Jonathan Rabb présente sa trilogie publiée chez 10/18 .
Je ne peux pas décider quand et comment je vais mourir, inspecteur, mais pourquoi, si. Et ça, au bout du compte, je m’en contenterai.
S’il manquait un seul pfennig des réparations de guerre, ou des intérêts sur les réparations, ou des intérêts sur les prêts contractés pour payer les intérêts sur ces mêmes réparations, alors Paris poussait des hauts cris, parlant d’occuper la rive droite du Rhin.
La force, c’est l’arme de ceux qui n’ont plus d’espoir.
Henkel parut momentanément moins amusé, puis son sourire revint.
- Je n'aurais jamais imaginé que tu étais juif.
Comme les nouvelles circulaient vite, songea Hoffner.
- Moi non plus, mais c'est comme ça. Tes copains ne me laissent pas le choix.
- Tu vas toucher une pension anticipée, et complète qui plus est. C'est plutôt une faveur, en ce moment.
- C'est l'avenir qui m'inquiète.
Henkel partit d'un autre rire étranglé.
- Désenchanté et pessimiste. je m'étais trompé. Pas de doute, tu es juif.
La neige, elle, continuait à tomber, consciente eût-on dit que Berlin avait quelque chose à cacher. Dès qu’un soupçon de saleté grise pointait le bout de son nez, une nouvelle couche de blanc le masquait. Mieux valait ne pas savoir ce qui se dissimulait dessous.
C'est alors seulement qu'elle remarqua l'état de son visage .
- Mon Dieu, qu'est-ce qu'il t'est arrivé ?
- Je suis tombé.
- Combien de fois ?
Le Berlin wilheminien reparut lorsqu'ils eurent franchi la place et pris l'avenue Unter den Linden où régnait une animation permanente. Hoffner s'émerveillait de ce que, malgré les affres de la révolution, cette avenue conservât presque la même élégance qu'avant les troubles……..Hoffner devait toutefois reconnaitre que socialistes ou pas, les Berlinois se connaissaient assez pour laisser l'avenue intacte. Celle-ci était bien plus qu'un énième avatar du boulevard majestueux que l'on trouve dans toutes les capitales européennes. Elle resterait à jamais le point de passage entre l'Est et l'Ouest, entre le labeur de l'usine et les portes dorées des privilèges, entre son univers à lui et celui de la noblesse. Révolution ou pas, Hoffner savait que cette ligne ne serait jamais violée. Ce simple postulat avait condamné les révolutionnaires à la défaite avant même qu'aient éclaté les premiers coups de feu. P63.64
- Aimez-vous Brecht, inspecteur ? demanda Lang.
- Je ne vais pas souvent au théâtre.
- La plupart des gens qui l'aiment ne vont pas souvent au théâtre. Ceux qui vont jamais l'adorent.
- Est-ce que tu sais que tu es devenu complètement ridicule , lança Sascha. Le fric, la boisson, te moquer d'un serveur et pour couronner le tout, le type qui connait les secrets de la politique. Tes rouges sont en train de se faire écraser la gueule et tu ne t'en aperçois même pas.
C'était une théorie que Sascha n'avait cessé de proclamer et Hoffner s'étonna de l'entendre une fois de plus dans sa bouche. Mais s'il voulait qu'on le lui répète, pourquoi pas ?.
- Je me fous des rouges comme de ma première chemise, Sascha, et ça a toujours été le cas.
- Exact. Essaie de t'en convaincre. Parce qu'ils auront bientôt disparu de la circulation.
- Mais pas votre grand bienfaiteur, dit Hoffner, acerbe.
- Terrible, n’est-ce pas ? commenta Mitleid sans s’interrompre. Cinq jours pour se loger, vous imaginez ?
Hoffner remis le papier à sa place.
- Montrez-moi quelqu'un capable de trouver un appartement aussi vite à Berlin, je vous prouverai que c'est un criminel.