Citations de Jesse Kellerman (293)
La seule source de stress pour la famille Iniguez, c'est peut-être ça : l'incompétence de leur avocat. Je crois que je vais me la faire encadrer, sans déconner. La prose de ce mec est un morceau d'anthologie. Il arrive quand même à insinuer qu'il pense qu'ils auraient gagné devant, dit-il, « ce qui était sûr qui aurait été un jury acquis d'avance à votre cause ». J'adore cette conclusion : « ce qui était sûr qui aurait été ». N'importe quoi. Il a dû se faire maltraiter quand il était enfant, je sais pas. Mais bon, on ne va pas s'appesantir.
"Ne prends pas cet air morose, Muller, ce petit accent fait largement partie de ton charme.
- Je préférerais ne pas en avoir du tout, en vrai Américain que je suis", rétorqua Salomon Muller, né Mueller.
Isaac Merritt Singer, cet homme à la libido, à la fortune, au ventre et au rire légendaires, ce rire qui résonnait comme une corne de brume, comme le chant des sirènes de l'Amérique, cet homme donna une grande tape dans le dos de son ami et lui répondit en riant :
"T'en fais pas, vieux ! Ici, on est ce qu'on dit qu'on est."
Les dieux de la chirurgie étaient jaloux et cruels, et Jonah avait fauté. En tant qu’étudiant de troisième année, il ne pouvait guère espérer faire plus que suturer, écarter, aspirer. Comme tout apprenti, son véritable rôle n’était pas de se rendre utile mais de donner raison à la hiérarchie. Il était là pour souffrir, ainsi que tous les médecins qui l’avaient précédé à cette place.
Vous avez déjà essayé d' apprendre à lire à quelqu' un ? .../...Nous avons tendance à considérer comme une évidence notre aptitude à extraire un sens d' une page d' écriture, alors qu' en fait ce n' est rien de moins qu' un miracle, et si nous n' apprenions pas à l' exercer à un âge où l'on croit encore à la magie, le taux de réussite serait dérisoire.(p339)
C'était ça la vie, parfois on faisait des choses qu'on n'avait pas envie de faire.
Le véritable bonheur platonique est la fusion de deux esprits.
Secouant la tête, Jonah marcha vers le coin du salon où une table pliante ployait sous une pile d'énormes livres brochés. Comme la plupart des étudiants en médecine, il obéissait au mythe selon lequel le savoir est proportionnel au nombre de manuels possédés.
Il n'y a aucune honte à être un homme ordinaire.
Il s'agrippait à elle car sans elle son avenir n'était qu'une étendue de néant. Il lui fallait une cause.
Le narcissisme n'est pas capable de digérer une trop grande dose de culpabilité. Il la régurgite sous forme de rage.
Un puissant vortex de jargon médical, un gouffre d'incompréhension séparant les patients des soignants, les non-initiés des élus, un vocabulaire pesant et confidentiel qui, une fois intégré, rendait toute conversation impossible dans la vraie vie.
sitôt le marché conclu, je détectai un changement dans l'attitude de Hollister, un brusque regain de confiance. maintenant qu'il était le possédant, il savait comment se comporter. les hommes de son espèce pensent que rien ne peut leur échapper, qu'il s'agisse d'un terrain immobilier, d'une oeuvre d'art, d'un trait d'esprit ou d'une personne. une fois qu'ils ont payé et que l'ordre est rétabli, ils peuvent se conduire à nouveau en maîtres de l'univers.
Le génie peut s'incarner sous bien des formes, et lors du dernier siècle nous avons (peu à peu) admis que la transcendance d'un Picasso pouvait se retrouver en d'autres lieux moins évidents. C'est cet inénarrable provocateur de Marcel Duchamp qui nous l'a démontré quand il a abandonné la création plastique pour partir s'installer à Buenos Aires et se consacrer à plein temps aux échecs. Ils ont, disait-il, "toute la beauté de l'art, et beaucoup plus. Ils ne peuvent pas être commercialisés. Les échecs sont beaucoup plus purs."
C'est l'effet des grandes œuvres d'art : elles vous coupent la chique.
La vie avance à un rythme qui ne nous arrange pas toujours.
La question du libre arbitre est aussi vieille que la philosophie elle-même, et le débat toujours aussi féroce qu'il l'était il y a deux mille ans. Et même davantage, peut-être, car tandis que notre monde devient de plus en plus connu, quantifié, mécanisé et contraint - l'emprise de la technologie sur nous plus forte de jour en jour, la science lissant les contours de la réalité -, les gens semblent proportionnellement avides de prouver que les êtres humains sont l'exception à la règle et que nous ne sommes pas préprogrammés mais libres. (p. 305)
Je ne suis pas aujourd'hui, pas plus que je ne l'ai jamais été n ne serai jamais, un génie. Il y a de fortes chances pour que vous non plus. Je me sens dans l'obligation de le souligner à la fois parce qu'il m'a fallu un moment pour comprendre mes propres limites et parce que, de nos jours, on s'est mis dans la tête que n'importe qui possédait un potentiel infini. Une seule seconde de réflexion suffit à comprendre que c'est un pieux mensonge, destiné à bercer d'illusions les gens qui manquent de confiance en eux.
C’est comme ça, sauf quand c’est autrement, c’est-à-dire la plupart du temps.
Il n'y a pas de chemin plus sûr vers la médiocrité; comme l'a écrit Borges, le désir d'être un génie est "la plus grossière des tentations de l'art". Selon sa conception, le véritable génie n'est donc pas conscient de lui-même. Un génie doit par définition être quelqu'un qui ne s'arrête pas pour réfléchir à ce qu'il fait, à la façon dont cela sera reçu ni aux conséquences que ça aura sur lui et son avenir; il se contente de faire. Il exerce son activité avec une obstination qui est par essence malsaine et autodestructrice.
[...] à quoi bon vivre si on ne peut pas en profiter ? [...] le luxe nous rappelle le but de nos efforts.