Du sang dans les plumes
« Je m'appelle
Joel Williams. J'ai 46 ans, je suis un Amérindien de la tribu Shoshone-Paiute. Je suis incarcéré depuis vingt-cinq ans [...] Je suis également écrivain. Voici comment tout a commencé... »
Joel Williams, "
Du sang dans les plumes", collection PULSE (en librairie le 23 mai 2012)
La prison possède sa propre logique : ça s'appelle la loi de la jungle. (p. 50)
[Stephen Cooper] : "Nous savons, depuis Michel Foucault, que nos prétendus centres de réhabilitation ne sont qu'un système de détention et de torture psychologique destiné à briser et soumettre le prisonnier. Même si des raffinements tels que l'écorchage avec les pinces chauffées à blanc et l'écartèlement sont passés de mode, la France du XVIIIe siècle n'aurait rien à envier aux Etats-Unis d'aujourd'hui en matière de punition des infortunés qui se mettent la justice à dos."
(p. 218)
[A 13 ans] je commençais aussi à m'intéresser aux filles. La timidité m'empêchait d'attirer leur attention ou de solliciter leur amitié. J'étais fasciné par l'une d'elles. On était dans la même classe d'anglais. Je voulais trouver le courage d'engager la conversation, mais en vain. J'avais pris l'habitude de dessiner en secret des bites sur son casier. (p. 38)
Ouais, la vie est une guerre sans fin contre le destin.On a intérêt à se cramponner pour garder la tête hors de l'eau, parce qu'une fois à la flotte faut pas trop espérer qu'on nous balance un gilet de sauvetage.
Chuck, mon codétenu, a personnalisé sa moitié de cellule avec des polaroïds le montrant aux côtés de criminels célèbres incarcérés en Californie au cours des vingt dernières années, Charlie Manson, Charles "Tex" Watson, Sirhan Sirhan, Angelo Buono... La liste est longue. Chuck et ses "amis", tout sourire sur les photos, fraternisent en se serrant la louche.
- Un jour, ça vaudra du pognon, Jake [me dit-il].
Il en a parlé à sa mère qui, depuis, ne lui écrit plus. Pauvre femme. Pauvre Chuck. Pauvres de nous.
(p. 134-135)
Au-dessus de la cuvette aride du désert, la canicule enserre la ville dans une fournaise à coller la fièvre.Et, telle une pustule écrasée par les monts San Gabriel et Santa Monica, Los Angeles devient le centre purulent du pourrissement postmoderne, son tas d'ordures.