Des piques empoisonnées. Un des pièges favoris des Vietcongs. Des morceaux de bambou acérés dissimulés dans l'herbe et la terre meuble, enduits de déjections humaines.
Ceux que je croisais avaient cessé d'être des personnes. Des êtres humains. C'étaient des numéros. Des animaux tatoués. Certains portaient une vague ressemblance avec des gens que j'avais connus.
Avaient-ils vécu dans mon village ? Celui-ci était-il un voisin... Un ami ? Non. Ce n'étaient que des fantômes gris qui bougeaient au ralenti.
Des morts, qui ne savaient pas qu'ils étaient morts.
Baissez vos têtes, les gars. C'est des éclats d'obus qui volent, pas des moustiques !
Etablir une relation avec leurs interlocuteurs vietnamiens n'est pas chose facile. Mais c'est essentiel. La confiance est la pierre angulaire de ce que l'unité d'élite s'est fixé d'accomplir.
(conversation entre soldats à propos de la population locale)
Keane : Il nous faut en apprendre davantage sur eux… Essayer de comprendre leurs coutumes. C'est notre boulot.
Kelly : Exact. A la base, ce sont de braves ans, qui veulent juste qu'on les laisse tranquilles… en paix.
McCaine : Ouais, et nous sommes là pour les y aider.
Martinez : La formation qu'on a reçue chez nous aide un peu à les comprendre… mais…
Keane : Ce n'était qu'une introduction à une situation complexe. Il nous faut en apprendre beaucoup plus sur eux et sur leur façon de se comporter.
Kelly : Faisons-leur comprendre que nous ne sommes pas là pour les changer … mais seulement pour les aider.
Vivre dans le ghetto, c'était apprendre que l'animal humain peut s'adapter à des conditions terribles, inimaginables. C'était une expérience insidieuse, parce que l'horreur s'est manifesté lentement, graduellement. Il a fallu du temps avant que la mort et les gens agonisant dans les rues ne deviennent un évènement normal, presque ordinaire. Les gens passaient en détournant le regard. Ne regarde pas. Ne vois pas. Nous étions toujours en vie. Eux, ils étaient morts.
Qui peut supporter la vue de petits enfants à côté du cadavre de leurs parents ?
C'est un jeu. Chacun de nous joue un rôle imposé. Le ghetto est notre scène. Les pleurs, les gémissements, les lamentations sont notre musique de fond permanente. Tout cela finira-t-il un jour?
Il va falloir plus que des chansons, ou même que tout le Grand Ole Opry pour tenir écartés les Viets… On a un gros boulot à faire.
Le simple fait de penser les mots était dangereux
- On vit tous en enfer, Yossel. Quand le diable accorde des faveurs, tous les autres demandent : Pourquoi ? Les nazis sont-ils tes amis ? Et si tu allais les dénoncer ? En enfer, on ne peut faire confiance à personne.
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