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Critiques de Joseph Peyré (53)
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Le chef à l'étoile d'argent

Joseph Peyré - Le chef à l'étoile d'argent - 1933 : 1915 profitant de la guerre qui fait rage en Europe le Sahara se soulève et la plupart des tribus berbères rentrent en dissidence. Le chef à l’étoile d’argent est un sous-officier légendaire, un nomade et un guerrier comme ses hommes qui le vénèrent. Avec son escouade il va parcourir le désert, combattre, marcher et souffrir. C’est une histoire virile qui se déroule dans des paysages désertiques oppressants et exigeants. Complètement imprégné dans l’ambiance le lecteur ressent à chaque page l’aridité des conditions de vie des soldats, le sens de l’amitié et de l’honneur de ces indigènes engagés pour la France. C’est un monde brutal mais noble parfaitement décrit par Joseph Peyré écrivain oublié mais qui mériterait largement d’être réhabilité au vu de ce texte et de quelques autres. Alors que le vent et le sable balayent sans discontinuer les grandes étendues dorées, les hommes qui parcourent le désert sont comme des marins perdus, fétus de pailles sur l’interminable océan de sable accrochés sur le dos de leur méhari comme autant de naufragés agrippés à des débris de bois. Et pourtant pas un ne reculent devant les épreuves. La fatigue et la soif s’effacent quand après des jours et des nuits dans cette antichambre de l’enfer les hommes retrouvent la trace de ceux qu’ils poursuivent. Le Brazidec couronné comme un saint de son aura légendaire porte cette étoile d’argent comme un étendard. Il n’en a que faire du confort du foyer dans lequel Fatoum sa jeune épouse arabe devance entre chaque mission tous ses désirs. Ce militaire de carrière ne s’épanouie que dans les interminables chasses à l’homme contre les trafiquants d’armes ou les tribus récalcitrantes à l’autorité républicaine. Le drame montera jusqu’à l’attaque du fort Polignac par les rebelles et la résistance désespérée des tirailleurs et autres goumiers malgré le manque de vivres et le scorbut qui frappe la garnison. Il se dénouera pour le chef à l’étoile d’argent dans les tranchés de Verdun loin du soleil et de l’air sec du Maghreb français. Ce livre opaque pour beaucoup doit pourtant être lu. Il est le témoignage d’une époque perdue ou l’homme passionné de grands espaces pouvait encore faire corps avec le désert et les éléments. Car malgré la connaissance du terrain, aucune solitude ne sera jamais aussi grande que celle du bédouin parcourant l’immensité sans fin de ce ciel inversé … une belle désespérance
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L'Escadron blanc

Joseph Peyré - L'escadron blanc - 1934 : Joseph Peyré fut parait-il le douanier Rousseau du désert. A priori il n’avait jamais vu ces régions ravagées par la sècheresse et la chaleur comme l’autre n’avait jamais connu les paysages représentées dans ses tableaux. Pourtant il écrivit dans les années 30 quelques romans sur le sujet d’une incroyable authenticité. Comme dans «Le Chef à l’étoile d’Argent» un autre grand roman saharien écrit de sa main, Joseph Peyré mettait en avant la figure de l’officier français. Mais loin des salons cossus des villes de garnison, ces hommes donnaient l’exemple de l’honneur en s’imposant dans l’exercice de leur mission les mêmes privations que leurs hommes. Le Lieutenant Marcay la figure centrale de ce roman exerçait le commandement d’un poste fortifié sur la ligne de démarcation entre l’Algérie et le Maroc. Quand un groupe armé franchissait la frontière afin de rançonner les caravanes commerciales qui sillonnaient le désert, le chef rassemblait une colonne de Touaregs pour les poursuivre et les anéantir. Secondé par le lieutenant Kelmer tout juste débarqué de métropole et peu habitué à cette vie d’ascète, l’homme lançait son escouade sur la piste des ennemis. Rarement un écrivain su décrire avec autant de force le drame que vivait ces soldats et leurs supplétifs dans les longues courses à l’aveugle pour retrouver les éléments subversifs infiltrés dans ce vaste territoire inhospitalier. On avait là un roman d’hommes, les personnages féminins apparaissant dans un lointain contre-jour comme de simples instruments dédiés au repos du guerrier. Peut-être n’étaient-elles que de simples illusions ou comme les hallucinations passagères rencontrées en pleine chaleur par ces navigateurs sans mer un réconfort espéré mais jamais vraiment touché du doigt. Accablé lui-même par l’implacable soleil qui frappait les pages de cet ouvrage le lecteur ressentait les affres de la poursuite et les invraisemblables souffrances de ce voyage à dos de méharis. Pendant des jours les quatre-vingt militaires martyrisaient leur force pour atteindre la colonne maudite, insaisissable comme les futiles tourbillons de vent sec qui assoiffait les chameliers et leurs montures. À bout de force le lieutenant Kelmer rendait l’âme avec une bravoure qui forçait l’admiration des plus endurcis des berbères. Les fusils eux finissaient par parler dans ce silence accablant qui étreignait le Sahara transformé en brasier la journée et en banquise la nuit. Malgré l’épuisement l’instinct de la guerre donnait sa pleine mesure et le courage suppléant la fatigue permettait de mettre en déroute la troupe de pilleurs. Il ne faudra pas chercher dans ce roman la démonstration lyrique que beaucoup d’écrivains donnaient à certains faits d’armes car c’est dans sa sobriété et dans sa description sans fard d’un monde violent et quasiment monacale que se trouvait le plaisir du lecteur… d’une redoutable aridité
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Les remparts de Cadix

C'est à travers l'aventure napoléonienne en Espagne que je découvre tardivement le romancier béarnais Joseph Peyré, surnommé « l'Hemingway gascon », prix Goncourt en 1935  pour Sang et Lumières, et fin connaisseur de l'Espagne. Il est hélas plus facile de trouver une aiguille dans une botte de foin qu'un roman de Peyré en bon état, l'auteur étant apparemment et très injustement tombé dans les oubliettes.

J'ai donc du me contenter du second volume de la trilogie mettant en scène le lieutenant de Saint-Armou, n'ayant pu me procurer Les Lanciers de Jerez, dans lequel le lecteur faisait la connaissance du sémillant officier béarnais, engagé en 1808 dans la première campagne d'Andalousie, blessé à Baylen, sauvé par le duc de Tojar dont il devient l'ami ainsi que par sa soeur la séduisante Cayetana.



Dans Les remparts de Cadix, Saint-Armou revient en France après s'être évadé, rumine la cuisante défaite de Baylen, rêve de gloire, s'illustre à Wagram, séduit les femmes et retourne en Espagne, pays dont il rêve nuit et jour.

Cet épisode nous montre une nouvelle fois le Bearnais sous son meilleur jour, tant auprès de ses hommes que du sexe faible, car il est le digne « Fils du Vert-Galant » (et son cri de guerre est « A moi, Bearn! »).

Hispanophile amoureux de l'Andalousie, faisant preuve d'empathie pour le peuple espagnol qui se révolte, aussi à l'aise dans les palais que dans les tavernes de Triana, Saint-Armou est remarqué par le roi Joseph qui lui propose d'oeuvrer pour le contre-espionnage.

Ecrit dans une belle langue classique, avec de longues phrases au rythme très poétique, le roman se parcourt avec beaucoup de plaisir. L'auteur connaît bien l'Espagne, et l'ouvrage est très documenté. Joseph Peyré montre l'enlisement des troupes françaises dans la Péninsule, la déstabilisation de l'armée face aux actions de guérilla, l'écartèlement moral des « afrancesados » partagés entre attrait pour la culture française et rejet de l'occupation: «  Comme d'autres Espagnols éclairés, Jaime avait espéré trouver dans Napoléon l'homme nouveau appelé à répandre les lumières du siècle à travers une Europe désuète. Or, depuis le guet-apens de Bayonne, - et ce fut le début de son explication personnelle- il ne voyait plus en lui que la vulgaire image du Conquérant, déjà perdu par son esprit d'orgueil et de domination. »



Les remparts de Cadix marquent un tournant dans l'existence de Saint-Armou qui doit entrer dans Cadix assiégée et y oeuvrer en tant qu'espion. Le lecteur aura enfin un point de vue français, après Cadix ou la diagonale du fou de Pérez-Reverte, qui narre le siège du côté espagnol, et Sharpe's Fury de Bernard Cornwell, du côté britannique. Mais il faudra lire le dernier volume de la trilogie, L'Alcalde de San Juan, pour connaître la fin des aventures guerrières et amoureuses du cadet de Bearn.
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L'alcalde de San Juan

« Lorsqu'il avait appris que l'Empereur, loin d'entendre l'avertissement espagnol, décidait d'aller se perdre dans les espaces de Russie, il avait pressenti la catastrophe. Pour renforcer la Grande Armée près de franchir le Niémen, celle d'Espagne avait été amputée de sa Garde, des régiments polonais et de la moitié du corps des dragons. Pour permettre aux débris rescapés de la Bérésina de couvrir les campagnes allemandes, elle venait de lui céder encore l'élite de ses troupes, ses cadres, Soult et son corps d'armée. Ainsi réduite et épuisée, à cette date du 19 juin 1813, elle abandonnait enfin cette Espagne où elle avait perdu jour après jour, son sang et traquée par l'Anglais, elle avait fait étape à Vitoria sur la route ses Pyrénées. »

Après avoir joué les espions dans Cadix assiégé avec l'aide de la danseuse gitane la Carinegra et quelques mauvais garçons, Saint-Armou est sauvé par Cayetana de Tojar. Le cadet de Bean rejoint son escadron de chasseurs à cheval, quitte l'Andalousie pour le pays basque. La description des armées en déroute qui laissent des milliers de blessés est saisissante. Quand la perfide Albion menace la France sur son sol, à Orthez, la coupe est pleine pour Saint-Armou.



L'Alcalde de San Juan sonne donc la fin de la carrière militaire du Béarnais, qui passera aussi par Waterloo. Les défaites de la Grande Armée lui laissent un goût amer. le valeureux capitaine va grossir le rang des anciens des expéditions napoléoniennes qui ne vivent plus que dans le souvenir des campagnes passées.

Dans L'Alcalde de San Juan, le héros admirable a qui rien (ni personne) ne résistait a bien changé. Désarçonné, perdu loin des champs de bataille, seul son attrait pour l'Espagne dont il est nostalgique peut le sortir de l'apathie.

A travers lui, comme à travers le personnage du duc de Tojar, le lecteur peut percevoir les convictions de l'auteur Jospeh Peyré, très critique vis à vis du despotisme et vis à vis de l'église catholique espagnole. Il est aussi très sévère au sujet du sort qui attend les partisans espagnols qui ont combattu contre les Français. Lorsque le héros joue quelques notes de l'Hymne de Riego au piano, son ami le duc de Tojar s'exclame: « Eh bien, voilà où sont les fils du Cid, devenus sujets d'un roi ignoble, pour qui des dizaines de milliers de patriotes sont tombés et qui menace de continuer. A Valençay, il était prisonnier des Français. Il attendait des Espagnols sa libération et, lorsqu'il a été libéré grâce à leur courage, il les a fait massacrer ».

Peyré dit aussi son horreur des luttes fratricides et des guerres civiles, les pires de toutes, brocarde l'égoïsme des élites. Le salut de son héros passe par l'acceptation des autres, et c'est dans son pays de coeur qu'il finira sa vie.
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L'Escadron blanc

C'est la fête quand l'escadron de méharas du lieutenant Marçay reçoit l'ordre d'intercepter une cohorte de pilleurs des sables.



La prose écrite en 1931 est superbe, d'incroyables détails rendent le texte visuel et crédible.



Peyré y met son amour du désert, son admiration pour les hommes qui y survivent. Que va devenir le jeune lieutenant Kermeur, fraîchement débarqué, isolé par ses hommes et après 40 jours de chasse épuisante, de mauvais coups du sort, le lieutenant Marçay arrivera-t-il à conserver l'ardeur de ses hommes pour un ultime combat?
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Mont Everest

Dans une précédente lecture, Joseph Peyré m'a emmenée sur le Cervin, le fameux "Matterhorn" des Suisses alémaniques.

La promenade m'a plu, et m'a donné envie de suivre l'auteur qui me propose cette fois l'Everest.

Le toit du monde. Rien que ça !

Dans ce livre écrit en 1942, trois ans après Matterhorn, Joseph Peyré utilise la même recette : imbriquer son intrigue dans la véritable histoire de la montagne.

Cela fonctionne encore parfaitement bien, avec une différence notable qui change le ton du récit : tandis que le Matterhorn a déjà été conquis lorsque l'auteur écrit son ouvrage, il faudra attendre un peu plus de dix ans après la sortie de Mont Everest pour qu'un homme pose le pied sur le plus haut sommet de la terre.

L'Everest est ainsi paré d'une aura différente, il inspire des craintes légitimes renforcées par la peur de l'inconnu.

S'y attaquer est une affaire tout autant mystique que physique. Pour le faire ressentir, Joseph Peyré utilise un vocabulaire religieux (la croyance, la foi, l'esprit...) et évoque même la réincarnation, en laquelle croient les sherpas.

Le lecteur se trouve donc immergé à la fois dans un récit d'alpinisme prenant et dans un contexte culturel totalement dépaysant.

Quelques descriptions de festivités traditionnelles m'ont beaucoup intéressée, même si certaines coutumes peuvent sembler bien étranges : cela vous dirait-il de vous retrouver "coiffé d'une peau de mouton saignante, un collier d'intestins de yak autour du cou" ? J'avoue que cela ne me tente pas trop !

J'ai survécu aux colliers de pâtes de mes enfants, mais les intestins de yak... non merci !

Dans l'histoire, j'ai été ravie de retrouver Jos-Mari, le héros de Matterhorn.

Mais si le guide suisse était à l'aise chez lui, l'Everest par son altitude bien plus élevée que les sommets européens, lui donne du fil à retordre. Certains membres de l'expédition vont même jusqu'à mettre en doute sa légitimité à être sur cette montagne, dont la difficulté n'est pas comparable à ce que l'on trouve dans les Alpes : "Entre les Alpes et l'Himalaya, il y a la différence de l'homme à Dieu." La marche à franchir est grande !

Jos-Mari se montrera-t-il à la hauteur ? Saura-t-il saisir ce "si furtif moment où l'ascension peut réussir" ?

J'avais apprécié Matterhorn, j'ai encore plus aimé Mont Everest dans lequel l'auteur fait revivre l'atmosphère des temps anciens, de l'époque où la volonté de conquête de l'Everest faisait naître à la fois un grand enthousiasme, de grandes passions mais aussi des peurs bien réelles.

Dans un style certes vieillot mais toujours appréciable, Joseph Peyré nous offre un très beau récit de montagne, mêlant habilement l'aspect performance sportive pure, le côté humain de l'aventure et une certaine spiritualité.

Un auteur tombé dans l'oubli, et c'est bien dommage. Je le recommande à ceux que le sujet intéresse.

Et si mon modeste avis ne suffit pas, voici ce que Roger Frison-Roche a dit : "Un "grand merci", Joseph Peyré, pour m'avoir fortifié par ces récits prémonitoires de la montagne et des déserts, qui m'ont dicté ma propre aventure."

Belle référence, non ?
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Matterhorn

Matterhorn. C'est ainsi que les Suisses alémaniques nomment le Cervin.

Matterhorn ou Cervin, cette montagne mythique et magnifique à la frontière entre la Suisse et l'Italie. Gaston Rébuffat l'appelait la "cime exemplaire" ; il l'a décrite dans La montagne est mon domaine d'une façon extrêmement poétique, imaginant un sculpteur à l'oeuvre, travaillant tel un artiste, faisant des choix à chaque étape de sa création pour aboutir à la perfection que l'on peut contempler.

Matterhorn.

Sommet géant et effrayant que quelques hommes fous ou ambitieux ou inconscients ou tout cela à la fois, viennent défier au péril de leur existence.

Montagne légendaire et maudite, elle a fait rêver bien des alpinistes et coûté la vie à beaucoup d'entre eux avant de céder finalement, conquise en 1865 par une expédition dirigée par Edward Whymper.

Mais la victoire se paie au prix fort.

Une glissade lors de la redescente entraîne la chute de quatre hommes ; les trois autres ne doivent leur survie qu'à la rupture de la corde qui les liait.

S'appuyant sur l'histoire du Matterhorn, Joseph Peyré invente des personnages et imagine une intrigue qui se glisse entre les faits réels et s'y insère parfaitement.



On retrouve dans ce roman le souffle épique des épopées anciennes.

Le ton et le contenu ont beaucoup vieilli, mais cela donne un certain charme à la lecture et correspond bien à l'époque décrite : celle où les aventuriers s'élançaient à l'assaut des sommets dans des vêtements et avec un matériel avec lesquels plus personne n'irait faire trois pas dans la neige. Le genre d'objets que j'aime voir dans les différents "musées de la montagne" que l'on peut visiter dans les Alpes.

Le genre d'objets qui font froid dans le dos lorsque l'on pense aux altitudes et aux difficultés affrontées avec un si maigre équipement. Lorsque l'on pense que certains ont attaqué avec si peu le Matterhorn dont la partie la plus haute est baptisée par l'auteur le "royaume des démons invisibles" !



On retrouve dans ce livre des aspects classiques de la littérature de montagne.

Le Matterhorn est personnifié. Autant craint qu'admiré, il se met en colère, il gronde, il attend son heure, il se venge, etc. Il est même par moments parfaitement vivant : "Le Matterhorn lui-même respirait doucement."

Pour le combattre, il faut un homme à la hauteur : Jos-Mari, dont le prénom révèle la foi catholique familiale. Le guide suisse est paré de toutes les qualités. Il est fort, honnête, généreux. Physiquement imposant, il semble indestructible. Guide hors-pair, il veille avec un professionnalisme constant sur sa cliente inexpérimentée. Jospeh Peyré utilise de jolies formules pour le décrire, telles que : Jos-Mari a la "patience des arbres".

Si vous êtes sensible au charme de l'ancien, Matterhorn pourra vous plaire : très bien écrit, un peu désuet, c'est un joli témoignage d'une époque révolue, tant pour ce qui concerne la vie quotidienne que l'alpinisme.
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Mont Everest

Amusant d'enchaîner ce livre après avoir vu le film d'animation « Le sommet des Dieux » adapté du manga de Taniguchi d'après le roman de Yumemakura. Bien sûr il y est aussi question de l'Everest et de Mallory qui a dit les quatre mots les plus célèbres de l'alpinisme en réponse à un journaliste qui lui demandait pourquoi il voulait escalader l'Everest : « Parce qu'il est là ». Le jour où son appareil photo sera retrouvé, on saura s'il est le premier conquérant du monde.

Jos-Mari part sur ses traces, accompagné de coéquipiers et porteurs. Il y décrit l'adaptation en montagne himalayenne loin de ses Alpes suisses. J'attendais beaucoup de ce récit et au final je m'y suis ennuyée. J'ai eu du mal à adhérer au style d'écriture.
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Souvenirs d'un enfant

Joseph Peyré est une célébrité locale, là où j'ai grandi. Son nom ne vous dit sans doute pas grand chose, pourtant il a même obtenu le prix Goncourt avec Sang et Lumières.

Je dois pourtant avouer, qu'à part quelques extraits lus au collège qui portait son nom et travaillé sur des pastiches de ces extraits, je n'avais jamais ouvert aucun de ces livres. Jusqu'à ce que je dégote, chez mes parents, cette édition Grasset de 1958 aux pages jaunies et détachées au coupe-papier.

Tout le récit se situe dans le village voisin de celui de mon enfance,mais près d'un siècle plus tôt et j'ai pu reconnaître les maisons, le château qu'il achètera plus tard et en particulier l'église. Peyré, fils d'instituteurs, neveu du maire de ce petit village à la frontière du Béarn, de la Gascogne et des Landes, grandit en élève brillant, sage, et sensible, rêvant d'aventures. Car des aventures, dans cette petite commune agricole, il y en a eu, et ce à ma très grande surprise: Un chevalier confident de Charles de France, duc de Berry, issu de la lignée des D'Aydie, et à la fin du dix-neuvième siècle, de jeunes hommes embarqués sur des bateaux basques en partance pour San Francisco, un oncle évanoui dans la pampa argentine, des villageois revenant de guerres napoléoniennes, et de jeunes filles Antillaises installées là sans qu'on en découvre la raison ici.

Finalement, ce roman autobiographique m'a bien plu et m'a fait découvrir un autre pan de ma région que je ne connaissais pas.

L'écriture est agréable, très classique, entre amour pour sa mère et respect pour son père. Sur bien des aspects, il m'a ainsi fait penser à notre Marcel Pagnol national...
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Mont Everest

Joseph Peyré nous livre dans ce beau roman le récit d'une ascension vers le mythique Everest, symbole de l'inaccessible, Graal des alpinistes, quête des grimpeurs prêts à risquer leur vie pour assouvir leur soif d'absolu.



On est rapidement conquis par la narration de cette expédition, menée par trois hommes aux caractères entiers, qui dévoilent au fil des pages la flamme intérieure qui les anime et les fait se diriger vers un même but, mais avec des aspirations bien distinctes.



Si Jewar Singh, l'hindou, chef de l'expédition, vit celle-ci comme une quête spirituelle, en se mettant dans la trace de Mallory (ce héros de l'inutile qui a laissé son empreinte à jamais pour les conquérants de l'Everest, en y disparaissant), Mac Pherson, l'irrascible Ecossais, lui, affronte la montagne comme un boxeur monte sur le ring, en avançant toujours, fort d'un corps qui semble être un rempart imprenable, à même de briser les assauts des vents glacés de l'Himalaya. Le troisième héros de cette Guilde, Jos-Mari,« l'homme suisse », l'homme-montagne, le géant au cœur d'or et au regard bleu, est quant à lui armé de ses conquêtes alpines, mais reste un novice de l'Himalaya, et partant, victime de ses pièges.



Le guide suisse, affrontant les tourments que la montagne sacrée lui inflige, témoigne d'une humanité si profonde, d'une grandeur d'âme si perceptible, qu'il va conquérir, avant d'affronter la Déesse des Neiges, les autres membres de l'expédition, tous ces héros anonymes que sont les porteurs, les fabuleux Sherpas, aux corps décharnés mais solides comme le roc qu'ils gravissent, en dignes héritiers des tribus dédiées aux altitudes inhumaines, vrais Tigres de la montagne .



Joseph Peyré nous conte dans ce beau roman une quête magnifique, une superbe aventure de montagne, aux accents arthuriens.



Pour clore, je rappellerai les mots qui résument peut-être le mieux la beauté de l'effort « inutile », ceux que Mallory figea dans l'âme des passionnés de la montagne.



A ceux qui lui demandaient pourquoi il voulait escalader l'Everest, Mallory répondit : « Parce qu'il est là » (Because it is here).
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Sang et lumières

Passer de l'ombre à la lumière, c'est ce que tout Torero recherche. Se trouver face au taureau au centre de l'arène, sous le soleil brûlant, implacable témoin du drame qui se joue dans le cercle de sable, et gagner la foule, la faire vibrer et être adulé tel un nouveau dieu, de course en course, telle est la trajectoire d'étoile visée par les hommes capés.



Mais que devient l'Homme à l'habit de lumière lorsque sa gloire s'étiole, que ceux qui l'ont acclamé tendent maintenant à le moquer ? Comment garder le fil du destin entre ses mains lorsque les poignets de verre et la jambe faible vous font douter, que grandit l'inquiétude lorsque il faut de nouveau se saisir de la muleta ?



Ricardo Garcias en est à ce moment fatal qui précède le déclin ou la résurrection, et si ses amis toujours fidèles, sa garde rapprochée, donnent encore l'illusion de croire en des lendemains chantants, tous savent cependant que le chant du cygne approche, et que les taureaux contre lesquels il faudra se mesurer peuvent trouver la voie fatale, qui peut conduire au déshonneur, ou à la mort. Tous savent que les blessures passées ont laissé des traces profondes, et pas uniquement dans le corps maintenant usé du Torero.



José, narrateur de la tragédie qui se dessine, voit son ami se ruiner en illusions amoureuses, accroché comme un funambule aux sentiments illusoires d'une maîtresse, tandis que la femme aimante se meure doucement de consomption. Cette dispersion du coeur et de l'esprit n'augurent rien de bon. Il faudra cependant bien à nouveau affronter l'arène, sa foule surtout, versatile et dangereuse, comme le sont les foules à la veille des guerres civiles. Il faudra encore sacrifier au rituel de l'habillage, rassurer le picador déjà bien trop vieux pour entrer en scène, et se placer face à l'animal fabuleux, le défier alors que la foule se défie de vous. Dans cet affrontement sanglant, le taureau fulmine, rejetant sa sourde colère contre tous ces pantins colorés qui le harcèlent. Ricardo sera face à lui-même, pour le grand spectacle.



Un très beau livre, qui ne doit pas rebuter ceux qui rejettent la tauromachie, car Joseph Peyré témoigne d'un immense respect pour le taureau, sans tomber dans le travers d'une adulation sacralisée pour le jeu sanglant de l'arène.
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L'Escadron blanc

Comme il est bon de découvrir des écrits ensommeillés, qui raniment la flamme de l'esprit d'aventure chez le lecteur...L'Escadron blanc est un beau récit, un très bon roman, qui met en lumière le temps si particulier de l'aventure méhariste, l'épopée de la conquête et de la garde du désert. Flamboyance des burnous, teintes merveilleuses des aubes et des crépuscules du désert, odeur du cuir de selle, toutes les sonorités chantantes des habitants du désert sont inscrites dans ce texte puissant.



Joseph Peyré nous entraîne dans l'aventure ensablée d'une troupe combattante du désert, 80 hommes montés sur leur méhara, ces navires fabuleux du désert a l'apparente asymétrie, mais à la résistance farouche, au rythme de marche dansant et lancinant, qui sait si bien s'adapter aux paysages lunaires dessinés par les dunes du désert.



L'Escadron, bras armé de la France en cette terre désolée mais superbe, est conduit par deux officiers, certes différents, mais que l'épreuve fatidique du désert va rapprocher. Figure du chef par excellence, Marçay, le Légionnaire au visage et au coeur buriné, dont l'âme ne s'anime qu'avec la promesse d'une course, d'une chasse, doute tout d'abord de Kermeur, le Spahi, jeune et fringant officier, ignorant tout du désert, mais qui saura se montrer, jusqu'à ses ultimes limites, digne de ses illustres prédécesseurs.



A ces hommes qui ont choisi de servir au pays du vent, Il est donné de vivre ce pour quoi leur compagnie montée a été conçue : partir traquer et anéantir le Rezzou. Pour cela, il faut couper la route de ces derniers nomades du désert, pour livrer enfin l'ultime combat qui doit décider de leur survie.



On est transporté par ce récit flamboyant, où l'on voit le désert menacer d'ensevelir peu à peu les hommes au burnous, en même temps qu'il paraît ensevelir les derniers espoirs du chef d'exception. Mais il n'y a pas de renoncement, car il n'y a pas de retour en arrière possible.



Joseph Peyré nous entraîne dans une course contre le temps et les éléments qui prend, au fil des jours et des kilomètres avalés, une dimension tragique. Les longues et terribles journées de marche, rythmées par le battement des guerbas et les récriminations gutturales des dromadaires épuisent tous les hommes, et les plus vigoureux ne sont pas épargnés par la loi implacable du désert. le soleil assomme les hommes sous les chèches, tandis que les guides et leur chef tentent de deviner l'itinéraire du Rezzou. Pas de faiblesse chez ces hommes rudes et sauvages, disciplinés sous le drapeau français, qui restent confiants dans l'aura du chef et la promesse du raid, l'appel du sang, l'espoir de la razzia.



Joseph Peyré, qui n'a pas connu les affres de la vie du nomade du désert, a pour autant ici écrit des pages superbes, et décrit avec une authenticité rare, l'âme méhariste. Voici une lecture qui en appelle d'autres, il est bien regrettable que de si beaux écrits ne soient pas réédités.
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Matterhorn

"Vieux ou jeunes,ils étaient tous du même grain,et leurs mains enfouies au fond des poches des knickers,ou nouées derrière le dos,à la façon paysanne,portaient le cal du piolet,du rocher,de la corde,les stigmates de leur métier:la charge d'âmes à assurer vers les sommets."

Ces quelques mots, même réduits à "charge d'âmes" ou "stigmates" pourraient résumer à eux seuls le rôle poussé à l'angélisme des guides de haute montagne, du jeune guide suisse Jos-Mari, héros de Matterhorn, choisi par Joseph Peyré (écrivain hors-normes du XX° siècle, à présent décédé, qui a reçu le prix Goncourt 1935 pour Sang et lumières) pour porter sa fragile cliente Kate Bergen jusqu'aux sommets malgré son manque de pratique,son obstination dangereuse et surtout en dépit des forces incontrôlables des éléments déchainés.

Jos-Mari:un prénom à la fois Joseph et Marie pour montrer la foi indestructible de ce guide investi de "mission", car il ne s'agit pas ici d'une simple course en montagne.Kate, délaissée par son mari Ludwig, s'entraine pour accomplir avec lui ce "chemin de croix" et retrouver son amour perdu.C'est seule avec Jos-Mari, et son vide intérieur qu'elle affrontera les forces démoniaques déchainées de la tempête et le mal qui la ronge.

Ce roman d'aventure, où l'amour qui pourrait être, reste chaste car issu d'une relation maternelle entre le guide et sa cliente, est pour moi un chef-d'oeuvre classique que le temps ne doit pas permettre d'enterrer.

On retrouve ici la montagne personnifiée, inhumaine ("il n'y a pas d'histoire humaine au Matterhorn") comme dans Colline de Jean Giono, mais un Matterhorn à la "nuque de lion de mer dressé au combat" à la fois bon et mauvais, ambigu. On retrouve le dépassement de soi cher à Saint-Exupéry.

On retrouve le thème de la solitude désespérée cher à l'auteur Joseph Peyré qui dans Sang et lumières choisit un toréador préparant son suicide dans les arènes.

Et surtout il faut saluer l'écriture limpide de l'auteur, sa fine description psychologique des personnages (Jos-Mari a "la patience des arbres",c'est un garçon "massif", au "coeur solide"courageux, il est fiancé et se trouve perdu face à la douceur fragile de Kate), le sens du décor naturel et communautaire (Davidson "prophète décharné, vieux fou qui prédit des morts futures; Mistress Key "agitée aux cheveux roses" qui veut créer un ermitage, Rudi le champion de ski provocateur, le vieux guide Mathias et son "emphysème", le chien Wolf sous le charme de Kate...), le maniement des émotions (entre bonheur et angoisse)

Il est des livres qu'on garde précieusement comme un morceau d'enfance ou un leg.

Ma version date de 1939 mais ses pages jaunies tiennent toujours la route!!!!
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Le chef à l'étoile d'argent

Pour ceux qui ne savent situer un texte dans son époque et sont chagrinés par un roman de guerre ce livre n'est pas peur eux.



Pour les autres on a un bon roman, une belle écriture, des hommes d'un autre temps ... et le désert magnifiquement évoqué et personnage principal autour duquel se noue l'histoire et les personnages.



Au tout début de la première guerre mondiale un combat se joue au Sahara entre l'armée des colonisateurs, ici la France et des groupes de locaux regroupés, déjà, sous le drapeau vert .



le chef à l'étoile d'argent commandant français amoureux du désert ne vit que pour traverser celui -ci accompagné de ses guides et de sa chamelle. Quand il se retrouve coincé dans un fort, comme les marins qui ne savent quoi faire d'eux à terre, il dépérit. Les méharistes ne sont pas fait pour être sédentaires. Malgré l'amour de la belle Fatoum , notre commandant se languit.



Le voilà enfin, envoyé dans un autre endroit pour contrer l'armée adverse, ce sera une catastrophe tactique et humaine et le désert saura montrer le pire de lui-même à ces hommes entêtés et fiers.
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Matterhorn

Matterhorn, telle est la désignation alémanique du Cervin, ce fabuleux sommet des Alpes, qui s'élève à 4478 mètres. Tel est donc le titre de ce beau livre de Joseph Peyré, un récit à la fois simple, dans le sens où il relate les événements se déroulant sur un été autour de la station suisse de Zermatt, avec l'évocation typique de la vie en montagne, et partant, des montagnards, et un récit où perce cependant une réelle profondeur. En premier lieu, la profondeur d'âmes des deux principaux personnages, celle de Jos-Mari, le guide au cœur grand comme les montagnes, et celle de Kate, la jeune femme qui a fait vœu de gravir le Matterhorn pour déposer au sommet tous ses doutes, ses souffrances et ses espoirs.



Derrière le cheminement et le long apprentissage qui doit permettre cette ascension, qui ne semble jamais devoir se faire, le Matterhorn apparaît comme un titan endormi, que la folie ou l'orgueil des hommes qui le gravissent, réveille au plein cœur de l'été, pour s'ébrouer dans sa colère de sommet terrible, prêt à jeter au précipice les impudents qui osent orner ses flancs.



Cette ombre gigantesque, cette légende noire du Matterhorn, est chantée comme une antienne par un homme, que les autres ne comprenant pas désignent comme un fou, Davidsen, qui fouille continuellement la liste des victimes de la noire montagne, tel un prophète malheureux.



Ainsi, la mythique et terrible ascension de l'arête du Hörnli, en 1865, dernier grand exploit de l'alpinisme dans les alpes, fut payée au prix lourd, puisque quatre des sept membres de la cordée finirent dans l'abîme. Cette folle ascension donc, résonne tout au long de l'histoire contée par Joseph Peyré comme une malédiction. Le chapelet des cordées qui grimpent dans la nuit pour atteindre la croix du sommet pyramidal est voué à se rompre.



Jos-Mari, touché par la pureté de la démarche de Kate, sa « cliente », s'efforcera de restituer à la montagne son vrai visage, de pleine beauté, qui impose à tous de la respecter, car effectivement pleine de dangers.
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Mont Everest

Quatre hommes, suivis de porteurs et de bêtes de somme, se lancent à l'assaut du « sommet du monde » : Jewar Singh, le prince hindou, qui va chercher dans ce haut lieu une initiation spirituelle ; l'Écossais Mac Pherson, préoccupé de victoire sportive et de gloire nationale ; Jos-Mari, le guide suisse aux muscles de géant, qui, grâce à sa pureté, prend bientôt figure de jeune dieu aux yeux du quatrième équipier, le Tibétain Nima.



En présence de difficultés matérielles inouïes, c'est un drame humain qui se noue, car ces hommes, bien que tendus vers un but commun, sont des êtres si différents qu'ils ne peuvent que se heurter. Le dénouement de ce drame grandiose se joue lors de l'ascension des 400 derniers mètres, épreuve de force dont tous ne sortiront pas vivants...
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L'alcalde de San Juan

Troisième et dernier volet de la « Trilogie andalouse » (après « Les Lanciers de Jerez » et « Les Remparts de Cadix »), « L’alcalde de San Juan » met un terme aux aventures de Saint-Armou, cet officier français de l’armée de Napoléon, partagé entre deux patries, la France où il est né, et l’Espagne qui est devenu son pays de cœur.

Le fringant officier que nous avons connu a maintenant un peu vieilli, et surtout il a perdu beaucoup d’illusions sur l’Empereur et sur l’épopée napoléonienne. Il participe à la campagne de Russie, puis à la campagne du sud de la France (avec notamment la bataille d’Orthez, qui consacre la victoire de Wellington), et enfin à Waterloo qui voit sombrer la gloire de l’Empire (comme dirait Jean d’O). C’est donc un être profondément déçu qui finalement retourne en Espagne, où il va trouver la consolation dans les bras de Cayetana de Tojar qu’il finit par épouser. Jaime son frère, partage avec lui la même déception, non pas sur Napoléon, qui était son ennemi, mais sur son propre souverain (Ferdinand VII) qui se comporte comme un véritable dictateur, partisan d’un absolutisme… absolu. Saint-Armou, finalement trouve l’apaisement dans sa patrie d’adoption, et devient même un notable, l’alcalde (maire) de San Juan.

Ce dernier volet, tout aussi riche en péripéties que les précédents, a une teinte beaucoup plus sombre, à l’image de ses héros, Joseph-Marie Saint Armou et Jaime de Tojar, également déçus par ces années de luttes qui n’aboutissent à rien (les Français partis, les Espagnols tombant dans un régime tout aussi injuste). Joseph Peyré, dont on mesure à chaque phrase l’amour qu’il porte à ce pays, nous délivre ainsi plusieurs messages : son roman (sa trilogie, devrais-je dire), est un roman historique, en ce sens qu’il nous raconte tout un pan de l’histoire française et espagnole, mais vue d’un côté où on ne l’attend pas. Au rebours de toute une littérature qui a créé la légende napoléonienne, Peyré dresse un tableau particulièrement sombre de l’épopée : il ne rechigne pas à montrer le caractère injuste de la conquête, et de la même façon il ne fait pas de cadeaux aux autorités qui reprennent les rênes de l’Espagne après le départ des Français. Ensuite, Joseph Peyré, lance un véritable plaidoyer pour le vivre ensemble. A l’époque où il écrit (début des années 60) la décolonisation est en train de se faire. L’auteur semble nous dire : une colonisation, ce n’est pas imposer une culture à une autre (par les armes, par l’économie, ou par la religion), mais au contraire en pratiquant l’osmose de ces deux cultures. Assimilation, plutôt que colonisation (mais il aurait fallu y penser bien avant !) Joseph Peyré, avec lucidité, constate que le fanatisme, l’aveuglement des foules pour des théories dangereuses émises par des élites (même pas une idéologie, d’ailleurs, souvent des preuves d’ambition démesurée) mènent les peuples à un échec certain. L’Histoire nous en en a donné maintes preuves (et ça continue !)

Joseph Peyré, merveilleux conteur, se permet aussi quelques allusions à l’Espagne contemporaine (en 1963, Franco est toujours au pouvoir, avec ses deux alliés incontournables et indéfectibles, l’armée et l’Eglise catholique). Et par-dessus tout, c’est un message de paix et de fraternité que nous délivre Joseph Peyré, grand romancier méconnu (avec un style d’une rare pureté), et grand homme, également.

Encore une fois, il faut regretter que cette trilogie ne soit pas rééditée. Messieurs les éditeurs (et mesdames les éditrices, il y en a aussi), plutôt que nous faire lire des âneries, ou pire des choses dangereuses et pernicieuses qui faussent l’esprit, ressortez du placard ces vieux auteurs qui peuvent vraiment trouver un nouveau public, parce qu’ils sont porteurs de valeurs qu’on peut trouver aujourd’hui désuètes, mais qui n’en sont pas moins éternelles !

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Sous l'étendard vert

La veine « saharienne » de Joseph Peyré couvre huit romans, tous se déroulant dans l’immensité du désert et suivant un ordre chronologique particulier :

« Proie des ombres » (publié en 1943) raconte la mission Flatters de 1881 : une expédition militaire et scientifique totalement anéantie par une attaque de Touaregs.

« Coups durs » (publié en 1935) est un recueil de nouvelles sur quelques grandes figures du Sahara, dont Laperrine, à partir de 1902.

« Le Chef à l’étoile d’argent » (publié en 1933) et « Sous l’étendard vert » (publié en 1934) relatent avec réalisme et passion le soulèvement senoussiste des années 1915-1916.

« L’escadron blanc » (publié en 1931) (qui reste le roman le plus célèbre de Peyré dans ce domaine) évoque magistralement l’un des derniers « contre-rezzous » en 1928. (un contre-rezzou est une expédition punitive contre les auteurs d’une razzia – attaque surprise – opérée par des rebelles)

« Croix du Sud » (publié en 1942) se situe au début de la Seconde Guerre Mondiale et annonce la fin d’un monde : les méhara (dromadaires) cèdent peu à peu la place aux engins motorisés.

« Sahara éternel » (publié en 1944) confirme le lien entre la France et le Sahara, à travers des évocations sensibles (Saint-Exupéry, Dupeyrier…)

Enfin « De sable et d’or » (publié en 1957) salue l’émergence d’un nouveau Sahara, celui du pétrole et des derricks. L’occasion aussi pour l’auteur, de rappeler l’Histoire et d’aborder le délicat problème de la colonisation (d’un point de vue très nettement colonialiste) : plaidoyer pour la présence française (en pleine guerre d’Algérie) c’est un hommage « à l’œuvre civilisatrice et humaine de la France ».

Si cette position, dans les années 30, était « dans l’air du temps », elle devient plus polémique au lendemain de la Seconde Guerre Mondiale quand les pays colonisés, dans le monde entier, aspirent à l’indépendance.

« Sous l’étendard vert » reprend donc sous la forme romanesque le contexte historique de la révolte senoussiste. Plus encore que dans « Le chef à l’étoile d’argent » l’arrière-plan historique détermine les ressorts de l’action, en particulier le ralliement des tribus du Hoggar à la rébellion, un djihad fomenté par l’empire ottoman en 1915 et 1916.

Nous restons confondus devant le savoir-faire de Joseph Peyré. A le lire, personne ne peut penser qu’il n’a jamais connu le Sahara. Il tient toute sa documentation de son frère, médecin méhariste. Et grâce à une faculté d’adaptation extraordinaire, il nous fait toucher du doigt (et des yeux et des oreilles et du nez) toutes les sensations du désert, comme si l’on y était. C’est bien une littérature d’aventure et d’évasion, mais on pourrait la qualifier également d’ethnologique, de géographique, d’historique et de scientifique, tant le compte rendu est prenant, précis, riche et surtout vraisemblable.

A travers ces huit volumes d’intérêt divers (les uns touchant au chef-d’œuvre, d’autres avoisinant le plaidoyer colonialiste), Joseph Peyré, avec une belle maestria, se fait l’historien attachant d’une épopée, celle du Sahara français, qui somme toute, fait partie de notre histoire.











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L'Escadron blanc

Après la Première Guerre Mondiale, les Français avaient besoin de se changer les idées, un souffle d’aventure et d’exotisme était nécessaire pour effacer les années atroces qui venaient de s’écouler. Quelques auteurs choisirent ce créneau porteur – et n’eurent pas à s’en plaindre : Pierre Benoit et Joseph Peyré sont les plus connus, mais on peut citer aussi Maurice Dekobra ou Claude Farrère, ou dans des genres voisins Pierre MacOrlan ou Roger Vercel.

Joseph Peyré, comme Pierre Benoit, eut son heure de gloire et peu à peu, comme son confrère et ami, tomba dans un oubli injustifié. Pourtant tous deux ont des qualités littéraires évidentes : excellents prosateurs, ils troussent des romans ou l’exotisme et la romance se mêlent à l’aventure, faciles à lire, et d’une bonne tenue littéraire qui les met largement au-dessus des « romans de gare » ou des « romans féminins » (ce terme aujourd’hui suspect désignait alors les productions – très courues – de Delly et Max du Veuzit, entre autres).

Joseph Peyré, (1892-1968), à la différence de Pierre Benoit, s’est cantonné dans trois domaines d’exploration : le Sahara (« L’Escadron blanc » - 1931, « Le Chef à l’étoile d’argent » - 1933, « Sous l’étendard vert » - 1934, « Croix du Sud » - 1942, « La Légende du goumier Saïd » – 1950) ; l’Espagne (« Sang et lumières » - 1935, « L’Homme de Choc » - 1936, « Roc-Gibraltar » - 1937, « Guadalquivir » - 1952, « Une fille de Saragosse » - 1957) et la haute montagne (« Matterhorn » - 1939, « Mont-Everest » - 1942), plus quelques hommages appuyés au Béarn et au Pays basque, terroirs de son enfance (« Jean le Basque » – 1953, « Le Puits et la maison » - 1955)

« L’Escadron blanc » (1931) raconte l’épopée héroïque d’une troupe de légionnaires, partis dans le désert à la chasse de pillards. Nous vivons le quotidien de ces hommes à la fois terriblement humains et héros par la force des choses. Parce que c’est bel et bien de l’héroïsme que d’affronter le désert dans ces conditions : par lui-même le Sahara constitue une menace : la chaleur, la soif, les points d’eau éloignés, la maladie, l’épuisement ; l’ennemi invisible, qui peut attaquer à n’importe quel moment (cette attente angoissante rappelle « Le Rivage des Syrtes » de Julien Gracq, ou « Le Désert des Tartares » de Dino Buzzati) ; il ne faut pas moins que la volonté des chefs et une certaine notion de l’Honneur militaire pour les aider à tenir le coup.

Bien entendu, nous sommes en plein Empire Colonial. Le discours se veut patriotique, et c’est assez dans l’air du temps. D’ailleurs, le Sahara et l’armée d’Afrique sont attractifs pour les romanciers (on pense à « L’Atlantide », de Pierre Benoit). Mais chez Joseph Peyré, plus encore que chez Pierre Benoit, la description du quotidien contribue à la sensation d’étouffement et de chaleur : les burnous, les dromadaires au pas chaloupé et aux blatèrements de crécelles, les odeurs corporelles, animales, et ces couleurs criardes où dominent le jaune le blanc et le bleu, l’auteur nous fait physiquement ressentir ce que ressentent ces hommes. Du grand art.

Un grand roman à redécouvrir. Un grand auteur à remettre au goût du jour.

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Le Pré aux ours

Pourquoi conservons-nous si longtemps certains livres ( jamais lus) depuis les couloirs de l'enfance dans un coin de notre bibliothèque ?

Qu'est ce qui fait qu'un matin, près de 40 ans après l'avoir reçu, l'ouvrage nous appelle enfin ?

Nous tente.

Il avait pourtant déjà été ouvert, regardé (superbes illustrations entre naïveté et tendre réalisme), lu sur quelques paragraphes. .. puis à chaque fois reposé.

C'est qu'on n'est  pas prêt à se plonger dans l'univers livresque proposé.



Ici, il s'agit du Béarn de la première moitié du 20 ème siècle.

C'est un poète qui nous conte la douce histoire de Jausèp, ce tout jeune paysan vouant une passion incroyable  aux animaux ainsi qu'à sa terre.



L'ours le fascine, et un voyage inattendu avec un berger et son patou jusqu'au sommet au coeur des Pyrénées sauvages  lui fera toucher ce à quoi il aspire le plus : une complicité immuable entre ce puissant animal et l'homme.



Ce très beau texte à réserver aux collégiens aguerris du grand écrivain pyrénéen  Joseph Perey offre là aux jeunes, en hommage au Béarn,  un hymne à  l'amour de la nature et de la solitude.



Il me fallait donc du recul, probablement une plus fine compréhension de ma propre  histoire (un peu béarnaise),  et aussi beaucoup d'autres lectures, en amont, pour pouvoir apprécier la sincérité et la poésie de ce conte tout droit sorti des longs couloirs du temps.
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