au fond d’un fauteuil face à une télé. Je ne veux rien faire à moitié et vivre uniquement l’instant présent.’
Jean-Pierre Siméon
Sans frontières fixes
Bienheureux les fleuves
qui n'ont pas de frontières
et bienheureux les vents
qui sautent les murailles:
ils sont du pays où ils respirent
Bienheureuse la nuit
que partout on accueille
comme une amie de toujours
et bienheureux le chêne
qui partage le son hasard
avec le tremble et l'églantine
Ah faites-moi un homme
comme une rivière
comme un vent comme un arbre
jouissant du droit du ciel
citoyen du songe
où son regard de pose ( ? de, ne serait-ce pas plutôt "se" pose)
Mesure du temps
La fenêtre qui donne sur les quais
n'arrête pas le cours de l'eau
pas plus que la lumière n'arrête
la main qui ferme les rideaux
Guy Goffette
Climatique
Je traîne en haut du paysage
le défi: ne pas fondre
J'avale goulument l'air glacé
Ronde comme une lune
je dévale les cols
et me cogne
aux bords du monde
Florentine Rey
Le premier désir
Vous connaissez cette habitude:
se souvenir de ses premiers rires d'enfants,
puis les enfermer dans une main, les garder
comme on serre une mésange captive, une poignée de coccinelles.
Carl Norac
Sur scène, je fais l’amour avec vingt-cinq mille personnes, et pour finir je rentre toute seule chez moi.
Ils n’ont jamais été vainqueurs
Ils n’ont jamais été
vainqueurs pourtant
ils n’ont jamais été vaincus
C’est tout au fond
de leurs yeux
qu’on peut trouver
en prenant la peine
de regarder
– et c’est bien
la moindre des peines —
cette minuscule fleur
qui s’appelle le courage
// Thomas Vinau
Je suis un ingénieur de l'air
je scie les cages des oiseaux
pour construire un immense oiseaux
plus grand que toutes les cages
C'est mon métier
car je n'ai plus d'espérance
serge Pey
la haine des frontières
j’ai grandi
dans la haine des frontières
dans le
Nous sommes tous frères
je continue d’y croire
– y ajoute les sœurs
Et le pouvoir du Non
Souvenir…
Un souvenir me submerge
Je ne sais s’il est vrai
Il est d’un bord de mer, je
Serai là, mais je m’en irai
03 juin 2022
inédits
// Jacques Roubaud France (1932 -)
Peut-être que le poème n’est pas une réponse
Peut-être que le poème n’est pas une réponse
et qu’il n’est pas non plus une question
ou bien il est une question
à l’absence de réponse
et une réponse à l’absence de question
peut-être que le pourquoi
le poème le pose comme une certitude
et le parce que, le poème le pose
comme un désarroi
// Laurent Albarracin
J'emmène mon cheval avec moi
quand arrivent les nuits noires
on s'en va regarder
tourner les éoliennes
les manèges, les planètes
avec une provision de pépins
sous les sabots
(à planter si possible
juste derrière l'horizon)
alors si on réussit
à avoir tous les deux
le courage du coquelicot
on aura encore des forces
pour les jours à venir
(Albane Gellé)
Janis prend conscience que le monde est bien plus vaste et complexe que le microcosme balisé où elle croupit. Elle doit réagir contre l'immobilisme et les conventions pesantes de son entourage...Quitte à être écartée, rejetée. Janis doit affirmer sa singularité pour exister, tout simplement.