D'abord quelques précisions d'ordre biologique sur les indigènes, appelés "HEBERGES".
L'hébergé, en latin "homo pyrénensis", vit dans les régions méridionales de la France. Il se nourrit de navets, de topinambours, de citrouilles et de tabac gris (s'il en trouve). Il loge dans des curieuses habitations, des "camps"à l'intérieur desquels mâles et femelles sont rigoureusement séparés. Ceci pour empêcher leur reproduction qui est prodigieuse. Comme les hébergés ne sont d'aucune utilité publique, leur élevage n'est guère recommandé aux personnes désireuses d'augmenter leurs revenus...
J'ai réussi à voir l'homme qui reçoit le plus grand nombre de lettres. C'est Monsieur Censure. Il lui arrive aussi de recevoir des lettres qui ne sont pas pour lui. Il les lit quand même. Quel toupet, hein. Et si un passage quelconque ne lui plait pas, il le découpe avant de rendre la lettre. Vous vous rendez compte!
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Au cours de mes promenades j'ai vu aussi l'homme le plus gros du camp. C'est aussi l'homme le plus puissant. On l'appelle également l'homme-volcan. Il fume toujours.
La mémoire de la Shoah est tiraillée entre la nécessité d'une vue d'ensemble de ce qui constitue le plus grand crime de l'histoire et le désir de rendre compte du meurtre individuel de chacune des six millions de victimes.
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Alors qu'il n'a que 17 ans, il fuit l'Allemagne, dés 1933, parce que juif et jeune militant socialiste. S'il trouve refuge dans une France généreuse, c'est une autre France bien moins respectueuse des droits de l'homme qui l'interne en 1940 du fait de sa germanité, puis le livre, deux ans plus tard, aux nazis, du fait de sa judéité. En 1942, c'est escorté par des gendarmes français qu'il est finalement déporté vers Rivesaltes, puis Drancy, d'où il est envoyé à Auschwitz-Birkenau. Horst disparaît à quelques mètres du périmètre de Birkenau dans la nuit noire d'une chambre à gaz artisanale.
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L'heure du courrier...
Comme notre hébergé est un optimiste, il fait toujours des demandes de libération. Il en est à sa 517e. Il les adresse à tout le monde, au directeur, au préfet, au chef de baraque, à la Croix-Rouge et au sous-secrétariat d’État pour la récupération de la Vielle Ferraille.