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Critiques de John Boyne (1105)
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Le garçon en pyjama rayé

Non, ce roman n’est pas spécifique à la jeunesse !

Non! Je pense que les jeunes adolescents sont à mille lieues de comprendre les subtilités, les sous-entendus, les jeux de mots qui émaillent ce texte.

Ce roman, justement, est écrit pour ceux qui ont tout entendu à propos des camps de concentration, qui savent comment ont vécu les Juifs pendant la guerre, pour les lecteurs qui se sont alarmés, qui se sont révoltés, qui ont refusé l’inévitable.



Bruno, le narrateur, a 9 ans. Il adopte donc une manière de parler très naïve. Il est innocent, il est tenu à l’écart du mode de vie de son père, officier nazi. Pour lui, le « Fourreur » qui vient diner un soir à Berlin, dans la maison familiale, n’est qu’un grossier personnage accompagné d’une superbe dame blonde très très gentille. Le déménagement à « Hoche-Vite » qui fait suite à cette visite ne le ravira pas, car il doit quitter ses 3 meilleurs amis, et d’ailleurs la maison là-bas est beaucoup moins confortable que celle de Berlin – elle ne compte que 3 étages au lieu de 5 -. Là-bas, pas d’amis ! Tous les enfants sont de l’autre côté du grillage...Ils en ont de la chance, ces enfants, ils n’ont pas besoin de changer de vêtement tous les jours, ils vivent tous en pyjama, rayé. Et ils ne doivent pas souffrir le martyre dans des chaussures trop serrées...ils marchent pieds nus.

Donc Bruno l’explorateur décide un jour de partir faire le tour de ce fameux domaine interdit. Et là, au détour du grillage, il rencontre l’amitié. Cela va changer sa vie...



Chaque phrase de ce roman n’est qu’allusion. Chaque mot bien innocent employé par Bruno renvoie à une réalité qui l’est beaucoup moins.

Et c’est cela, le plaisir du roman. Plaisir que ne pourraient pas apprécier les jeunes qui ne connaissent encore rien à ce monde infernal de 40-45, à part ceux que l’Histoire captive, ceux qui ont la chance d’avoir des grands-parents, des parents qui veulent informer les générations actuelles de l’horreur commise il y a des dizaines d’années.



« Tout cela s’est passé il y a fort longtemps, bien sûr, et rien de semblable ne pourrait plus jamais arriver.

Pas de nos jours. »

C’est là que nos jeunes doivent prendre le relais pour vivre, autrement.



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L'audacieux Monsieur Swift

L’audacieux monsieur Swift, l’irrésistible manipulateur de John Boyne



Aucun talent et encore moins d’imagination pour écrire un roman, Maurice Swift n’en manque pourtant pas pour manipuler par la séduction les désirs de ceux qui l’entourent. D’une beauté affolante, son corps enflamme aussi bien les hommes que les femmes, qui ne sont pour lui rien d’autre que des proies pour assouvir son besoin irrépressible de devenir écrivain. Comment l’appropriation permet d’exister par le simple exercice de la fascination. Un sentiment troublant et communicatif à la lecture de ce roman attirant comme un aimant.



C’est au bar de l’Hôtel Savoy, à Berlin-Ouest que l’opération séduction commencera. Jeune serveur de 22 ans à la beauté éclatante de jeunesse et de vitalité, Maurice ne pouvait que reconnaître Erich Ackerman accoudé au comptoir, tant il suit les actualités littéraires. Cet homme âgé de 66 ans, auteur de six courts romans et d’un recueil de poèmes est pourtant inconnu du public. Un succès critique relatif qui a fini par se concrétiser, après trente-cinq ans de carrière, par un prix littéraire de renommée internationale pour cet écrivain de la solitude et des désirs inassouvis. Véritable ascète du plaisir, il préfère se tenir éloigné de toutes les tentations depuis déjà longtemps et n’explique sa présence dans cet hôtel luxueux que par l’obligation de son éditeur de faire une tournée mondiale.

Mais la consécration de l’effort de toute une vie est aussi l’occasion des remises en cause, et les pensées de cet homme qui s’est consacré toute sa vie à l’écriture n’auront bientôt plus d’yeux que pour « le sillon délicat au milieu de la poitrine » du jeune homme qu’il entrevoit par sa chemise entrouverte ou par ses chevilles nues qu’il aperçoit dans ses chaussures.

Maurice est-il conscient de son pouvoir de séduction ? Au départ la question n’est pas là, car le récit est tout entier tourné vers la fascination qu’il exerce : la façon dont l’écrivain mature introduit Maurice Swift dans les cercles intellectuels ou comment il se confie à ce séduisant jeune homme, jusqu’à lui avouer des secrets encore inavoués. Une séduction, il faut bien le dire, qui transpire à la lecture de ce roman habile.



Tout l’intérêt du nouveau roman de l’auteur du Garçon au pyjama rayé et plus récemment des Fureurs invisibles du cœur est dans la description de cette séduction irrésistible qui parait bien vite aussi dangereuse qu’elle est attrayante. La menace du désir quand celui-ci est utilisé dans le but d’une manipulation cynique et sans scrupule. Car Erich Ackerman ne sera bien sûr que la première victime de Maurice Swift, dont il se débarrassera dès qu’elle ne lui sera plus utile. Il s’agit d’aborder ensuite la décontamination longue et difficile de cette personne toxique qui hantera ses conquêtes capturées dans ses filets pendant de longues années et parfois même jusqu’à la mort. Mais il s’agit aussi de la question de la responsabilité, car toutes sont consentantes et le désirent, le fantasment ou l’aiment ardemment. Son attrait magnétique semble aussi indomptable que les pulsions sexuelles qui étreignent tous les membres de la famille bourgeoise milanaise dans le Théorème de Pasolini. La lutte des classes en moins. Et en lieu et place du foyer traditionnel, la grande famille de la création et de l’édition. Car au fond qu’est-ce-qu’écrire ? D’où viennent les idées ? À qui appartiennent-elles ? Comment et pourquoi deviennent-elles des livres ? Les passages mettant en scène le sulfureux Gore Vidal face aux gesticulations du jeune arriviste sont à ce sujet particulièrement réussis. Mais il manque peut-être ce petit supplément d’âme que l’on pouvait trouver dans le film de Pasolini : un sens sociologique ou politique, car au fond Maurice Swift n’est l’expression de la frustration de quelqu’un qui a « voulu quelque chose toute sa vie sans avoir été assez bon pour l’avoir. »

Un roman d’une efficacité incontestable pour apporter un plaisir de lecture au trouble délicieusement fascinant.
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Les fureurs invisibles du coeur

Fille-mère bannie de son village de la très catholique Irlande de 1945, Catherine Goggin abandonne le narrateur à sa naissance, dans l’espoir de lui permettre une vie meilleure : adopté par un couple riche et excentrique de Dublin, l’enfant prend le nom de Cyril Avery et grandit dans l’indifférence bienveillante de sa nouvelle famille. Son amitié pour un gamin de son âge lui révèle bientôt son attirance pour les garçons, à une époque où l’homosexualité reste inconcevable…





Au travers de Cyril, c’est tout le drame d’être gay dans un environnement homophobe qui se déroule ici. Pendant toute sa jeunesse, des années quarante à soixante-dix, Cyril est confronté à une société rétrograde où la moindre déviance à la norme sociale est sévèrement, voire violemment, réprimée : si les filles-mères peuvent être mises au ban de la société, les gays peuvent être tabassés à mort en toute impunité. Les années quatre-vingt voient apparaître l’épidémie du SIDA, d’abord considérée comme une maladie honteuse et exclusive des homosexuels. Il faudra bien du temps à Cyril pour qu’il puisse envisager d’être heureux, de sortir du mensonge et de vivre son identité librement, à l’issue d’une longue quête entre différents pays, mais aussi entre sa famille d’adoption et sa famille de sang.





Oscillant entre humour noir et amertume, entre tendresse et cynisme parfois cru, cette longue et triste histoire est imprégnée des poignants regrets du narrateur, d’être né trop tôt dans une société enfin devenue aujourd’hui plus tolérante, et d’avoir mis toute une vie à pouvoir connaître la paix et l’harmonie avec lui-même. Même si le récit multiplie les coïncidences opportunes, servant parfois mieux sa portée didactique que sa parfaite vraisemblance, il donne vie à un personnage profondément humain dans ses doutes et ses ambivalences, et nous rappelle ce que peuvent parfois avoir d’absurde, et engendrer de violences, les normes religieuses et sociales d’un lieu et d’une époque : les femmes et les homosexuels ont fait beaucoup de chemin sur la route de leur liberté, mais il reste tant à faire, dans certaines parties du monde encore plus que dans d’autres.


Lien : https://leslecturesdecanneti..
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Les fureurs invisibles du coeur

Un roman qui , c'est certain , figurera en très bonne place dans le palmarès ( virtuel ) de mes lectures de l'année 2020 . J'ai plongé dans cette histoire et j'avoue que j'ai été happé dès le début , n'ai jamais ressenti le moindre fléchissement dans mon intérêt tout au long des quelques plus de 800 pages ,et c'est avec beaucoup d'émotion et une certaine tristesse que j'ai tourné la dernière page. Voilà , je ne sais qu'ajouter si ce n'est que , vraiment , je rejoins les nombreux lecteurs et lectrices qui ont déjà émis des avis plutôt flatteurs et ...mérités à mon avis .

Le récit commence en Irlande , en 1945 , dans le petit village de Golen .Pour être plus précis, lors de la messe dominicale , le curé tout puissant montre sa domination sur les êtres et les âmes en jetant à la vindicte populaire une jeune femme de 16 ans, portant en elle " les traces de la honte , du déshonneur , et dés lors obligée de partir se réfugier dans l'anonymat de Dublin , la capitale ....C'est que l'Irlande , à l'époque, c'est un pays particulièrement " à la botte " de l'église toute puissante , moralisatrice , conservatrice , dominant d'une " main de fer " une société figée dans un terrible carcan.

C'est dans ce contexte que nous allons en croiser des personnages , des personnages qui vont évoluer sous nos yeux avec leurs qualités, leurs défauts, leurs modes de vie , leurs travers , leurs contradictions , leurs joies , leurs peines ....Les situations , les dialogues vont s'avérer durs , violents , émouvants, sérieux, désinvoltes , odieux , tendres , humains , cocasses.....Dans ce roman , on passe par toutes les émotions, on condamne les uns , on blâme les autres , on passe d'un état à un autre , au fur et à mesure de l'évolution, des choix des personnages , on rit , on pleure , on réfléchit.... Aucun personnage " creux " , chacun d'entre eux apportant régulièrement une pierre à la construction de nos convictions ...

Ce roman va couvrir une vie , celle de Cyril , l'enfant du " bannissement " initial , enfant dont on suivra l'évolution en le retrouvant tous les sept ans , à travers ses rencontres , ses succès, ses échecs, ses drames .....Une pléiade de personnages vont graviter autour de lui et l'ensemble va fonctionner comme une " machine bien huilée " , plaisante , addictive , prenante.....Une très belle saga familiale pleine de belles ou moins belles rencontres...La vie , quoi ....

Ah , un détail. Cyril , il est homosexuel et , forcément, l'homosexualité, il va en être question ....Dans cette Irlande puritaine , ça risque d'être " un peu chaud " ....Rendez- vous compte , Une jeune femme " engrossée" , "un fils gay ", voilà de quoi bouleverser l'ordre " bien établi et bien - pensant " , mais aussi briser bien des tabous et ....remettre " l'église au centre du village " .( Oui, elle est facile , celle là ) mais bon , confinement oblige , vous me pardonnerez cet écart de langage ....Ceci étant , avant qu'elle y revienne au centre du village , hein , y'a 800 ( superbes ) pages ....Comme pour le coronavirus , au bout du tunnel , il y a " une lumière ".

Et surtout , surtout , restons confinés et ...continuons à faire de belles découvertes dans nos PAL ....On les reconstituera bientôt. Courage.





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Le garçon en pyjama rayé

J'ai encore le souvenir épouvantable de la première fois où j'ai vu le film "Nuit et brouillard", à treize ans, sans aucune préparation, sans aucune explication, parce qu'un enseignant avait décrété que les élèves devaient le voir.

Si la question de la Shoah est incontournable et s'il est évidemment nécessaire d'en parler avec de jeunes enfants, des textes crus ou des images chocs ne me semblent pas souhaitables pour un premier contact. Informer et éduquer, oui, choquer et traumatiser, non !

Ce livre, que je viens de lire avec mon fils de dix ans, s'est avéré parfait pour aborder plus en douceur ce douloureux sujet. Nous y reviendrons, bien sûr, mais cette lecture a permis une première approche et a suscité les premières questions, auxquelles je me suis efforcée de répondre de la façon qui me paraissait la plus juste et la mieux adaptée aux capacité de compréhension et à la sensibilité de mon jeune auditeur.

Bruno, fils du commandant du camp d'Auschwitz, nous raconte sa vie. C'est un gentil petit garçon de neuf ans qui cherche des amis avec qui jouer. Il se lie d'amitié avec Schmuel... mais Schmuel habite de l'autre côté de la barrière, et leurs rencontres doivent rester clandestines. Les deux enfants sont très attachants, et il est très facile pour un jeune lecteur de s'identifier à eux.

J'ai trouvé ce procédé particulièrement bien choisi, et c'est ce qui fait selon moi la force du livre. Un jeune enfant se sentira bien plus concerné par ce qui peut arriver à deux personnages de son âge auxquels il s'est attaché au fil des pages, que par le destin de millions de personnes anonymes pour lui. La vérité historique n'est pas trahie, mais elle est abordée d'une façon plus compréhensible. Pour autant, pas de happy end trompeur : la fin est prévisible pour le lecteur adulte informé, mais elle pourra surprendre les plus jeunes et faire naître de nombreuses interrogations auxquelles il faut être prêt à répondre.

Le garçon en pyjama rayé est donc à mon avis un excellent livre, à condition de ne pas laisser le jeune lecteur seul face au texte et face à ses questions. Une première étape, qui devra être suivies d'autres, dans l'apprentissage d'une des périodes les plus sombres de l'Histoire.
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L'audacieux Monsieur Swift

Erich Ackerman, fin soixantaine, écrivain d'origine allemande, homosexuel, vivant et travaillant en Angleterre, rencontre le jeune Maurice Swift en 1988 dans un hôtel de luxe à Berlin-Est. Peu connu comme auteur, mais ayant dernièrement remporté un prix littéraire, il parcourt le monde pour la promotion de son dernier livre. Son attirance sexuel pour Maurice, écrivain en herbe, mais qui en attendant célébrité et argent, travaille comme commis à l'hôtel, va lui être fatal. Le manipulant facilement, Maurice va l'utiliser comme support, telle une plante parasite, pour se lancer dans le monde du business littéraire. Son ambition est sans limite, il veut être un grand écrivain et il est prêt à TOUT pour y parvenir. Mais il a un gros problème : bien qu'il écrit bien, il manque cruellement d'idées, idées qu'il va finir par aller piquer chez les autres ...... Nous voici, à travers l'histoire d'un imposteur, en plein dans les milieux littéraires anglo-saxon, avec un invité surprise, le fameux auteur et homme public Gore Vidal, avec des vrais détails et anecdotes de sa vie.



J'ai un avis mitigé sur ce livre. Il se lit facilement sans l'ombre d'un doute, la prose, v.o., rien à dire, mais le fond est peu original et moyennement intéressant, du moins pour moi. Quelques piques au monde de l'édition actuelle et quelques questions posées sur le processus de la création littéraire, la vraie valeur d'une oeuvre littéraire, et le plagiat, mais sans de vraies réflexions profondes. Où trouve-t-on les idées, l'inspiration ? À quoi est dû le succès d'une oeuvre littéraire et comment reconnaître sa vraie valeur ?....

Côté suspens, on devine très vite ce qui va suivre, tellement l'auteur est explicite dans les indices qu'il laisse. Reste le sexe, ici souvent dans un milieu homosexuel, toujours prédominant, souvent cru, lassant, qui semble le moteur de tant de choses, même pour voler des histoires.......

J'ai lu le livre avec un sentiment de malaise constant. Par commencer par Maurice lui-même, le beau Narcisse vampire, un homme insipide et sans scrupules, tous les personnages masculins sans exception sont peu attachants, sans profondeurs, pour lesquels je n'ai senti aucune empathie. Figures féminines idem......par contre j'ai trouvé la Fin rigolo. Et le tout est un excellent scénario pour Hollywood, peu à mon goût.





“L'ambition est comme un escalier qui monte au ciel, ("A ladder to the sky " titre de la version originale), un gaspillage inutile “.

(vieux proverbe)

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Les fureurs invisibles du coeur

« Je me souviens qu'un de mes amis m'a dit un jour que nous haïssons ce qui nous effraie en nous-même. »



La semaine dernière, je n'étais pas là. Je n'étais pas moi.



J'étais Cyril Avery, ce petit garçon, puis ce jeune homme, qui se retrouve face à une sombre malédiction, celle de préférer les garçons dans une Irlande où « l'homosexualité n'existe pas ».



A partir de la naissance haute en couleurs de son héros, l'auteur fait, à chaque chapitre, un bond de sept années dans la vie de Cyril Avery pour conter son adolescence, son amitié amoureuse avec le séduisant Julian, sa vie d'adulte, d'exils en retrouvaille, jusqu'à ce dénouement si lumineux, véritablement Beau.



Roman fleuve, habilement mené, le héros nous devient tout de suite familier et on ne peut le quitter aisément. J'étais avec lui, j'étais lui, et je n'en suis pas encore revenu.



Un roman épatant, à la fois saga épique et sociétale, conte tragique, délirant et trajectoire intime, il remue profondément à l'intérieur. Chronique sociale, politique et intime d'un pays catholique et conservateur où la différence n'existe tout bonnement pas.



John Boyne met le doigt là où ça fait mal et j'ai été littéralement happé par sa plume irrévérencieuse et délicieusement ironique. A la fois cynique et d'une tendresse infinie, il dépeint un monde, le notre, pétri d'intolérances. Evidemment sur l'homosexualité, perçue comme une perversité, cette maladie honteuse mais également sur la place des femmes dans cette société machiste et arriérée.



« Ce que vous savez des femmes pourrait être recopié en grands caractères au dos d'un timbre poste et il resterait encore de la place pour le Notre Père. »



Ces fureurs invisibles racontent les chemins, les détours insupportables, que l'on prend pour arriver à soi avec une justesse infinie.



Je crois qu'on mesure la portée d'un livre aux souvenirs que nous laissent ses personnages. Cyril Avery est entré dans ma tête, dans mon coeur, de la plus belle des façons et n'est pas prêt d'en ressortir. Je crois qu'on sait qu'on vient de lire un grand livre lorsqu'on reste quelques minutes un peu étourdi, encore là-bas, une fois la dernière page tournée…
Lien : https://labibliothequedejuju..
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L'audacieux Monsieur Swift

L’histoire de Mr Swift est édifiante. On ne peut que le détester, ce personnage abject. Plus il est vil et vénal, plus on le déteste et plus adore le détester!



Tout débute en Allemagne, alors que Maurice Swift, un jeune homme ambitieux qui rêve de devenir écrivain mais manque d’inspiration , rencontre Erich Ackermann. La beauté de Maurice incite Erich aux confidences : peu importe les conséquences, mais Maurice tient enfin un sujet.



Et c’est sur ce modèle que Maurice poursuivra sa carrière, glorieuse, mais gangrenée par les méthodes utilisées. rien n’arrête l’auteur à succès pour arriver à ses fins.



C’est une véritable réflexion sur le métier d’écrivain, qui jongle entre les pannes d’inspiration, la course aux prix littéraires et les injonctions des éditeurs. Pour notre « héros », pas trop de problème, tant il maitrise l’art de la manipulation, à l’égard de l’ensemble de ses relations qu’elles soient intimes ou professionnelles.

Il agit avec un tel aplomb qu’on en reste sidéré. La beauté du diable, et on pense bien sûr à Faust, dans cette recherche de la gloire tout prix, y compris celui de la vente de son âme.





Un roman noir , certes, mais non dépourvu d’humour. superbement écrit, difficile à lâcher, d’autant que l’auteur maintient la pression et les surprises jusqu’à la fin.





Une belle réussite, et une oeuvre de plus à explorer.


Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Le Syndrome du canal carpien

Faut-il en rire, faut-il en pleurer ? John Boyne a choisi de nous faire rire sur ce sujet abordé récemment par plusieurs auteurs : l’omniprésence dans la société des téléphones portables et des réseaux sociaux et le pouvoir inquiétant de ceux-ci à déterminer ce qui est bien et ce qui est mal, qui se comporte bien et qui se comporte mal.

J’ai beaucoup aimé la citation d’Umberto Eco qui ouvre le livre :

« Les réseaux sociaux ont donné le droit de parole à des légions d’imbéciles qui, avant, ne parlaient qu’au bar, après un verre de vin et ne causaient aucun tort à la collectivité. On les faisait taire tout de suite alors qu’aujourd’hui ils ont le même droit de parole qu’un prix Nobel. C’est l’invasion des imbéciles. »



Le roman se situe sur cinq jours, cinq jours pendant lesquels on assiste à un certain nombre d’évènements, qui vont conduire à l’annulation de la famille Cleverley. Se faire annuler, vous ne savez pas ce que ça veut dire, moi non plus avant de lire ce livre : cela veut dire que plus personne ne les suit sur les réseaux sociaux, qu'ils y disparaissent.

Comment tout cela a-t-il commencé : Un tweet anodin du père : Georges Cleverley, présentateur vedette à la BBC. Pour tout être capable d’un minimum de réflexion, il parait anodin. Pour les légions d’imbéciles dont parle Eco, il était insultant, transphobe et j’en passe….

La mère est écrivaine à succès : enfin elle avait écrit ses deux premiers livres. Depuis ce sont des prête- plumes qui les écrivent. Les trois enfants ne font pas grand-chose, profitant sans vergogne de la maison et des subsides généreux de leurs parents. L’ainé Nelson est enseignant, dans l’école où il avait étudié et où il continue à se faire persécuter par la même personne, élève également devenu enseignant. La fille Elizabeth est rivée à son téléphone, passant sa vie à la publier au lieu de la vivre, et à insulter via un pseudo tout et tout le monde, sans oublier sa propre famille. Le petit dernier, Achille, vu comme un imbécile par sa famille, est peut-être le plus intelligent de tous. Il a trouvé un moyen infaillible de gagner de l’argent.

Et en quelques jours, tout dérape… pour chacun d’entre eux.



John Boyne peint cette famille avec toute la virtuosité qu’on lui connait, insérant dans son récit quelques retours en arrière dont la date correspond chaque fois à la création d’un réseau social, et nous permet de réaliser à quel point tout ceci est récent. En dehors des membres de la famille apparaissent quelques personnages secondaires croqués avec beaucoup d’humour, amant, maitresse, petit ami, psy et ne pas oublier la tortue. J’ai beaucoup ri.

Et si la solution consistait à se déconnecter :

« Je me suis rendu compte que je préférerais ne plus faire partie du monde des réseaux sociaux. À partir de maintenant, je veux simplement profiter de ma vie au lieu de passer mon temps à la documenter. »

J’ai aussi beaucoup réfléchi. Mon utilisation des réseaux sociaux est assez limitée (Babelio), mais effectivement j’y passe un temps certain que je pourrai employer à … lire ?

Cela dit, j’y fais aussi de belles rencontres, virtuelles pour la plupart, mais dans certains cas celles-ci peuvent déboucher sur la dégustation en commun d’un « Bubble tea »

Merci à NetGalley et aux éditions JC Lattès pour ce partage de ce roman d’un auteur que j’apprécie énormément #Lesyndromeducanalcarpien #NetGalleyFrance

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Les fureurs invisibles du coeur

♫ Un oranger, sur le sol irlandais / On ne le verra jamais... ♫



Et un homosexuel heureux, sur le sol irlandais, le verra-t-on un jour ? C'est ce qu'on se demande tout au long de ce roman, qui nous raconte l'histoire de Cyril et de ses errements et, à travers elle, celle de son pays, l'Irlande, entre 1945 et 2015.

La mère de Cyril a 16 ans quand elle se retrouve enceinte. Lorsque son secret est découvert, le curé de la paroisse la bannit de son village coincé au plus profond de la campagne de la très catholique et non moins très hypocrite Irlande. Se réfugiant à Dublin, seule et sans le sou, la mère de Cyril ne se laisse pas abattre mais prend, à regret, la décision de confier son nouveau-né à l'adoption, pour lui assurer une vie plus confortable que celle qu'elle-même pourra jamais lui offrir. Cyril est ainsi adopté par les Avery, un couple riche et extravagant, qui ne cesse de lui répéter qu'il n'est pas, et ne sera jamais, "un vrai Avery". Le petit garçon grandit dans l'aisance matérielle mais sans beaucoup de chaleur humaine. Son seul repère, son phare brillant dans ces années grises, s'appelle Julian. Du même âge, les deux garçons sont les meilleurs amis du monde tout au long de l'adolescence. Cyril mettra du temps à comprendre qu'il est en réalité amoureux de Julian, et donc, homosexuel. Ce qui, dans l'Irlande des années 60, est considéré comme une maladie et un crime. Dans ces conditions, Cyril ne peut que se terrer au fond de son placard. Jeune homme bien sous tous rapports le jour, il multiplie les rencontres furtives et anonymes la nuit, sans trouver nulle part l'affection qu'il cherche depuis toujours. Honteux de ce qu'il est, il tente aussi des relations avec des femmes. De questionnements en mensonges et révélations qui précipitent un désastre, il quitte le pays, trouve l'apaisement à Amsterdam puis à New York avant que de nouveaux drames ne le frappent et qu'il revienne en Irlande à l'aube des années 90, à la rencontre de son passé.

Onze chapitres qui, par tranches de sept ans, nous font suivre Cyril au (mal) gré de sa quête d'identité et de bonheur. Entre l'homophobie dans une Irlande dominée (gangrenée) par des prêtres dogmatiques et la haine "ordinaire" des gens "bien-pensants" et "normaux" qui accusent les gays de propager le virus du sida, il est délicat de s'assumer. En 2015, Cyril connaîtra la légalisation du mariage homosexuel en Irlande, et malgré le soulagement de vivre enfin dans une époque plus tolérante, il conserve l'amertume et les regrets éternels d'être né beaucoup trop tôt et d'avoir passé (perdu) une vie à se chercher. On a mal au coeur pour ce personnage complexe, à la fois faible et résilient, égaré dans les non-dits, les malentendus et les faux-semblants. Le roman met aussi en évidence le sort peu enviable des femmes, en particulier des filles-mères, dans ce pays qui n'autorise le divorce que depuis 1995, et dans lequel la légalisation de l'avortement a été approuvée par référendum il y a à peine trois mois (oui, en 2018). Même s'il y a des moments très drôles, avec des dialogues hilarants de vachardise (la palme aux parents adoptifs de Cyril), les sentiments qui dominent à la lecture sont la mélancolie et la tristesse, et la révolte devant la bêtise humaine et les tartuferies de cette Eglise catholique et des politiciens à sa botte.

"Les fureurs invisibles du coeur" est un roman-fleuve, un peu long mais pas tranquille, avec quelques stéréotypes et un peu trop de coïncidences, mais l'écriture est belle et l'histoire émouvante. Un de ces livres dont on tourne à regret la dernière page.



En partenariat avec les éditions JC Lattès, via Netgalley.
Lien : https://voyagesaufildespages..
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Le garçon en pyjama rayé

Encore un drôle de truc qui m'est arrivé, faut que je vous raconte.

Début juillet, mon amie Anne-So, vous voyez qui c'est, poste une critique sur un livre de John Boyne (c'est l'auteur) ayant pour titre La vie en fuite.

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La coquine m'a eue et j'ajoute ce roman à mon pense-nouille, bien que peu emballée par le titre et la couverture.

J'en informe Anne-So qui me rétorque qu'il faut d'abord que je lise le garçon en pyjama rayé... Bon, OK, faisons ça.

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Moi, pauvre innocente, je n'avais vu passer de l'auteur qu'une tortue avec un portable sur le dos, lequel était maintenu par des tendeurs.

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Et zou qu'entre le pyjama et la tortue, je me mets en tête que j'avais affaire à un auteur de filgoudes.

J'ouvre le garçon en pyjama rayé sans prendre la peine de lire quoi que ce soit et ni une ni deux, me voilà plongée à Auschwitz.

Tu parles d'un filgoude, bien que le roman soit un peu teinté d'humour.

Il faut dire que ce livre est destiné à un jeune public.

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Nous sommes dans la tête de Bruno, 9 ans, habitant une maison très cossue à Berlin.

Quand nous faisons sa connaissance, il trouve Maria dans sa chambre en train de faire ses valises.

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Interloqué, il va interroger "mère", qui lui dit que toute la famille déménage, y compris sa soeur Gretel, à cause du travail de son papa.

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La semaine précédente, le "Fourreur" était venu dîner et avait confié la direction de Hoche-Vite au charmant père de famille, celui qui a le plus bel uniforme de tous les soldats connus par Bruno.

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La petite famille s'installe donc dans une maison moins cossue que celle qu'ils ont à Berlin, laquelle était toute proche de celle des grands-parents.

Pensez donc, celle de Hoche-Vite ne fait que trois étages contre cinq.

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La fenêtre de la chambre du gamin donne sur le camp, bien évidemment...

Plein d'enfants habitent de l'autre côté du grillage, des ado et des adultes, mais que des hommes.

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J'ai bien aimé le roman. La plume est agréable, j'ai passé un bon moment.

Et c'est un peu ça le problème.

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Je me disais que c'était pour un jeune public. Certes, mais je ne ferais pas lire ce livre à un pré-ado, parce que les choses, on en parle ou on se tait, mais on n'édulcore pas; du moins pour moi.

Et pas que pour nos chères têtes blondes, du reste. Un adulte pas trop informé pourrait croire que le camp c'était un peu comme une colo en plus dur.

J'exagère à peine, honnêtement.

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Par contre, voir les choses au travers des yeux d'un enfant qui n'est pas au courant des atrocités se déroulant sous ses yeux, tellement inimaginables qu'à défaut d'être informé, il imagine ce qu'on lui cache avec son cerveau à lui.

Si des centaines de "travailleurs" disparaissent, c'est qu'ils sont partis travailler dans une autre ville... etc.

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On s'attache beaucoup à Bruno et à sa soeur de trois ans son aînée.

La mère est peu présente, mais sympathique. Et le père, contre toute attente, vu qu'on ne le voit pas à l'oeuvre, on ne le déteste même pas, vu qu'on ne le voit qu'avec sa famille et encore, on l'aperçoit seulement.

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Voilà, je vous ai livré mes pensées en vrac, comme d'habitude, à vous de voir si ce roman vous tente ou pas.

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Un grand merci, ma chère Anne-So (dannso pour les moins intimes), j'ai apprécié ma lecture.

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Le garçon en pyjama rayé

Bruno a neuf ans. Il vit à Berlin en 1942. Comme tous les petits garçons, il admire son père. Celui ci arbore un uniforme tout neuf de Commandant et a reçu le « Fourreur » à diner, c'est vous dire que c'est quelqu'un d'important. Bruno est fier de lui.

Le revers de la médaille c'est que la famille doit quitter Berlin pour un endroit perdu en Pologne, « Hoche-Vite ».

Là, il n'y a personne pour jouer, que des soldats, et puis derrière les barrières qui jouxtent la maison beaucoup de personnes, que des hommes et des garçons. Ils sont tous en pyjama rayé.



John Boyne aborde dans ce roman jeunesse, mais que tout le monde devrait lire, les camps de concentration du point de vue de deux petits garçons de neuf ans. L'un est le fils du commandant, l'autre est détenu dans le camp. Ils vont se rencontrer et beaucoup discuter de part et d'autre de la barrière, jusqu'au jour où l'un la franchira.



Ni l'un , ni l'autre ne comprennent vraiment ce qui peut se passer, La vision de Bruno peut sembler naïve, mais personne ne veut lui en dire plus. Il est tenu à l'écart et dans son innocence d'enfant, il ne peut imaginer ce qui se produit juste à coté de lui, orchestré par son père, qui même s'il n'est pas particulièrement proche de lui, ni tendre, ni affectueux, reste son père qu'il aime. Comment un enfant aurait-il pu comprendre ce qui se passait, comment aurait-il pu imaginer l'horreur, comment aurait-il pu croire que son père soit capable de cela.



Un roman très fort, qui sera tout autant apprécié par des lecteurs adultes. Et une fin inconcevable pour les deux enfants qui sont meilleurs amis pour la vie....



Heureusement comme le conclut John Boyne :

« Et c'est ainsi que se termine l'histoire de Bruno et de sa famille. Tout cela s'est passé il y a fort longtemps, bien sûr, et rien de semblable ne pourrait plus jamais arriver.

Pas de nos jours »

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Le garçon en pyjama rayé

Comment nommer l'innommable, comment raconter l'irracontable, ? John Boyne a, je crois, trouvé un moyen . Bruno, un enfant de 9 ans, vit à Berlin dans une grande maison de 5 étages , le rêve pour le futur explorateur qu'il veut être plus tard, il a 3 amis pour la vie , Karl, Daniel et Martin . Son père a l'honneur d'être apprécié du Fourreur, cela lui vaut une nomination au grade de commandant et une mutation immédiate. La famille au complet Père, Mère, sa soeur Gretel; et lui se retrouvent dans une villa de 3 étages sans confort, isolée au milieu de rien . Bruno apprend qu'ils sont à Hoche-vite.

Il n' y comprend rien , il ne comprend pas pourquoi, derrière un grillage très haut vivent des gens en pyjama rayé avec un calot sur la tête. Le temps passe, il s'ennuie, alors il part en exploration, ses pas le porteront là où il n'a pas le droit d'aller, loin le long de cette clôture et là, derrière le grillage, il va faire la connaissance de Schmmuel, même âge, né le même jour que lui, lui aussi porte un brassard au bras gauche mais le dessin n'est pas le même....

Roman destiné au plus de 12 ans .il me semble cependant que ce type de lecture demande à être accompagnée , à être expliquée , je sais bien qu'à l'heure actuelle les images circulent sur tous les écrans mais est-ce un bien ou un mal de supprimer tous les filtres, de renoncer à "protéger" nos enfants,? à chacun de faire comme il le sent ou comme il peut , le monde explose mais permettre à des enfants de continuer à rêver me semble être une des missions parentales prioritaires , bien sûr ce n'est que mon très humble avis .

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Il n'est pire aveugle

Il n'est pire aveugle ... que celui qui ne veut pas voir.

Que cette expression biblique est bien choisie et résume parfaitement ce roman complexe et si finement construit.



Qui est-il Odrian Yates : vraiment innocent, dans le sens incapable de voir le mal, pitoyable lorsqu'il démontre son incapacité à entrevoir la réalité ou tout simplement méprisable ?

Il savait au fond de lui, mais ne voulait pas le reconnaitre . L'admettre l'aurait forcé à réagir, il a fait l'autruche, la tête dans le sable, n'a rien dit, rien fait, et se révèle dont être complice de ce qui s'est passé.



L'auteur dénonce à nouveau dans ce livre les dérives de l'église irlandaise. Après avoir traité dans Les fureurs invisibles du cœur du traitement inique infligé aux filles mères et aux homosexuels, il nous parle ici de la pédophilie et de la loi du silence qui a régné au sein de la hiérarchie religieuse et laissé perdurer ces crimes.



C'est un livre au sujet fort, abordé à travers la vie d'Odrian, jeune garçon qui se laisse convaincre de devenir prêtre et qui vivra de l'intérieur ce crime de l'église, même s'il n'en a jamais été auteur. Dans une construction habile, qui ne suit pas la chronologie, John Boyne aborde les moments clés de la vie de cet homme, qui n'aura pas vraiment vécu, toujours revêtu de son habit noir et de son col blanc, qui lui vaudront tout à tour et suivant l'époque le respect, puis la vindicte populaire. A la faveur des différents événements relatés, l'auteur détaille la toute puissance de l'église, la façon dont elle a occulté le problème, se contentant de déplacer les prêtes pédophiles, pour éviter le scandale, leur permettant ainsi de trouver de la chair fraiche.



Un sujet très douloureux et malheureusement encore actuel, magnifiquement traité par l'auteur.

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La vie en fuite

Je suis chanceuse en ce début d'été. Encore une lecture d'un de mes auteurs fétiches, John Boyne. Un auteur aux facettes multiples qui sait se renouveler et me surprendre à chaque nouveau livre.



Si celui-ci est la suite de "Un Garçon en pyjama rayé", il n'en est pas moins complètement différent. On se trouve ici en compagnie de Gretel, la grande soeur de Bruno, et le récit est raconté cette fois à hauteur d'adulte, pour des adultes.



L'auteur alterne la vie actuelle de Gretel, vieille dame de plus de quatre-vingt dix ans, avec différentes époques de sa vie passée, quelques mois passés à Paris juste après la fin de la guerre, puis une tentative avortée d'exil en Australie, avant l'installation à Londres où elle rencontrera son mari.

Cette alternance, faite de chapitre très courts, m'a un peu perturbée au début de ma lecture. Je trouvais trop court chacun des chapitres et regrettais de ne pas pouvoir plus m'installer dans une des époques de la vie de Gretel. Et, puis à un moment, cela a cessé de me gêner, soit parce que cela contribuait à créer la tension narrative que j'apprécie dans les romans de cet auteur, soit parce que Gretel prenant de l'age dans les épisodes au passé et étant installé en Angleterre, l'écart était moindre.



Ce roman parle de culpabilité, la culpabilité de Gretel qui va devoir mentir sur son passé toute sa vie, l'occulter, ne jamais révéler qui était son père, ni où elle a passé les derniers mois de la guerre. Elle taira aussi l'existence de son petit frère. Ce sentiment va dominer sa vie entière, et il faudra l'apparition de nouveaux voisins dans cet immeuble huppé où elle réside, pour qu'elle accepte enfin de regarder le passé.



C'est un roman qui fouille avec beaucoup de finesse la vie et les sentiments complexes que cette femme éprouve ou a éprouvé, les dilemmes auxquels elle se trouve confrontée. Et l'on ne peut s'empêcher de se poser la question: Qu'aurais-je fait à sa place ? Il n'est pas si simple d'apporter une réponse.



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Les fureurs invisibles du coeur

C'est prenant, c'est souvent drôle, souvent terrible aussi puisque John Boyne nous raconte la vie d'un homosexuel dans une Irlande qui certes va évoluer mais est quand il est jeune furieusement conservatrice et homophobe.

Ça démarre fort, avec une scène de bannissement ordonné par le tout puissant prêtre à l'encontre d'une gamine de 16 ans enceinte.

Bon, elle n'est pas si fâchée que ça de quitter son trou paumé, Catherine Goggin, «l'ouest de Cork, ça attaque drôlement quand on y reste trop longtemps», alors filer à Dublin, ça lui plaît plutôt bien.



Et la suite est à la hauteur, on est pris dans un roman-fleuve passionnant qui nous transporte de l'Irlande des années 40 où on peut tuer son fils homosexuel et ne pas être condamné - puisque le crime a «été commis sous l'effet de la provocation extrême que constituait le fait d'avoir un fils mentalement dérangé» - au référendum de 2015 où 62% des Irlandais votent en faveur du mariage homosexuel.

Un roman qui mêle avec bonheur profondeur et légèreté, l'Histoire de l'Irlande et la vie d'un personnage attachant en butte à une société qui considère l'homosexualité comme un crime, où il se sent anormal - même s'il s'y trouve quand même des personnes de bon sens pour lui rétorquer: « Ne soyez pas ridicule. Personne n'est normal. Personne, dans ce satané pays.»

Une très bonne lecture que je ne peux que conseiller.
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Le Syndrome du canal carpien

Je vous présente la famille Cleverley : le père, George, présentateur vedette de la BBC depuis des décennies, a interviewé toutes les célébrités de ce monde dans tous les domaines, mais, quoique de gauche (caviar) a une grande carence en wokisme, ce qui va l’entraîner dans une épouvantable tourmente. La mère, Beverley, romancière célèbre, fait depuis longtemps écrire ses livres par des « écrivains-fantômes » qu’elle tyrannise (« Il faut que je vous dise. Je suis une personne incroyablement créative. Je l’ai toujours été. L’inspiration me coule dans les veines. Et j’adore totalement la littérature. Je lis six ou sept livres par an, incroyable, non, ce qui est probablement la raison pour laquelle je suis l’une des autrices les plus populaires du pays. Mais voyez-vous, avec mes responsabilités familiales et mes obligations caritatives, je n’ai simplement pas le temps d’écrire mes livres moi-même »). La fille aînée, Elizabeth, 22 ans, experte en wokisme, est accro à Twitter où elle détient deux comptes, ce qui lui permet parfois de dialoguer avec elle-même. Nelson, 21 ans, enseignant, adore porter des uniformes et ne sait pas trop où il en est dans sa sexualité. Achille, 17 ans, profite de son extraordinaire beauté pour soutirer de l’argent à des hommes plus âgés sans même coucher avec eux. ● Oui, c’est bien le roman d’une famille dysfonctionnelle, encore un, mais, comme d’habitude avec John Boyne, il est particulièrement réussi et vraiment, vraiment très amusant. ● Les délires du wokisme sont battus en brèche en même temps que la folie des réseaux sociaux. A cet égard, le titre original, The Echo Chamber (La Chambre d’écho) me paraît meilleur que le titre français. D’autre part, les problèmes de Nelson ne viennent pas des réseaux sociaux, et ceux de Beverley pas vraiment non plus, ce qui nuit quelque peu à la cohérence du roman, qu’on sent pourtant voulue par l’auteur, notamment à la fin. ● Comme dans les autres romans de cet auteur, les pages se tournent toutes seules et on a toujours envie de savoir comment les Cleverley vont pouvoir s’enfoncer encore un peu plus dans les ennuis. ● Bien sûr, c’est une satire sociale et parfois les ficelles sont un peu grosses, les personnages assez caricaturaux, mais comme cette fable est rafraîchissante et agréable à lire ! Comme les outrances de notre temps sont bien observées et bien racontées ! Par exemple :

« — Vous lisez beaucoup de romans, alors ?

— Pas vraiment. Je dis toujours, si un livre est bon, ils en feront forcément un film. » ● On pourrait rapprocher ce roman du Voyant d’Etampes d’Abel Quentin (2021), on a dans les deux cas un homme blanc vieillissant, historiquement de gauche, qui se laisse complètement dépasser par les nouvelles normes totalitaires du wokisme, relayées par les réseaux sociaux, et se retrouve dans une « tempête de merde ». Voici l’échange de George avec son agente :

« — Reconnaissez simplement que vous vous êtes mal comporté, c’est bien plus facile ainsi. Les gens l’accepteront et passeront à autre chose [dit l’agente].

— Mais je ne me suis pas mal comporté, protesta-t-il. Ça ne compte pour rien ?

— Non, pratiquement rien. »

● Ou encore cette réflexion : « Avec la droite, tu sais où tu te situes. Mais avec les gens de gauche… Mon Dieu, si tu es en désaccord avec eux, même un court instant, si tu oses poser une question ou dévier de la ligne officielle, ils se jettent sur toi comme des mouches sur une bouse de vache. Ils ne supportent pas un iota de désaccord, implorant la bienveillance tout en masquant leur propre intolérance avec leur pharisaïsme. C’est du maccarthysme caché sous le parapluie du mouvement woke. »

● Et sur les réseaux sociaux : « J’en veux à Steve Jobs. Et à ce Zuckerberg. Tous ces petits psychopathes hyper-intelligents qui n’arrivaient pas à baiser au lycée mais qui compensent leur inadaptation sexuelle en inventant une technologie qui détruit l’humanité. Ce sont les Oppenheimer du XXIe siècle. »

● Bien sûr, le roman de John Boyne est moins subtil que celui d’Abel Quentin, il est aussi moins abouti littérairement, c’est certain, mais pour ma part je m’en suis délecté et le conseille vivement.

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Le Syndrome du canal carpien

John Boyne a décidé avec ce nouveau roman, de s’attaquer aux réseaux sociaux et à notre utilisation permanente des téléphones mobiles.



Bienvenue dans la famille Cleverley :



Le père, chroniqueur célèbre de la BBC, se targuant d’un tableau de chasse riche et varié dans le monde des célébrités. Sûr de lui, persuadé d’être indéboulonnable, il se prête au jeu de l’époque, s’exprimer sur Tweeter…



La mère, qui a eu le mérite de publier deux romans qu’elle avait écrits elle-même, vit désormais de la plume qu’elle glisse dans les doigts de prête-plumes, revendiquant cependant son statut d’auteur puisque c’est elle qui fournit les idées pour ses romances.



Nelson, le fils ainé, qui après avoir été un élève harcelé, retrouve ce statut en tant qu’enseignant, dans le même établissement !



Elizabeth est la plus atteinte par l’addiction aux réseaux sociaux, accro aux likes et aux followers, tenant des comptes d’apothicaires pour évaluer l’évolution de sa popularité. Une démonstration par l'absurde du fonctionnement aberrant sur système.



Et le plus pervers, Achille, dit l’imbécile, beau mais stupide (peut-être pas tant que ça), tentant de tirer parti de sa jeunesse pour arnaquer ses proies.



La famille semble s’en tirer plutôt pas mal, mais peu à peu les failles apparaissent dans le système, et personne ne s’en sortira indemne.





C’est réjouissant, drôle, cynique, caustique, un humour anglais sans concession et qui fait la démonstration, si cela était utile, du danger de se livrer en pâture sur les réseaux sociaux si l’on en connait pas le fonctionnement. Les pièges sont multiples et terriblement délétères.





La galerie de personnages est un vrai régal, et chaque nouveau chapitre est une promesse de jubilation.

La critique de la presse anglaise est très drôle aussi : une déclinaison des styles en fonction de l'origine de la publication.



Ce focus contemporain dresse un état des lieux de notre évolution sociale, qui mêle le pire et le meilleur.
Lien : https://kittylamouette.blogs..
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Le garçon en pyjama rayé

158ème critique… que dire de plus ?



Le garçon en pyjama rayé est la dernière lecture scolaire de ma fille de 12 ans. Ce n'est pas un mauvais choix, mais je trouve regrettable qu'on leur donne ce livre sans préparation. Sans le contexte historique, il est impossible à un enfant de prendre toute la mesure du message du livre. Il reste un peu comme le petit Bruno… il ne comprend pas ce qu'il se passe.



La première question que ma fille m'a posé était de savoir si c'était une histoire vraie. Elle voulait savoir si Bruno avait vraiment existé ? S'il y avait vraiment eu des camps d'extermination ? Pourquoi les Juifs ? Des questions, encore des questions…



Mon pépé (mon grand-oncle en vérité) est né aussi un 15 avril mais en 1925 (Bruno et Schmuel sont nés le 15 avril 1935), Au moment où se déroule l'histoire, il avait 19 ans et il se trouvait dans un camp de prisonniers en Allemagne. Je n'ai pas pu m'empêcher de penser à lui. Encore l'autre jour je suis allée lui rendre visite et il m'a montré les photos de cette époque (il en parle très souvent), de ses amis aujourd'hui disparus.



Pour ma part j'ai trouvé cette histoire plutôt bien écrite. Ce point de vue innocent sur les atrocités d'Auschwitz était vraiment bouleversant. J'ai pleuré à la fin mais aussi quand Bruno se précipite auprès de son ami pour lui demander pardon de ne pas avoir eu le courage de prendre sa défense.



Très beau livre, mais 12 ans c'est trop jeune.





Challenge multi-défis 2018 (6)

Challenge petits plaisirs 2018 (5)
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Il n'est pire aveugle

… "que celui qui ne veut voir", dit la Bible. Que son âme complice aille en paix*…





C'est la série télé « Ainsi soient-ils » sur Arté, qui m'a donné envie de cette lecture. La série racontait l'arrivée au séminaire d'une poignée de jeunes d'aujourd'hui, leurs questionnements, leurs satisfactions mais aussi leurs sacrifices, leurs débuts dans la prêtrise et même, en filigrane, les arcanes du pouvoir de Rome et au sein de l'Eglise catholique de France. Un mélange d'ombres et de lumière très réussi, qui m'a donné envie de découvrir John Boyne avec ce titre. On y voyait la place de la femme au sein de l'Eglise mais aussi dans la vie de ces jeunes prêtres, selon lesquels le mariage n'empêcherait pas la vocation et même l'aurait simplifiée. Sans que la liste soit exhaustive, on y abordait aussi la question de l'homosexualité ainsi que celle de la pédophilie.





Tous ces thèmes sont finement explorés par John Boyne dans ce roman. On y rencontre le père Odran Yates dans les années 2010 et il va nous raconter son histoire au gré de ses associations d'idées, de manière non-linéaire. de l'injonction de sa mère qui lui a choisi ce métier, jusqu'à son ordination au Vatican où il a commis certaines erreurs lors de l'élection du nouveau Pape, il nous fait visiter les coulisses de ces vies hors du commun des mortels. Sa vie s'imbrique avec celle de l'Eglise. En voyageant dans le temps, on ressent l'image de l'Eglise qui change dans le regard des gens mais au départ tout est suggéré, rien n'est dit. Et cette misogynie qui empire avec la libération de la femme… Nous suivons le parcours d'Odran Yate depuis son enfance dans les années 60 jusqu'à maintenant : ce qui l'a poussé à devenir prêtre, la formation qu'il a reçue, les collègues qu'il y a rencontrés puis les premières affectations, les premières mutations, les premières erreurs, les premiers déboires…





Très vite le parcours d'Odran devient lié à son co-séminariste Tom. Tom n'avait pas la vocation, mais son père ultra-violent ne lui a pas laissé le choix. Il est donc devenu prêtre par défaut, et l'on s'interroge avec Odran : Comment ne s'est-il pas plus battu pour faire autre chose de sa vie ? Et surtout, comment les formateurs ne se sont pas aperçus qu'il n'avait pas la vocation, et lui ont confié des paroisses ? Car ils l'ont fait, et même plusieurs fois, puisque, curieusement, il était muté très souvent. C'est seulement lorsque l'évêque lui confie l'ancienne paroisse de Tom, qu'Odran le réalise, même si sa tranquillité d'esprit mettra du temps à voler en éclat. On demande souvent à Odran si, après son séjour à Rome, il n'a pas eu plus d'ambition que d'officier dans le collège catholique où il se sentait bien. A quoi il répond : « Que servirait-il à un homme de gagner tout le monde s'il y perdait son âme ? »…





****



J'ai beaucoup aimé ce roman de 400 pages, habilement monté. J'ai rapidement perçu le sujet qui allait prédominer sur les autres. Pourtant, je me demandais encore pourquoi l'auteur avait choisi de nous faire pénétrer les voies du Seigneur en racontant spécifiquement la vie du père Yates ; Ce n'est que dans les 110 dernières pages que j'ai compris l'enjeu de ma question. Par cette mise en abîme de la problématique qu'il soulève, John Boyne construit efficacement son propos autour d'un suspense léger mais assez efficace pour maintenir notre intérêt jusqu'au bout.





Il n'épargne pas Odran qui, bien que gentil, demeure lâchement mou et ne semble pas habité par ce qu'il appelle pourtant sa vocation : « Aucun de nous n'est innocent », comprendra-t-il trop tard, coupable de n'avoir pas voulu voir les signes, ni s'investir vraiment dans sa mission pour le bien « contre le mal ». Coupable de préférer sa propre tranquillité aux remous de la vérité. Mais celle-ci finit toujours par éclater, par éclabousser et mouiller tout le monde. Car moralement, il est impossible de se cacher longtemps derrière la responsabilité de l'abstraite « institution » : Derrière cette abstraction il y a des hommes, dont chacun est censé avoir « charge d'âmes ». C'est pourquoi l'Irlande, population très croyante, a été extrêmement ébranlée de prendre conscience qu'on ne pouvait même plus avoir confiance en ce refuge qu'est censé être la religion.





L'auteur rappelle ici que certains sujets méritent de ne pas être tus, car voilà où mènent les tabous… « Il n'est pire aveugle » sonne comme une accusation, envers une institution mais aussi envers chacun de ses maillons. Il sonne aussi comme une prière, celle d'ouvrir les yeux sur nos responsabilités respectives au quotidien, avant de ne plus pouvoir fermer l'oeil. Celui de la culpabilité, de la conscience. « Et Caïn dit « Cet oeil me regarde toujours! » (V. Hugo).









* réf. à la formule vade in pace (va en paix) prononcée lorsqu'un prisonnier était mis au cachot. Cachot souterrain d'un monastère, dans lequel certains coupables étaient enfermés.



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