Dans le cadre des rencontres Sciences Po Bordeaux, Jocelyne Porcher et Corine Pelluchon vous présentent leur ouvrage "Pour l'amour des bêtes" aux éditions Mialet-Barrault. Entretien avec Valérie Deymes.
Retrouvez le livre : https://www.mollat.com/livres/2657991/corine-pelluchon-pour-l-amour-des-betes
Note de musique : © mollat
Sous-titres générés automatiquement en français par YouTube.
Visitez le site : http://www.mollat.com/
Suivez la librairie mollat sur les réseaux sociaux :
Instagram : https://instagram.com/librairie_mollat/
Facebook : https://www.facebook.com/Librairie.mollat?ref=ts
Twitter : https://twitter.com/LibrairieMollat
Linkedin : https://www.linkedin.com/in/votre-libraire-mollat/
Soundcloud: https://soundcloud.com/librairie-mollat
Pinterest : https://www.pinterest.com/librairiemollat/
Vimeo : https://vimeo.com/mollat
+ Lire la suite
Maman, le lundi et le mardi, elle fait les inséminations et elle aide Rémi. Le mercredi, elle fait les soins aux porcelets, genre castrer ou couper les dents et les queues des petits qui viennent de naître. Le jeudi, elle sèvre les porcelets et elle les amène en postsevrage. Elle mène les truies en verraterie, puis elle fait le lavage des maters avec le Karcher. Et le vendredi, elle fait rentrer d’autres truies en maternité. Et tous les trois week-ends, elle est de garde.
En engraissement, les cochons ont l’air bizarres. Ils semblent attendre quelque chose qui ne vient pas.
La grand-mère Jeanine était étonnée car elle a toujours donné des plantes aux truies et elle ne voyait pas pourquoi cette fois-ci ça les rendrait malades. "Ce n’est plus un élevage, c’est un laboratoire".
Quel bénéfice pouvait apporter l'attachement des paysans à leurs animaux ou à leur terre, sinon de leur procurer des émotions et de les maintenir dans une sensibilité dommageable à la nécessaire rationalité de leur travail ?
Quel intérêt pouvait avoir la beauté des animaux hormis celui d'inciter à la contemplation, à la paresse ?
Alors que la relation de proximité entre paysans et animaux est fondée sur la nécessité de vivre et de travailler ensemble pour survivre, c’est-à-dire de faire front ensemble à la nature, la relation de travail paternaliste dans la société capitaliste vise à ajouter à la rationalité économique industrielle des rationalités relationnelles et morales qui, du point de vue du travail réel, n’y sont pas. De ce point de vue, la problématique du « bien-être animal » s’inscrit, elle, dans une démarche paternaliste. Elle vise à minorer les effets dévastateurs de l’exploitation des animaux sans remettre en cause l’industrialisation des productions animales, considérée comme inévitable.
Pour les animaux eux-mêmes, l’environnement « naturel », c’est le travail. Les animaux d’élevage vivent dans deux mondes : leur monde propre de cochon ou de vache et le monde humain du travail. Et l’éleveur vit également dans ces deux mondes, le sien et celui des animaux. Pour les éleveurs, comme pour leurs animaux, l’élevage vise à faire cohabiter ces deux mondes de la manière la plus intelligente possible. […] La vie bonne n’est pas donnée, elle est une promesse du travail.
Comme nous l’avons vu chez les éleveurs, la relation entre êtres humains et animaux importe plus que l’intérêt économique des seuls humains. Nous ne faisons pas de l’élevage pour gagner de l’argent sur le dos des animaux mais parce que nous voulons vivre avec eux et que le meilleur moyen pour cela est qu’ils nous procurent un revenu ; lequel permet alors à la fois notre vie économique et notre vie commune avec les animaux.
Travailler, en effet, que ce soit ou non avec des animaux, ce n’est pas seulement produire, c’est également se produire, être ensemble, partager, coopérer, créer des liens.